RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher
17 

Washington et le mythe inepte de la « Russie isolée »

Le SPIEF (Saint Petersburg International Economic Forum) ouvre ses portes à Saint-Pétersbourg. Il rassemble soixante-treize nations. Il démontre s’il en était besoin l’impact mondial de cette belle cité (on ne va pas la comparer à Las Vegas tout de même ?), l’intégration de la Russie au monde des affaires et surtout au monde.

L’importance des BRICS est même reconnue par un occident jaloux et déphasé qui ne sait comment se féliciter d’avoir fait de la Russie un « pays isolé et condamné par tous » sur la scène internationale. Mais même au niveau européen, on ne peut pas dire que la rencontre de Vladimir Poutine avec le pape François, Renzi et Berlusconi — qui a demandé la fin des sanctions — puisse être perçue comme une démonstration que la Russie est un pays humilié et offensé. On assiste ici surtout à un maelström médiatique qui concerne exclusivement les journaux et les agences occidentales qui le promeuvent ; toutes et tous entre les mains d’une camarilla russophobe et surtout psychotique.

Dans son excellent livre sur Charlie, qui fait le point sur l’américanisation de l’Europe occidentale et les déprédations morales qui en découlent, l’anthropologue et penseur Emmanuel Todd remarque que les élites sont devenues russophobes en Europe, et ce d’une manière presque fonctionnelle. Les élites sont passionnément russophobes parce qu’elles se reconnaissent dans le modèle dit des élites hostiles, le modèle oligarchique étasunien qui maltraite son peuple et lui impose un cruel Etat policier, modèle oligarchique qui concentre la richesse entre les mains d’une poignée de banquiers et de spéculateurs, modèle oligarchique enfin qui se maintient au pouvoir en créant des dangers imaginaires : le péril musulman, le péril russe, hier encore le péril jaune, aujourd’hui toujours le péril jaune ; car la rhétorique antichinoise prend un tour inquiétant.

Il est facile de contrôler et de rétribuer de pareilles élites « européennes » : elles vont dans les cabinets d’affaires étasuniens qui dépècent les biens des peuples, elles se font inviter toutes fières au Bilderberg, elles touchent des indemnités royales de la part de la banque Goldman Sachs qui tient les finances du continent. Théorie de la conspiration : Et Monti, et Draghi, et Papandréou, et Kissing, et Sutherland d’où viennent-ils et où vont-ils ? La plupart des commissaires européens sont ainsi recyclés par des corporations étasuniennes au cours de bourse scandaleux. La cotisation boursière étasunienne représente 50% du total mondial pour un PNB qui n’atteint même plus 15%.

Les médias domestiqués reproduisent fidèlement cette vision oligarchique et psychotique. Le mythe de la Russie isolée repose sur une vision médiatique biaisée : on confond les EU, le Royaume-Uni et quelque affidés (l’Allemagne et le Japon qui restent de simples protectorats étasuniens, écrivait Brzezinski en 1997 dans son Grand échiquier) avec la communauté internationale, et on confond de façon inepte cette communauté internationale avec le monde.

Or la « communauté internationale » n’est pas le monde, et le brouillon Jeb Bush et l’hilarante Hillary Clinton l’apprendront bientôt à leurs dépens. La Russie est aujourd’hui l’alliée la plus sûre de la Chine (seul John Mearsheimer l’a compris outre-Atlantique ; ô pauvres élites étasuniennes !), et la Chine est aussi l’alliée et la financière de l’Amérique du sud, et elle développe une Afrique que les saccages postcoloniaux des occidentaux avaient maintenu dans un ubuesque sous-développement.

Sagesse de Dieu, folie du monde, dit Saint Paul ; sagesse du monde, folie de l’Occident pourrions-nous dire ici en rappelant aussi que la Russie se rapproche aussi de la Turquie ou de l’Egypte, sous les imprécations et les sarcasmes de la petite presse occidentale, plus tellement lue, mais tellement subventionnée. Les plans sociaux des journaux se multiplient en France, Newsweek a disparu des kiosques, le Washington Post aboie pour Amazon et le NYT pour le mexicain le plus riche du monde. Tout cela explique cette désagrégation morale de la presse qui soutient les arguties les plus belliqueuses. Cela n’empêche pas la Russie de vendre aujourd’hui autant d’armes que la médusée hyper-puissance américaine.

