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AGIR : L’avant goût (amer) d’une justice privée sur le web.

Jeudi 6 novembre, un huissier a transmis à notre coopérative le courrier
d’un
cabinet d’avocats. Ce pli nous menace de poursuites, au nom de la société
Métrobus, si nous ne bloquons pas immédiatement l’accès à l’un des sites
hébergés stopub.ouvaton.org : celui du collectif ayant appelé à des actions anti-publicités
dans
le métro parisien. Cet événement est à rapprocher d’une démarche similaire
conduite il y a quelques jours à l’encontre du R@S, un autre hébergeur
indépendant, à propos d’un site syndical. On remarquera qu’Ouvaton et le R@S
sont les deux hébergeurs qui, aux côtés d’IRIS, de la Ligue des Droits de
l’Homme et de l’union syndicale-G10 solidaire, ont été les premiers
signataires de la pétition contre une disposition du projet de Loi sur
l’Economie Numérique (LEN) qui, si elle était votée, modifierait
substantiellement le régime de responsabilité des hébergeurs de sites web.

La législation actuelle requiert qu’un hébergeur se doit de tenir à la
disposition de la justice les coordonnées fournies par ses clients, ainsi
qu’un certain nombre d’indications techniques. Il ne peut être condamné que
s’il a manqué à son obligation de recueil d’identité et de conservation des
identifiants de connexion, et bien entendu s’il n’obtempère pas à une
demande
judiciaire de suppression de contenu. La loi en vigueur entérine le fait que
l’hébergeur est un simple intermédiaire technique. Il ne peut pas être
poursuivi pour les contenus éditoriaux des pages qu’il stocke sur ses
serveurs dans le cadre de la vente de services d’hébergement, comme un
propriétaire ne pourrait être poursuivi pour des fautes commises par un de
ses locataires. C’est la raison pour laquelle ni Ouvaton ni le R@S n’ont
donné suite aux demandes des avocats en avance d’une loi.

En effet, le projet gouvernemental qui va être examiné prochainement en
seconde lecture à l’Assemblée Nationale prévoit d’assigner aux hébergeurs un
rôle bien différent. Ceux-ci seraient mis en cause s’ils n’ont pas agi "
avec
promptitude " pour rendre impossible l’accès à des données dont ils " ont eu
la connaissance effective [du] caractère illicite, ou de faits et
circonstances faisant apparaître ce caractère illicite ". La loi en
gestation
demande donc que les hébergeurs statuent sur le caractère licite ou non de
contenus qui leur seraient signalés... par n’importe qui.

Qu’on ne s’y trompe pas. Il n’est pas question ici de gagner en efficacité
pour lutter contre la pédophilie ou la circulation d’idées vénéneuses, le
droit tel qu’il est, fait très bien l’affaire et les jugements en référé
peuvent faire cesser immédiatement les troubles à l’ordre public.

La coopérative Ouvaton existe depuis trois ans, elle héberge 3500 sites.
Nous
avons été sollicités à trois reprises par la justice pour fournir des
éléments d’authentification, mais aucune demande de fermeture de site n’a
été
formulée. Par ailleurs, l’initiative de Métrobus est la seconde tentative
d’intimidation que nous subissons. On voit donc que les " plaintes " sont
peu
nombreuses : le projet contenu dans la LEN n’est pas là pour alléger le
travail des tribunaux et des brigades de gendarmerie. Au contraire même.

Ajoutons à l’observation du nombre une étude rapide de la nature des
plaintes : un élu mécontent de ce que disent de lui les opposants d’un
projet
de plateforme multimodale de transport, des bisbilles associatives entre
anciens dirigeants qui dégénèrent sur la place publique, un maire malmené
dans un forum de discussion du site d’un de ses administrés... On comprend
immédiatement qu’une évaluation de la plainte par l’hébergeur est
impossible.
Si la République forme et rémunère policiers et magistrats, c’est à 
l’évidence que la détermination de ce qui est légal ou non n’est pas chose
facile. Quelle que soit l’attitude de l’hébergeur forcé de dire le droit
sans
en avoir les réelles compétences, il risquera une plainte de l’une ou
l’autre
des parties. La LEN va multiplier les conflits.

Les avocats s’en plaindront moins que les juges. Nul ne s’étonne alors
qu’ils
trépignent d’impatience à ce qu’elle soit mise en oeuvre et lancent ici ou là 
des ballons d’essai, y compris vers ceux qui parmi les hébergeurs adoptent
une position stricte de refus du rôle que les députés et sénateurs semblent
vouloir leur attribuer.

Pourquoi souhaiter que chaque hébergeur se transforme en enquêteur de
police,
juge d’instruction et tribunal à la fois, et ainsi mettre en place une
justice privée forcément expéditive ? Pourquoi créer un espace où régnera la
loi du plus fort, la loi du plus riche, de celui à la voix la plus
menaçante ? Est-ce pour favoriser le développement de la confiance numérique
et faciliter le commerce, ou pour permettre de museler le web, outil
d’expression directe des citoyens ?

Les quelques centaines de milliers de Français qui gèrent un site web ne
peuvent accepter une loi qui les placerait à la merci du premier courrier
recommandé adressé à leur hébergeur. Les hébergeurs ne peuvent prendre le
risque d’une loi qui les logeraient entre le marteau et l’enclume. La
liberté
d’expression, le respect des personnes, les droits sur la propriété
intellectuelle sont trop important pour que l’on décide, dès lors qu’on est
sur le web, de ne plus les faire appliquer par les structures communes dont
notre société s’est dotée. Rencontrons nos élus afin de leur expliquer en
quoi ils s’apprêtent à voter une disposition inutile et dangereuse. Il faut
modifier ce projet de loi, il en est encore temps.

Source www.ouvaton.coop

Transmis sur Imc-france-info par Yann Forget www.non-violence.org, site collaboratif sur la non-violence.

*** *** ***

ASSIGNATION D’OUVATON

(18/11)

Ouvaton vient de prendre connaissance du texte de l’assignation devant le tribunal des référés la semaine prochaine et a constitué avocat pour faire face à la demande de condamnation formulée par la société Métrobus.

Ouvaton qui a toujours fourni les informations sollicitées par la justice juge inacceptables pour le moins les termes et la forme de la demande de Métrobus.
http://ouvaton.coop

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