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Malgré le massacre de Gaza, Israël reste immunisé contre les critiques (Counterpunch)

Photo par Swithun Crowe | CC BY 2.0

Des milliers de manifestants sont retournés à la frontière vendredi dernier, ils ont brûlé de grands tas de pneus pour créer un écran de fumée noire, dans l’espoir qu’il les cache aux snipers israéliens. Selon le ministère de la santé de Gaza, 5 personnes auraient été tuées ce vendredi et 1070 blessées dont 293 victimes de balles réelles.

Les manifestants savent à quoi s’attendre. Une vidéo, datant du premier jour de la marche, montre un manifestant atteint dans le dos par le tir d’un sniper israélien alors qu’il s’éloignait de la barrière séparant Gaza d’Israël. Sur d’autres séquences, on peut voir des palestiniens tués ou blessés pendant qu’ils priaient, marchaient les mains vides vers la barrière frontalière ou qu’ils brandissaient, tout simplement, le drapeau palestinien.

Tous ceux qui se trouvent à moins de 300 mètres sont qualifiés « d’instigateurs » par l’armée israélienne, ses soldats ont reçu l’ordre de les abattre.

« Tout a été effectué sous contrôle ; tout était précis et mesuré, et nous savons où chaque balle a atterri, » affirmait un militaire israélien dans un tweet, le 30 Mars, au lendemain de la fusillade de masse, au début des 45 jours de ce que les palestiniens appellent la « Grande Marche du Retour » vers les maisons qu’ils avaient abandonnées, il y a 70 ans. Le tweet a été effacé peu de temps après, peut-être parce qu’une vidéo est apparue montrant un manifestant abattu d’un tir dans le dos.

L’ampleur des pertes subies le premier jour de la manifestation, il y a une semaine, est choquante, jusqu’à 16 personnes tuées et 1415 blessées, dont 758 touchées par des tirs à balles réelles, selon les responsables de la santé à Gaza. Ces chiffres sont contestés par Israël qui prétend que seules quelques dizaines de personnes auraient été blessées. Mais les médecins de l’hôpital Shifa de la ville de Gaza ont déclaré à Human Rights Watch, avoir soigné 294 manifestants blessés, « la plupart blessés au niveau des membres inférieurs par des balles réelles »

Imaginez un instant qu’au lieu des 2 millions de palestiniens de Gaza, réfugiés de 1948 pour la plupart, les 6 millions de réfugiés syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie aient entamé une marche de retour vers leurs foyers en Syrie, abandonnés depuis 2011. Supposons qu’en approchant de la frontière syrienne, l’armée syrienne leur ait tiré dessus, tuant et blessant des centaines d’entre eux. La Syrie affirmerait certainement que les manifestants étaient armés et dangereux, bien que cela pourrait être contredit par l’absence de victimes parmi les militaires syriens.

Le tollé international contre le régime meurtrier syrien, à Washington, Londres, Paris et Berlin ferait écho dans le monde entier. Boris Johnson traiterait Al Assad de boucher et Nikki Haley, l’ambassadeur étasunienne aux Nations-Unies, brandirait les photos des morts et des mourants devant le Conseil de sécurité.

Bien sûr, Israël nierait furieusement un quelconque parallèle entre les deux situations. Son porte-parole, David Keyes, a même semoncé CNN pour avoir utilisé le terme « protestation » alors que « ce qui s’est vraiment passé est que Hamas a orchestré cet événement pour que des milliers de personnes envahissent Israël, pour l’anéantir et commettre des actes de terreur. En effet, on a pris en photo des gens qui tiraient avec des armes, qui mettaient des bombes et qui lançaient des roquettes. »

Aucune photo de ces manifestants prétendument bien armés, en l’occurrence. Quatre jours plus tard, Human Rights Watch a publié un rapport intitulé Israël : Massacres à Gaza, illégaux, calculés. Les responsables ont donné leur feu-vert pour tirer sur des manifestants désarmés. Selon Human Rights Watch, il n’y aurait « aucune preuve d’utilisation d’armes à feu par un quelconque manifestant ». Les enregistrements publiés par l’armée israélienne, montrant deux hommes tirant sur ses troupes, se sont avérés étrangers à la manifestation.

