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17 octobre et misère : Le second fossé de la paupérisation partout.

La première Journée Mondiale contre la misère fut lancée le 17 octobre 1987. Depuis cette date la misère s’est mondialisée. Les deux dernières années de crise ont favorisé une grande recrudescence de la misère au Sud et aux USA comme dans les autres pays du monde. La misère et les inégalités sociales forment le "second fossé" oublié qui clive chaque pays . Le premier fossé, souvent évoqué, est celui qui sépare le Sud pauvre du Nord riche.

Au lieu de Sud, on parlait jadis - de 1955 à 1989 - de Tiers-monde. Ce fossé est matérialisé depuis fort longtemps par le schéma dit de la "coupe de champagne". Cette vérité ne saurait cacher la seconde : "Il y a du "Sud au Nord" et du "Nord au Sud" (1)

Nombre d’auteurs dont Alain Gresh (2) évoquent au lieu et place de l’impérialisme des USA un monde post-américain avec l’émergence des BRIC à savoir Brésil, Russie, Inde et Chine. C’est un point certes avéré qui en reste cependant à une vision du monde assez positiviste qui est celle des seules relations inter-étatiques. Cette présentation ignore les peuples et notamment la situation des peuples-classe en rapport avec leur classe dominante. En effet, en droit international les peuples sont qu’assez peu des sujets de droit et les peuples-classes sont encore plus ignorés. Ce sont les Etats, et les alliances entre Etats qui déterminent l’ordre hiérarchisé du monde. Il est présupposé que les peuples sont en accord avec les dirigeants étatiques quelque soit le mode de nomination des dirigeants politiques. Il est présupposé que les profondes inégalités sociales internes sont sans effet quand aux solidarités, aux alliances de classes. Sauf quelques rares exceptions, l’ordre politique international ne prend en considération que ce qui émane des Etats ou des Nations, autre formule englobante. L’altermondialisme a complété voire largement modifié cette conception trop juridico-économique globale. Penser en terme d’"entente entre les peuples" tend à examiner les inégalités économiques internes à chaque continent et chaque pays.

1- Le premier fossé est réel.

Avec l’approfondissement de la crise globale multiforme - financière, économique, sociale, écologique, alimentaire et géostratégique - on observe qu’il existe bien sauf exceptions un Sud face à un Nord . Ainsi pour François Bourguignon et Christian Morrisson les écarts entre pays se sont brutalement creusés à la fin du XIX ème siècle pour atteindre un haut niveau au début du XX ème siècle. Le fossé n’a pas été comblé durant le XX ème siècle. Le Sud est subdivisé à son tour. Aujourd’hui, l’Amérique latine est plus développée, plus riche que l’Afrique qui, elle, plonge dans la pauvreté, alors qu’elle est très riche de son sous-sol et de ses autres ressources. Eric Maurin écrit (3) en évoquant le niveau de vie moyen que "près de la moitié des habitants de l’Afrique subsaharienne ou de l’Asie du Sud (Bengladesh, Inde...) disposent de moins d’un dollar par jour pour vivre". Ce qui ne signifie pas absence de riches dans ces pays africains d’où l’expression "il y a du Nord dans le Sud". En Amérique du Sud la proportion de personnes vivant dans un tel état de dénuement est moitié moindre, tandis qu’en Europe occidentale elle est résiduelle. Mais les couches moyennes se prolétarisent. La crise des subprimes a fait plonger dans la misère les familles sans logement ni protection sociale, avec emplois précaires.

2 - ... mais le second fossé aussi.

Si l’on cesse de regarder uniquement l’extrême pauvreté pour voir la situation des smicards ou même des prolétaires - celui qui épuise son revenu dans le mois pour vivre alors le "Sud dans le Nord" prend plus de place. Positionner l’Amérique latine par rapport à l’Afrique, à l’Asie et à l’Europe ne suffit pas à voir les profondes inégalités internes à chaque pays . User de l’indice de Gini (cf définition INSEE ) est plus pertinent pour repérer les inégalités économiques et sociales internes . On approche alors au plus près de la vérité scientifique lorsqu’on en tient compte. La formule évocatrice de cette vision est : "il y a du sud au nord et du nord au sud". C’est là le second fossé à signaler.

Dire qu’"il y a du sud au nord et du nord au sud" signifie qu’il n’y a pas que des pauvres en Afrique ou en Amérique latine il y a aussi des classes sociales riches au Sud qui s’inscrivent dans la mondialisation capitaliste en y subissant certes une domination relative mais qui néanmoins y trouve grand profit au regard de leur peuple. De même le Nord laisse voir dans chaque formation sociale une classe dominante hyper riche et un peuple-classe lui-même différencié mais néanmoins dominé notamment avec des couches sociales moyennes qui perdent ce qu’elles avaient pu conquérir en terme de droits sociaux et de répartition des richesses. Au total, il importe de différentier les peuples-classes des bourgeoisies, c’est à dire des classes dominantes de chaque pays. En faisant intervenir les clivages sociaux-économiques internes à chaque pays on enrichie l’analyse et on permet aussi de donner prise à la solidarité entre les peuples tel que le MRAP la promeut.

