Le NON n’ est pas un vote de gauche, c’ est un vote de classe ...


Lundi 6 juin 2005


Le rejet du réferendum n’est pas un vote de gauche mais un vote de classe
et il faut en tirer les conséquences si l’on veut construire une issue
politique indispensable.


Dire cela n’est pas non plus imaginer que ce vote soit un vote de droite,
voir d’extrême-droite, même si chaque force politique s’emploie à le tirer
dans le sens qui l’intéresse et ce faisant accroît la crise de la
représentativité politique. La vendée a voté OUI malgré le vicomte De
Villiers, comme l’électeur socialiste a voté suivant sa logique de classe,
OUI comme Bertrand Delannoe ou NON suivant sa position sociale.
Independamment de toute consigne. Si le thème de la coalition hétéroclite
entre Le Pen et l’extrême gauche n’a eu aucun impact c’est parce que chacun
était conscient de l’absence d’influence des forces politiques.

La rupture entre "les élites" et le peuple a été soulignée, mais on ne
mesure pas qu’elle a touché toute forme de représentativité y compris les
forces politiques, les organisations qui ont défendu le NON. Sa base en est
la perte de confiance dans la capacité des institutions, des organisations,
des dirigeants à vraiment influer sur la vie quotidienne des peuples. Et
chacun s’est prononcé plus ou moins à partir de son vécu, de sa place
réelle dans la société, dans les cités populaires comme dans les beaux
quartiers.

Il suffisait d’écouter la rue, les débats spontanés qui se multipliaient
sans une quelconque intervention militante : les tenants du NON disaient "ce
n’est pas un vote politique, il n’est ni de droite, ni de gauche, c’est de
notre vie qu’il s’agit"... Paradoxalement voir le PS et la droite défendre
ensemble le traité a sans doute renforcé ce sentiment d’échapper au
politicien, comme d’ailleurs les entendre menacer de la catastrophe
confortait pour une fois dans l’importance du vote.

Autre signe de rupture, l’argument qui a le plus joué dans la prise de
conscience populaire : le lien fait entre l’euro et la perte de pouvoir
d’achat n’a jamais été utilisé par les défenseurs du NON. Tout au long en
revanche ils ont été préoccupés par la volonté d’affirmer leur amour de
l’Europe. Alors que ce n’était qu’une mince couche de l’électorat qui
s’intéressait à la question et certainement pas celle qui est à l’origine
du raz de marée en faveur du NON. Cette position en faveur de l’Europe si
elle était indifférente à la grande masse avait il est vrai une grande
importance pour créer l’unité du cartel d’organisation qui menait campagne
en faveur du NON, voir au-delà pour préserver une candidature de gauche en 2007. Elle refletait les préoccupations de couches diplômées dont certaines rompaient pour la première fois avec leur adhésion au PS. Elle était l’écho des appareils plus qu’une préoccupation populaire.

Il y a eu deux moments qui restent à analyser dans l’évolution du vote NON.

Le premier coïncide avec la diffusion de la circulaire Bolkenstein et le
vote du parlement de la CGT en faveur du NON, il montre la poussée du NON. Est-il possible d’attribuer à ceux qui ont diffusé la circulaire, ATTAC,
l’appel des 200, le PCF, la LCR et la droite, ou encore à la CGT cette
poussée, Oui et NON. Il me paraît plus juste de penser que ces expressions
organisées rencontrent pour la première fois un "instinct de classe", le
perçoivent, l’amplifient. Deuxième temps, l’entrée en campagne des forces
politiques et le premier débat catastrophique où Le Pen éructe, et où le
PCF et dans une moindre mesure la LCR partent sur le terrain de l’amour de
l’Europe pour mieux rejoindre Bayrou et Jack Lang. C’est le reflux du NON
que l’on va attribuer à la force des appareils politiques, voire à 
l’intervention de Jospin. Le pilonnage médiatique reprend de plus belle
pour enfoncer le clou et pourtant le NON repart à la hausse et se dégage du
jeu politicien, répond au catastrophisme, au mépris et les forces
politiques de gauche trouvent un nouvel ancrage dans cette poussée, un
embryon d’organisation, de rencontre entre militants s’organise.

