RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Affaires des caricatures ou la liberté de stigmatisation collective

Partons d’abord d’un constat. Comme le souligne André Tosel, les conflits identitaires ont tendance de plus en plus à surdéterminer les conflits sociaux. Le dipôle civilisation/barbarie ou Occident/Islam, qui pose deux principes irréductibles, acquiert un pouvoir explicatif du monde intangible. L’autre, c’est le musulman, celui dont les traits divergent le plus du modèle-type capitalisto-occidental. Ce modèle conceptuel dualiste se retrouve aux antipodes de la thèse marxiste de la lutte des classes. Cette opposition «  culturelle », au sens large du terme, où le religieux occupe une place centrale, supplante les dimensions économique et sociale de l’existence. La société n’est plus clivée verticalement par les différenciations idéologiques entre bourgeois et capitalistes mais par les particularismes ethnico-religieux.

La question de la libre circulation des opinions et du droit à la satire est un sujet d’intérêt public qui fait l’objet de plusieurs interprétations.

Certains estiment que la liberté d’expression doit être farouchement défendue en toutes circonstances là où d’autres pensent que la liberté d’expression est relative et peut être circonscrite par des critères moraux (principe de prudence, prise en compte des sensibilités, du contexte historique,…) ou légaux. Disons que ce débat est ouvert et légitime et que nous n’avons pas pour objet de le trancher.

Notons tout de même que le droit comporte des dispositions restrictives, telle que la diffamation, les déclarations injurieuses, l’incitation à la haine ou l’appel à la discrimination contre les minorités. La Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie en 2007 par des citoyens suédois qui avaient distribué des tracts jugés homophobes par les tribunaux suédois. La Cour a estimé que la justice suédoise était dans son bon droit et donc que le principe général de liberté d’expression pouvait connaître des limites en certaines occurrences jugées légitimes. 

Ce qui fait débat, c’est l’instrumentalisation et l’usage à géométrie variable du droit à la liberté d’expression. Ce droit est absolu ou non selon la cible. Charlie Hebdo qui se prévaut d’un traitement équitable et indiscriminé, concentre ses critiques les plus virulentes contre la communauté musulmane. De façon récurrente, on y retrouve des propos incendiaires et des analogies méprisables qui assimilent l’islam au terrorisme. Cette approche est encore plus inique si on la met en balance avec la défense inconditionnelle et chevaleresque qu’elle fait de la question juive et sioniste. Philippe Val n’a jamais d’ailleurs dissimulé sa passion pour Israël.

En France, les griots du sionisme et de l’atlantisme ont une liberté de tribune discrétionnaire alors que toute personne qui ose un tant soit peu égratigner Israël ou le judaïsme est publiquement maudit. Pourtant, la propagande prétend que c’est l’islam qui est par essence liberticide et qu’il n’admet pas la critique. Cette idée même participe de la stigmatisation des populations arabo-musulmanes. Caroline Fourest, Eric Zemmour, Oriana Fallaci ont fait de l’islamophobie, avatar d’un racisme qui ne dit pas son nom, un fond de commerce très rentable.

L’affaire Siné illustre parfaitement ce principe à deux vitesses. Quel est le grand crime de Siné qui lui a valu d’être viré sans ménagement ? Siné avait osé écrire «  Jean Sarkozy, digne fils de son paternel et déjà conseiller général de l’UMP, est sorti presque sous les applaudissements de son procès en correctionnelle pour délit de fuite en scooter, écrivait-il alors. Le Parquet a même demandé sa relaxe ! Il faut dire que le plaignant est arabe ! Ce n’est pas tout : il vient de déclarer vouloir se convertir au judaïsme avant d’épouser sa fiancée, juive, et héritière des fondateurs de Darty. Il fera du chemin dans la vie ce petit ! ». Pour Philippe Val, il existe soudainement des bornes à la liberté d’expression à savoir le racisme et l’antisémitisme (surtout dirais-je) et Siné aurait « dépassé cette limite ». Bernard-Henri Lévy avait, qui n’est pas à une contradiction près, estime que le dessinateur avait « passé la ligne jaune » de l’irrévérence et qu’il avait mis ses « pieds dans les traces qui sont celles du vieil antisémitisme français ». Une fois encore ce sacro-saint antisémitisme agité par les gardiens de l’ordre sioniste qui vaut une condamnation à mort professionnelle. Eux seuls ont le droit de dépasser «  la ligne jaune » de l’offense et de l’impertinence.
 
Cui bono ? On ne peut pas décemment penser que les attaques répétées des médias occidentaux contre les musulmans sont exemptes de visées politiques. Il s’agit d’attiser les haines et d’accréditer l’approche dichotomique du «  nous » contre les «  autres », du «  bien » contre le «  mal ».
 
Sortons de ce faux dilemme qui oppose les chantres de tous bords du conflit de civilisation. Malgré les apparences, la confrontation première est une confrontation entre dominants et dominés, entre impérialistes et anti-impérialistes, entre bourgeois et socialistes. Face à l’offensive néolibérale, il est plus qu’impérieux de régénérer une conscience de classe internationaliste sans tomber dans le piège du repli identitaire. C’est le défi de notre temps !

Emrah Kaynak

URL de cet article 17933
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

« Cremada » de Maïté Pinero
Bernard Revel
Prix Odette Coste des Vendanges littéraires 2017 Maïté Pinero est née à Ille-sur-Têt. Journaliste, elle a été correspondante de presse en Amérique Latine dans les années quatre-vingts. Elle a couvert la révolution sandiniste au Nicaragua, les guérillas au Salvador et en Colombie, la chute des dictatures chiliennes et haïtiennes. Elle a écrit plusieurs romans et recueils de nouvelles dont « Le trouble des eaux » (Julliard, 1995). Les huit nouvelles de « Cremada », rééditées par Philippe Salus, illustrent (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

Ces villes gérées par l’extrême-droite.
(L’article est suivi d’un « Complément » : « Le FN et les droits des travailleurs » avec une belle photo du beau château des Le Pen). LGS Des électeurs : « On va voter Front National. Ce sont les seuls qu’on n’a jamais essayés ». Faux ! Sans aller chercher dans un passé lointain, voyons comment le FN a géré les villes que les électeurs français lui ont confiées ces dernières années pour en faire ce qu’il appelait fièrement « des laboratoires du FN ». Arrêtons-nous à ce qu’il advint à Vitrolles, (...)
40 
Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Comment Cuba révèle toute la médiocrité de l’Occident
Il y a des sujets qui sont aux journalistes ce que les récifs sont aux marins : à éviter. Une fois repérés et cartographiés, les routes de l’information les contourneront systématiquement et sans se poser de questions. Et si d’aventure un voyageur imprudent se décidait à entrer dans une de ces zones en ignorant les panneaux avec des têtes de mort, et en revenait indemne, on dira qu’il a simplement eu de la chance ou qu’il est fou - ou les deux à la fois. Pour ce voyageur-là, il n’y aura pas de défilé (...)
43 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.