L’année commence-t-elle bien pour toutes les personnes qui luttent depuis des lustres pour montrer les pratiques de la France à l’extérieur, particulièrement dans les territoires africains ? Le 05 janvier 2013, Laurent Ruquier et ses chroniqueurs ont reçu dans l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, Ziad Takieddine, homme d’affaires franco-libanais.
Connu du grand public pour avoir été négociant en armements entre la France et certains pays (Arabie Saoudite, Pakistan, Syrie, Libye…), Ziad Takieddine a des ennuis judiciaires depuis un moment. Ses amis politiques français qui ont lui ont confié des rôles et bénéficié en retour de ses largesses (c.f vidéo) ne subissent que très peu les effets des charges médiatico-judiciaires qu’il connaît. Mieux, tout ce beau monde en costume cravate le lâche et nie l’amitié qui le lie à Ziad Takieddine, devenu selon ses propres mots « un ami encombrant ». Donc, l’homme d’affaires a décidé de balancer et de livrer une partie, une partie probablement, de la vérité.
Ce qui nous intéresse ici, c’est principalement le volet libyen de la gigantesque machine à corrompre que dépeint publiquement Ziad Takieddine. L’homme avait déjà éclairé nos lanternes sur la guerre contre la Libye et fait des déclarations sur le rôle primordial (ce tout observateur attentif avait d’ailleurs vu) du Qatar.
Sur France 2, Ziad Takieddine a été un cran plus loin. Il informe le public que 400 millions d’euros ont été offerts par la Libye de Kadhafi à différentes personnalités parmi lesquelles Nicolas Sarkozy via des comptes bancaires et différentes sociétés françaises. Interrogé sur le chiffre de 50 millions d’euros qui circule depuis les déclarations de Saïf-El Islam Kadhafi en 2011 demandant à Sarkozy de rendre l’argent que la Libye lui avait filé pour sa campagne électorale en 2007, l’homme d’affaires répond « il s’agit là juste d’une goutte d’eau ». Il confirme avoir des preuves et avoir déjà parlé au juge chargé du dossier. On attend donc la suite.
Sur la guerre contre la Libye, l’interviewé confirme ce que bon nombre d’observateurs disaient, à savoir que les bombardements et toutes les destructions que le pays a subis étaient fondés sur un montage. Ne niant pas le « caractère dictatorial » du régime Kadhafi, il reconnait toutefois que les raisons pour tuer Kadhafi sont loin d’être celles qu’on avait inventées et propagées massivement.
Ziad Takieddine déclarera aussi que la corruption en France est tellement gigantesque que le déclin de ses exportations en est sa conséquence immédiate. « La France perd des marchés et n’exporte plus rien à cause de la corruption. Personne ne fait plus confiance à la France », affirme-t-il. Mais ce type de déclaration n’est pas nouveau en France. Ce pays qui se présente comme « Le pays des droits de l’Homme » est bien connu pour son goût immodéré pour l’argent des tyrans africains pour qui financer la vie politique française de la Gauche à Droite en passant par les Extrêmes est un devoir patriotique. On se souvient dans ce registre des « révélations » d’un autre franco-libanais et gabonais par intérêt pour qui feu Omar Bongo fut « papa », Robert Bourgi, « Monsieur Afrique » de Nicolas Sarkozy qui en septembre 2011, affirmait avoir convoyé des fonds de l’Afrique aux hommes politiques français un nombre incalculable de fois. Le public français s’est à peine ému de cette situation connue de longue date, car quel est le but des colonies si ce n’est d’être au service de la Métropole. Quelques jours d’émotion dans certaines chaumières et les propos de Robert Bourgi qui soi-disant étaient, selon les médias français des « révélations » avaient fini par se dissoudre. Les plus rusés des commentateurs à l’époque avaient ressorti l’antienne du « pas de preuves, pas de preuves » ou « pareilles allégations contribuent à favoriser les extrémistes puisqu’elles présentent toute la classe politique de gouvernement comme une bande de Tous Pourris » pour tuer le scandale que les optimistes avaient annoncé. Les témoins de bonne moralité, comme ils sont légion en France étaient montés au créneau pour dénoncer les règlements de compte sordides et autres tentatives de déstabilisation entre différentes factions françafricaines. La suite, on la connait : pas d’affaires Bourgi.
Une fois encore la justice française a accompli son devoir. Celui d’être la protectrice des crimes aussi bien économiques que politiques que cette France-là commet au su et au vu de tous à l’extérieur de ses frontières, particulièrement en Afrique. Cette justice française qui aime coller des peines très très dures aux politiques corrompus à savoir : emprisonnement avec sursis, quelques années d’inéligibilité, ou encore plus violemment, affaires classées sans suite… s’est montrée impitoyable à maintes reprises sur ces « Révélations-secrets de polichinelle » françafricaines.
