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Le président Chávez exige d’avancer vers une communication plus profonde et plus populaire « avec les travailleurs, depuis les usines »

Grand succès populaire au Venezuela : la télénovéla colombienne et son héros sympa, le trafiquant de drogue « El capo ».

Au Venezuela en 2012, les médias privés dominent de manière écrasante (1). Télénovélas, films d’action importés, shows, manière de traiter les luttes sociales, etc.. constituent, avec leurs 80 % d’audience nationale, une hégémonie culturelle quotidienne, assez efficace pour freiner la construction de la démocratie participative. Le gouvernement n’a pas encore osé démocratiser le spectre radio-électrique en profondeur comme l’a fait l’Argentine de Cristina Fernandez : un tiers des ondes radio et TV pour le public, un tiers pour le privé, un tiers pour l’associatif ou populaire (2). Il a cependant légalisé depuis 12 ans les médias communautaires ( = populaires) alors que ceux-ci restent réprimés, illégaux ou inexistants dans la plupart des pays. On en compte à peu près 300 à l’heure actuelle, des radios essentiellement, qui émettent librement sur une échelle locale (3).

Depuis la victoire de Hugo Chavez aux présidentielles du 7 octobre 2012 s’est ouvert un débat intense sur « les tâches urgentes de la révolution ». Pour le dramaturge Luis Britto Garcà­a « il est impossible de concurrencer la programmation importée par les médias privés. Mais il est inconcevable que tout l’appareil communicationnel public soit incapable de transmettre une télénovéla ou un programme humoristique de qualité, quand on considère la remarquable légion de talents qui appuient le bolivarianisme. Les médias de service public peuvent conquérir l’audience des médias privés sans répéter leurs lourdeurs : les incessantes interruptions de la publicité ou de campagnes publiques, la permanente pollution de l’écran par des logos, des messages de texte et des pubs par insertion, l’anarchie dans la programmation. »

Pour l’anthropologue et historienne Iraida Vargas-Arenas : « nos médias, y compris la télévision d’État, copient le modèle états-unien : décoration des plateaux, couleurs, mobilier et sa disposition, ainsi que le ton, l’habillement, la gestuelle, le langage et la cadence des locuteurs(trices), les intervalles en fonction des interruptions pour passer des pubs (..) Persiste une sous-estimation des esthétiques et des goûts populaires considérés comme de mauvais goût. En tout cas il n’existe pas dans les médias d’État d’adéquation entre la forme et les contenus nouveaux que ces chaînes veulent offrir, sans parler du fait que ceux-ci mimétisent les modèles qui nous viennent du nord.

« Par ailleurs l’hyperconcentration du contrôle de l’information par les médias privés constitue une vraie menace et jusqu’à présent l’État vénézuélien n’agit que de manière réactive : à chaque attaque, une réponse défensive, sans qu’il existe, semble-t-il d’agenda communicationnel propre et parallèle, que ce soit sur le plan national ou international. Il serait nécessaire d’investir dans une amélioration qualitative des médias d’État, des médias populaires (radio, TV, documentalisme, maisons d’édition socialistes, écoles de formation de personnel, création de chaînes ou de systèmes de médias communautaires, etc..) .

Ce samedi 20 octobre le président Chavez, qui a nommé le journaliste Ernesto Villegas au poste de ministre de l’information et de la communication en remplacement d’Andrés Izarra, a exigé du gouvernement une offensive communicationnelle de grande ampleur, en suggérant par exemple de « réaliser des programmes avec les travailleurs des usines inaugurées « où s’expriment la critique et l’autocritique, cela nous alimente et cela nous manque. (..) Nous n’avons pas de système national de médias publics, c’est pourquoi nous devons le créer. Ce système doit être interconnecté avec d’autres systèmes comme celui des médias communautaires et populaires, en plus des médias régionaux et internationaux » a-t-il affirmé en conseil des ministres.