Le temps de l’avant-garde de classe n’existe plus, c’est le rejet de classe
qui a poussé les forces politiques et plus généralement organisées et pas
l’inverse. Il faut partir de là pour construire et du fait que personne ne
peut s’attribuer ce vote NON.


La récupération politicienne...

Passée l’élection, le monde politico-médiatique s’est employé à nier ce
vote de classe pour le récupérer dans des cadres politiciens au lieu de
s’interroger sur la pertinence de la représentativité politico-médiatique.

Dès le soir des résultats, sur les plateaux de télévision, les choses
étaient claires. Le PS, pas plus que la droite, n’allait tirer les
conséquences de ce vote. Le PS avait choisi sa ligne : attribuer à 
l’impopularité de la droite l’échec référendaire et continuer à se lamenter
sur l’abandon d’un traité "de progrès". La droite, sous couvert de défense
de l’emploi, allait démanteler les "rigidités" françaises, les protections
sociales, le code du travail. La suite a été du même tonneau : attribuer à 
Fabius, largement déconsidéré et dont chacun a bien perçu qu’il menait sa
propre stratégie, le vote massif en faveur du NON, c’est prendre une fois
de plus l’électeur pour un débile mené par un mauvais berger.

Ce vote a été trahi dès la proclamation des résultats, le Président de la
République, le "nouveau" gouvernement et l’annonce par les hiérarques de
Bruxelles que tout continuait comme avant ont été les manifestations
premières de cette trahison. Mais le PS avec sa volonté de dégager ses
responsabilités et ses jeux politiciens entre Fabius et Hollande était une
autre caricature. Là -dessus les télévisions, la presse ont emboîté le pas
et sont retournés à leurs manière d’interpréter le politique, les questions
de personnes, le théâtre d’ombre... Le couvercle a été mis sur le vote de
classe. Et les médias incapables de comprendre ce qui s’est passé sont
aussitôt repartis dans la personnalisation, les rivalités, le drame
bourgeois entre Sarkozy et Villepin, les crépages de chignon entre le
couple Hollande et Fabius. VSD et la presse people titrait sur les
problèmes du couple Sarkozy, crise ou réconcialiation ?


L’absence de force politique :

Si la Révolution c’est quand ceux d’en bas refusent d’obéir à ceux d’en
haut
, nous sommes dans une situation révolutionnaire, la plus
extraordinaire crise sociale, politique, démocratique qui se puisse
imaginer. Elle est non seulement française, européenne comme l’a montré le
vote hollandais, mais mondiale comme en témoigne ce qui se passe en
Amérique latine. L’antagonisme de classe est fort et pourtant aujourd’hui
en France et plus généralement en Europe il n’a aucune force politique
capable de l’organiser, de lui offir un perspective, fut-ce celle de
simples réformes, de mesures limitées.

Il faudrait également bien percevoir ce qu’est cette classe. L’analogie
historique est toujours un danger, pourtant celle avec les mouvements de
1848 s’impose... Après le retour de la Sainte Alliance, la
contre-révolution qui a prétendu restaurer l’ordre féodal aboli par la
Révolution française, 1848 a vu surgir cette révolte des nations, celle des
ouvriers et paysans mais aussi celle des "capacités", tous ces étudiants,
tous ces diplômés sans emploi sans avenir, et le même émiettement
organisationnel... La même incapacité à construire une issue et les classes
dominantes se sont recomposées autour du bonapartisme. Chacun semblait
incapable de penser la nouveauté de la période et se référait à la
Révolution Française, alors que l’antagonisme de classe avait changé de
nature, l’alliance entre l’aristocratie et le capital était intervenue sous
l’apparente restauration féodale.

De même nous ne pouvons plus penser le monde en référence aux temps
dépassés de l’affrontement entre deux superpuissances, et son parrallèle la
rivalité complémentarité entre communistes et sociaux démocrates. Il n’y a
plus de social-démocratie mais un social-libéralisme, "les réformes" sont
devenues les attaques contre-révolutionnaires contre l’emploi, le pouvoir
d’achat, les droits sociaux. Donc il faut repenser les stratégies, les
rassemblements et bien voir les aspects positifs de ce référendum :

- Les illusions sont tombées sur le programme du capital même si le terme
est le néo-libéralisme, chacun sent bien que dans sa propre vie il n’en a
rien à attendre.

