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L’Histoire est une remise en cause : avec le temps et une gomme, les méchants deviennent bons.

A Paris une expo sur la Collaboration blanchit le grand capital

Ce matin vous ouvrez l’œil - parce qu’il faut bien continuer de vivre- le ciel n’est pas par-dessus le toit et seule une proposition d’abonnement à Valeurs Actuelles vous attend dans la boîte aux lettres. A quoi bon ? Vous gagne une envie de grand sommeil. Pourtant, source d’un plaisir imprévu, en ouvrant le livre-catalogue que vous avez acheté la veille, et qui résume le contenue d’une exposition en cours à Paris, « La Collaboration 1940-1945 », vous vous apercevez que la France, celle de ces « années noires », n’est pas aussi mauvaise fille, aussi vert de gris que décrite par vos vieux professeurs un peu trop cocos.

Finalement la journée commence par une bonne nouvelle. Sachons donc qu’entre 1940 et 1945 la France aurait pu faire pire. Outre Pétain et sa main tendue, Bousquet roi du Vel’d’hiv, la Milice et la LVF sur tous les fronts, le Statut des juifs, cette exposition nous apprend, en nous soulageant, qu’une partie du pays a été épargné par l’immonde. Honneur à l’économie, à son patronat qui a eu le courage de ne pas faire risette à Hitler. Pour une fois que le capital vient au secours du courage, le devoir est de le signaler.

Avec l’intransigeance et l’exhaustivité qui sont sa ligne éditoriale, l’expo sur la Collaboration sait enfin dire le vrai, mettre des bornes et marquer à jamais le territoire de la nouvelle histoire : seuls quelques B.O.F et camelots, quelques gangsters ont économiquement fricoté avec les nazis. Le pire des pires, désigné par Denis Peschanski et Thomas Fontaine les commissaires de la police de l’exposition, est l’immonde escroc Joseph Joinovici . Personne n’observe que c’est peut-être un peu court de résumer quatre années de « mano en la mano », entre les capitalismes nazi et tricolore, en montant en épingle l’action d’un aventurier juif au prétexte qu’il avait les bonnes grâces de la Gestapo ? Pas grave puisque la vérité est exigeante. Personnellement je croyais que « Joino » était plus un personnage de documentaires ou de feuilletons télé qu’en cœur d’une recherche... Mais, installées aux Archives Nationales, les vitrines qui mettent à jour les tripes de la collaboration, remettent les pendules à l’heure française : seuls un ferrailleur juif et quelques B.O.F ont tendu la main à l’argent nazi.

En malappris je croyais découvrir dans cet inventaire du passé, des noms d’industriels, de banquiers, de capitalistes qui n’auraient pas eu le nez assez fin pour sentir l’odeur de l’argent... Aux Archives Nationales je découvre que mes maîtres et leurs vieux livres m’ont raconté des histoires et non de l’histoire. Et aussi ma mère qui m’a juré avoir vu des blindés destinés aux Allemands sortir des chaînes de Renault...

L’histoire est une perpétuelle remise en cause, avec le temps et une gomme assez épaisse, les méchants ont la possibilité de devenirs bons. C’est faire un mauvais procès à nos exégètes que de souligner le peu de matière qu’ils ont consacrée à la collaboration économique. Ils ont une excuse : anticipant la guerre, les capitalistes des deux rives du Rhin se sont embrassés dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, et n’ont jamais desserré leur étreinte.

Pour être juste, après avoir enfin découvert que Céline était antisémite, j’ai aussi trouvé un court espace de l’expo consacré à la « collaboration économique ». Ouf ! Dans cet enfer on cite les noms de Lehideux, Barnaud, Bouthillier ou Bichelonne dont, puisqu’ils sont nommés, on pourrait supposer qu’ils aient été des collabos ? Dans la section grand capital ? Non, les « légendes », chargées d’éclairer le visiteur, sont là pour le perdre. Et il ne comprend rien. Mais dans le catalogue, au coin d’une phrase page 141, on apprend quand même que Lehideux et sa bande sont des « synarques ». Ah bon ! Mais qu’est-ce donc ? Il nous reste à ouvrir les livres, ceux qui ne sont cités comme caution de l’expo : il s’agit bien de comploteurs qui ont toujours préféré Hitler au Front Populaire. Eux savaient que le nazisme était le bon choix pour le capital de la France. Avec quelle pudeur on évoque de ces assassins de la République ! Alors que nous parlons de la banque Worms, de la métallurgie, de l’industrie automobile et autres bagatelles massacreuses. Renault collabo ? Mais vous n’y pensez pas ! Juste son nom, à peine lisible, figure au coin d’une facture elle-même absconse...