Les ministres israéliens ne sont nullement décontenancés par le discrédit jeté par de de telles allégations selon lesquelles, les manifestants constitueraient une menace militaire pour Israël. Le ministre de la défense Avigdor Lieberman a déclaré que les soldats israéliens ont « repoussé la branche militaire du Hamas avec fermeté et détermination... ils ont tout mon soutien. »

La politique de feu à volonté continue toujours, elle a poussé l’organisation israélienne des droits de l’Homme, B’Tselem, à lancer une campagne intitulée « Commandant désolé, je ne peux pas tirer », qui encourage les soldats à refuser de tirer sur des civils non armés au motif que cela est illégal.

Pourquoi cette montée des protestations palestiniennes aujourd’hui et pourquoi Israël réagit aussi violemment ? Il n’y a rien de nouveau dans le fait que les palestiniens manifestent pour leur terre ni dans la réaction violente israélienne. Mais il y a peut-être des raisons spécifiques à ce que cette confrontation ait lieu maintenant, par exemple la colère des palestiniens face à la décision du président Trump, en décembre, de reconnaître Jérusalem comme la capitale d’Israël et d’y installer l’ambassade des États-Unis. Une affirmation au clairon de la part de Washington sur son soutien inconditionnel à Israël et son mépris des palestiniens, une affirmation qui ne laisse à ces derniers, aucun espoir de gagner la moindre concession sur le soutien étasunien.

Selon la presse israélienne, le ferme soutien de l’administration Trump laisse croire au premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, que la mauvaise presse sur les massacres de Gaza ne nuira pas à l’image d’Israël aux États-Unis. Par le passé, la controverse sur les meurtres de masse des palestiniens ou des libanais par les israéliens a provoqué une réaction négative aux États-Unis qui a freiné l’utilisation de la force par Israël.

Jusqu’à présent, Israël a fait l’objet de peu de critiques de la part des médias internationaux désintéressés par ce qui se passe à Gaza, ou bien, heureux d’accepter les explications israéliennes sur ces événements. Le vocabulaire utilisé par les nouveaux organes de communication est souvent révélateur : ainsi, le 31 Mars, la BBC titrait sur son site web, « A la Frontière entre Gaza et Israël : des affrontements ont fait 16 morts palestiniens et des centaines de blessés ».

Le terme « affrontements » laisse croire qu’il y a un combat entre deux groupes de force égale, bien que comme le dit Human Right watch, les manifestants ne constituent aucune menace face à la toute puissante machine militaire israélienne, un point renforcé par le fait que tous les morts et les blessés soient palestiniens.

Il est probable que les israéliens sous-estiment l’impact, sur l’opinion publique, de l’utilisation excessive de la force ; à l’âge du wifi et de l’internet, les images graphiques des victimes de violences sont immédiatement diffusées dans le monde entier, souvent avec des effets dévastateurs. Comme en Syrie et en Irak, le prix politique d’un siège ou d’un blocus dans des zones urbaines comme Gaza ou la Ghouta orientale est élevé, car il est impossible d’empêcher que l’information portant sur les souffrances de ceux qui sont pris au piège à l’intérieur de telles enclaves, ne devienne publique, même si ça ne peut avoir d’impact sur le cours des événements.

Contrairement aux déclarations de Keyes, l’idée d’une marche massive contre la barrière semble être initialement parue dans les médias sociaux Gazaoui et n’a été adoptée que plus tard par le Hamas. C’est la seule stratégie susceptible de donner des résultats pour les palestiniens car ils ne possèdent aucune option militaire, ils n’ont aucun puissant allié et leur leadership est moribond et corrompu, cependant, leur nombre joue en leur faveur. Un récent rapport de la Knesset israélienne estime le nombre des arabes palestiniens à 6.5 millions avec un chiffre équivalent du côté des citoyens juifs israéliens en Israël et en Cisjordanie, sans compter ceux qui se trouvent à Jérusalem Est et à Gaza.

Israël a souvent eu plus de problème à faire face aux mouvements de masse de revendication non-violentes pour les droits civiques que de combattre les insurrections armées.

Keyes prétend que les manifestations ont été orchestrées par le Hamas, mais là encore les témoins sur place affirment que cet élan de protestation vient de groupes et d’individus qui n’appartiennent pas au parti. Ils expriment leur frustration face aux dirigeants palestiniens aussi bien Hamas que Fatah, qui ont échoué, se sont divisés et ne cherchent que leurs propres intérêts. L’aspect le plus dangereux de cette situation quant à sa violence potentielle est peut-être le fait que personne ne soit vraiment aux commandes.