- Mais personne n’ose penser qu’un autre système est possible, aller
jusqu’à une contestation aussi radicale que le rejet et surtout le faire
d’une manière responsable c’est-à -dire en proposant des mesures concrètes,
immédiates susceptibles d’avoir des conséquences sur la vie des gens.


Chacun s’emploie à "récupérer" ce qui le dépasse...

Mais le danger de rupture entre "élites" et classe existe à gauche, la
gauche qui s’est rassemblée autour du NON.
Confondre le raz de marée de classe avec des petits groupes qui se sont rassemblés dans la campagne et
qui croient en toute bonne foi que les arguments technocratiques,
l’adhésion à l’Europe, les dossiers bien ficelés, les petites réunions où se
sont retrouvés et parlé des militants depuis longtemps en déshérence, des
partis et associations affaiblies par plus de vingt ans de démantélement,
était à l’origine du raz de marée, c’est jouer la mouche du coche. C’était
vrai dès le soir des résultats et la mobilisation de la fête des défenseurs
du NON a bien traduit pourtant une distance entre les forces organisées et
l’électorat populaire. Rien à voir avec 1981, où les forces populaires ont
réellement cru que leur vie allait changer. Pourtant il ne faut pas non
plus négliger cet essai d’organisation qui est né sur la poussée du rejet
de classe, simplement pour l’élargir il ne faut pas lui attribuer un rôle
qu’il n’a pas eu.

Donc il faut à la fois partir de ce qui s’est construit dans cette campagne
et bien mesurer à quel point nous sommes loin d’avoir la force politique
qui correspond au rejet de classe.

Le principal danger est de dévoyer la force réelle du rejet en la tirant
vers des jeux politiciens sans conséquence réelle sur la vie des gens.

C’est là la ligne de la direction du PS. Mais ne trouveront-ils pas dans le
camp du NON des alliés. D’ abord Fabius dont toute la stratégie personnelle
repose là -dessus. Mais que penser des déclarations de
M.G.Buffet" [1] et de J.F.Gau [2] sur la nécessité de s’élargir aux OUI de gauche, "individus et ORGANISATIONS" ?

S’il s’agit de considérer que des gens ont voté OUI alors
même qu’ils veulent un changement de politique, pourquoi pas. Encore que,
au vu des votes massifs des quartiers populaires, la priorité n’est pas
là ... Elle est dans la nécessité d’ aller vers tous ces gens qui ont voté
NON sans jamais avoir rencontré un militant, sans s’être rendu à une seule
réunion, sans avoir lu un seul tract.
S’interroger sur les moyens
d’entraîner leur participation, leur expression politique sur leurs bases.

Si la géographie du vote paraît parfois reproduire dans les quartiers
populaires, non seulement les couches sociales, mais le vote politique il y
a trente ans en faveur du PCF,(comme l’écho assourdi d’un temps où celui-ci
représentait effectivement le lien entre vote de classe et vote de gauche),
il est clair que non seulement les catégories socio-professionnelles se
sont modifiés, mais que le PCF a détruit irremédiablement ses cellules, le
tissu organisationnel qu’il avait dans ces quartiers. Cette phrase sur la
nécessité de rassembler "les gens et les organisations de gauche qui ont
voté OUI" marque aussi la quasi rupture du PCF avec ce qui fut jadis sa
base de classe
. Car de telles phrases prononcées par des responsables
politiques du PCF laissent ouvertes les spéculations politiciennes sur la
perspective politique en 2007. [3] Croyez-vous retrouver l’ampleur du NON en
proposant une entente avec Hollande, voir même Fabius "pour battre la
droite" ? Certes il y aura une partie de l’électorat qui, comme aux
régionales, choisira ce vote contre, il pourra même "gagner", mais avec un
maximum d’abstention et surtout pour quoi faire ? Au profit de qui ? La
crise politique en sera agravée et la perspective obscurcie. Cette phrase
marque un retour en arrière sur l’évolution du PCF en cours de campagne. Ce parti qui avait choisi le NON, mais prétendait au départ le faire avec l’incompréhensible slogan "Dire Non pour dire OUI" a peu à peu été poussé par l’électorat jusqu’à adopter enfin une ligne de classe, de rassemblement.

