"De Manbij à Bobigny, nous luttons contre l’oppression et l’injustice !" Des combattants français en Syrie ont publié un communiqué en soutien aux salariés d’Air France, jugés mardi 27 septembre pour violences envers des dirigeants dans l’affaire de la "chemise arrachée". Le message, relayé sur la page Facebook de la CGT Cheminots Versailles le premier jour du procès, est accompagné d’une photo montrant cinq hommes cagoulés et armés au milieu de ruines. Derrière eux, un slogan tagué sur un muret : "Liberté pour les 16 d’Air France ! Victoire pour la CGT !"
Ce message est signé de la brigade Henri Krasucki, du nom d’un ancien résistant juif et leader de la CGT, mort en 2003. "C’est de la ville de Manbij nouvellement libérée que nous nous adressons à vous, précise le communiqué. Nous, combattants français de la brigade Henri Krasucki (...), soutenons la journée de mobilisation contre la répression (...) et apportons notre soutien aux syndicalistes d’Air France et à toutes celles et ceux qui luttent."
"Notre but n’est pas différent du vôtre"
"Le 27 septembre se tiendra le procès des 16 syndicalistes d’Air France poursuivis pour ne pas s’être pliés devant leur direction et pour avoir exprimé leur juste colère à travers le sacrifice d’une chemise, poursuit la brigade Krasucki. Une chemise contre des centaines de vies de travailleuses et de travailleurs brisées."
Ils expliquent lutter "loin de chez [eux] pour le peuple syrien opprimé par les années de guerre et successivement par les régimes dictatoriaux et fascistes jihadistes". "Si nous luttons contre l’organisation terroriste fasciste Daech [le groupe Etat islamique], notre but n’est pas différent du vôtre : liberté et justice !", concluent-ils.
Des adhérents ou sympathisants de la CGT
Il peut sembler étrange de voir des combattants français en Syrie s’exprimer au sujet du procès Air France. La CGT Cheminots Versailles assure toutefois que la photo est authentique. Elle aurait été prise à Manbij, une ville proche d’Alep, dans le nord du pays, reprise au groupe Etat islamique par les combattants kurdes du PKK (le Parti des travailleurs du Kurdistan, d’obédience marxiste) au mois d’août. Libération note d’ailleurs que des symboles de l’organisation terroriste sont encore visibles sur un bâtiment, derrière les combattants français qui figurent sur cette photo.
Le communiqué et le cliché ont été transmis mardi 27 septembre à la CGT Cheminots Versailles par un syndicat britannique, le RMT. Plusieurs adhérents du mouvement sont partis se battre aux côtés du PKK dans le Rojava, le Kurdistan syrien.
"Ces camarades britanniques ont formé la brigade Bob Crow [du nom de l’ancien secrétaire général du syndicat de cheminots britannique] et sont très actifs sur les réseaux sociaux, explique le secrétaire général de la CGT Cheminots Versailles, contacté par franceinfo. Nous relayons régulièrement leurs actualités sur notre page, parce que l’idée que des Européens privilégiés partent se battre contre le fascisme en Syrie nous semble assez belle."
La CGT ignore l’identité de ces "sympathisants"
Le responsable syndical assure donc que ce "canal d’info est sûr". "C’est en s’inspirant du modèle [de la brigade Bob Crow] que cinq camarades cégétistes et sympathisants, engagés au combat dans le bataillon international aux côtés des camarades du RMT, ont décidé de se constituer symboliquement en brigade Krasucki", explique encore l’antenne locale de la CGT dans les commentaires du post Facebook.
"Nous ne connaissons par le nombre exact de sympathisants de la CGT qui forment cette brigade, ni leur identité, précise le secrétaire général de la CGT Cheminots Versailles à franceinfo. Tout comme les membres de la brigade Bob Crow, ils ne donnent pas de détails sur leur vie afin d’éviter les représailles contre leurs proches en Europe."
Les "collègues d’Air France touchés" par ce message
Le journaliste et spécialiste du jihadisme, Nicolas Hénin, assure lui aussi à BFM TV que le message et la photo sont authentiques. "La brigade Krasucki est composée de quelques hommes qui sont en Syrie depuis au moins un an, affirme-t-il. Ils avaient déjà publié des messages appelant à venger le Bataclan. Pour eux, [le groupe Etat islamique] c’est l’impérialisme et il faut le combattre."
Le secrétaire général de la CGT Cheminots Versailles précise avoir transmis leur message de soutien aux "collègues d’Air France". "Ils ont été très touchés de ce texte et m’ont demandé de les remercier de leur part, explique le syndicaliste. J’ai transmis le message via le RMT, mais je ne sais pas s’il va arriver jusqu’à eux."
La CGT Cheminots Versailles ajoute avoir reçu des messages privés de personnes demandant comment rejoindre la "brigade Krasucki" en Syrie. "Je leur ai répondu que je n’étais pas sergent recruteur et que notre page n’est pas une plateforme pour les combattants en Syrie, précise le secrétaire général. De toute façon, nous ne sommes pas en lien direct avec la brigade Krasucki."