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La tragédie de Gaza à l’aune du « printemps » arabe

Il s’agit d’un nouveau rite israélien. Entre l’« Election Day » et l’« Inauguration Day », dates phares de la démocratie étasunienne, Israël marque cette période et prépare ses propres élections en bombardant sans vergogne Gaza et ses habitants. Tel un chasseur godiche canardant au gros calibre tout ce qui bouge dans une volière sous prétexte qu’un volatile l’a malencontreusement becqueté, l’état hébreu extermine hommes, femmes et enfants de Gaza, cette Terre palestinienne volontairement transformée en prison à ciel ouvert. Et cela ne l’empêche pas de se bomber le torse et de se vanter de ses « hauts faits d’armes » sous les regards approbateurs de pays occidentaux qui ne voient, dans l’utilisation des canardières, que l’équivalent de coups de becs.

Cependant, entre l’opération meurtrière israélienne « Plomb durci » (fin 2008-début 2009) et celle étrangement baptisée « Pilier de défense » qui a eu lieu récemment, le monde arabe a connu son fameux « printemps ». Et une question fondamentale se pose : ce bouleversement politique considéré par certains comme fondamental, a-t-il une incidence quelconque sur le sort des Gazaouis en particulier et celui de la cause palestinienne en général ?

En dressant la liste des protagonistes arabes ou musulmans qui se sont accaparés le devant de la scène médiatique et qui s’activaient autour d’une éventuelle médiation entre le Hamas et Israël, il est possible d’avoir des éléments de réponse. De ce point de vue, la bousculade au portillon du Caire enregistrée le 17 novembre dernier est assez éloquente.

Ce jour-là , le président égyptien Mohamed Morsi, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, l’émir du Qatar Hamad ben Khalifa Al Thani et le chef du Hamas Khaled Mechaal étaient tous simultanément dans la capitale égyptienne. Et cet « alignement des planètes » était loin d’être fortuit.

L’Égypte de Morsi

Après son élection post-printanière, Mohamed Morsi, président islamiste « de secours » à la suite de l’inéligibilité de Khaïrat al Chater (éminence grise de la confrérie des Frères Musulmans), sait pertinemment que le règlement du dossier gazaoui est, pour lui, d’une importance capitale à plusieurs égards.

Primo, il lui permettrait de gagner une crédibilité dans le dossier palestinien, crédibilité malmenée par la fermeture récurrente du passage frontalier de Rafah, par la destruction des tunnels de contrebande entre les deux pays (provoquant pour la première fois l’ire des Palestiniens depuis que Morsi est au pouvoir) et surtout par la divulgation de lettres très « affectueuses » entre Morsi et le président israélien Shimon Peres. En effet, cet échange de courrier en apparence anecdotique a profondément choqué les Égyptiens qui vouent à ce qu’ils appellent « l’entité sioniste » une haine viscérale. Il est vrai que des expressions telles que « mon cher et grand ami » et « votre ami fidèle » [1] adressées par Morsi à Peres ont de quoi abasourdir, surtout quand on sait qu’elles ont été écrites par un membre des Frères Musulmans, confrérie qui a toujours prôné la lutte contre l’occupant sioniste. La réaction de la rue égyptienne a été tellement vive que la présidence a tout d’abord prétendu qu’il s’agissait d’un faux [2] avant de la reconnaître en expliquant que les expressions utilisées relevaient du style « protocolaire » (sic) [3].

Les amabilités entre les deux présidents se sont poursuivies ces jours-ci : le président Peres a déclaré aux médias qu’il saluait les « efforts » du président Morsi « pour introduire un cessez-le-feu » dans le conflit à Gaza [4].

Il est à noter que ces familiarités inter-présidentielles contrastent nettement avec le comportement naturel de certaines personnalités égyptiennes piégées, à la même période, dans une émission de type « caméra cachée » dans laquelle on leur faisait croire qu’elles étaient interviewées par une chaîne israélienne [5]. Les réactions des invités ont été invariablement à fleur de peau, nerveuses et très violemment anti-israéliennes, ce qui a irrité la presse de l’état hébreu et a permis aux accusations d’antisémitisme d’inonder la blogosphère [6].