Il y a également quelque chose de dérisoire dans la manière dont l’appel
des 200, et même ATTAC, s’attribue la force du NON en jouant la mouche du coche sans mesurer qu’ils ont été portés par le rejet massif et qu’ils n’en
sont pas les auteurs. Orienter comme ils prétendent le faire vers l’Europe
et vers les gens de gauche qui ont voté OUI alors même qu’ils n’ont jamais
mordu sur l’électorat de classe
qui s’est prononcé contre le traité et que
l’urgence serait de se donner les moyens d’aller vers cette classe
populaire, de l’entendre, d’organiser avec elle son expression politique.
Ils font la preuve qu’ils fonctionnent dans la même illusion
politico-médiatique que les autres, qu’ils aspirent seulement à y avoir
leur part, à faire partie sous une forme contestataire de tout ce petit
monde, on a parfois l’impression que certains ne revendiquent que leur
place dans ce petit monde politico-médiatique.

Poursuivre la bataille du NON sur le thème européen pourquoi pas ? Mais croyez-vous qu’aujourd’hui cette bataille là est susceptible de traduire le
vote de classe tel qu’il s’est exprimé ? L’assaut qui se prépare contre le
droit du travail, la pression sur l’emploi et les salaires qui va encore se
déchaîner ? On peut considérer que l’union des forces du travail en Europe
est à construire, mais dans l’assaut qui se prépare chaque force européenne
trouvera son principal point d’appui sur son terrain propre et c’est
seulement à partir de là que le dialogue indispensable (ne serait-ce que
pour balayer la direction de la CES) pourra se développer... Me paraît
beaucoup plus indispensable de développer l’analyse sur l’offensive que va
mener la droite sur "la bataille sur l’emploi", la remise en cause du code
du travail, des protections... Et à partir de là faire le lien avec le
pacte de stabilité qui vient d’être reconduit, les circulaires qui
continuent à se mettre en place... Il est inutile de s’opposer sur les
enjeux idéologiques que sont la Nation ou l’Europe sociale, sa possible
construction ou non, donnons des objectifs concrets....

. Si les forces politiques du NON tirent à hue et à dia, entre ceux qui
voient l’issue entre un mouvement d’éducation populaire dont ils seraient
les "professeurs", ceux qui cherchent à reconstruire la gauche plurielle et
ceux qui exaltent les luttes, au lieu de se rendre compte de la nouveauté
de la période, de ce qui peut réellement être construit et doit l’être,
nous allons vers le desespoir et l’inertie... Alors que si l’on arrive à 
partir d’objectifs clairs, de quelques propositions correspondant
effectivement à des choix politiques susceptibles de "changer la vie", on
arrive à mettre en synergie tout ce qui est né dans cette campagne
, une
force politique peut apparaître.

Si la droite et le PS ont décidé de se donner en spectacle avec la
complicité active des médias, est-il bien utile que la gauche du NON en
fasse autant, les PS en portant Fabius au pinacle, les petits partis de
gauche et les associations en s’attribuant une victoire dans laquelle ils
ne portent qu’une faible part ? Et ne s’interrogent pas en quoi ils
pourraient réellement être utiles pour empêcher les mauvais coups qui se
préparent, mettant en commun les moyens, donnant de véritables contenus aux amorces d’organisation...

Les luttes revendicatives, les mobilisations syndicales seront
effectivement essentielles, parce qu’il faut résister à l’assaut qui se
prépare contre le monde du travail et c’est sur le terrain national que le
point d’appui est le plus fort. Rien n’est acquis dans ce domaine, les
directions syndicales ressortent aussi affaiblies que les appareils
politiques de leur attitude pendant le référendum, l’absence de perspective
politique risque de nuire à la mobilisation et l’appel aux luttes risque de
rencontrer aussi peu d’écho que l’appel à faire la fête si l’on ne perçoit
pas ce qui se passe...

Danielle Bleitrach, sociologue.


