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A Treblinka

Auschwitz fut un camp de concentration et d’extermination. Treblinka (comme Sobibor ou Belzec) fut un camp d’extermination. Aux déportés qui en franchissaient l’enceinte il ne restait pas plus d’une heure à vivre. Ils étaient immédiatement dénudés, on leur coupait les cheveux et on les gazait (à 400 dans des chambres de 10 mètres sur 10). Leurs corps étaient ensuite enfouis dans d’immenses fosses communes. Il n’existait pas de fours crématoires à Treblinka. Au moins 750000 personnes périrent dans cet enfer (1200000, selon certaines estimations).

700 déportés furent employés dans cette usine de mort comme trieurs de vêtements, coiffeurs, dentistes ou enfouisseurs de cadavres. Quelques dizaines survécurent. Parmi eux Chil Rajman qui parvint à s’évader du camp avec quelques autres et à échapper aux paysans polonais, aux bandes fascistes ukrainiennes et à la Gestapo. Il publia un témoignage unique : Je suis le dernier Juif (Éditions des Arènes, 2009).

Dans la préface, Annette Wievorka reprend une description du sol du camp par Vassili Grossman (Juif ukrainien, auteur de L’enfer de Treblinka) :

« La terre ondule sous les pieds, molle et grasse comme si elle avait été arrosée d’huile de lin, la terre sans fond de Treblinka, houleuse comme une mer. Cette étendue déserte qu’entourent des barbelés a englouti plus d’existences humaines que tous les océans et toutes les mers du globe depuis qu’existe le genre humain.

La terre rejette des fragments d’os, des dents, divers objets, des papiers. Elle ne veut pas être complice.

Les choses s’échappent du sol qui se fend, de ses blessures encore béantes : chemises à moitié consumées, culottes, chaussures, porte-cigares verdissants, rouages de montres, canifs, blaireaux, chandeliers, chaussons d’enfants à pompons rouges, serviettes brodées d’Ukraine, dentelles, ciseaux, dés, corsets, bandages. »

Je propose un court extrait de ce livre inoubliable.

« Sur la place devant la rampe, c’est un enfer. A l’ouverture des portes des chambres à gaz, les premières émanations sont dangereuses. Les cadavres, debout, sont tellement pressés les uns contre les autres, les bras enlacés et les jambes les unes sur les autres, que les préposés à la rampe risquent la mort aussi longtemps qu’ils ne parviennent pas à extirper les premières dizaines de cadavres. Ensuite, l’amas se désagrège et les corps se détachent tout seuls. Cette compression vient du fait que les gens sont terrorisés et serrés contre les autres quand on les force à entrer dans la chambre à gaz. Ils retiennent leur respiration pour pouvoir entrer et trouver de la place. Le corps gonfle ensuite lors de la suffocation et de l’agonie, de sorte que les cadavres ne forment plus qu’une masse.

Les cadavres présentaient une différence suivant qu’ils provenaient des grandes ou des petites chambres à gaz. Dans les petites, la mort était plus rapide et plus facile. On aurait dit, à observer les visages, que les personnes étaient endormies : les yeux fermés, seule la bouche, chez une partie seulement des gazés, était déformée, une écume mêlée de sang apparaissant sur les lèvres. Les corps étaient couverts de sueur. Avant d’expirer, ils avaient rendu urine et excréments. Les cadavres provenant des grandes chambres à gaz, où la mort mettait plus longtemps à venir, avaient connu une atroce métamorphose, ils avaient le visage tout noir, comme s’ils avaient été brûlés, les corps étaient gonflés et bleus. Ils avaient tellement serré les mâchoires qu’il était impossible de les leur desserrer pour accéder aux couronnes en or, il fallait parfois arracher les vraies dents pour leur ouvrir la bouche. »

Les négationnistes sont vraiment la lie de l’humanité.

Bernard GENSANE

http://bernard-gensane.over-blog.com/

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