Victorieuse Syrie

Comme par un matin calme, le paysage s’éclaircit peu à peu en Syrie. Partout à l’offensive, l’armée nationale a reconquis des milliers de kilomètres carrés de territoire à l’est d’Alep, de Homs et de Damas. Elle s’apprête à reprendre le contrôle intégral des frontières syro-jordanienne et syro-irakienne, traditionnelles voies de transit des mercenaires venus dévaster le berceau de la civilisation pour une poignée de pétrodollars.

En restaurant la souveraineté de l’Etat sur le sol national, cette courageuse armée de conscrits inflige un camouflet à tous ceux qui rêvaient de détruire cet Etat récalcitrant, à tous ceux qui voulaient le mettre en charpie parce qu’il osait déjouer leurs plans néo-coloniaux.

Victorieuse sur le plan militaire depuis la libération d’Alep, la Syrie souveraine l’emporte aussi sur le plan politique. Le temps paraît lointain où “Le Monde diplomatique” pouvait prédire, sans craindre le ridicule, l’exil doré de la famille Assad quelque part en Sibérie. Ses adversaires, le président syrien les a vus défiler, qui psalmodiaient les mêmes stupidités sur un pays dont ils ignoraient tout. A en croire les Occidentaux, le départ de Bachar Al-Assad devait être un “préalable” à la solution de la crise. En réalité, c’était tout le contraire. La résistance de l’Etat syrien dont le président est la clé de voûte exigeait son maintien. Là où tant d’autres auraient pris la poudre d’escampette, le chef est resté à son poste, et il a bien fait.

Fervent admirateur d’Al-Qaida, Laurent Fabius estimait que le chef de l’Etat syrien “ne méritait pas d’être sur terre”. Mauvaise pioche ! Car si M. Fabius cultive son éthylisme mondain au Conseil constitutionnel, M. Assad, lui, est toujours aux commandes à Damas. Son armée élimine la nébuleuse de groupes sectaires dont l’ancien ministre espérait le triomphe, et le peuple syrien goûte l’espoir renaissant d’une issue à la guerre. Ce qui est frappant avec les dirigeants occidentaux, c’est leur tendance à parler trop vite. Pendant six ans, leur presse aux ordres répétait comme un mantra l’effondrement imminent du régime syrien. Heureusement pour les journalistes, ils ne sont pas payés au résultat.

Pour comprendre les raisons de cette résistance à une offensive internationale sans précédent, il suffisait de consulter des sources fiables et d’exercer son jugement critique. Les officines de propagande avaient beau prétendre qu’un peuple unanime se dressait contre le tyran, on pouvait voir sur “Al-Mayadeen”, en mars et octobre 2011, de gigantesques rassemblements populaires en faveur du “gouvernement et des réformes”. Clamant sa fidélité à l’Etat nationaliste laïc et son rejet de la charia wahhabite, la foule inondait les rues de Damas, Alep, Tartous et ailleurs. Mais les médias occidentaux préféraient braquer leurs caméras vers des attroupements de barbus en les faisant passer pour un soulèvement populaire.

Des faits majeurs, indispensables à l’intelligence des événements, ne firent donc l’objet d’aucune narration, tandis qu’on nous proposait une narration des “faits” qui consistait à les fabriquer pour les besoins de la cause. Les “rebelles modérés” massacraient les familles des fonctionnaires baasistes, par exemple, et ces horreurs étaient imputées à une armée nationale dont il était entendu qu’elle “tire sur les civils”. Les “neocons” de Washington étant à la manoeuvre, ce genre de supercherie était pourtant plus que prévisible. “Pendant que vous parlez de la réalité que nous produisons, nous produisons une nouvelle réalité”, disait Karl Rove, conseiller de George W. Bush et apôtre distingué du “chaos constructif”.

Heureusement, vient un moment où l’épreuve des faits dissipe les mensonges les plus grossiers. Difficile de répéter les sornettes habituelles lorsque les populations fuient manifestement les zones rebelles, l’armée reconquiert peu à peu le territoire national et le gouvernement syrien, à l’évidence, bénéficie du soutien sans faille de ses alliés. Après avoir renoncé à la formule rituelle sur le “régime aux abois”, la presse occidentale a fini par proscrire son ironie coutumière sur les “victoires en trompe-l’oeil” de Damas. Pour se divertir, il aurait fallu conserver les centaines d’articles expliquant que les Russes et les Iraniens allaient “lâcher Bachar” et que c’était cuit pour le “despote”. Seul Jean-Pierre Filiu, tel un disque rayé, s’obstine à dire qu’il n’y a “plus d’armée syrienne”, mais on se demande sur quelle planète il habite.

Victorieuse sur le plan militaire face aux milices takfiristes, soutenue par la majorité du peuple syrien qui veut en finir avec cette tragédie, confortée par un jeu d’alliances qui penche en sa faveur, la Syrie souveraine entrevoit le bout du tunnel. L’impérialisme n’ayant pas l’habitude de lâcher le morceau, la route sera encore longue, mais l’évolution favorable de la “guerre du désert” laisse augurer une accélération des événements. Combat d’arrière-garde mené par une puissance en déclin, les provocations militaires US n’y changeront rien. La dernière agression, qui a vu un SU-22 syrien abattu par un F-16 près de Raqqa, a eu pour seul effet de torpiller les velléités de coopération russo-américaine contre Daech, Moscou ayant annoncé que tout aéronef étranger serait dorénavant ciblé par la DCA russe.

