Donald Trump est allé hier à Washington rencontrer discrètement les gros bonnets du parti républicain pour obéir au lobby israélien, et pour être passé au crible des rédacteurs néo-conservateurs* du Washington Post.
Le parti républicain a renoncé à s’opposer à Trump. Voir par exemple le fonctionnaire républicain, John Feehery, qui disait le 29 février que Trump instaurerait un régime autoritaire et aussi ceci :
Nous avons battu les nazis et les Japonais dans la seconde guerre mondiale et protégé la liberté et la démocratie en battant l’Union soviétique pendant la guerre froide. Ce serait une catastrophe de tout perdre en cédant à la pression autoritariste dans cette élection.
Et voilà ce qu’il dit à peine vingt-deux jours plus tard :
les électeurs républicains peuvent voter pour le candidat choisi par la majorité des électeurs, ils peuvent s’abstenir de voter, ou ils peuvent voter pour une troisième personne. Les deux dernières options offrent la Maison Blanche sur un plateau à la machine Clinton.
Je ne serais pas ravi que Donald Trump soit notre candidat, mais j’apprends à vivre avec cette idée.
Voilà, en un mot, la position du parti républicain revue et corrigée. Le parti a renoncé à lutter contre Trump et va maintenant le propulser à la Maison Blanche. Ce qui se passera ensuite ? Nul ne le sait...
Trump est un pur produit de marketing. Un commercial de A à Z. Cette vidéo détaille son approche linguistique : il utilise des mots courts et conclut ses phrases avec des mots qui font le buzz. Il parle comme un enfant qui a le niveau quatre en lecture**. Exactement le niveau nécessaire pour vendre son produit au public américain et au parti républicain. C’est un expert en la matière.
Mais quel produit Trump vend-il ? Le sait-il lui-même ? Sait-il comment le produit fonctionne ? Peut-on le prendre au sérieux quand il décrit son produit ? J’en doute.
Et Pat Lang aussi. Voilà ce qu’il dit de la participation de Trump au concours de beauté d’hier devant les sionistes américains :
Les flatteries de Trump étaient si exagérées qu’on peut se demander s’il ne se moquait pas de son auditoire.
Trump se fiche probablement du produit politique qu’il vend. Pour l’instant, il vend le vendeur lui-même. Achetez Trump et tous les problèmes seront résolus. Et il est convaincant. La plupart de ce qu’il a dit jusqu’à présent n’a tout simplement aucun sens et c’est uniquement du marketing. Il n’y a que quelques lignes politiques cohérentes qui n’ont pas (encore) changé au fil du temps. Ce sont précisément ces lignes politiques qui agacent les rédacteurs du Washington Post :
Donald Trump a prôné, sans honte, une approche non-interventionniste dans les affaires mondiales, lundi, lors de sa visite d’une journée à Washington ; il a exprimé des doutes sur la nécessité de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord et sur celle d’une présence militaire américaine musclée en Asie.
...
« À quel moment faut-il se dire : “Hé, nous devons prendre soin de nous-mêmes” ? a demandé Trump lors de sa réunion avec le comité de rédaction. "Je sais que le monde extérieur existe, et je ne risque pas de l’oublier. Mais en même temps, notre pays se désintègre, de grandes parties du pays, notamment les villes de l’intérieur ».
Trump a déclaré qu’il faudrait sans doute réduire fortement l’implication des Etats-Unis dans l’OTAN dans les années à venir, rompant avec près de sept décennies de consensus à Washington. « Nous ne pouvons certainement pas nous permettre de continuer comme cela », a-t-il dit, ajoutant par la suite : « L’OTAN nous coûte une fortune, et oui, nous protégeons l’Europe avec l’OTAN, mais ça nous coûte cher ».
Voilà ce que pensent les rédacteurs du Wapo de ces paroles :
Malheureusement, la visite de M. Trump a Washington ne nous pas rassurés sur sa capacité à être président. « Je ne suis pas un radical, » nous a-t-il dit en partant. Mais ses réponses ne laissent pas grand doute sur le danger radical que courrait le pays s’il lui confiait la Maison Blanche.
Mais qui sont les vrais radicaux ? Où est le vrai risque radical ? Le commercial Trump ou les rédacteurs neo-con* du Washington Post ? Jugez-en vous-mêmes en lisant cet extrait de la fin de la transcription de l’entretien :
[FREDERICK RYAN JR, REDACTEUR du WASHINGTON POST.] : Vous [INAUDIBLE] avez dit, il y a quelques minutes, que vous écraseriez ISIS. Vous l’avez dit plusieurs fois. Vous avez également mentionné le risque d’envoyer des troupes américaines dans une zone dangereuse. Si vous pouviez réduire considérablement le risque de causer du tort à nos soldats sur le terrain, utiliseriez-vous une arme nucléaire tactique pour réduire ISIS à néant ?
TRUMP : Non, je ne veux pas en utiliser, je ne veux pas entamer le processus du nucléaire. Rappelez-vous ce que tout le monde dit de moi, je boxe en défense. Rubio m’a frappé. Bush m’a frappé. En parlant de faible énergie, j’ai voulu dire qu’il n’a pas beaucoup d’énergie, il m’a frappé le premier. J’ai dépensé... au fait il a dépensé 18 millions de dollars en publicités négatives sur moi. Cela met [INAUDIBLE] ...
RYAN : On parle d’ISIS. Vous ne voulez pas utiliser une arme nucléaire tactique contre ISIS ? [DIAPHONIE] ...
Le commercial s’est arrêté là. Au lieu de répondre à cette question, Trump a demandé qu’on l’introduise personnellement auprès des participants de l’événement. Atomiser des fous en Toyota ne fait pas partie de ce que vend Trump. Absolument pas. Même pour faire plaisir aux néo-conservateurs du Wapo.
Acheter Trump, c’est comme acheter un chat dans un sac. On ne sait pas ce qu’on va trouver. Toutefois, je crois peu probable qu’il mène une politique interventionniste. Mais George W. Bush a également fait semblant d’être un non-interventionniste, jusqu’à ce que ça change.
La position non interventionniste actuelle de Trump contraste grandement avec Hillary Clinton. Elle brandit sans vergogne son mélange toxique bien connu d’orthodoxie néo-libérale et néo-conservatrice. Elle fera sûrement la guerre, Trump la fera peut-être. En tant qu’étranger, cela fait un grande différence pour moi.
Mais si j’étais un électeur étatsunien, je fonderai ma position sur les politiques économiques. Dans ce domaine, Bernie Sanders est sûrement préférable à Trump, et infiniment préférable à Clinton.
Moon of Alabama
Notes :
* neoconned : il y a un jeu de mot tel que Moon of Alabama les aime et difficile à traduire. Les journalistes du NYT se sont à la fois « néoconisés » et instrumentalisés (to con : arnaquer, escroquer).
** Fourth grade : 4ième année d’école quand les enfants ont 9 ou 10 ans.
Traduction : Dominique Muselet