Mozzarella de bufflonne : derrière l’image idyllique, une réalité sordide

La Mozzarella de Bufflonne (Mozzarella di Bufala) est l'un des produits les plus connus et les plus vendus d'Italie. Commercialisé avec la mention "Made in Italy", il est considéré comme un produit d'excellence, apprécié tant au niveau national qu'international. Mais depuis quelques années, des ONG alertent sur les dérives de cette production. Derrière l'image idyllique, souvent dépeinte dans la pub (animaux broutant dans l'herbe etc.), se cache une réalité de souffrance animale que la plupart des consommateurs ignorent.

La mozzarella de bufflonne est associée à la région de la Campanie (côte ouest de l’Italie) où elle bénéficie d’une appellation d’origine protégée. Dans cette région, on élève environ 300 000 buffles, en grande majorité pour leur lait (qui permet de produire la célèbre mozzarella). Sur les 55 000 tonnes de mozzarella de bufflonne produites chaque année en Campanie, plus d’un tiers est destiné à l’exportation. La France, l’Espagne, l’Angleterre, l’Allemagne, la Suisse ou encore les États-Unis sont parmi les principaux clients. A elle seule, la France représente environ le tiers des exportations.

Le marché de la mozzarella n’a pas toujours été ce qu’il est. Depuis l’obtention du label AOP dans les années 90 et malgré quelques difficultés dans les années 2000 (scandale du lait contaminé à la dioxine notamment), en quelques décennies, la demande a explosé. En Europe (marché mature) d’une part, mais aussi plus récemment en Amérique du nord et en Asie (marchés émergents). Pour répondre à cette demande, de nombreux éleveurs se sont alors tournés vers l’intensif, avec tout ce que cela engendre de conséquences négatives pour les animaux.

Fini les pâturages, les buffles sont la plupart du temps enfermés dans des étables sales, où la lumière du jour entre peu. Impossible d’exprimer des comportements naturels, comme se baigner (essentiel pour réguler sa température corporelle) ou se coucher sur des surfaces propres, les animaux se tiennent généralement debout, sur des sols durs jonchés d’excréments. Les bufflonnes (femelles) sont surexploitées, pour maximiser la production de lait, tandis que les petits, souvent retirés de leur mère dès la naissance, sont placés à l’isolement dans de petites cages.

Des associations de protection animale (Essere Animali, Animal Equality Italia, We Animals, Four Paws) ont enquêté durant plusieurs années dans des élevages intensifs de bufflonne. Les images qu’elles rapportent sont édifiantes. On y voit des animaux vivant dans des environnements dépouillés, insalubres, en contact permanent avec le béton. Nombre de bufflonnes souffrent de sabots trop longs, de tumeurs et de blessures non soignées ; certaines n’arrivent même plus à marcher. Des images prises au moment de la traite montrent des animaux entravés, les pattes attachées pour les empêcher de partir (ou donner des coups de pattes dans la pompe à lait).

Dans ce type d’élevages, les animaux sont considérés comme de simples machines à produire. Certaines bufflonnes présentent des cas de prolapsus graves, typiquement causés par des gestations multiples (elles mêmes engendrées par des inséminations artificielles à répétition), une alimentation inadéquate et un manque d’exercice physique. Pour augmenter la production de lait, les bufflonnes reçoivent également des injections d’ocytocine, une hormone dont la production naturelle est inhibée par les conditions de stress dans lesquelles elles vivent.

Les petits ne sont pas mieux traités. De nombreuses images montrent des veaux émaciés, qui peuvent à peine tenir debout. Dans certains élevages, ils sont placés dans des cages individuelles (avec un sol grillagé dépourvu de litière), dans d’autres, ils doivent supporter un anneau nasal les empêchant de téter. Ailleurs, on peut voir des veaux morts gisant sur le sol au milieu de leurs congénères. D’autres images encore, prises lors du chargement des veaux (mâles) pour l’abattoir, montrent des opérateurs traiter les animaux sans ménagement, les jetant dans les camions comme de vulgaires marchandises.