Patrick Cockburn

Patrick Cockburn est l’auteur de « The Rise of Islamic State : ISIS and the New Sunni Revolution »

Traduction par Vagabond

 https://www.counterpunch.org/2018/04/09/despite-gaza-massacre-israel-remains-immune-from-criticism/

COMMENTAIRES  

13/04/2018 09:47 par szwed

N’est-ce pas les SS nazis de triste mémoire qui abattaient les gens sans sommation ?
La ligne rouge franchie chaque jour par le régime colon et raciste de Tel-Aviv ne suscite hélas aucune sanction de la part des dirigeants des pays dit civilisés. C’est pourquoi le BDS est plus que justifié. Tsahal, l’armée la plus immorale du monde perd chaque jour la bataille de l’opinion.

13/04/2018 12:19 par JULES

Dans les années 40 les Totenkopf tiraient sur de malheureuses victimes civiles juives
Dans les années 2018 regardez comment agit l’armée la plus (im) Morale du monde
cherchez la différence

Il parait que les plus hautes instances militaires enquêtent afin d savoir comment cette vidéo a pu être filmée et surtout diffusée

https://youtu.be/Kq0YuTzjN9U

13/04/2018 14:23 par Deadmocracy

Prochaine étape : Die Endlösung der Muslime. On en serait à peine étonné, et l’ONU de « condamner fermement ».

13/04/2018 16:36 par T 34

Le massacre a Gaza m’a rappelé cette scène de la Liste de Schindler.

13/04/2018 18:18 par François de Marseille

Et pendant ce temps la Syrie va etre bombardée sous un faux pretexte repris en boucle par les medias.
On m’a demandé à mon travail de repondre à des journalistes de france 3 souhaitant faire un reportage sur mon travail, j’ai refusé.
J’ai dit que tant que les medias continuerait à raconter des conneries sur la Russie, Cuba ou le Venezuela, je refusait de repondre à des journalistes, sauf sur ordre écrit.
Bon, personne n’est surpris., ils me connaissent.

15/04/2018 11:07 par Stevio

@ Szwed

Non, Tsahal ne perd absolument pas la "bataille de l’opinion", bien au contraire. Tous ceux qui ont au moins deux neurones en état de marche ont compris depuis longtemps que Tsahal a le mérite de protéger ses frontières, son pays, et son peuple.
L’Europe, elle, a choisi de dissoudre ses frontières, ne se prive pas par ailleurs de bombarder la Libye, la Syrie, le Tchad, le Mali, le Centrafrique et le Niger, et ne reçoit pas ou peu de critiques pour cela.

Alors il est totalement vain de taper sur Tsahal et Israël, car le premier ennemi du peuple inventé "palestinien", c’est le Hamas, et personne d’autre.

PS : Non je ne suis pas un troll.

15/04/2018 11:32 par legrandsoir

Tsahal a le mérite de protéger ses frontières, son pays, et son peuple

Comme un voleur qui défend son butin.

15/04/2018 11:18 par Vagabond

« Pendant ce temps la Syrie se fait bombarder »
Et vous croyez qu’attirer l’attention sur la Palestine occupée la détournera de la Syrie ?
Tout le monde s’en fiche. Aussi bien de la Palestine que de la Syrie, que du Yémen, Libye, Irak...
La terre des arabes n’intéresse pas grand monde sauf lorsqu’il faut piller leur ressources.
Ce ne sont pas les quelques articles sur ce site ou ailleurs qui vont changer le monde. Il ne s’agit que de sites d’archivage qui serviront peut-être un jour à faire payer les criminels d’aujourd’hui.
A moins que...

15/04/2018 12:26 par vagabind

Stevio,

Le monde entier voit ce que l’IDF (vous avez beau lui donner un petit nom tout comme vous maquillez vos missiles avec des dessins d’enfants innocents que vous transformez en futurs criminels, ce n’est qu’une armée d’assassins), tout est enregistré, la mémoire humaine est peut-être momentanément défectueuse mais elle va s’améliorer avec l’amélioration de sa vision.