Je me souviens, il y a très longtemps dans Le Monde, avoir lu une passionnante enquête sur la production, en France et pendant la guerre, de Zyklon B. Un gaz qui, contrairement à ce qu’a affirmé plus tard Darquier de Pellepoix, n’a pas servi « qu’à gazer les poux ». Pas un mot sur cette mortelle et massive chimie produite dans nos usines par Ugine... Concluons que ce Zyklon était bien destiné « à la désinfection des casernes françaises », comme l’ont affirmé les défenseurs de l’honneur perdu de notre industrie.

Dans ma mémoire crépusculaire je croyais aussi me souvenir de quelques anecdotes, considérées comme acquises. Par exemple les lettres répétées que l’exemplaire Pierre Tattinger adressait au Commissariat aux Affaires juives. Afin d’obtenir, pour son compte et celui de ses amis, « l’administration » d’un très grand nombre de « biens juifs ». Toujours rien. Cette expo lave le noir de nos cerveaux mieux qu’un shampoing l’Oréal. Elle a un effet Alzheimer.

Arrivé aux dernières pages du livre-catalogue, je n’ai pas trouvé trace d’autre chose que Pétain, Darnand et Céline. Rien sur la collaboration militaire, ni sur celle de l’Eglise... Sans doute un manque de temps, de poudre ou d’eau bénite ? En cette période où, menacés par des hordes mahométanes, les catholiques souffrent tant, il est bon de réhabiliter par omission, monseigneur Jean de Mayol de Lupé.

J’ai enfin compris, l’heure étant à la réconciliation nationale, que cette exhibition a pour vertu de fortifier le « vivre ensemble », tout doit se terminer par des chansons. Etonnant –quand même- que les commissaires si avisés et raisonnables de l’expo, aient choisi pour hymne : « du passé faisons table rase »... Bof, soyons tolérants, vive la caricature ! Soyons Charlie.

Jacques-Marie BOURGET


A l’usage des lecteurs « complotistes » qui continuent, à juste titre, de croire que la collaboration économique (non évoquée dans cette exposition), a bien eu lieu, on peut recommander la lecture de quelques ouvrages fondamentaux :

Annie LACROIX-RIZ, « Industriels et Banquiers Français sous l’occupation », Paris 2013 Armand Colin. Ce livre est la « Bible » sur le sujet.

Henri GUILLEMIN « La vérité sur l’affaire Pétain », Paris 2012 Utovie, Le premier, dès 1945, à avoir décrit Pétain et ses amis des « deux cents familles » sous leur vrai jour.

Jean-Louis LOUBET, « Renault, Cent ans d’histoire », Paris, ETAI, 1998
Extrait : Renault « est à l’industrie ce que Pétain est à l’armée. Il incarne tout autant les répressions ouvrières de l’après-1936, que la soumission aux intérêts allemands »

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COMMENTAIRES  

27/01/2015 09:45 par gus de nantes

bonjour à tous,

Avant de causer il serait de bon ton que je visitasse moi aussi la dite exposition, n’étant ni parisien ni assez riche pour aller m’emmerder dans la capitale ......

Mais par contre j’ai suivi une conférence de madame Lacroix-riz , et j’ai quelques bonnes bases acquise par la lecture patiente.

Là je sèche , mon vocabulaire n’est pas assez riche , tu fais du révisionnisme quand la doxa capitaliste te désigne comme ennemi du libre-échange , mais quand tu chies sur les cadavres des résistants ? Quel est le mot pour désigner ce genre de délire ?

