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Un conflit qui en rappelle un autre

Ce 28 février est le cinquième jour de l’attaque russe contre l’Ukraine. Et, malgré les informations fragmentaires sur les opérations, malgré l’ignorance des objectifs et de la stratégie russes, tout se passe, selon ce que rapportent les médias (par exemple France 2), comme si cette stratégie était en voie d’échouer.

En effet, compte tenu de la disproportion des forces, on pouvait s’attendre à ce que les grandes villes (Kiev, Kharkiv), fussent rapidement prises. Or, aussi bien dans ces deux secteurs que sur les autres fronts (le sud et l’est), les forces russes marquent le pas. On voit des chars, des camions incendiés ou détruits. Et des soldats russes tués, qui semblent être des conscrits peu expérimentés et non des militaires aguerris (comme les Spetsnaz, ces “ forces à désignation spéciale ”). En pareilles circonstances, celui qui ne gagne pas perd, et celui qui ne perd pas gagne.

Or il est curieux qu’à cette occasion les médias n’aient pas opéré le rapprochement avec un autre conflit d’allure semblable. En octobre 1939, donc un mois après la déclaration de guerre de la France et du Royaume-Uni à l’Allemagne, l’URSS – qui pressentait un danger de guerre – demanda à la Finlande des rectifications de frontière pour offrir un glacis protecteur à Leningrad qui, en cas d’occupation de la Finlande par un pays ennemi, se trouverait sous le feu de ses canons. Les Finlandais refusèrent : les Russes passèrent alors à l’attaque, le 30 novembre 1939.

Or, malgré la disproportion énorme des forces (sur le papier), soit 400 000 Soviétiques contre 130 000 Finlandais, ces derniers mirent sévèrement en échec l’Armée rouge, jusqu’au début janvier 1940. Ils lui infligèrent des pertes énormes (près de 127 000 tués contre 27 000 et 3500 blindés détruits. Puis, le 7 janvier, ils changèrent de stratégie et de tactique, et enfoncèrent le front finlandais. La guerre dura jusqu’au 13 mars et se traduisit (globalement) par une défaite de la Finlande, qui dut céder des parties de son territoire. Quels rapprochements peut-on opérer ?

1. L’affrontement entre un grand pays, et un plus petit pays, aux forces disproportionnées, et, dans les deux cas, une résistance acharnée et fructueuse (au moins pendant un mois dans le cas de la Finlande) du plus petit pays. Au demeurant, l’issue finale de la guerre russo-finlandaise – une défaite, certes mesurée, de la Finlande – ne préjuge en rien de l’issue du présent conflit : l’Histoire ne se répète pas nécessairement et comparaison n’est pas raison. [Même si, à 70 ans d’intervalle (1870 et 1940), la France, à Sedan, subit, de la part de l’Allemagne, une défaite décisive vers la même ville : Sedan].

2. La parenté des raisons invoquées par la partie russe (en 1939 comme en 2022) pour passer à l’attaque : la crainte pour sa sécurité. En 1939, les Soviétiques voulaient élargir leur glacis pour mettre Leningrad à l’abri d’une éventuelle artillerie adverse. Ils réclamèrent même aux Finlandais la location du port de Hanko, à l’entrée du golfe de Finlande, pour bloquer toute entrée de navires ennemis dans ce golfe, au fond duquel se situe Saint-Pétersbourg (à l’époque Leningrad) deuxième ville du pays et capitale durant deux siècles. En 2022, la crainte des Russes est que l’Ukraine n’adhère à l’OTAN (dont les Occidentaux avaient juré, en 1991, qu’elle ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’est) et donc que le pays ne dispose plus d’un glacis protecteur d’États-tampons, comme, en 1939, il avait recherché ce glacis devant Leningrad.

3. Une ressemblance, certes mineure, entre la situation de 1939 et celle de 2022, est qu’en décembre 1939 Staline reconnut la République démocratique finlandaise (ou gouvernement de Terijoki), formé d’une étroite bande de terre finlandaise conquise par l’Armée rouge lors des combats de la “ guerre d’hiver ”. De même, en février 2022, Vladimir Poutine a-t-il reconnu les deux Républiques (russophones) et autoproclamées de Donetsk et de Lougansk, à l’est du Donbass.

4. Ressemblance plus anecdotique : le fait que le dirigeant finlandais résistant à l’URSS en 1939-1940 fût le maréchal Carl Gustav Mannerheim, qui, dans la première partie de sa vie, fut un général de l’armée russe (il combattit les Japonais à Moukden lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905 et les Austro-Hongrois durant la guerre de 1914-1918). De même, l’actuel président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, est un Ukrainien russophone. Paradoxalement, deux hommes d’État résistant à la Russie (j’emploie ce terme générique pour désigner également l’URSS) sont issus tous les deux de son sein.

