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Auteur : Jean-Jacques CADET

[Guide de lecture] Le marxisme haïtien.

Jean-Jacques CADET
Le marxisme haïtien [1] est doublement victime de l’Occident et de l’Amérique latine. Il n’est jamais question de ces grandes thèses dans les productions de ces deux régions. En d’autres termes, la pensée marxiste haïtienne subit une exclusion systématique, malgré l’étendue de son développement conceptuel. D’ailleurs, les plus grands marxistes haïtiens ont vécu en Europe et en Amérique latine : Gérard Pierre-Charles [2] et Michel Hector [3] ont passé, comme universitaires dynamiques, plus de dix ans au Mexique, de même que Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis [4] et René Depestre [5] ont vécu en France. Ils ont même rencontré de grands intellectuels : Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Nicolas Guillén, Aimé Césaire, etc. La pensée de ces marxistes haïtiens est très rarement mise en avant par ces figures devenues au fil du temps des camarades de lutte. Le cas de l’Amérique latine reste incongru car Gérard Pierre-Charles, chercheur de haut niveau au Mexique, produit de pertinentes (…) Lire la suite »

Gérald Bloncourt, figure de la constance révolutionnaire.

Jean-Jacques CADET

Haïti-Marxisme. Gérald Bloncourt, mort le 29 octobre 2018.

En 2018, ont été publiés deux ouvrages importants pour la tradition communiste haïtienne : Bonsoir tendresse (René Depestre) et Un homme peau noire peau rouge (Gérald Bloncourt). Le premier livre est une autobiographie élaborée par le poète révolutionnaire âgé de quatre-vingt-douze ans. Dans ce récit issu pour une large part d’une série d’entretiens menée par Jean-Luc Bonniol, il est question d’aveux et de bilans de René Depestre sur ses multiples luttes engagées au profit de la justice. On retrouve cette même rhétorique dans Un homme peau noire peau rouge de Gérald Bloncourt qui, en plus d’évaluer sa vie militante, pointe les horizons indispensables vers un monde égalitaire. Les deux ouvrages se ressemblent du fait que leurs auteurs respectifs ont partagé de véritables moments révolutionnaires en Haïti, notamment dans les années 1940. Ils se croisent aussi par leur même objectif visant principalement à projeter un idéal communiste exempté des vestiges idéologiques et politiques (…) Lire la suite »

Marxisme en Haiti : Louis-Joseph Janvier face au livre 1 du Capital de Karl Marx

Jean-Jacques CADET
La pensée classique haïtienne du XIXème siècle a été élaborée au regard de l’Occident, plus précisément en critique aux théoriciens européens les plus connus. Anténor Firmin a écrit De l’égalité des races humaines (1885) contre les thèses racistes de Arthur Gobineau[1]. Dans Les théoriciens au pouvoir (1870), Jean Démesvar Delorme passe au crible de ses arguments les théoriciens fondateurs de la démocratie, de Solon jusqu’à Périclès. Edmond Paul fait de même dans Les causes de nos malheurs (1882) avec un peu de moins de virulence. Louis-Joseph Janvier était plus impliqué car il réagissait constamment aux réflexions visant de près ou loin la société haïtienne. Collaborateur de certains quotidiens parisiens, il confectionne de 1840 à 1882 un ensemble d’articles sur les lectures jugées inappropriées d’Haïti. Les plus pertinents seront publiés en 1883 sous forme de recueil titré La République d’Haïti et ses visiteurs (1840-1882). Dans ce recueil, il est question d’évaluer au regard (…) Lire la suite »

Distillation du marxisme avec Jacques Roumain, un modèle de décentrement des pensées européennes.