En ce qui concerne la destruction, par l’armée égyptienne, des tunnels de contrebande dans la région frontalière entre l’Égypte et Gaza, elle a été décidée par le gouvernement Morsi à la suite des attentats meurtriers perpétrés le 5 août 2012 par un commando qualifié de djihadiste par les autorités [7]. Cependant, les Frères Musulmans dont est issu le président Morsi ont accusé le Mossad d’être derrière ces attaques, affirmation qui a été reprise par Ismaïl Haniyeh, le chef du gouvernement du Hamas à Gaza [8]. Ce qui est très plausible dans la mesure où la démolition des tunnels ne sert principalement que la sécurité de l’état d’Israël. Le plus étrange dans cette affaire, c’est la célérité avec laquelle la décision de détruire ces passages souterrains a été prise. De là à penser qu’il y a eu connivence, il n’y a qu’un pas. D’autant plus que les autorités israéliennes ont curieusement accepté la présence de soldats égyptiens dans la zone « C » du Sinaï, zone normalement permise à la police égyptienne, mais totalement interdite aux militaires égyptiens selon les accords de Camp David [9]. Rappelons que cette zone est une bande de terre de la péninsule du Sinaï qui longe la frontière israélo-égyptienne et le golfe d’Aqaba, et qui s’étend de Rafah à Charm el-Cheikh.

Secundo, Morsi sait pertinemment que des gesticulations bien orchestrées dans le conflit israélo-palestinien le débarrasseraient de cette image négative de président « roue de secours » sans envergure et n’ayant que peu de charisme [10]. C’est ce qui explique, par exemple, le rappel de l’ambassadeur égyptien en poste en Israël et l’envoi de son premier ministre à Gaza dès le début de l’agression sur Gaza. Ces décisions présentées comme « héroïques » n’expliquent toutefois pas pourquoi il a fallu attendre des bombardements pour qu’un haut responsable égyptien se rende dans l’enclave palestinienne. En effet, compte tenu du voisinage, de l’affinité idéologique entre le Hamas et les Frères musulmans égyptiens et de la liesse populaire gazaouie à l’annonce de l’élection de Morsi à la magistrature suprême, on se serait attendu à ce que le président égyptien se rende à Gaza juste après son élection. Mais non : Morsi ne s’y est jamais rendu alors que l’Émir du Qatar y a récemment effectué une visite officielle.

Néanmoins, après la brouille du Hamas avec les responsables syriens, le gouvernement égyptien a autorisé l’organisation palestinienne à procéder au transfert de son principal siège de Damas vers le Caire. Cette brouille a eu pour cause la reconnaissance par le Hamas de la rébellion syrienne, coalition essentiellement composée de combattants islamistes. Bien que la décision égyptienne d’offrir un bureau au Hamas ait fait grincer les dents de nombreux observateurs, elle a été favorablement accueillie par les Frères musulmans égyptiens [11]. Ces observateurs y ont vu un changement majeur de la politique égyptienne qui considérait l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) comme l’unique représentant légitime des Palestiniens. Évidemment, il ne pouvait en être autrement pour la confrérie. Est-il utile de rappeler que pour sa première visite officielle, le Premier ministre du Hamas, Ismaël Haniyeh, s’était rendu chez les Frères musulmans égyptiens ? Et que ce même chef de gouvernement avait déclaré que le Hamas était « un mouvement djihadiste des Frères musulmans avec un visage palestinien » [12] ?

Il faut se rendre à l’évidence que dans le contexte du « printemps » arabe, cette décision d’héberger le Hamas au Caire relève aussi bien d’une volonté d’isolement de Bachar el-Assad par le président Morsi que du désir égyptien d’influencer la stratégie future de ce mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza, de concert avec d’autres intervenants influents comme le Qatar.

Tertio, le Raïs égyptien n’ignore pas que l’obtention d’un cessez-le-feu dans le conflit israélo-palestinien aurait aussi pour effet de redonner un rôle central à l’Égypte dans le dossier palestinien. En outre, il permettrait à sa diplomatie dans le monde arabe de redorer son blason, après avoir été fortement marginalisée, ces dernières années, au profit de celles de certaines monarchies du Golfe. Ainsi, outre le problème de Gaza, la réunion tripartite Égypte-Qatar-Turquie avait certainement un autre point dans son agenda : celui de la Syrie. En effet, deux jours après la rencontre cairote on apprenait que la nouvelle coalition de la rébellion syrienne, constituée à Doha, allait être basée au Caire [13], alors que le défunt Conseil national syrien (CNS) avait son quartier général à Istanbul. Quatre jours plus tard, le Qatar annonçait de son côté la nomination d’un ambassadeur de la coalition syrienne, organisation constituée de groupes rebelles disparates dont il avait, sous la pression des États-Unis, « contraint » la coalescence [14].

Notons au passage l’absence remarquée, dans cette réunion du Caire, de l’Arabie Saoudite, joueur majeur dans la « printanisation » de la Syrie. Et cette absence est loin d’être fortuite si on en croit la différence du traitement médiatique de l’agression israélienne sur Gaza entre la chaîne Qatarie Al-Jazira et la chaîne saoudienne Al-Arabiya qui traduit implicitement les divergences politiques entre ces deux pays dans le dossier de Gaza [15].