5. Ressemblance entre la situation de 1939-1940 et celle de 2022 : en 1939, la prise de parti de l’opinion publique occidentale (française, britannique, étasunienne, canadienne, suédoise, danoise...) en faveur de la Finlande (mais surtout, contre l’URSS) et l’exclusion de l’URSS de la SDN. Tout comme, en 2022, les opinions publiques de l’Europe, de l’Amérique du Nord et des alliés des États-Unis se sont déclarées à la fois pour l’Ukraine et contre la Russie, et que celle-ci a été exclue d’un certain nombre d’organisations politiques, économiques, culturelles et politiques internationales.

6. Ressemblance stratégique : en 1940, les Français et les Anglais envisagent de débarquer dans le port de Narvik, en Norvège, puis de traverser toute la Scandinavie (donc la Suède neutre) pour prêter main-forte aux Finlandais. De même, en 2022, des troupes de l’OTAN et des troupes françaises ont-elles été dépêchées dans les pays de l’OTAN les plus proches de l’Ukraine. Au cas où...

J’arrête là les comparaisons car l’autre élément qui caractérise la guerre russo-finlandaise de 1939-1940 fut qu’elle préfigura le grand affrontement de la Seconde Guerre mondiale (qui, du côté allié, n’avait touché que la Pologne, mais qui, en mai 1940, allait entraîner dans le conflit les belligérants d’Europe de l’Ouest : France, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Belgique...). J’espère n’avoir jamais à dresser un septième point de ressemblance...

COMMENTAIRES  

01/03/2022 09:38 par Ali Aaltonen

La guérilla finlandaise est un mythe. Les nazis les soutenaient et la bourgeoisie finlandaise s’est toujours tournée vers la Prusse. Le vote prochain au parlement pour la fin de la pseudo neutralité d’Helsinki continue à le prouver.

02/03/2022 23:52 par bostephbesac

En tout cas, la région Mer Noire - Mer D’ Azov passe progressivement sous le contrôle Russe . A cette heure, Kherson, Melitopol, et Berdyansk, sont libérées des Uknazis ; et, dans le secteur de Marioupol, troupes Russes venus de Crimée et combattants du Dombass se seraient rejoints (20 Minutes).............ce qui signifierait l’ encerclement de la ville, et la mise en sécurité du Dombass Sud (Donesk).

Kharkov est désormais soumit au pilonnage régulier de l’ artillerie Russe . Et, à Kiev, l’ aéroport Nord est bel et bien aux mains Russes, malgré les contre-attaques (repoussées) des Uknazis . Par contre, ceux-ci contrôle celui plus au Sud, à l’ Ouest de Kiev.

02/03/2022 23:59 par Autrement

Est très intéressante (et donne à réfléchir) la déclaration du KPRF, Parti Communiste de la Fédération de Russie.

03/03/2022 09:00 par bostephbesac

Oui, et que dit-il, Autrement ?

03/03/2022 11:09 par Autrement

@bosephbesac. Le KPRF dit entre autres, tout en reconnaissant la responsabilité de l’OTAN et les bonnes raisons qu’avait la Russie d’intervenir en Ukraine :

La réponse à la pression extérieure doit être un changement radical de politique intérieure .(...) Le KPRF est convaincu que la défense des intérêts nationaux de la Russie ne se limite pas aux mesures diplomatiques et militaro-politiques. Il y a un besoin croissant de changements majeurs dans la vie de notre pays. Un pivot décisif vers la protection des intérêts des larges masses populaires devient une question de survie historique de la Russie. (...) Le KPRF s’attend à ce que, dans le contexte des menaces extérieures croissantes, les dirigeants de la Fédération de Russie suivent la voie vers la garantie d’une sécurité nationale authentique et totale. Nous sommes convaincus que cela ne peut être garanti que par un changement radical du cours socio-économique et la mise en œuvre de mesures qui constituent la base de notre programme ’Dix étapes vers le pouvoir du peuple’.

Voir tout le texte sur le LIENque j’ai donné (avec source en anglais).
La Russie est un pays capitaliste, il ne faut pas l’oublier. Évidemment, depuis la fin de l’URSS, il ne s’est pas comporté comme l’impérialisme US dont il subit continuellement les attaques larvées.
Mais il faudrait voir de plus près qui pilote les opérations en Ukraine, même s’il y a urgence nationale, et si le résultat visé correspond bien, non seulement aux intérêts populaires des républiques du Donbass, mais aussi à ceux du peuple russe lui-même.
La Géorgie demande maintenant son rattachement à l’UE ! Répercussions inattendues...

