9 février 2010
Les interviews radio de Pascale Fourier (Jacques Sapir, 12 Janvier 2010)
Pascale FOURIER, Jacques SAPIR
Deuxième partie de l’entretien réalisé le 12 janvier avec Jacques Sapir, directeur de recherche à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Je vous rappelle le contexte, j’étais allée voir Jacques Sapir, un an après notre
entretien précédent pour faire le point sur la crise, et j’avais orienté notre conversation, à
la fin de cette première partie, sur le chômage. Peut-être vous souvenez-vous
des dernières paroles alors de Jacques Sapir : « Tout parti qui se bat pour le maintien
du libre échange et pour le maintien de la politique monétaire telle qu’elle est
aujourd’hui est en contradiction avec l’objectif du plein-emploi ». Eh bien, c’est
sur cette question du plein- emploi que je l’ai relancé, un peu candidement sans
doute. Et ça nous amène, vous le verrez, à l’Union Européenne, à la perspective de
l’éclatement de la zone euro, au questionnement sur l’éventualité de la sortie
de la France de celle-ci, et au Front National.
Plein-emploi, Union européenne... et Front National...
Pascale Fourier : Est-ce qu'il y a eu un renoncement au plein-emploi pendant un certain temps par les politiques ? Et avec à ce moment-là quelle vision de l'architecture économique internationale ? Je n'ai jamais trop bien compris... 1983 : le choix politique du chômage de masse, transitoire, espérait-on...
Jacques Sapir : Il n'y a pas de cohérence, mais il est clair que, en 1983, une partie du gouvernement français fait le choix du chômage de masse, en considérant que ceci est un épisode, que l'on espère transitoire à l'époque - personne ne pensait que ce chômage de masse durerait 25 ans -, que l'on espère à l'époque limité afin de provoquer un phénomène de désinflation en France. On va parler de « résignation au chômage »... Mais ce n'est pas du tout une résignation ! C'est une volonté délibérée de provoquer du chômage dans la société française. Il n'y a aucune résignation, il y a bien une politique. Mais cette politique (…) Lire la suite »
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8 février 2010
Les interviews radio de Pascale Fourier (Jacques Sapir, 12 Janvier 2010)
Pascale FOURIER, Jacques SAPIR
La crise ? Mais quelle crise ?... Il n’y a plus de crise ou en tout cas on n’en parle peu ou pas... Les banques font des bénéfices pharaoniques... enfin, bref, tout semble aller pour le mieux ! Bon d’accord, le chômage augmente, un million de chômeurs vont arriver en fin de droits en 2010, mais bon...
Alors la crise ? Quelle crise ? A force d’écouter du vent ou des balivernes dans les médias, j’ai fini par en perdre mon latin. D’où vient-elle in fine cette crise ? Tout va bien maintenant ? On va réussir à réguler le capitalisme ? Et l’emploi dans l’affaire, on s’en préoccupe ? J’ai décidé d’aller interviewer quelques économistes. Pas ceux qu’on entend ailleurs. Voici donc le début d’une série d’émissions sur la crise. La première avec Jacques Sapir, rencontré il y a déjà un an sur le même sujet. Pour faire le point...
Pascale Fourier : J'ai un petit peu de mal à suivre ce qui se passe actuellement ou au niveau de la crise... D'une part on nous dit qu'il n'y a plus de crise, que quasiment tout va bien, et par ailleurs on lit aussi des textes, peut-être un petit peu plus profonds pourrait-on dire, qui parlent de crise du capitalisme, de crise du modèle néolibéral. .. Alors finalement on est face à quoi ? A rien... tout va bien, c'était juste un léger incident ? Ou face à une crise réelle, et à ce moment-là , de quelle nature ?
Jacques Sapir : La crise que nous connaissons, que nous continuons à connaître, et que nous continuerons à connaître pour plusieurs années, est une crise qui tire ses racines de choses différentes.
Nous avons connu déjà la crise de liquidités à l'automne de 2008. Cette crise de liquidités est effectivement aujourd'hui terminée. Il se peut qu'elle reprenne dans un an ou dans deux ans, mais aujourd'hui elle est globalement terminée. Mais cette crise de liquidités n'était (…) Lire la suite »
16 novembre 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Jean-Pierre Chevènement, 15 septembre 2009)
Pascale FOURIER, Jean-Pierre CHEVENEMENT
La vertu démocratique et libératrice de la nation
Pascale Fourier : Quand j'ai parlé à mes amis du fait que j'allais vous rencontrer, ils m'ont dit : « Mais tu vas voir quelqu'un qui professe des idées complètement obsolètes et en particulier l'idée de nation ! Chevènement est complètement déconnecté de la réalité ! » Est-ce que vraiment on peut dire que l'idée de nation est obsolète ?