François Hollande n’a strictement rien à faire de la Constitution Européenne ... « si Chirac avait mis en jeu son mandat, le PS aurait naturellement appelé à voter NON, comme pour De Gaulle en 69 »... 26 mai 2005


- De Danielle Bleitrach sur le même sujet :


Référendum : Les leçons d’un srutin.

A un ami qui s’inquiète de la corruption des dirigeants de "gauche"...

L’Europe et sa vassalisation aux États-Unis.

Constitution Européenne : Un référendum ou un plebiscite ?

Ils y tiennent vraiment à leur Constitution ...

L’europe serait non politique.... et la direction du PS casse la gauche.

Faites l’effort de vous informer.... Plaidoyer pour le "NON"


[1Déclaration au
soir des résultats du 29 mai 2005.

[2Voir éditorial dans le
supplément du mercredi "Communistes" de l’humanité du 1er juin
2005.

[3Depuis l’intervention de M.G.Buffet lors de l’émission "Rispostes" sur la 5, le dimanche 5 juin 2005, le doute est levé : il s’agit bien d’une remise en chantier de la gauche plurielle. Pourquoi une telle précipation ? C’est clairement entrer dans le jeu politicien pourtant condamné par les électeurs, alors même qu’il n’y a aucune urgence à le faire, c’est vider
d’avance le contenu des luttes qui pourront intervenir en leur donnant
l’objectif illusoire d’un changement de politique en 2007 avec les forces
politiques telles qu’elles sont .


COMMENTAIRES  

07/06/2005 11:56 par imanaccident

Juste un point : s’il y a utilité à "développer l’analyse sur l’offensive que va mener la droite sur "la bataille sur l’emploi", la remise en cause du code du travail, des protections... Et à partir de là faire le lien avec le pacte de stabilité qui vient d’être reconduit, les circulaires qui continuent à se mettre en place...", n’oublions pas une chose : tenir un discours rassembleur sur les menaces précises et techniques que fait peser la droite au pouvoir et les institutions de bruxelles est qd même bien aride.

Il est à mon avis tout aussi important de parler d’espoir et d’essayer de parler de politique autrement.Si effectivement la majorité des gens qui ont voté non l’a fait sans avoir rencontré un militant, alors aller les voir pour leur servir la soupe sur tel projet de loi en corrélation avec telle directive européenne est déplacé. Il faut donc, à mon avis, aller demander à ceux qui sont hors du flux de textes et d’analyses qu’est la politique actuelle quels sont leurs espoirs personnels et quels rapports à la communauté ils ont l’impression d’avoir.

Surtout ne pas essayer de lever les damnés de la terre contre Bruxelles et Villepin avec dans la main ce qui sort de l’assemblée nationale et de la commission européenne, et essayer un peu de parler d’envie et d’espoir. C’est une marque de respect essentielle : le non est aussi un refus de ce langage, de cette politique-là . L’enjeu est maintenant de la dépasser.

08/06/2005 08:00 par paltlk

Bonjour Madame Bleitrach, chers internautes,

J’ai juste une question.
Est ce que les petites greves, et autres manifestations (lyceennes notamment), ici et là , n’ont pas favorisé la propagation des arguments du non ?

Par exemple, lors de ces rassemblements, on en parle, on en debat, parce qu’il y aurait eu, entre autres, des gens "alternativement" informés :).

Les arguments du non l’emportent.
Puis ces arguments (quelquefois, peut etre, simplement le sentiment d’avoir été convaincu par une plaidoirie) sont relayés au sein des sociétés, des familles etc..

Si ça n’explique pas tout, cela n’a t il pas contribué au verdict final ?

Merci de me donner votre avis en meme temps que vous repondez à cet article :)

