Commençons par une situation imaginaire.
Imaginons une manifestation, disons à Nantes contre l’aéroport de Notre Dame des Landes. Alors que la manifestation se termine, les partis politiques et associations qui l’ont convoqué ne la dissolvent pas. Des groupes radicaux prennent le relais et commencent à construire des barricades. Ils sont aidés pour cela par les services de la ville. Une pluie de cocktails Molotov, de pierres et de pavés s’abat sur les CRS. Une partie du CHU, et la totalité de l’Université sont réduits en cendres. Soudain, les CRS sont attaqués à balles réelles. Plusieurs d’entre eux décèderont. Ajoutons que la manifestation est financée par la Russie de Poutine et que dans les groupes radicaux se trouvent plusieurs membres du Hezbollah libanais.
Alors que le gouvernement utilise toute une panoplie de moyens démocratiques pour enrayer la violence, tous les media internationaux soutiennent cette situation insurrectionnelle et accusent François Hollande d’être le bourreau du Peuple français….
Situation surréaliste et improbable me diront les uns, « arrête la drogue » me diront ironiquement les autres. Et pourtant.
Et pourtant, cette situation est bien réelle. Elle est même un léger condensé de ce que vit le Venezuela depuis plusieurs semaines. Explications.
A qui la faute ?
Depuis maintenant plus d’un mois, alors que l’immense majorité du pays vit sereinement, neuf districts municipaux (municipios) sur les 335 que compte le pays sont en proie à de véritables scènes de guérilla urbaine. Comme par enchantement, ces neuf municipios sont tous dirigés par des maires d’opposition et sont généralement le lieu de résidence des classes aisées. Drôle de révolution populaire qui n’existe que par le truchement des entreprises de communication…
A regarder qui sont les victimes de cette “dictature sanguinaire”, on découvre que la plupart d’entre elles ne sont pas le fruit d’une sanglante répression mais font suite aux actions violentes de l’opposition.
Au 18 mars, on pouvait compter 31 morts dont (1) :
– 5 seraient attribués à des institutions policières (dont une à la Police de Chacao, dirigée par l’opposition). 23 membres des forces de l’ordre ont été mis en examen.
– 6 personnes sont mortes à cause de barricades ou de fils de fer barbelé que les groupes de choc de l’opposition ont tendu dans les rues qu’ils contrôlent.
– 8 personnes ont été assassinées alors qu’elles tentaient de déblayer la voirie et de démonter des barricades.
– 1 personne est morte renversée par une voiture qui tentait de franchir une barricade.
– 7 personnes sont mortes lors d’affrontements de tout type.
– 2 personnes sont décédées car l’ambulance qui les emmenait à l’Hopital a été bloquée par une barricade.
– 1 personne est morte de manière accidentelle. Cette personne était montée sur un toit pour agresser les services de police dans la rue en contrebas. Elle s’est défenestrée en voulant redescendre (2) .
– 1 personne dont les causes restent à déterminer.
De ce total macabre, on dénombre cinq membres de la guardia nacional (l’équivalent de la gendarmerie) assassinés par balle, et un procureur de la République.
De nombreux transports en commun (bus et stations de métro) ont été saccagés, un dispensaire de la mission Barrio Adentro a été incendié (les médecins cubains qui se trouvaient à l’intérieur ont miraculeusement pu en réchapper), neuf camions semi-remorque transportant plusieurs dizaines de tonnes de nourriture à destination des supermarchés publics furent brulés (drôle de manière de protester contre les ruptures de stock que d’incendier la nourriture) ainsi que plusieurs camions citernes remplis d’essence, de nombreux bâtiments publics et ministères ont été attaqués. La Unefa, université publique et gratuite, de la ville de San Cristobal a été entièrement rasée par les flammes. Son importante bibliothèque n’est désormais plus qu’un souvenir….
A un mois du début de cette tentative de déstabilisation, non seulement le gouvernement est toujours en place mais l’opposition, qui soutient dans les faits la terreur des guarimbas perd du terrain. 85,4% des vénézuéliens se déclare opposés à cette forme de protestation (3) . Le président Maduro est même remonté dans les sondages d’opinion : 55,8% des vénézuéliens voteraient pour lui en cas d’élections présidentielles (4) .
Loin des délires médiatiques sur la violation des droits de l’homme au Venezuela, le travail de la médiatrice de la république et de son institution (Defensoria del Pueblo) a été, le 13 mars 2014, reconnu conforme aux principes de Paris et décoré de la classe A par le Comité International de Coordination des Institutions Nationales des droits de l’Homme et par le Haut Commissariat des Nations Unis aux droit de l’homme (5) . Information passée sous silence par la plupart des entreprises de désinformation.
Oubliés aussi les chiffres donnés par le Procureur Général de la République : 31 morts, 461 blessés (dont 143 policiers !!!), 1854 personnes ont été détenues lors des guarimbas et seulement 121 ont été condamnées. 1521 inculpés ont été remis en liberté. Comme dictature, on fait mieux….