Oups pardon , ma formulation est incorrecte , je me reprends avant de prendre mes six mois de zonzon pour ouvrage de gueule intempestif, que j’ eu préféré festif. Donc quand on maquille et défait l’histoire de france on appelle comment ce crime de la pensée ? Propagande ? Tyrannie ploutocratique ? Droite décomplexée de sa mémoire ?

27/01/2015 10:28 par Maxime Vivas

Avant de causer il serait de bon ton que je visitasse moi aussi la dite exposition, n’étant ni parisien ni assez riche pour aller m’emmerder dans la capitale ......

Il faudrait que vous empruntassiez à un ami...

27/01/2015 10:58 par Sidonie

Oui il se passe quelque chose d’étrange, on assiste en même temps à une diabolisation d’individus sans pouvoir au motif qu’ils ont ou auraient des liens avec l’extrême-droite, ou qu’ils sont ou seraient révisionnistes, ou qu’ils sont ou seraient antisémites (et de vrais démocrates comme E. Chouard et de vrais communistes comme Lacroix-Ritz sont mis au ban des accusés sous l’une ou l’autre des ces accusations), et à une réhabilitation officielle de puissants collaborateurs, à un révisionnisme officiel de l’histoire de la seconde guerre mondiale (désormais ce sont les Ukrainiens qui ont libéré Auschwitz et la Russie qui a envahi l’Allemagne - voir l’article du Saker ci-dessous), au soutien des héritiers du mouvement fasciste de Bandera en Ukraine, etc.

Quelles sont les causes de ce méli-mélo, de ce amas de contradictions* ?

Je n’en citerai que quelques unes et je compte sur les lecteurs éveillés du GS pour en ajouter d’autres :
 La puissance tjs + grande des multinationales qui font désormais la loi au point d’avoir réduit le président de la République au rôle de commercial
 La puissance tjs + grande des Sionistes dans la politique française qui pour défendre Israël sont obligés de nier la colonisation de la Palestine et le "génocide" du peuple palestinien dénoncé par Shulamit Aloni, ex-ministre de la Culture du gouvernement Rabin et leader de la gauche israélienne (http://www.photo-mege.com/palestine.html) tout en mettant l’holaucauste au coeur de la République.
 Le soutien, pour nuire à la Russie, sur ordre des Etats-Unis, de l’Ukraine et des fascistes Banderistes arrivés au pouvoir par un coup d’état, qui amène les gouvernements occidentaux à réhabiliter subrepticement le fascisme et à refaire l’histoire en inversant les rôles, à la Orwell.
 La difficulté grandissante de justifier les alliances douteuses et autres manigances qui ont permis la destruction du MO et provoqué le développement du "terrorisme", tout cela servant de prétexte à la réduction des libertés publiques.
 Le besoin grandissant des "élites" et des gouvernements occidentaux de déclencher une guerre, à l’intérieur (contre les Musulmans probablement) et à l’extérieur, (contre la Russie en Ukraine sans doute), pour relancer l’économie et dissimuler leurs erreurs, leurs malversations et parfois leurs crimes.
 Etc...

* Une des plus remarquables dernières contradictions est, à mon sens, la mise en garde à vue d’un ado de 16 ans qui avait reposté une image mise en ligne originellement par Finkelstein (un Juif étasunien, fils de rescapé de l’holocauste qui a été chassé de l’université dePaul sous la pression sioniste parce qu’il défend la cause palestinienne) et qui reprenait une caricature de Charlie Hebdo où un seule chose était modifiée (sauf erreur de ma part) : Le magazine Charlie Hebdo remplaçait le Coran. Avec le Coran c’était à applaudir, mais avec Charlie Hebdo c’était passible de la prison (même pour un ado...).