Alors, quel sort la justice française va-t-elle réserver aux affirmations de Ziad Takieddine ? Et le peuple français, que va-t-il faire face aux « révélations » de cet homme d’affaires ? Les fameux journalistes spécialistes autoproclamés de l’Afrique et employés des marchands d’armes ou des « investisseurs » humanitaires en Afrique tels que Bolloré, Aréva, Lagardère, Dassault…que nous diront-ils cette fois-ci ? A la vérité, il n’y aura rien, comme il n’y a jamais rien eu. Pourquoi s’émouvoir pour des gens des colonies qu’on vole en faveur de la Métropole ? Comment donc accueillir les déclarations de Ziad Takieddine si ne ce n’est par un « bofff !!! » de mépris. Les français sont habitués à un monde politique pourri qui est son émanation. La cuisine politique française a un goût étrange et une odeur repoussante, mais le chauvinisme obligeant, beaucoup de français l’aiment et la protègent contre tout ce qu’ils considèrent comme une attaque contre leur beau pays. Dès que quelqu’un tente d’exposer les forfaitures de la France en Afrique ou ailleurs, il est traité d’antifrançais ou d’affabulateur. Ce pays, au fond, n’est jamais sorti malgré la Révolution de 1789, des sentiers de l’Ancien Régime. La parole des hommes politiques nationaux prime toute accusation ou toute révélation comportant un élément d’extranéité.
C’est dire combien la moralité et les principes comptent pour quelque chose dans cette fameuse démocratie donneuse de leçons où à titre illustratif un corrompu en la personne d’Alain Juppé a pu redevenir ministre des affaires étrangères, fauteur de guerre, mais perçu et présenté comme une « Référence » en droiture comme on a pu le voir lors du conflit issu du tripatouillage électoral entre Copé et Fillon à la tête de l’UMP. C’est dire combien aussi, plus l’on est corrompu, plus on accède au sommet de la hiérarchie politique dans ce pays qu’est la France. Chirac connu pour être un voyou, fut tout de même président, puis il sera condamné en 2011 à deux ans de prison avec sursis (toujours le sursis !), Giscard, le grand trafiquant de diamant de la Centrafrique a eu lui aussi son heure, Sarkozy et sa bande sont trempés dans des affaires de corruption avec Bettencourt et Kadhafi entre autres. Que dire des socialistes ? Les années Mitterrand ? L’argent n’ayant pas de couleur, François Hollande et sa clique perpétuent la tradition de Mitterrand qui est pour le nouveau locataire de l’Elysée « un modèle ». Ainsi, en pleine campagne pour l’élection présidentielle française de 2012, Laurent Fabius futur ministre des affaires étrangères courut « animer une conférence sur les pays émergents au Gabon » et passa juste dire bonjour à Ali Bongo de chez qui il sortit les mains et les poches entièrement vides. Qu’ont dit les français ? Totalement indifférents !
Bertrand Russell disait qu’il est dans la nature de l’impérialisme que les citoyens de la puissance impérialiste soient toujours les derniers à se soucier de ce qui se passe dans les colonies. Autrement dit, il est illusoire d’attendre que le changement de l’ordre politico-économique et moral dans les colonies vienne de la Métropole. Car, celle-ci a besoin pour sa survie de garder dans son orbite les premières, et lorsque c’est nécessaire, la puissance coloniale procède à certaines retouches utiles consistant à desserrer le garrot aux colonies qui, ayant le sentiment de ne plus être étouffées par l’attache, voient pourtant leur sang couler beaucoup plus abondamment. C’est ce qu’on appelle pour ce qui est des territoires africains, l’indépendance.
Pour finir, il est important de constater qu’un fin connaisseur des arcanes de la machine étatique de la France en la personne de Ziad Takieddine éclaire certains esprits qui ici ou là -bas, doutent toujours des vraies intentions des propagateurs de la liberté, de la démocratie et du développement dans le monde, notamment en Afrique. Si la justice française réservera le sort qu’on imagine, peut-être à tort, aux « révélations » de Takieddine, on peut tout de même espérer qu’elles puissent contribuer à l’édification de la conscience combattante des populations victimes de ces pratiques mafieuses que la propagande muette ou active nie ou relègue à l’aube des temps anciens.
Komla KPOGLI
06 janvier 2013
http://lajuda.blogspot.de/2013/01/ziad-takieddine-la-france-et-la.html