Alors qu’il avait annoncé à maintes reprises sa volonté de réviser les accords de Camp David, Morsi a changé d’avis lorsqu’Israël a opposé une fin de non-recevoir à cette idée [16]. Cette apparente « réussite » de Morsi dans l’arrêt des hostilités entre le Hamas et Israël lui permet toutefois de justifier son changement de fusil d’épaule, confortant ainsi l’idée de la nécessité pour l’Égypte d’être un interlocuteur « officiel » et crédible de l’état hébreu et ce, grâce aux accords signés entre les deux pays. Dans ce domaine, Morsi n’est donc pas tellement différent de son prédécesseur Moubarak, emporté par la vague printanière.

Mais cette absence de témérité politique du président islamiste n’a rien changé à l’ardeur de certains militants pro-démocratie qui ont présenté, devant le tribunal administratif du Caire, une demande d’annulation du traité de Camp David afin que leur pays puisse jouir d’une pleine souveraineté politique et militaire dans la péninsule du Sinaï. Le 30 octobre dernier, les plaignants furent déboutés pour motif « d’incompétence en la matière » du tribunal arguant que les domaines de la politique internationale et de souveraineté du pays sont de la compétence du président de la république [17].

Morsi daignera-t-il un jour aller de l’avant avec cette promesse qui était aussi celle de la confrérie dont il est issu ?

Dans le contexte géopolitique actuel, il est permis d’en douter.

Le Qatar et la « printanisation » des arabes

Le 23 octobre 2012, soit exactement trois semaines avant la sauvage agression israélienne baptisée « Pilier de défense », l’émir du Qatar effectua un visite officielle à Gaza. Cette courte visite, qualifiée d’« historique » par certains observateurs car étant la première d’un chef d’état depuis 2007, année de prise (démocratique) du pouvoir du Hamas à Gaza, n’aurait jamais été possible sans l’approbation de l’Égypte et surtout d’Israël. Évidemment, ce voyage de l’émir s’est accompagné d’une généreuse distribution de pétrodollars, mais il apparaît clairement que son but n’est pas uniquement philanthropique. Sinon, comment expliquer que la générosité qatarie ne profite qu’au gouvernement islamiste du Hamas et non à toute la population palestinienne ? Et pourquoi l’émir du Qatar n’a-t-il pas profité de l’occasion pour aller en Cisjordanie et rendre visite à l’Autorité palestinienne ?

D’ailleurs, sur ce point, le Comité exécutif de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) n’a pas du tout apprécié cette visite. « Les pays arabes ne devraient pas poursuivre la politique d’établissement d’une entité séparatiste dans la bande de Gaza, qui sert fondamentalement les desseins israéliens », a-t-il déclaré [18].

En fait, le comportement qatari à l’égard de la Palestine est en parfaite adéquation avec la volonté d’omniprésence de cet émirat dans la « printanisation » du monde arabe, action qui s’articule sur le soutien indéfectible des islamistes du monde arabe et en particulier des Frères musulmans. Cette politique est visible en Égypte, en Tunisie, en Libye, en Syrie et actuellement à Gaza.

D’autre part, comme le Qatar possède des relations privilégiées avec les États-Unis et nombre de pays occidentaux (relations qu’il n’a jamais cherché à dissimuler, bien au contraire), on est en droit de penser que cette visite a une portée politique qui servirait également d’autres intérêts que ceux de la Palestine. Dans cet ordre d’idées, Jean-Pierre Bejot se pose les questions suivantes : « Les Américains, qui aiment à laisser penser qu’ils coachent les Qataris, ont-ils donné leur feu vert à cette visite ? Cette visite vise-t-elle à isoler la Syrie et l’Iran qui étaient, jusqu’à présent, les principaux partenaires du Hamas ? » [19].

Rachid Barnat va encore plus loin : « A moins que son "jeu" [celui du Qatar] n’entre dans la stratégie des États-Unis : 1- neutraliser les extrémistes de "l’intérieur", tout en les soustrayant à une probable récupération iranienne chiite ! Ce que vient de faire l’émir du Qatar avec le Hamas de la bande de Gaza qui flirtait avec le régime des Ayatollahs et soutenait Bachar el-Assad, l’autre « ami » des iraniens. Et 2- permettre une reprise du dialogue entre les Palestiniens et les Israéliens afin qu’Obama […] concrétise son beau discours-programme lors de sa prise du pouvoir : en finir avec un problème qui empoisonne les relations internationales depuis plus de 60 ans ! » [20].