Jean-Pierre Chevènement : Je ne crois pas.
D'abord parce que, dans le monde tel qu'il va, je ne vois pas que la nation ait disparu ni aux États-Unis, ni en Chine, ni en Russie, ni au Brésil, ni en Inde. Et je vois même que de très petites nations par la taille peuvent jouer un rôle très important : je pense à Singapour, à Israël, à Cuba, au Venezuela. Le monde reste fait de nations et ce n'est pas par hasard qu'il y a une Organisation des Nations Unies. C'est que les hommes se définissent aussi par une appartenance nationale et que la nation est le cadre de l'expression démocratique parce que, (…) Lire la suite »
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26 mai 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Aurélien Bernier, 15 mai 2009)
Aurélien BERNIER, Pascale FOURIER
Pascale Fourier : Au moins une fois dans la partie de l'entretien qui précédait, vous avez utilisé la notion de « souveraineté nationale », si je ne me trompe pas. On ne peut pas dire que ça m'étonne, mais certains pourraient vous dire que la souveraineté nationale n'a plus lieu d'être, que ce qu'il faut construire, c'est la souveraineté européenne. Pouvoir peser à nouveau sur le cours des choses
Aurélien Bernier : Moi, je serais tout à fait d'accord pour construire une souveraineté européenne. Ca ne me cause aucun problème. Le problème, c'est de savoir dans quel délai c'est réalisable. Et ce qu'on constate, c'est que la construction européenne s'est faite sans les peuples, même si à une certaine époque, à la limite, ça pouvait s'entendre puisqu'on sortait de la guerre et que les choses ne se seraient peut-être pas faites si on s'était appuyé sur les peuples. Mais c'est beaucoup moins excusable au jour d'aujourd'hui de continuer à construire une Union Européenne qui se fasse non (…) Lire la suite »
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25 mai 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Aurélien Bernier, 15 mai 2009)
Aurélien BERNIER, Pascale FOURIER
Pascale Fourier : Depuis quelque temps, le M'PEP, le Mouvement Politique d'Éducation Populaire développe un nouveau concept, la « la désobéissance européenne ». Qu'est-ce ?... La désobéissance européenne, une nécessité
Aurélien Bernier : Ce concept de désobéissance européenne, il faut d'abord le resituer par rapport à une analyse sur la construction européenne. Au M'PEP, on dit clairement que la construction européenne est faite pour empêcher toute politique de gauche. On le voit bien au quotidien avec les directives sur les services publics, sur le temps de travail, les directives sur les OGM:on a un carcan libéral qui a enfermé les Etats et qui aujourd'hui les empêche de mener une autre politique que l'ultra- libéralisme, « l'eurolibéralisme » comme on peut dire pour qualifier ce libéralisme à l'européenne. Et donc si on veut mettre en oeuvre une véritable politique de gauche, il va falloir s'affranchir du cadre législatif européen et donc pratiquer ce qu'on a appelé la « (…) Lire la suite »
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12 mai 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Samir Amin, 9 mars 2009)
Samir AMIN, Pascale FOURIER
Pascale Fourier :A un moment, dans l'un des textes que vous avez écrit, vous dites que cette nouvelle forme de capitalisme d'oligopoles financiarisées est l'ennemi de la démocratie. J'aimerais savoir en quoi...
Samir Amin : Oui, il est l'ennemi de la démocratie d'une façon très sérieuse et profonde dans ce sens que cette rente de monopole n'est possible que si le pouvoir de ces oligopoles s'exerce d'une façon incontestée non pas seulement dans la gestion économique de toutes les activités économiques aux échelles nationales et mondiale, mais également dans ce sens que le système politique soit à son service, c'est-à -dire que le système politique renonce à l'intervention dans la gestion de l'économie et l'abandonne à ces oligopoles au nom des soi-disant marchés, de la liberté des marchés... Si l'on renoncer à réguler le système économique, à quoi sert de voter ?
Or qu'est-ce qu'un système démocratique ? Un système démocratique, c'est un système dans lequel le choix, à travers (…) Lire la suite »
11 mai 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Samir Amin, 9 mars 2009)
Samir AMIN, Pascale FOURIER
Pascale Fourier :Tout à l'heure, vous disiez que les groupes financiarisés ont pompé des rentes de monopole..ont pompé une certaine partie de la plus-value, assez importante... Je n'ai pas très bien compris...