Hugo Chavez a également critiqué l’incapacité du gouvernement à créer des communes (regroupement de conseils communaux, la commune est une organisation citoyenne qui organise le développement sur le plan local et régional, NdT) : « Je vais devoir éliminer le Ministère des Communes parce que nous avons fini par croire que le problème des communes est celui d’un ministère et c’est une très grave erreur que nous commettons" a-t-il expliqué. "Nicolas (Maduro, actuel vice-président de la République NdT), je te donne la responsabilité des communes comme si je te donnais celle de ma vie (…) Lors d’une visite à la cité nouvelle de Caribia j’ai demandé où étaient les communes. Nous continuons à remettre les logements mais les communes je ne les vois nulle part. Nicolas, qu’en penses-tu, dois-je continuer à crier dans le désert à propos de choses comme celles-ci ? Permettez-moi d’être le plus dur possible dans ces autocritiques (…) Rafael Ramà­rez (Ministre du Pétrole et de l’Énergie, NdT) devrait déjà avoir vingt communes dans la frange de l’Orénoque, mais on croit que le problème incombe à d’autres. Indépendance ou rien, commune ou rien ! »

Thierry DERONNE

SOURCE : http://venezuelainfos.wordpress.com/2012/10/21/le-president-chavez-exige-davancer-vers-une-communication-plus-profonde-et-plus-populaire-avec-les-travailleurs-depuis-les-usines/

Notes

(1) http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2010-12-14-Medias-et-Venezuela

(2) La SIP, organisation de patrons de médias réunie à Sao Paulo (Brésil) le 16 octobre 2012, a dénoncé la loi argentine comme une « grave menace pour la liberté d’expression ».

(3) Voir la liste détaillée : http://www.conatel.gob.ve/files/solicitudes/habilitaciones/Medios_Comunitarios_Habilitados_actualizado.pdf

COMMENTAIRES  

24/10/2012 15:21 par Julien

Est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer quelque chose, à savoir comment ce site peut encenser Chavez et en même temps essayer de descendre Soral, les électeurs du FN (qui ont au final tort puisque Marine rend le FN de plus en plus comptatible avec le système) et les nationalistes en règle générale ? Les deux personnages illustrent, à des échelles bien sûr différentes, la même chose, finalement la reprise de l’héritage de Proudhon et Sorel, où l’alliance de la gauche et de la droite contre l’oligarchie. En effet Chavez est un militaire, catholique et nationaliste, il est donc au moins autant de droite que de gauche. Le vrai combat est là , dans le fait de transcender le paradigme gauche-droite posé par le système pour nous diviser sans fin, et de réaliser cette union qui est sans doute ce qui fout le plus la trouille aux tenants du système.

24/10/2012 18:37 par legrandsoir

En effet Chavez est un militaire, catholique et nationaliste, il est donc au moins autant de droite que de gauche

Sauf que :
Un militaire n’est pas forcément de droite.
Un catholique n’est pas forcément de droite.
Un nationaliste n’est pas forcément de droite.

24/10/2012 19:46 par Lulu

Les écueils de la révolution Bolivarienne selon Alan Woods de la Riposte :
"... Les travailleurs en veulent à la bureaucratie qui est en train de les écarter et d’usurper le contrôle du mouvement bolivarien. Toutes les tentatives des travailleurs pour introduire des éléments de gestion et de contrôle ouvriers, par exemple dans les industries lourdes de base dans l’Etat de Guyana, malgré le soutien du Président, ont rencontré une résistance farouche de la part de la bureaucratie, qui est même allée jusqu’au sabotage. C’est ce qui s’est passé dans la sidérurgie de Guyana. Profitant de la maladie du Président, ces éléments parlent ouvertement de « chavisme sans Chavez. » Ils représentent le plus grand danger pour la révolution."
Plus loin :
" La vérité est qu’une grande partie de la bureaucratie bolivarienne n’a jamais été favorable au socialisme. Les bureaucrates bolivariens ont sans cesse conspiré pour freiner la révolution, stopper les expropriations et surtout éviter que les travailleurs ne prennent le contrôle du processus. "
Et en conclusion :
" La clé du succès de la révolution, c’est le contrôle du mouvement par la base, qui doit le prendre aux bureaucrates et aux carriéristes qui ont fait tant de mal à la cause bolivarienne. Ce sont les ouvriers et les paysans qui ont été la véritable force motrice de la révolution. Ce sont eux et eux seuls qui doivent en prendre le contrôle. Les seuls qui peuvent mener la révolution à la victoire sont les travailleurs et les paysans. "
http://www.lariposte.com/election-au-venezuela-pourquoi,1825.html

24/10/2012 19:47 par JP

Mais qu’est ce qu’être de droite ? Qu’est ce qu’être de gauche ? Une personne comme François Asselineau issu de la droite me semble par exemple beaucoup plus en phase avec la ligne éditorial du grand soir (même si je sais d’avance que vous allez me dire que le grand soir n’a pas de ligne éditorial lol ) notamment en politique étrangère que la plupart de nos politicien de gauche... mélenchon compris...( Quand au FN je vous renvoie aux conférences de l’UPR sur le rôle néfaste de ce parti...)