Le sort des veaux mâles est d’ailleurs un sujet en soi. Dans l’une des enquêtes, un militant témoigne : "Nous avons trouvé ce qui semblait être un charnier de jeunes buffles mâles". Explication. Dans l’industrie laitière, les mâles sont considérés comme des ressources inutiles (dont il faut se débarrasser au plus vite) (1). Mais comme la loi italienne impose d’attendre l’âge d’un mois avant de les envoyer à l’abattoir, certains éleveurs décident de s’en débarrasser eux-mêmes (clandestinement). La presse italienne se fait régulièrement l’écho d’affaires sordides (animaux affamés, abandonnés, noyés, attachés agonisant en plein soleil).

Autre sujet : la brucellose. A cause des mauvaise conditions de vie (saleté, promiscuité, stress), les animaux d’élevage (à fortiori intensif) sont particulièrement vulnérables aux maladies. Parmi elles la brucellose, une maladie touchant les bovins et potentiellement transmissible à l’homme (via contact avec des animaux infectés, du lait non pasteurisé). Avec ses quelques 1 200 élevages de bufflonne, la région de Campanie est particulièrement touchée par ce problème, lequel requiert régulièrement l’abattage de troupeaux entiers (2).

A cela s’ajoute les problèmes environnementaux. Les bufflonnes sont des ruminants, ce qui les range dans la catégorie des animaux les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Les élevages de bufflonnes sont également de grands consommateurs d’eau (pour cultiver le fourrage, abreuver les animaux) et un facteur de pollution important pour les cours d’eau environnants (rivières, nappes phréatiques). Les effluents d’élevages se déversent dans les rivières voisines (surtout pendant les pluies), ce qui entraine une eutrophisation (un déséquilibre) du milieu et une atteinte à la faune sauvage (poissons et autres)(3).

Les problèmes (scandales) précités rejoignent ceux que l’on retrouve dans les autres types d’élevages laitiers, en particulier intensifs, qui existent un peu partout dans les pays industrialisés (France, Espagne, Angleterre). Élevages dans lesquels les vaches/bufflonnes sont considérées comme de simples machines à produire, surexploitées jusqu’à l’épuisement, tandis que leurs veaux sont considérés comme des sous-produits, voire des déchets (comme ici dans le cas des buffles) lorsque la viande de veau n’est pas valorisable.

Que peut-on faire pour ne pas participer à ça ? Déjà se tourner vers des produits bio, issus de petites fermes, qui respectent quand même mieux le bien-être animal que les élevages intensifs. En bio, certaines pratiques sont interdites (l’écornage des veaux, l’utilisation d’anneaux anti-tétée), les animaux disposent de plus d’espace, d’un accès à l’extérieur. Mais le bio n’est pas une panacée (la séparation veau-mère y est permise, les animaux finissent aussi à l’abattoir) et le mieux est quand même de se passer des produits animaux. Il existe aujourd’hui des mozzarella végétaliennes, faites à partir de noix de cajou ou de soja. Pourquoi ne pas essayer ?

Notes

(1) La viande de veau est peu valorisable. Elle peut éventuellement servir à produire de la nourriture pour chiens et chats.
(2) Selon les propos d’un éleveur rapportés par We Animals, la viande d’animaux abattus (à cause de la brucellose) peut terminer dans des boites en conserve ou des hamburgers servis en fast food (genre McDonald’s).
(3) Sans compter les cadavres de veaux mâles abandonnés dans la nature (champs, rivières) ou enfouis illégalement sous terre qui finissent également par polluer les nappes phréatiques.