27/01/2015 11:00 par Toff

Ce sont des temps magnifiques, effectivement, où l’on apprend de la bouche d’un sinistre ministre révisionniste qu’auschwitz n’a pas été libéré par l’armée rouge, mais par les ukrainiens... Ah bon, moi qui croyais que les ukrainiens avaient aidé les ss à l’intérieur du camp plutôt, m’aurait on menti ? De là à ce que notre magnifique président gestionnaire de crise (mais pas économique, juste terroriste) n’aille assister à ce simulacre de commémoration, et ridiculise le peu de crédibilité restante de ce pauvre agglomerat réactionnaire qui se fait appeler ’France’, alors que poutine n’a même pas été invité...

27/01/2015 11:29 par résistant

Outre les excellents ouvrages et conférences s’Annie Lacroix-Riz, déjà citée, je vous conseille très vivement la série de videos d’Henri Guillemin sur Petain, que vous pourrez facilement trouver sur Youtube.

27/01/2015 14:17 par BM

Je n’ai pas lu le catalogue, mais j’ai visité l’exposition.

Je me souviens qu’on insistait lourdement sur les comportements des Français de base. Explicitement, en exhibant des lettres de dénonciation anonymes, et des tas de fichiers de collabos (dont certains faits par les Allemands et saisis en août 1944) ; implicitement, par exemple dans la section consacrée à la propagande antisémite, où seuls des magazines, voire des bandes dessinées étaient montrées : le but était de mettre l’accent sur les lecteurs plutôt que sur les propriétaires des journaux (jamais mentionnés). Toujours dans cette section, il n’y avait qu’une évocation très discrète de l’exposition "Le Juif et la France", pourtant la pièce maîtresse de la propagande antisémite sous l’occupation (comparer avec le traitement qui en est fait dans le film de Chabrol "L’Oeil de Vichy", de 1993, pour voir la régression incroyable de l’historiographie en 20 ans).

Une section assez importante est consacrée aux intellectuels sous l’occupation. Le diable se niche dans les détails : on s’appesantit presque exclusivement sur Brasillach, Céline et Rebatet. Rien sur Gide, Cocteau, Claudel (auteur d’une "Ode au Maréchal" en 1940, suivie d’une "Ode au Général" en 1944), etc.

On voit à un moment des évêques : mais ce sont des évêques allemands, officiant aux obsèques en Allemagne de Doriot, en 1945.

Un truc intéressant sur Brasillach dans l’exposition : Pétain mis à part, c’est le personnage le plus représenté dans l’exposition. Cela m’a donné une impression assez désagréable : voulait-on signifier qu’il était le seul véritable collabo ? Pire encore, voulait-on subrepticement faire "pleurer Margot" sur son sort en 1945 (procédé d’ailleurs assez éculé qui avait commencé, à l’initiative de François Mauriac, dès avant son exécution) ?

Une précision importante : l’exposition se tenait aux Archives Nationales, qui avaient pris le parti de n’exposer que des artefacts exclusivement tirés de leurs fonds. Par définition, cela interdit tout recours aux archives "privées" (par exemple et au hasard : Eglise, entreprises). En lisant l’article de Jacques-Marie Bourget, je comprends maintenant la finalité de ce choix muséographique.

27/01/2015 18:54 par Pierre M. Boriliens

@Toff
Bonjour,

L’Armée Rouge c’était l’armée de l’Union Soviétique. Et à ce titre, il y avait des Russes, bien sûr, mais aussi des Géorgiens, des Kazakhs, et tout ce que vous voulez. Evidemment, il y avait des Ukrainiens. Il y en avait aussi à Stalingrad et à Koursk (qui est proche de la frontière ukrainienne, du côté du Donbass). L’Ukraine faisait partie de l’URSS. Il y a donc une triple manipulation.
La première qui consiste à récupérer les Ukrainiens en question en évacuant tous les autres, la seconde qui consiste à réhabiliter Bandera et ces gens au nom des précédents, "seuls" libérateurs d’Auschwitz, et la troisième, plus discrète, de confirmer la pertinence des idées nationalistes (dans le mauvais sens du terme) et anti-communistes en faisant passer l’idée que l’Armée Rouge aussi était fondée sur des bases quasi-ethniques...

Tout bénéfice, pour ces falsificateurs...

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