Déchouquer le système défaillant a été le slogan de ralliement de la contestation politique et citoyenne en Haïti entre 2018 et 2019. Pourtant cette contestation antisystème a échoué à faire vaciller même une brique de la structure du système, et ce pour des raisons structurelles et systémiques. Sans doute vous vous demandez aussi pourquoi le régime du PHTK a résisté à plus d'un an de révolte sociale sur fond de contestation citoyenne antisystème ? Voici la première partie d'une réflexion qui tente d'expliquer l'indigence comme facteur déterminant de l'effondrement du collectif. Ici, l'indigence n'est plus pensée comme simple concept porteur de privation, mais comme une structure intelligente obéissant à une axiomatique dont les axiomes et postulats sont objectivables. C’est cette structure que nous tentons de décrire pour permettre de bien savoir identifier l’indigence pour mieux la combattre. C'est là notre contribution citoyenne à la lutte contre le système : brandir les étendards de la vérité pour refléter la lumière de la justice et la projeter là où les autres agonisent dans le noir.
Haïti-Marxisme. Gérald Bloncourt, mort le 29 octobre 2018.
Comment porter l'innovation sociale dans un écosystème indigent, soumis à une précarité qui enlève toute dignité et toute humanité ? Comment empêcher l'érosion des contours et l'effondrement de l'ouvrage quand les digues ne tiennent plus ? Du constat au postulat de l'indigence, de l'effondrement au déracinement, il faut trouver les bonnes postures, les bonnes vibrations pour faire émerger une nouvelle écologie de valeurs et passer à l'intelligence.
Nous portons le dissensus politique en affirmant haut et fort, que ce n'est pas la politique qui engendre l'indigence. L'offre politique dans n’importe quel pays est dimensionnée par la compétence des acteurs sociaux, la responsabilité des élites d'affaires, les postures professionnelles des universitaires et des cadres techniques, la confiance en la culture et ses liaisons avec la dignité humaine, la probité et l'intégrité des chercheurs, l'éthique des médias et l'engagement citoyen. Bref, l’offre politique est le reflet de la noblesse et de la grandeur de ceux qui sont dans la hiérarchie sociale. Plus ceux qui ont réussi sont humainement précaires et médiocres, plus l’offre politique sera indigente.
Dans certaines sociétés, le contraste est exponentiellement saisissant dès qu’on cherche à mesurer la contribution des talents des individuels de leur membre dans la performance globale de leur écosystème. Pour s’en convaincre, il suffit de projeter la somme des compétences et des succès individuels sur les murs de la stabilité institutionnelle et de la cohésion sociale de leur pays. Et on ne peut qu'être interloqué, choqué et même révolté de ne trouver aucune trace d’intelligence, aucune empreinte de performance. Un vrai rayonnement obscur tient lieu de paradoxe : le rayon projeté par le regroupement de certains organismes vivants étincelants s’étale comme une ombre diffuse et confuse ! C'est à un tel phénomène qu'on assiste en Haïti.
L'épistémologie nous a appris qu'on ne progresse pas avec ses certitudes pas plus en répétant des activités verrouillées sur des solutions toutes faites. Le progrès et l'innovation sociale ne se conjuguent qu'au temps de la prise de risque et par l’éloignement des zones de confort pour se confronter sans cesse aux incertitudes d'un contexte social qui ne délivre ses causes et ses structures qu'à ceux qui prennent le temps de comprendre pour construire la reliance et trouver les stratégies optimales pour l'action intelligente. L’échec de certains projets, malgré la renommée des agences qui les portent, malgré l’expertise et les milliards qui les supportent, sera toujours dicté et acté, tant qu’ils se limiteront aux activités du prêt à opérationnaliser conçu comme modèle de développement à reproduire dans les pays du sud. L'échec de ce modèle s’explique par un paradoxe qu'on peut désigner sous le nom de la quadrature du temps et de la méthode pour gérer l'urgence. Expertise indigente : Mode d'emploi.
Un peuple meurt sous le poids de ses indigences, l'histoire d'une épopée, celle de Vertières, se gomme sous la pesanteur des impostures qui jalonnent l'existence de ceux et de celles qui ont hérité, des aïeux, l’indépendance. La légende des peuples n'est pas éternelle, elle s'estompe et tombe dans l'oubli, faute de dignité active et mobilisatrice. Vertières n'est qu'un mythe du passé, éclaboussé par l'échec d'un collectif dont ses représentants illustres n'ont pas assez d'honneur et de dignité pour transformer leur présent en une source d’exaltation capable de magnifier les épopées du passé. Ils se contentent de vivre dans les rêves d’ailleurs et de profiter de leurs petites accointances avec les anciens maîtres. Les peuples qui survivent dans la mémoire humaine relèvent bien haut la flamme de leur dignité pour réinventer les faits de gloire de leur passé. Quand ils sont impuissants, insignifiants, ils dérivent dans l’espace-temps comme d’indigentes épaves refusées par tous les ports d’escale.