Liens et références

Essere Animali (1)
https://www.essereanimali.org/2025/06/il-prezzo-nascosto-eccellenza-made-in-italy/
Essere Animali (2)
https://www.youtube.com/watch?v=59mQzVefd9o
Essere Animali (3)
https://www.youtube.com/watch?v=2zLGJNUToMo
Animal Equality (1)
https://animalequality.org/news/2019/10/30/investigation-the-impact-of-italys-buffalo-mozzarella-production/
Animal Equality (2)
https://www.youtube.com/watch?v=LwiCZ8EiSRY (Animal Equality)
We Animals (1)
https://weanimals.org/project/buffalo-mozzarella-investigation-italy/
We Animals (2)
https://www.youtube.com/watch?v=AtCtp9tro3s (We Animals)(vidéo inclue dans l’article)
Four Paws (1)
https://www.quatre-pattes.ch/campagnes-themes/themes/animaux-rente/mozzarella-de-bufflone-produit-premium-souffrance-cachee
Four Paws (2)
https://www.youtube.com/watch?v=kzXXqEArlCI
Four Paws (3)
https://www.four-paws.org/our-stories/press-releases/2018/buffallo-mozzarella
Mozzarella : Le fromage de la souffrance (Arte)
Derrière la mozzarella di bufala, le scandale de la maltraitance des buffles mâles (Libération/article réservé aux abonnés), version réseaux sociaux, vidéo
L’alliance de la gauche et des verts demande aux ministres de la Santé et de l’Agriculture d’intervenir contre l’abattage/abandon illégal des veaux mâles (pour des raisons éthiques et environnementales)
Abattage/abandon illégal des veaux mâles : la pratique est courante mais les sanctions sont rares
Des jeunes buffles mâles attachés et laissés mourir de faim, noyés dans les rivières et les cours d’eau ...
Des cadavres de jeunes buffles mâles retrouvés ligotés les uns aux autres et laissés mourir de faim
Des cadavres de jeunes buffles mâles retrouvés morts sur une plage
Des petits buffles arrachés à leurs mères et laissés mourir de faim et de soif dans une étable
Plus généralement, le problème (les autres scandales) de l’industrie laitière ... en Italie, en France, en Angleterre, en Espagne

COMMENTAIRES  

15/09/2025 16:03 par taliondachille

mozzarella végétaliennes, faites à partir de noix de cajou

Le problème c’est que les noix de cajou sont principalement produites en Inde, décortiquées par des femmes qui en ont les doigts rongés. Tant que ça ne touche pas des animaux, les vegans dorment tranquillement...

15/09/2025 18:06 par Aquarius15

Tant que ça ne touche pas des animaux, les vegans dorment tranquillement...

Attaquer le capitalisme (et sortir de l’UE) pour améliorer les conditions de travail humaines et les conditions d’exploitataion animale, c’est trop compliqué. C’est tellement plus simple de culpabiliser individuellement les consommateurs.
La généralisation du véganisme aboutirait paradoxalement à la disparition de toutes les espèces exclusivement domestiquées, comme la révolution industrielle avait amené la dispartion de nombreuses races de chevaux de trait.

Il existe aujourd’hui des mozzarella végétaliennes, faites à partir de noix de cajou ou de soja. Pourquoi ne pas essayer ?

L’inocuité de la consommation de soja en quantité comme principale source protéinée n’est pas démontrée chez l’humain, notamment de sexe masculin, dont le régime alimentaire a toujours été omnivore. Parce que c’est ultra-transformé (combien d’additifs de goût/texture ou autre ?). Je ne mangerai pas non plus ton steak moléculaire ni ton Soleil Vert (pas plus que je ne suis un cobaye pour vaccin expérimental).
Les militants vegan et climat sont pour moi les alliés objectifs des transhumanistes de Davos et leur programme dystopique de spoliation des 99% au profit des 1%, dans une certaine analogie avec l’adage "taxons les pauvres, ils sont plus nombreux".
Toutefois, l’avantage de la généralisation du véganisme serait qu’en français, pas besoin de novlangue, "bon apétit" équivalant en quelque sorte à se souhaiter bon courage pour manger...

17/09/2025 19:28 par Josy

On n’a pas besoin de se nourrir de produits , connus à partir de publicités si fallacieuses que si vous n’avez pas vu dans quoi et comment ces bêtes à produire le plus possible , sont traitées vous ne pouvez plus en manger.
La quantité nécessaire à une exportation intensive , en fait un fromage international , formaté pour le goût de quiconque n’a besoin que de vivre selon les critères du tout -venant , d’un conformisme qui d’ailleurs neutralise les aromes et les gouts.