L’IDF fait la guerre à des gens désarmés, emprisonne les fillettes qui giflent et boxent ses soldats, enterrent les enfants sous leurs bombes, mais quand il faut faire la guerre à des nations mieux armées que les pauvres prisonniers du ghetto Gaza, l’IDF appelle à son secours les USA, la GB, la France et même l’Arabie Saoudite. Il n’y a pas de quoi être fier.
Si une véritable confrontation à armes égales était possible, votre armée d’assassins d’enfants se terrera la queue entre les jambes comme la bande d’hyènes qu’elle est.

Vous seriez très surpris de voir le soutien de certains peuples pour la Palestine si cette coalition de lâches n’était pas aux commandes.

Le Hamas, choisi par les palestiniens, votre épouvantail n’est plus fonctionnel, il ne sert plus à rien même pas aux palestiniens de Gaza. Inutile de le brandir.

Personne n’est dupe. Votre « bras armé » sera brisé. Ce n’est qu’une question de temps.

15/04/2018 13:37 par François de Marseille

@ Stevio :
Quand je vous lis, ce n’est pas le mot "troll" qui me vient à l’esprit.

15/04/2018 15:18 par Chrls

@Stevi_haut dans la c......e
Audiard a dit : Le juif nous casse les couilles !
A cela je rajoute sa citation : il nous les brises menu !

16/04/2018 23:25 par szwed

@ Stevio
Votre sotte conception de défense du territoire par Tsahal est vaine et complètement erronée.Si vous n’êtes pas un troll vous vous situez clairement du côté des sionistes colonisateurs, racistes et criminels de guerre (Balles Dum-Dum, bombes au phosphores blancs, exécutions sommaires etc. sont largement utilisées contre les populations palestiniennes par le régime de Tel-Aviv) L’armée la plus immorale du monde sévit dans les territoires qu’elle occupe illégalement.Le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné la colonisation israélienne dans les territoires occupés et à Jérusalem Est en demandant à l’État hébreu d’arrêter" immédiatement et complètement » de telles implantations". Faut-il vous rappeler que la résolution 2334 a été votée vendredi 23 décembre 2016, par quatorze voix et une abstention, celle des États-Unis, qui n’ont pas usé, comme à l’accoutumée, de leur droit de veto sur ce sujet très sensible pour Israël

18/04/2018 10:51 par szwed

@ Stevio
Six experts des droits de l’Homme des Nations Unies se sont déclarés mardi 17 avril "gravement préoccupés" par l’usage de la force par les forces de sécurité israéliennes lors des manifestations palestiniennes le long de la barrière de Gaza.

Dans un communiqué, ils ont notamment condamné l’usage d’armes à feu avec des balles en caoutchouc qui ont à ce jour tué au moins 28 Palestiniens non-armés, dont trois enfants et un journaliste, et blessé 1.600 autres.

Les experts s’inquiètent notamment de la continuation de ces violences malgré l’engagement d’Israël à enquêter sur les événements des dernières semaines.

Selon eux, ces tirs auraient pu aboutir à des exécutions illégales.

Les experts ont réitéré l’obligation d’Israël de respecter le droit international, selon lequel les forces de sécurité ne peuvent recourir à la force meurtrière qu’en cas de menace imminente à la vie ou de blessure grave.

Aussi, s’appuyant sur la déclaration de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, les experts ont souligné que le recours à la force meurtrière contre des manifestants pouvait constituer des crimes au regard du Statut de Rome.

Ces manifestations ont débuté le 30 mars et doivent se poursuivre jusqu’au 15 mai. Les manifestants protestent contre les expulsions et les déplacements forcés des Palestiniens depuis 1948, et appellent également à la fin du blocus de Gaza en place depuis 11 ans.

Les six experts auteurs de cette déclaration conjointe sont Agnès Callamard, rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Leilani Farha, rapporteure spéciale sur le droit à un logement convenable ; Michel Forst, rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme ; Idriss Jazairy, rapporteur spécial sur l’impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur la jouissance des droits de l’Homme ; Michael Lynk, rapporteur spécial sur la situation des droits de l’Homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967 ; et, Clément Nyaletsossi Voule, rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion et d’association.

21/04/2018 23:45 par Vagabond

Ils tuent tous les jours ou estropient des jeunes. Quelle honte pour le monde. Quand je pense que l’humanité rêve de contacts avec des civilisations extraterrestres évoluées... Quelle lamentable espèce !

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