Cette provocation a aussi incité les Iraniens à effectuer leur premier tir de missile en territoire syrien contre Daech, l’implication militaire de Téhéran ayant fait preuve d’une discrétion qui n’est plus de mise dès lors que le bras de fer avec Washington atteint un seuil critique. En réalité, cette montée des tensions sert Damas, qui condamne fermement la présence occidentale sur le territoire national, et dont l’allié russe joue sa crédibilité à chaque provocation US. Même s’ils prennent Raqqa, les alliés arabo-kurdes des Etats-Unis vont se retrouver le bec dans l’eau, et l’armée syrienne y retournera sous peu. Bientôt chassé de ses pseudo-capitales (Mossoul et Raqqa), privé de ses voies de ravitaillement, pris en tenailles par les forces irakiennes et syriennes, Daech est en mauvaise posture.

Mais ce n’est pas tout. Une enquête du “Wall Street Journal” vient de donner de précieuses informations sur le soutien d’Israël aux rebelles syriens qui assurent la garde rapprochée du Golan occupé. Peu préoccupé par le sort de ces supplétifs, le journal de la finance new-yorkaise ironise sur le “cash” touché par les chefs de milices. Lorsque Damas en aura fini avec Daech, ces collaborateurs de l’occupant auront du souci à se faire. Quant aux pseudo-défenseurs de la cause palestinienne qui réclamaient des armes pour la “rébellion syrienne”, ils ont l’air malin. “Provoquer la chute de Bachar al-Assad est le meilleur moyen de protéger Israël”, écrivait Hillary Clinton. Après six années de mensonges, les masques tombent. La Syrie a affronté l’envahisseur sioniste en 1948-49, 1967, 1973 et 1982, et elle n’a jamais capitulé. Aujourd’hui, l’heure de vérité approche, mais on sait déjà qui a gagné la partie.

Bruno GUIGUE

COMMENTAIRES  

27/06/2017 11:24 par Sidonie

Vraiment Bruno Guigne est fantastique... Merci à lui d’exister et au GS de le publier !

27/06/2017 15:26 par Fald

Attention quand même au commerce de peau d’ours !
Si l’armée régulière devait gagner, on connaît le scénario, Trump vient de le raconter : on n’attend pas une attaque au gaz pour dire que c’est Bachar et bombarder. Désormais, on déclare avoir la preuve d’une simple intention d’utiliser les gaz, et on envoie le gros des troupes américaines.
Et là, l’armée syrienne, elle n’aura plus le choix que de se planquer, s’habiller en civil et se transformer en "terroristes", justifiant à postériori l’invasion.
Et à part quelques endoctrinés de notre espèce, tout le monde approuvera.
Ce Bachar, c’est vraiment un idiot conseillé par des imbéciles : il agit toujours au contraire de ses intérêts. Ou alors...
Déjà lors de l’assassinat de Hariri. Je me suis dit à l’époque que les services secrets syriens étaient peut-être assez cons pour se casser la baraque de la sorte, mais sans m’enlever de l’idée que les services américains, israéliens et pourquoi pas français étaient assez intelligents. En tout cas, les Syriens ont quitté le pays la queue basse pour la plus grande joie de la "communauté internationale". En plus, cet Hariri, il s’était enrichi vite et beaucoup avec les fonds destinés à la reconstruction du Liban après la guerre dite civile. Et désormais, enquêter sur cette fortune et les complicités est devenu sacrilège. Plus pratique pour les amis d’Hariri que pour ses ennemis !
Quant au gaz de combat, il sort chaque fois que l’armée syrienne avance, c’est à dire chaque fois qu’elle n’a surtout pas intérêt à se faire remarquer sur le scène internationale. Même le plus obtus des sous-offs ne commettrait pas une telle erreur stratégique, et surtout pas deux fois. Et chaque fois en tuant seulement des civils et pas un combattant rebelle. Pile ce qu’il faut pour se mettre à dos les civils survivants et les armées occidentales.
Je n’aime pas le pouvoir personnel, même électif comme chez nous, et encore moins quand il est héréditaire. Que ce soit des dynasties libérales comme à Monaco et au Medef, de droit divin comme au Maroc et dans le golfe, pata-communistes comme en Corée du Nord ou laïques comme en Syrie.
Je ne crois pas que Bachar ait jamais été très soucieux de démocratie. Mais ce n’est pas un idiot. Commettre uniquement et plusieurs fois des crimes qui ne profitent qu’à ses adversaires, ce n’est pas le genre de sa maison.
Mais demandez à la masse des Français à qui profitent tous ces crimes, et on vous accusera d’aller boire le thé à la menthe tous les matins avec Bachar et les fantômes de Saddam et Khadafi, et la vodka tous les soir avec Poutine.

01/07/2017 13:04 par chb

Que de bon sens, Fald ! qui a été largement partagé, dans l’opinion et les médias d’Europe, en 2003 (Powell, Villepin, guerre à l’Irak) ou après Timișoara, mais maintenant diabolisé, inaudible.
Guigue tiendrait rubrique dans Libé si seulement ce journal n’appartenait pas à des banques d’affaires liées aux commerçants en armes.
Quand même, "peau d’ours" : pour une fois que l’auteur fait un peu moins sa Cassandre, on ne se plaindra pas du bol d’air, fût-il Coué-esque.

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