23/09/2025 15:59 par GC45

De toute manière, pour un amateur de fromage la mozzarella n’est pas d’actualité.
Il s’agit d’une mode qui accompagne la consommation de quiches surgelées et de salades bâclées en guise de repas.
La mozzarelle est souvent bradée à l’approche de la date de préemption, ce qui pourrait indiquer que la mode est en train de passer à autre chose, genre truc chimique pour végétaliens.

En randonnée j’emporte soit des tomes sèches soit du fromage à pâte cuite qui supporte la chaleur.
A la maison, on a le choix entre des centaines de spécialités locale, suivant le pays dans lequel on habite ou qu’on visite.

23/09/2025 20:14 par Aquarius15

si vous n’avez pas vu dans quoi et comment ces bêtes à produire le plus possible , sont traitées vous ne pouvez plus en manger

Je comprends, mais me concernant quand on a un apétit d’oiseau, l’essentiel c’est de se nourir, donc je privilégie égoïstement mes goûts.
La souffrance animale dans les élevages intensifs est avant tout due au système capitaliste mondialisé à la cupidité sans limite, comme la souffrance au travail des humains. En s’abstenant de consommer de la mozzarella, on empêche la souffrance d’une bufflonne pendant une durée déterminée, mais ça ne résout pas le fond du problème.

La quantité nécessaire à une exportation intensive , en fait un fromage international , formaté pour le goût de quiconque n’a besoin que de vivre selon les critères du tout -venant , d’un conformisme qui d’ailleurs neutralise les aromes et les gouts.

Plutôt d’accord, surtout pour les Etats-uniens qui n’aiment pas les fromages qui puent (les vrais : "de toute manière, pour un amateur de fromage la mozzarella n’est pas d’actualité."). Selon la légende, les fromages préférés aux USA seraient le jaune et celui qui est orange (à ne pas confondre avec notre mimolette).
La mozzarella di buffala a précisément un peu plus de goût que la mozarella de lait de vache.

En randonnée j’emporte soit des tomes sèches soit du fromage à pâte cuite qui supporte la chaleur.

Mort de rire la vision de la mozzarella après quelques heures à 30°C. Cela dit par fortes chaleurs, mais avec un frigo ou une frigo box (comme disent nos voisins belges), c’est plus digeste que certains "vrais" fromages.

A la maison, on a le choix entre des centaines de spécialités locale, suivant le pays dans lequel on habite ou qu’on visite.

Consommer local garantit au moins un meilleur respect environnemental par un circuit plus court, mais n’offre pas forcément (si on ne connaît pas le producteur) de garantie supplémentaire sur le bien-être animal, notamment en France.

Enfin, comment remplacer la mozzarella, comme quasi base des pizzas ?

26/09/2025 15:05 par CAZA

Carton plein pour Bruxelles ,le plan Marschal , le Crédit Agricole , les ministres de l’ agriculture , la fnsea , la Safer et le remembrement :
99% du lait européen est produit par des vaches qui ne marchent pas dans et ne mangent pas d’ herbe et ne voient pas le soleil . Bio ou pas bio d’ ailleurs .
Les enfants des derniers producteurs de lait de moyenne montagne (1990/2000 ) sont devenus flics ou chômeurs .
Il y a aujourd’hui plus de salariés payés pour tabasser les français que de paysans qui les nourrissent .

Du fromage de vaches des alpages ça existe encore . Comme le Beaufort .
https://www.beaufortdesarves.com/histoirecooplaitierevalleearves-pxl-32_33.html

Sinon ya Lactalis ,avec Président , le faux camembert préféré des bobocaves .
<<<< Périco Légasse : "Le camembert Président, ce fromage d’infamie qui salit la Normandie"
<<<«  Libre à Emmanuel Besnier (pédégé de Lactalis) de produire sa merde pasteurisée, mais qu’il ne salisse pas la Normandie avec.  »
EtcEtc yen a plein le Net ;
Bonne dégustation

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