24/10/2012 21:21 par Julien

Bon à part la mauvaise foi, vous avez une vraie réponse à donner ? Quand on défend des valeurs militaires, catholiques et nationalistes on reprend 75% du corpus idéologique de la droite traditionnelle issue de la royauté, ce sont des fondamentaux de droite que vous le vouliez ou non, le positionnement à gauche devient forcément très très ténu vu qu’être de gauche c’est très largement s’opposer à toutes ces valeurs. Mais bon encore une fois essayons de dépasser l’opposition gauche-droite, une réponse sur le reste de mon premier message ?

24/10/2012 22:03 par legrandsoir

Ce serait gentil de votre part de ne pas démarrer en trombe sur la "mauvaise foi". Ma réponse est laconique, mais sérieuse. C’est vous qui appliquez une grille de lecture un peu courte. Les "valeurs militaires", je sais ce que cela signifie... en France. Mais Chavez ? C’est un militaire, mais défend-il les mêmes "valeurs militaires" que le Bigeard ? C’est un catholique, mais de la Théologie de la libération, qui a joué un rôle important dans les révolutions en Amérique latine. Et c’est un nationaliste. Comme les Cubains l’ont toujours été. Un nationalisme marqué par une solidarité internationale tous azimuts et sans une once de xénophobie. Quel rapport avec le nationalisme "européen" tel qu’on l’a connu historiquement ?
En un mot comme en cent : derrière les mots, parle-t-on de la même chose ?

25/10/2012 00:55 par Lionel

Les pays d’Amérique latine qui ont "basculé" dans la démocratie ont pour caractéristique d’être dirigés par des indiens.
Chavez en est un et c’est certainement un des points-clés de l’incompréhension.
Les peuples andins ont conservé leurs traditions culturelles et ils ne pensent pas l’Humain individualisé, les liens sociaux les "obligent" vis-à -vis de l’ensemble de leur communauté et un militaire indien n’a pas le moindre rapport avec un occidental pour cette raison essentielle !
C’est sans doute également une des raisons de la si longue résistance des FARC !
Si Chavez avait eu l’intention de jouer de son image et de mener le pouvoir de manière autocratique il n’aurait sans doute pas été réélu.
Il pense sa communauté et rend des comptes.
Pour ce qui est du prétendu dépassement du clivage gauche-droite, j’ai un peu l’impression d’enfoncer des portes ouvertes mais il semble que les évidences n’en sont pas pour tout le monde...
Une différence fondamentale : je ne connais pas de personne de droite qui parle de démocratie ( pouvoir pour et par le peuple ), de justice sociale et d’égalité, d’éradiquer l’enrichissement personnel, de gratuité, de décroissance dans la joie de vivre...
Pour les autres points je ne désire pas entrer dans une polémique sans fin, mais en vrac, le racisme, l’élitisme, le naturalisme, la technophilie, l’écologie non respectable ( qui n’inclut pas l’Humain )....

25/10/2012 01:08 par Lionel

Une petite anecdote rigolote pour aider à se forger une image de la personne parmi son peuple indien :
Un entraîneur sportif de marathon entend parler d’un peuple des hauts plateaux ( Andes ou Mexique, je ne sais pas ) ayant de fabuleux coureurs, aussi intéressants que les kényans ou autres éthiopiens.
Il teste quelques gars et, très impressionné, décide de monter une équipe.
Il organise une petite course pour l’essai, ses gars se placent immédiatement en tête, l’un d’entre eux part loin devant et... s’arrête !
L’entraîneur qui avait placé tant d’espoirs va lui demander pourquoi et la réponse fut que courir seul ne présente pas le moindre intérêt alors il attendait les autres...

25/10/2012 10:01 par JP

Moi je pense qu’il peu y avoir deux types de nationalisme...Après tout dépend ce que l’on y met dedans...Par ailleurs nationalisme européen ne veut rien dire puisqu’en Europe, on a eu plusieurs formes de nationalisme...Le 3ème Reich n’avait rien à voir avec le gaullisme. A titre personnel je pense que le problème vient quand le nationalisme mute en impérialisme..

25/10/2012 19:12 par Lulu

" Le 3ème Reich n’avait rien à voir avec le gaullisme "
Qui n’avaient non plus rien à voir avec les sans-culottes qui avaient qui pour mot d’ordre « Vive la Nation ! » et qui ont transformé le royaume de France en nation française.

28/10/2012 01:38 par M

ce sont les indiens Tarahumaras qui vivent au nord du mexique.

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