Samir Amin : Ca, ça mérite explication effectivement. On peut donner une explication dans le langage prétendu scientifique des économistes, mais on peut le donner aussi dans un langage plus courant. Je vais essayer de le faire de la deuxième manière. Le capitalisme répond à ses crises par la concentration, c'est-à -dire la constitution de monopoles et d'oligopoles
Le capitalisme répond à ses crises par la concentration, c'est-à -dire la constitution de monopoles et d'oligopoles. Il a répondu, comme je l'ai dit à l'heure, à sa première crise structurelle des années 1870 à 1890 par la formation des premiers monopoles. Et ce n'est pas étonnant, ça a commencé aux États-Unis : les « trusts », terme inventés aux États-Unis pour désigner ces nouveaux grands monopoles. Ces (…) Lire la suite »
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10 mai 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Samir Amin, 9 mars 2009)
Samir AMIN, Pascale FOURIER
[Transcription] Pascale Fourier : A l'occasion de la crise, on a entendu nombre de politiques et de commentateurs appeler à une refondation du capitalisme. Cela semble effectivement une nécessité, non ?
Samir Amin : Non pas du tout, justement. J'utiliserai une phrase un peu provocatrice... Le choix de stratégie d'action est le suivant : sortir de la crise du capitalisme ou sortir du capitalisme en crise. On comprend bien que les pouvoirs établis, les capitalistes et les gouvernements cherchent seulement à sortir de la crise du capitalisme, qu'ils appellent ça « refonder le capitalisme » ou autre chose ne change pas grand-chose à l'affaire. Par contre, il serait déplorable que les victimes du capitalisme qui sont quand même un peu plus nombreux que les milliardaires qui en sont les bénéficiaires acceptent eux aussi, ou s'inscrivent dans une stratégie de sortie de la crise du capitalisme et non pas de sortie du capitalisme en crise.
La crise n'a pas commencé le 15 septembre 2008 (…) Lire la suite »
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23 avril 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Frédéric Lordon, 6 mars 2009)
Frederic LORDON, Pascale FOURIER
[Transcription] Pascale Fourier : J'ai toute une série de petites questions bêtes...
Frédéric Lordon : En général, ce sont les meilleures... Quand ca commence comme ça d'ailleurs, c'est là que je m'inquiète : question bête égal question qui tue...
Pascale Fourier : A un moment, on nous a dit que le nombre de milliards qui circulaient dans la sphère financière était beaucoup plus important que ceux qui circulaient dans l'économie réelle. Je n'arrive pas à comprendre... D'où viennent ces milliards ? D'où viennent les milliards de la sphère financière ?
Frédéric Lordon : C'est très simple : ils viennent de deux origines.
La première, ce sont le cumul des épargnes. C'est ça le truc, j'allais dire le truc drôle - le truc ignoble en fait...., c'est que la moitié du carburant de la finance, c'est le salariat qui le fournit.... C'est son épargne à lui qui est agrégée, captée dans les bilans des grands investisseurs institutionnels, les grands collecteurs de l'épargne financiarisée (…) Lire la suite »
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22 avril 2009
Les interviews radio de Pascale Fourier (Frédéric Lordon, 6 mars 2009)
Frederic LORDON, Pascale FOURIER
[Transcription] Pascale Fourier : Vous voulez mettre fin à la concurrence internationale ?....
Frédéric Lordon : Ah, la filoute !! « Est-ce que vous seriez pas un peu protectionniste, espèce de monstre, va ! ». Alors oui, oui, je pense que de toute manière on n'échappera pas à ce débat... « Protectionniste » : plus qu'une insulte, une imputation de monstruosité
Je me refuse absolument à rentrer dans le débat protectionnisme versus autre chose. C'est la pire question du monde ! Elle est tellement mal construite que c'en est une catastrophe ! D'ailleurs on voit bien que ça ne fonctionne dans le débat public que comme une insulte... Ce n'est même pas une insulte d'ailleurs, c'est une imputation de monstruosité. Je ne sais plus si c'est Todd qui a dit il n'y a pas longtemps que soutenir une position protectionniste dans le débat public actuel était à peine plus commode que de se revendiquer pédophile ou un truc comme ça, mais c'est ça. Il faut voir les spasmes réflexes que ça (…) Lire la suite »