Jean-Jacques CADET
Distillation du marxisme avec Jacques Roumain, un modèle de décentrement des pensées européennes [1]. Suite à la révolution de 1804, la méfiance envers l’Europe était à son paroxysme en Haïti. Pour éviter d’éventuels retours sur le territoire, des mesures drastiques ont été prises par Jean-Jacques Dessalines, le père de la nation. On était aussi aux aguets sur le plan épistémologique où règne l’ordre colonialiste des savoirs. Joseph Anténor Firmin (1850-1911) décortiquait l’anthropologie française en contestant, avec de solides arguments, ses fondements racistes. Louis-Joseph Janvier (1855-1911), le premier lecteur haïtien de Karl Marx, critiquait les penchants historicistes dans Le Capital (Livre1), au même moment de sa publication en 1867 et sa traduction en français en 1872. Dans La République d’Haïti et ses visiteurs (1840-1882), qui est un ensemble d’articles publié en 1883 à Paris, il justifie, en partant de la singularité du cas haïtien, pourquoi la société haïtienne n’a (…) Lire la suite »

L’aventure de la pensée socialiste en haiti. Une analyse des oeuvres d’Antenor Firmin, Démesvar Delorme et Louis-Joseph Janvier.

Jean-Jacques CADET
Le « socialisme scientifique » [1], en référence au marxisme, a officiellement pénétré la société haïtienne dans les années 1930 avec L’Analyse schématique 32-34 publiée en 1934 et considérée par certains progressistes comme « le premier essai d’interprétation marxiste de la réalité haïtienne ». Cet ouvrage trace la voie idéologico-politique à suivre pour combattre l’occupation américaine d’Haïti. Le mouvement nationaliste qui a dominé toute la période antérieure aux années 30 est rejeté au profit du marxisme de tendance léniniste faisant de l’impérialisme le stade suprême du capitalisme [2]. Signé par Jacques Roumain, Christian Beaulieu et Etienne Charlier, il marque aussi la création, en 1934, du premier Parti Communiste Haïtien (PCH). Le socialisme de tendance marxiste inscrit ses premières empreintes dans cet ouvrage et prendra en même temps la forme politique avec le Parti communiste déjà évoqué. Ainsi, l’introduction officielle du marxisme dans les années 1930 est complète : (…) Lire la suite »

Le marxisme de Jacques Roumain

Jean-Jacques CADET
Le marxisme n’est pas né avec Karl Marx mais plutôt après lui. Néanmoins, il en est la condition nécessaire. Car sans la pensée marxienne, il n’y aurait pas de théorie marxiste. Karl Marx est le point de départ d’une école de pensée qui va porter son nom. Le point d’aboutissement du marxisme reste encore indéterminé vu les éventuelles révisions que peut encore subir cette pensée. Ce qui revient à dire que le marxisme est né à la mort de Marx (1883) avec Engels. Cet ancien compagnon a relu et vulgarisé les œuvres de Marx tout en les rendre intelligibles au grand nombre. Son plus grand effort consiste à donner une philosophie et une méthode à la pensée marxienne qui devient avec lui (et d’autres marxistes du moment) un système capable d’expliquer le monde tout en pensant le souhaitable. Et c’est ainsi qu’elle gagnera en disciples au risque de prendre différentes formes. Engels, l’initiateur, fait partie de la première génération dénommée ¨marxisme classique¨. Constitué notamment de (…) Lire la suite »

Timbuktu ou Haiti dans le cinéma africain

Jean-Jacques CADET

Dans l’histoire des Césars, il est rare qu’un film rafle sept trophées, dont ceux de meilleur film et de meilleur réalisateur. C’est ce que vient de réussir Timbuktu, le film du réalisateur Abderrahmane Sissako, lors de la 40ème cérémonie des Césars, en février 2015.