3 - En conséquence de cet effacement du second fossé, c’est le nationalisme et le néo-campisme qui émergent...

Cette amitié entre les peuples-classe se heurte au nationalisme renaissant. Le nationalisme est une idéologie qui vise à créer une "solidarité de dupe" entre la bourgeoisie nationale et son peuple-classe pour combattre une autre nation, elle-même appréhendée comme un tout homogène. Cette critique ne dit pas toute la vérité sur cette problèmatique. Il existe en effet une distinction complémentaire à souligner à propos du nationalisme, celle qui vise à défendre le nationalisme des dominés contre celui des dominants . Cette vision des rapports de force concerne aussi son extension dans un cadre élargi entre les blocs, c’est à dire entre les deux camps mondiaux en affrontement. On défendra alors l’Orient dominé contre l’Occident dominateur. Il s’agit là d’une perception néo-campiste du monde qui n’est qu’une forme de nationalisme étendu. Cette summa divisio fait suite à celle qui opposait les USA capitaliste contre URSS communiste et ses satellites avant 1989 et 1991. Elle a laissé place à Occident contre Orient et à son avatar le "Choc des civilisations" selon la formule de Samuel Huttington. Mais ici aussi il faut voir d’une part 1 qu’il y a des rapports de classe qui brouillent les solidarités mais aussi 2 qu’il y a des critiques à porter contre le sud et des acquis à défendre au nord. Ces complications n’empêchent pas la solidarité envers les peuples-classe du Sud. il s’agit d’une solidarité critique.

4 - ...et qui effacent les autres dominations qui perdurent.

Reste que l’amitié entre les peuples est plus difficile à réaliser si l’on admet ce néo-campisme post 1991 et surtout post 11 septembre 2001. Il a sa part de vérité, notamment la forte modalité réunificatrice des individus par le religieux mais aussi du faux puisque ce religieux masque la conflictualité sociale de classe au profit des couches dominantes ainsi que l’accentuation des oppressions notamment via le "conflit de genre". En effet, partout dans le monde avec l’émergence et l’approfondissement de la crise, ce sont les femmes qui subissent la précarité, le chômage, les bas-revenus et le retour au foyer avec justification du non partage des tâches domestiques. A la surexploitation au travail s’ajoute toutes les formes de dominations, d’oppressions et de violences . Ici ce type de regard sur le monde peut alors montrer des individus subissant une triple domination voire un triple mépris : mépris de classe ("classisme"), de genre (sexisme), d’appartenance ethnique (racisme). A la domination contre le peuple-classe il faudrait ajouter celle contre la nature que l’on oublie trop souvent de part notre objet social mais que les migrations climatiques nous rappellent.

L’amitié entre les peuples-classe se combine aux logiques d’émancipation humaine et donc un soutien actif aux forces d’émancipation tant au sud qu’au nord ; ce qui ne va pas sans un certain regard critique préalable sur une situation du monde fort complexe.

Christian Delarue

1) "Il y a du sud au nord et du nord au sud" sur amitie-entre-les-peuples.org

2) in Différences n° 270 a publié l’analyse d’Alain Gresh sous le titre "’Etat du monde - Gros plan sur la Palestine"

3) Les inégalités économiques dans le monde d’Eric Maurin in "Les nouvelles migrations" ouvrage collectif dirigé par El Mouhoub Mouhoud.

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Les médias et les économistes de la tendance dominante donnent généralement à propos d’un phénomène aussi profond qu’une crise des explications partielles, partiales et biaisées. Cette vision teintée de myopie caractérise tout ce qui touche aux questions économiques. Damien Millet et Eric Toussaint en spécialistes de l’endettement lèvent le voile sur les racines profondes et durables du déséquilibre économique qui caractérise toute la vie sociale. En 2007-2008 a éclaté la crise (…)
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"De toutes les ironies exprimées par la politique étrangère américaine, notre position vis-à -vis de Cuba est la plus paradoxale. Une forte dégradation de la situation économique a provoqué une poussée du nombre de Cubains entrant illégalement aux Etats-Unis.

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Dans le même temps, nous n’avons pas respecté les quotas de visas pour les Cubains désireux d’immigrer aux Etats-Unis [...] quand Castro tente d’empêcher des cubains malheureux de quitter leur pays infortuné, nous l’accusons de violer des droits de l’homme. Mais quand il menace d’ouvrir grand les portes si nous continuons à accueillir sans limites des cubains sans visas - y compris ceux qui ont commis des actes de violence pour aboutir à leurs fins - nous brandissons des menaces imprécises mais aux conséquences terribles. "

Jay Taylor, responsable de la section des intérêts américains à Cuba entre 1987 et 1990, in "Playing into Castro’s hands", the Guardian, Londres, 9 août 1994.

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