Parmi les personnes condamnées, Daniel Ceballos, le maire de San Cristobal (6) et celui de San Diego, Enzo Scarrano (7) ont désormais rejoint Leopoldo Lopez sous les verrous pour leur participation active et logistique dans les guérillas urbaines.
Quant à la députée Maria Corina Machado, représentante du courant le plus extrême de l’opposition, le Panama lui avait cédé son siège à l’Organisation des Etats Américains (OEA) pour qu’elle expose son point de vue, depuis cette chaire médiatique, au monde entier. Non seulement une majorité d’Etat membres de l’OEA a voté pour que cette cession se tienne à huis clos, mais comme la député a clairement violé l’article 149 de la constitution (qui oblige tout vénézuélien à demander l’approbation de l’Assemblée Nationale pour accepter un poste d’un gouvernement étranger), elle a perdu son poste au parlement vénézuélien. Sans l’immunité parlementaire qui la protégeait, elle devra certainement répondre de ses appels à l’insurrection (8) .
Les responsables politiques sont désormais prévenus. S’attaquer frontalement à la République a un coût. Un avertissement pour Ramon Muchacho, le maire du très huppé arrondissement de Chacao, épicentre du vandalisme à Caracas, dont une video démontre des intentions très peu démocratiques. Il n’en est pas à son premier coup d’essai. Après avoir passé toutes ses études dans les écoles de l’Opus Dei à Maracaibo, il fut le secrétaire du maire putchiste de Caracas, Alfredo Peña, lors du coup d’Etat d’avril 2002 (9).
"Cette lutte n’est pas pour quelques paquets de farine de mais, c’est pour que le gouvernement s’en aille"
Paramilitaires et délinquance commune sèment la terreur
Au fur et à mesure que les actions du gouvernement réduisent les foyers de violence, les derniers restant se radicalisent. Bien loin d’être des protestations spontanées, les seuls étudiants qui se maintiennent dans les affrontements de rue le font parce qu’ils sont payés, comme le révèle une conversation téléphonique entre un jeune leader de l’opposition et son comparse (10) . Quant au reste, la délinquance commune et des individus liés aux paramilitaires colombiens ont pris le relais.
Dans les quelques villes où subsistent des barricades, les automobilistes se font racketter s’ils veulent poursuivre leur route. Le ministre de l’Intérieur et de la Justice, Miguel Rodriguez Torres a récemment annoncé dans une conférence de presse que la police a arrêté les responsables de 18 barricades dans la ville de San Cristobal. Bilan : 5 étudiants, 67 délinquants connus des services de police dont plusieurs sollicités par Interpol ! (11) . Les barricades sont devenues un véritable business pour le crime organisé.
Le gouverneur chaviste de l’Etat du Táchira, dont San Cristobal est la capitale, va même plus loin : “[la présence de] paramilitaires colombiens au Táchira est un fait, une réalité, ce n’est pas une fiction ou un mensonge. Ce n’est pas seulement un argument pour dire qu’il y a une attaque perverse contre le Venezuela” (12) .
L’exemple imaginaire de notre introduction prend une tournure bien réelle. Les Etats-Unis financent et des paramilitaires colombiens sont infiltrés dans les groupes radicaux. Malheureusement, les personnes les plus vulnérables à cette stratégie de déstabilisation sont les jeunes naïfs qui participent à ces actions et sont donc exposés aux desseins sans scrupules de ceux qui les manipulent (13) .
Lorsque les maisons et commerces chavistes sont marqués d’une croix
Plus grave encore. Dans les rares villes où persistent des actes de vandalisme, ces groupes de choc commencent désormais à faire régner la terreur en marquant d’une croix les maisons, les appartements ou les commerces tenus par des chavistes. Plusieurs personnes sont désormais soumises à l’hystérie collective de leurs voisins et aux menaces des plus violents. Cette situation a notamment été dénoncée par le président de l’Assemblée Régionale de l’Etat du Lara, Luis Jonas Reyes (14) .
Dans la même ville, dont le maire est un farouche opposant au gouvernement, d’après nos propres informations, des commerces ont aussi été signalés de la sorte.
Ces exemples ne sont lamentablement pas isolés et obéissent à une véritable politique de terreur psychologique contre la population. Ajoutons à cela les dénonciations et menaces dont certains chavistes doivent faire face sur les réseaux sociaux, et nous aurons un fidèle tableau de la stratégie du chaos que prétend imposer l’opposition vénézuélienne dans le pays.
Que vous a dit la presse à ce sujet ? Rien ? Si. Elle vous a transformé des groupes de combattants en de “gentils étudiants” alors que ceux-ci brûlent désormais des bibliothèques et marquent d’une croix le lieu de résidence et de travail de leurs opposants. Tristes souvenirs, tristes souvenirs….
Romain Migus (Caracas).