08/06/2005 11:01 par Anonyme

tout à fait d’accord avec vous, les manifestations lycéennes, la répression policière a joué un rôle essentiel. On peut en tant que parent être désespéré par le désordre, le manque de travail de son bambin, mais voir la police le charger est insupportable. C’est trivial mais c’est comme ça !!! Et je crois que cela a également déclenché le vote des jeunes. Vous avez raison sur les relais sociaux, non militants directement, les familles en particulier mais aussi les collectifs de travail... le tout sur fond de conscience qu’il y avait de l’injustice, que le patron de Carrefour se remplissait les poches, tandis qu’avec l’euro les fins de mois commençaient le 15...
Les petites forces organisées, qu’il s’agisse du PCF, de la LCR ou des socialistes et des verts du NON, ont fait du bon travail. L’humanité a joué un rôle positif et il ne faut pas sousestimer ce qui a commencé à se construire, mais le fond de mon article est que premièrement leur travail a été d’autant plus efficace qu’il arrivait à traduire le rejet populaire, deuxiemement aujourd’hui il faut mesure le travail politique qui reste à faire et ne pas donner dans le triomphalisme, se croire propriétaire de votes, mais au contraire contribuer à démocratiser la vie politique française en collant au plus près des préoccupations, et en évitant de dévoyer ce NOn dans des jeux d’appareils...
Mon texte invite à une réflexion sur la démocratie à partir de la crise profonde des rituels démocratiques du politico-médiatique. Une liberté de la presse qui est devenue celle des propriétaires de presse, des annonceurs... Et qui évite soigneusement les préoccupations populaires... Un pluralisme des partis qui ne présente aucune alternative réelle. Des élections de ce fait devenues des rituels sans enjeu véritable. la destruction systématique de toute les formes collectives en particulier dans les milieux populaires. Une sociabilité spontanée s’est substituée à cette destruction, il faut avant de lui proposer orientations, analyses et surtout alliances politiques de sommet, se donner les moyens d’une véritable démocratisation (par et pour le peuple), d’une écoute, d’un dialogue...
DB

08/06/2005 10:38 par François Delpla

Bonjour !

Je ne vois pas l’intérêt de beaucoup des oppositions tranchées que vous faites : terrain français/terrain européen, mesures concrètes (non précisées d’ailleurs)/principes abstraits, militants/peuple, etc. Et la dialectique, bordel ?

En matière de mesures concrètes, je souhaiterais pour ma part que, dans le cadre du débat sur la renégociation du traité, on clarifiât la question de l’OTAN tout en exigeant de Blair et de Berlusconi l’évacuation de l’Irak (à moins que la gestion n’en soit prestement confiée à l’ONU).

Votre opinion ?

08/06/2005 13:58 par Anonyme

Bonjour,

Je n’ai pas la possibilité de répondre à tous les messages et je
souhaiterais que le débat se développe à partir des
intervenants, parce que la discussion a tout intérêt à être
collective, mais votre réponse manifeste que certains aspects de
mon texte doivent être incompréhensibles, donc je précise.

- En ce qui concerne la dialectique, je pense que nous n’en avons
pas la même définition. La grande différence entre la logique
formelle et la logique dialectique est la suivante : la logique
formelle prend un objet et tente d’en voir les aspects, elle les
additionne. La logique dialectique tente de prendre tous les
aspects de l’objet, mais elle cherche d’abord le mouvement de
l’objet, ce qui va déterminer son processus de transformation,
donc elle va essayer de mettre à jour les contradictions et
l’aspect principal qui permet d’engendrer un mouvement.

- Ceci étant posé, loin de séparer l’Europe de la France,
j’explique que le vote manifeste à partir du vécu (par exemple
l’euro et la baisse du pouvoir d’achat, la perte d’emploi, le
chômage et les délocalisations, mais aussi le caractère
irreversible des décisions, l’opacité) , il se crée une
identification entre l’Europe et la crise politico-économique,
le déficit démocratique. Donc a contrario de tous ceux qui
tentent de distinguer Europe et France et qui interprétent le
rejet comme un simple rejet de la droite, ou inventent une
Europe abstraite, idéale, le rejet est celui d’une politique et
d’une absence de démocratie, d’une possibilité pour les
individus de maîtriser leur vécu dans ce contexte
politico-médiatique.

- Mais si, comme je tente de l’analyser, la réponse patronale et
celle de la droite, est bien d’accélérer leur politique, de
détruire encore un peu plus les protections sociales, le code du
travail, d’accentuer une politique répressive qui sous couvert
de sécurité s’attaquera de plus en plus aux résistances
sociales, comme on le voit aux États-Unis avec le patriot Act,
ou avec la politique d’Aznar... Quel est le lieu de plus grande
résistance, celui localisé, au plus près des préoccupations
populaires. Et c’est seulement à partir de là que l’on pourra
aborder d’autres mécanismes similaires, l’Europe, mais aussi la
situation internationale, la paix et la guerre. Donnez moi un
levier et un point d’appui et je soulève le monde, je cherche le
point d’appui...