Emmanuel Todd explique que la Russie a un destin éminemment gaulliste qui permettrait à l’Europe d’échapper à l’étouffante emprise étasunienne (on croirait le serpent de Laocoon dans l’Eneide de Virgile, qui d’ailleurs vient aussi de la mer) ; et que c’est un pays fondamentalement égalitaire, ce qui nuit à l’emprise agressive, corporative et oligarchique de la société étasunienne.

Les menaces et imprécations de Washington n’ont pas empêché les faits suivants :
L’Iran a été épargné, l’Amérique du Sud a retrouvé son indépendance et tonne avec Dilma Rousseff contre le modèle du Big Stick étasunien ; la Chine investit en Afrique et crée avec la Russie la sphère de coprospérité asiatique dont le vrai continent (par opposition au vieux continent) avait tant besoin. L’Occident étasunien, lui, se limite à la gesticulation militaire et à la théâtralité offusquée : et ce ne sont pas ses centaines d’experts ou de troufions qui changeront la donne en Asie centrale. Quant à ses prestations en Syrie...

En réalité, il est temps de le dire : ce n’est pas la Russie qui est isolée, c’est l’Europe occidentale. Ce « petit cap de l’Asie », disait le poète Valéry, vieillit, s’appauvrit, laisse échapper sa chance de contribuer à la grande aventure eurasiatique pour obéir à son tireur de ficelles étasunien. La Russie conquiert le monde avec la Chine, dans une libre communauté de nations jadis pillées par nos banquiers, laissant aux nouveaux esclaves de l’oncle Tom le soin de péricliter dans la vétusté, la paranoïa et les émeutes raciales.

Il y a cinquante ans, Enoch Powell prônait un rapprochement de l’Europe et de la Russie, ainsi qu’une surveillance de nos frontières au sud. Voyez où nous en sommes : l’OTAN veut la guerre contre la Russie et a créé l’invasion au sud via la Libye.

Comme dit Hegel, la sagesse vient au soir du monde, comme la chouette.

Nous verrons bien.

»» http://fr.sputniknews.com/analyse/20150615/1016546396.html
URL de cet article 28828
  

Même Thème
L’Etat voyou
William BLUM
Quatrième de couverture « Si j’étais président, j’arrêterais en quelques jours les attaques terroristes contre les États-Unis. Définitivement. D’abord, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux personnes torturées, à celles tombées dans la misère, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain. Ensuite, j’annoncerais aux quatre coins du monde que les interventions américaines dans le monde sont définitivement terminées, et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51e (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Si les Etats-Unis voyaient ce que les Etats-Unis font aux Etats-Unis, les Etats-Unis envahiraient les Etats-Unis pour libérer les Etats-Unis de la tyrannie des Etats-Unis"

Vignolo

"Un système meurtrier est en train de se créer sous nos yeux" (Republik)
Une allégation de viol inventée et des preuves fabriquées en Suède, la pression du Royaume-Uni pour ne pas abandonner l’affaire, un juge partial, la détention dans une prison de sécurité maximale, la torture psychologique - et bientôt l’extradition vers les États-Unis, où il pourrait être condamné à 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre. Pour la première fois, le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, Nils Melzer, parle en détail des conclusions explosives de son enquête sur (...)
11 
Analyse de la culture du mensonge et de la manipulation "à la Marie-Anne Boutoleau/Ornella Guyet" sur un site alter.
Question : Est-il possible de rédiger un article accusateur qui fait un buzz sur internet en fournissant des "sources" et des "documents" qui, une fois vérifiés, prouvent... le contraire de ce qui est affirmé ? Réponse : Oui, c’est possible. Question : Qui peut tomber dans un tel panneau ? Réponse : tout le monde - vous, par exemple. Question : Qui peut faire ça et comment font-ils ? Réponse : Marie-Anne Boutoleau, Article XI et CQFD, en comptant sur un phénomène connu : "l’inertie des (...)
93 
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.