03/03/2022 14:43 par CAZA

Bonjour
Je pensais naïvement que si il n’y avait pas plus de morts dans cette guerre la raison en était de la retenue russe qui attend des négociations pour faire tomber de régime actuel tout en obtenant la neutralité future de l’état ukrainien avec le minimum de morts .
Ce qui est saboté par les régimes capitalistes à la botte des yankees qui veulent que ça saigne un max .
Mon grand père était mutin sur le Jean Bart

https://www.gauchemip.org/spip.php?article5118

03/03/2022 19:04 par Autrement

Merci CAZA de cette évocation ! Moi c’est mon père (né en 1897 !) qui a fait la grande guerre - Barbusse et Cie -, engagé volontaire à 17 ans, chemin des Dames, Verdun, 37e régiment d’artillerie de campagne (avec les chevaux !) et qui s’en est tiré avec un éclat d’obus dans l’estomac, opération et guérison réussies grâce à sa jeunesse...
Ses intarissables histoires de guerre sont constitutives de mes souvenirs d’enfance.
Il y perdit son frère aîné, Raymond, qui fut donc aussi le nom de son fils, mon grand frère (et celui des comtes de Toulouse, protecteurs des cathares et des albigeois contre la croisade barbare de Simon de Montfort). Moi j’étais la petite dernière.
J’espère en effet que la Russie va sortir grandie et socialement consolidée de cette histoire, comme l’explicite si bien Lavrov, que la Paix aura la victoire, et que ce sera le début de la fin pour l’arrogance, l’incompétence, les intrigues et les mensonges de l’Occident euro-US.

04/03/2022 00:30 par bostephbesac

Merci Autrement.

04/03/2022 13:50 par CAZA

Merci Autrement
Ce matin au marché le secours populaire quête .
C’est pour les réfugiés ukrainiens qu’elle me dit la dame .
Interloqué je lui demande si le peuple est aujourd’hui du côté des américains .
Mais non dit elle . Mais si je dis en demandant de quand date sa dernière quête pour les palestiniens .
A son regard je comprend que Palestine elle connaît pas .
Seul l’ethnocentrisme occidental peut expliquer ce fanatisme anti-russe . la propagande ne suffit pas .
Sous l’humanisme , genre vernis superficiel, des occidentaux , la bête raciste et colonialiste reste active et dominante .
Bon plus de 10 000 mille tous les jours ici sur LGS c’est réconfortant .
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ethnocentrisme

04/03/2022 16:14 par GC45

@ Philippe ARNAUD
Vous oubliez la guerre civile finlandaise préalable et le massacre des "rouges".
L’URSS avait d’excellentes raisons de se méfier des fascistes finlandais, en sus du problème que posait la défense de Leningrad.
Les territoires litigieux avaient changé plusieurs fois de statut administratif avant l’indépendance de la Finlande et le problème aurait pu être réglé si les Finlandais raisonnables avaient été écoutés par leurs compatriotes.
Le manque de réalisme des extrémistes a coûté très cher à la Finlande. Suite tant à la guerre civile qu’à la guerre tout court il y avait 7 femmes/filles pour un homme en Finlande à la libération. Les destructions à reconstruire et les dommages de guerre à payer, en plus.

Par ailleurs, le parallèle ne tient pas, car il n’y avait pas de minorité russophone en Finlande, pays officiellement "bilingue" - à condition de ne pas tenir compte des Lapons - tandis que les putschistes bandéristes ont interdit l’usage et l’enseignement de la langue majoritaire (le russe) et des langues minoritaires, dont le hongrois. C’est comme si on interdisait le français à Paris et le breton à Quimperlé.

Autre différence majeure : les bandéristes bombardent le Donbass depuis 8 ans sans que les belles âmes occidentales s’en émeuvent.

Par ailleurs l’OTAN avait armé une énorme concentration de troupes (dont des milliers de mercenaires) et de matériel pour écraser le Donbass. L’attaque était, selon certains, imminente. Devant l’inévitable, "Poutine" (on ne décide jamais seul de ce genre de choses) s’est résigné à attaquer en premier, et donc à perdre la guerre médiatique.
Du coup la gauche au quasi grand complet, tout comme la droite, se range du côté des banderistes, et donc de l’impérialisme fasciste anglo-saxon.
Au parlement européen Thierry Marriani semble avoir été le seul du RN à "faire tâche" (honneur à celui qui avait déjà osé la différence en ce qui concerne la Syrie).
"Biden" voulait la guerre que Truman avait refusé à Churchill (Operation Unthinkable) et il l’a eue.

A tout hasard, pour éviter les malentendus : je me réclame de Louis Lecoin.

05/03/2022 08:14 par CAZA

Bonjour GC45
Où trouver les détails concernant la future attaque ukrainienne contre le Dombass .

05/03/2022 11:13 par bostephbesac

Oui, où trouver les détails (?)....................tout en devinant que ce scénario était bien ecrit, "expérience de 8 ans" oblige.

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