- Je tente également de montrer tout aussi dialectiquement que si
le camp du non tel qu’il est ne peut pas s’attribuer le vote
NON, il y a l’amorce d’une recomposition. Si je dénonce le
tromphalisme, ce n’est pas pour me plaindre de ce qui a réussi à 
surgir, il faut au contraire tabler dessus. Mais si l’on veut
aller plus loin il faut chercher le levier est le point d’appui.
Pour moi il s’agit de créer l’unité de classe entre diplômés,
non diplômés, ouvriers, employés et enseignants, cadres du
service public, etc... Sans que les uns imposent aux autres
leurs objectifs idéologiques... Mais qu’ils partent bien de ce
qu’ils doivent affronter ensemble.

-Enfin dernier point la rupture démocratique du
politco-médiatique est forte et chacun la véhicule, nul n’est à 
l’abri. Si une force politique s’approprie les votes et tente de
les négocier dans des jeux politiciens ce sera
catastrophique.Les facteurs de division l’emporteront.

-Car le fond de mon texte sur le plan théorique est que s’il y a
vote de classe, cela ne signifie pas que la classe soit
constituée en particulier sur le plan organisationnel, Bourdieu
après Marx a trés bien expliqué cette différence.`

- Mon hypothèse est d’un point de vue sociologique qu’à partir de
rejet individuel, sans que la classe soit organisée, de
multiples sociabilités ont pris le relais, famille, collectifs
de travail, les uns touchés par les informations émanant
d’associations comme ATTAC, des partis comme le PCF, la LCR, les
autres en parfaite autonomie. Et il me semble qu’il y a là un
terrain plein de promesse, encore faut-il bien le comprendre, se
donner les moyens de l’action.

- En ce qui concerne votre reflexion sur Blair et sur l’OTAN, je
vous conseille l’exercice dialectique : quel est mon objectif,
quels sont mes points d’appui, quelles sont mes zones de
faiblesse...

Danielle Bleitrach, mercredi 8 juin.

09/06/2005 18:42 par François Delpla

Bonsoir

Encore une distinction un peu raide ! Je ne vois pas ce qui vous permet de cataloguer ainsi ma manière d’aborder la dialectique par rapport à la vôtre.

Sur l’Irak, les faits se chargent de nous départager : le voyage de Straw ce jour à Bagdad à la tête d’une délégation de l’UE et en notre nom à tous montre bien comment Albion interprète le sens du "non" français : un appel d’air à boucher d’urgence. C’est, au plan européen, l’homologue de ce que la nomination de Villepin-Sarkozy ou le bétonnage du PS sont au plan français.

Cela dit, je n’affirme pas que nous pouvons obtenir tout de suite une rupture de la politique européenne avec la barbarie américaine actuelle, simplement qu’il urge que les "non" posent avec force le problème.

20/06/2005 17:01 par PB

Militant d’Attac j’ai distribué près de 3500 tracts de la main à la main en dix semaines de campagnes. Je partage l’analyse qui invite à la pondération quant aux liens de cause à effet entre vote de classe et adhésion spontanée de ladite classe à un mouvement politique. Je crois que le désarroi d’une partie significative de la population n’a pas encore trouvé son prolongement politique constructif. Probablement parce que l’offre politique n’est pas encore adaptée aux besoins de la situation.

Le jour du référendum, j’ai appris beaucoup de chose sur l’un des courrants porteurs du vote NON. Participant à un repas de famille, un de mes oncles, ex petit patron (à la retraite) d’une petite auto-école ayant salarié jusqu’à trois personnes, et dont j’ignorais s’il était plus de droite ou de gauche, a eu cette réflexion qui à mes yeux vaut bien des discours. "Je suis allé voté pour la première fois depuis plus de dix ans. C’est pas pour l’Europe. Mais y en a marre de leurs conneries. Ca ne va plus. Il est temps que cela cesse".