Ce film qui raconte l’histoire de l’occupation d’une commune malienne (Tombouctou) par un groupe islamiste est venu résonner avec les récentes attaques islamistes en Europe, notamment en France. La force du film vient aussi de son équipe technique, qui a fait un travail exceptionnel. Le son, le montage, la photographie ont également été récompensés. Ce film bien pensé, avec un scénario original, nous fait vivre des situations émouvantes. En son genre dramatique, il met à nu les violences imposées par ce groupe islamiste pour imposer leur mauvaise interprétation du Coran. Des mariages forcés sont imposés alors que sont interdits football, musique, cigarettes et commerce. Les islamistes vont jusqu’à tenter d’empêcher des musulmans de respecter leur rituel dans les mosquées. Il nous est présenté une société de frustration qui empêche toute existence humaine digne. Ce qui va soulever des révoltes dont les instigateurs seront sévèrement punis. Au milieu de cette brutale occupation (…) Lire la suite »

L’usage du marxisme dans les sociétés postcoloniales. Qu’en est-il d’Haiti ?

Jean-Jacques CADET
Introduction Les études postcoloniales ont pris une autre ampleur avec les Subalterns Studies qui ont reconceptualisé la catégorie de "subalterne" en faveur des sociétés opprimées. Avec ce mouvement intellectuel d’origine indienne, les oubliés de l’Histoire sont devenus objet d’étude d’excellence. Penser en subalternes, c’est ériger, au détriment des élites, les groupes défavorisés en véritables agents de la transformation sociale. C’est penser "par le bas" pour retrouver ceux dont la voix a été ignorée ou détournée. D’où tout le sens du terme "subalterne" désignant une personne ou un groupe de rang inférieur, qu’il s’agisse de race, de classe sociale ou de genre. Il y est exactement question des sociétés qui ont subi la colonisation occidentale, ce par quoi l’Europe est entrée dans leur histoire. Cette démarche d’inspiration gramscienne consiste, selon Merle Isabelle, à repenser les modalités de l’écriture de l’histoire dans le contexte d’une situation coloniale. Ou bien faire (…) Lire la suite »

Les artistes et la politique en Haïti. Autour de l’affaire Evans Paul

Jean-Jacques CADET
Les réactions sur le web relatives à la nomination d’Evans Paul, dramaturge et metteur en scène, au poste de premier ministre d’Haïti, mettent à nu l’indigence de la pensée critique sur ce territoire. Certains affirment péjorativement qu’on est désormais dirigé par deux artistes, un président-musicien et un premier-ministre-comédien. Ils estiment que ces artistes vont transformer l’Etat en une scène où la vérité sera rejetée au profit de la représentation. Le ridicule serait toujours au rendez-vous. D’autres, plus catégoriques, affirment qu’on va vers l’abîme total en livrant l’Etat aux artistes naturellement incompétents face à la chose publique. L’idée commune est que les artistes doivent rester dans leur domaine respectif, l’art, qui serait incompatible avec la politique (comme prise du pouvoir au niveau de l’Etat). Ainsi, toujours dans cette même perspective, un artiste ne serait pas apte à diriger un pays. Quel est le fondement de cette idée dominante ? Les artistes ne (…) Lire la suite »

Les conditions d’une analyse marxiste de la révolution haitienne.

Jean-Jacques CADET
¨Seule une société pourrie pouvait s’épanouir sur un fondement tel que l’esclavage¨ . C.L.R. James Introduction La révolution haïtienne avait créé de sérieuses inquiétudes du cotés des pays métropoles. Ils considéraient Haïti comme un pays dangereux capable d’influencer d’autres colonies. Ils avaient tout fait pour mettre cette nouvelle nation à l’écart. Des embargos et des punitions sévères étaient leurs principaux moyens d’intimidation. Les relations commerciales entre Haïti et ces pays européens étaient très difficiles, pour ne pas dire inexistantes. La France avait exigé en 1825 une exorbitante indemnité (150 millions francs-or) pour soit disant la reconnaissance de l’indépendance d’Haïti, fruit d’un long combat avec la métropole. Jusqu'à la fin de du XIXème siècle, la jeune nation était diplomatiquement mise à l’écart pour éviter qu’elle entraîne d’autres colonies vers leur libération. Ce qui aurait pu hypothéquer la principale source des richesses de ces nations (…) Lire la suite »