Le premier enseignement que j’en tire, c’est qu’à l’occasion de ce vote, mon oncle, toujours aussi désabusé par les politiques menées par les différents gouvernements, à rompu avec l’abstention. Il ne s’est pas mobilisé sur la base d’une conscience politique claire. C’est son quotidien qui l’a motivé. Mais inconsciemment il a capté l’importance de ce scrutin. En saisissant au vol de ci, de là , des fragments de campagnes, il a ressenti confusément que l’importance de l’enjeu justifiait qu’il retourne au bureau de vote.

Je pense que la vigueur des débats dans les médias a mis la puce à l’oreille de beaucoup de gens. Ils n’ont pas compris grand chose aux tenants et aux aboutissants du texte constitutionnel. Mais ils ont su à travers différents mécanismes psycho-cognitifs que le rendez-vous était de la première importance.

Le fait que les barons du système le défendent aussi âprement, appuyés par leurs homologues européens qui se sont déplacés pour joindre leur voie aux incantations favorables à la constitution, à suscité chez beaucoup de nos concitoyens un reflexe de survie politique.

Devant autant d’insistance de la part des élites européennes à nous indiquer le bon choix, alertés par le bon sens populaire, un nombre élevé de Français qui ont perdu confiance dans leurs dirigeants ont choisi la prudence en refusant de signer un chèque en blanc, bien que cernés par les promesses d’un côté et les menaces de l’autre.

Bien entendu, les analystes reclus dans la modernité d’un XXIe siècle fertile en mutations et en progrès dont ils sont les agents de propagation et les premiers bénéficiaires, ont vilipendé la peur de l’avenir et de l’étranger. Les masses ignorantes ont lamentablement torpillé la constitution commettant ainsi un crime de lèse Europe.

Un tel comportement (de la part des masses égarées) ne mérite pas l’analyse, ce serait faire trop d’honneur à la populace qui ne comprend rien ? Elle appelle derechef la réprobation et la condamnation : l’anathème qui dispense de toute autocritique. Le jugement est sans appel parce que les censeurs sont juges et partie : ils en assurent la sauvegarde et la promotion et savent mieux que d’autres en exploiter les ressources.

Conclusion : le bon sens des masses a déclenché un reflexe salutaire pour éviter (ou retarder ?) le pire. Le pire sera évité si les forces (politiques, syndicales et associatives) ayant contribué à faire pencher la balance du côté du NON savent traduire ce vote de classe. Autrement dit, à la force du rejet exprimé par la population doit correspondre une dynamique unitaire à la hauteur de l’enjeu : offrir au peuple éclaté et désemparré une perspective d’action viable pour ouvrir de nouveaux horizons dans une existence de plus en plus morne et douloureuse.

Pour cela, il faudra beaucoup d’humilité et de générosité pour :
- reléguer les ambitions personnelles au second rang et proclamer l’union sur la base d’objectifs sociaux non négociables : un revenu d’existence décent pour chacun et une activité socialement utile pour tous. La dignité des existences passe par le respect de ces deux conditions.
- se mettre à l’écoute des gens avant de leur proposer un programme. Que les gens se sentent respectés dans ce qu’ils sont.

22/07/2005 23:50 par geabel

L’antagonisme de classe est fort et pourtant aujourd’hui en France et plus généralement en Europe il n’a aucune force politique capable de l’organiser, de lui offir un perspective, fut-ce celle de simples réformes, de mesures limitées.

La seule force politique capable de l’organiser ne peut se construire que sur un modèle existant. Donc de reproduire un modèle déjà connu (et/ou reconnu).
Je pense, au contraire, que tant que cette force ne sera pas structurée et reconnue sur les modèles que nous connaissons déjà (in-dé-ter-mi-né), l’impact ou les conséquences que nous en attendons ont des chances d’aboutir.

Ce qui a créé l’unité de ce mouvement (le NON), c’est son opposition à un projet de société de l’élite dirigeante, ce n’est pas se mettre derrière une organisation quelconque.

Il me parait donc logique que pour transformer cet essai (le NON), il faut le faire autour d’un autre projet( ou Constitution) élaboré par ceux qui se sont opposés au premier projet.

Les médias ne pourront cacher éternellement son existence.

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