A ce sujet, certaines sources bien informées ont rapporté une discussion extrêmement intéressante entre Hamad ben Khalifa Al Thani et Ismaël Haniyeh, lors de la visite de l’émir à Gaza. Selon elles, la rencontre s’est achevée par un désaccord manifeste car l’aide qatarie était soumise à des conditions précises : a) la rupture de l’alliance avec l’Iran, b) l’ouverture de négociations avec l’entité sioniste sans conditions préalables, c) la reconnaissance d’Israël, d) la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël et l’abandon de la récupération de sa partie orientale et e) l’annonce de la fin de la résistance armée et l’ouverture des négociations comme seule option de solution [21].

En définitive, il semblerait que la présence du Qatar au Caire comme médiateur important dans le dossier palestinien soit reliée à un double agenda. Le premier est relatif à la « printanisation » de la cause palestinienne en favorisant la prépondérance du Hamas par rapport aux autres groupes rivaux de Gaza et en marginalisant, de facto, l’Autorité palestinienne en Cisjordanie. Le but ultime serait-il la constitution d’un seul gouvernement islamiste dirigé par le Hamas dans tous les territoires palestiniens ?

Le second est relatif à l’abandon par le Hamas de sa branche militaire et de son éloignement de l’ « Iran chiite » qui lui fournit des armes.

A la lumière de ce qui précède, tout laisserait à penser à ce que la trame de fond de ces manoeuvres soit la négociation d’une « paix à rabais » avec l’état hébreu sous la bénédiction israélo-américaine.

Et l’émir du Qatar détient une carte importante pour réussir son projet : Khaled Mechaal, le chef du Hamas qui vient de s’aligner ouvertement avec la politique du Qatar en reconnaissant la rébellion syrienne, en rompant avec Bachar el-Assad (qui l’a soutenu et financé pendant des années) et en quittant Damas où il vivait pour s’installer à l’hôtel Four Seasons de Doha, « sous protection de ses hôtes qataris » [22].

L’émir du Qatar ne maîtrise-t-il pas l’art de débaucher ceux qui deviennent par la suite ses hommes de main ?

Moins d’une semaine après la fin de l’opération « Pilier de défense », cette volonté du Hamas de s’éloigner de l’Iran s’est confirmée par la voix de Moussa Abou Marzouk, chef adjoint du bureau politique du Hamas. Depuis ses nouveaux bureaux du Caire, il déclara que « l’Iran doit reconsidérer son soutien au régime syrien » [23].

Ce désir d’affranchissement de l’Iran a aussi été formulé, mais prudemment, par Ziad Nakhal, le secrétaire général adjoint du Jihad Islamique Palestinien. Tout en reconnaissant que « sans l’appui militaire de l’Iran, la résistance palestinienne n’aurait pas pu combattre depuis de nombreuses années », il ajoute que « si les Arabes veulent remplacer l’Iran, ils seront les bienvenus et nous remercierons l’Iran » [24].

Cette invitation s’adresse tout particulièrement au Qatar. En effet, comment se fait-il que ce richissime émirat du Golfe qui arme les rebelles islamistes dans tous les pays arabes en quête d’un éventuel « printemps » et qui soutient leur lutte contre des gouvernements arabes naguère amis, puisse demander aux militants du Hamas d’abandonner leur lutte armée contre l’état israélien, un état spoliateur, xénophobe et assassin ? Pourquoi, à l’inverse, n’armerait-il pas les combattants d’une cause aussi juste et aussi sacrée que celle de la Palestine −ne serait-ce que pour qu’ils acquièrent une force de dissuasion qui leur permettrait de négocier en position de force− comme il le fait ouvertement en Syrie ? Bachar el-Assad serait-il un ennemi et Netanyahou un ami ?

La réponse de l’émir du Qatar est sans équivoque : lors de la conférence de presse tenue le 19 novembre 2012 (alors qu’Israël bombardait Gaza), à l’occasion de la visite à Doha de Mario Monti, chef du gouvernement italien, il affirma que « le soutien du Qatar pour la bande de Gaza est limité à l’aide humanitaire et à la reconstruction, mais exclut l’armement » [25].

Les armes du Hamas et la filière soudanaise

La nuit qui suivit la visite de l’émir du Qatar à Gaza (du 23 au 24 octobre 2012), plusieurs avions israéliens bombardèrent le complexe militaire soudanais de Yarmouk, situé au sud de Khartoum. L’attaque ne dura que quelques minutes, mais les explosions qui suivirent durèrent plusieurs heures, ce qui indique que le stock de munitions qu’il contenait était considérable. Les photos satellitaires prises avant et après l’attaque israélienne montrent une destruction totale du site [26]. Le ministre soudanais de l’information, M. Ahmed Bilal Osman, a déclaré que quatre avions étaient impliqués dans l’attaque et que des preuves matérielles (des armes qui n’auraient pas explosé) accusaient directement Israël [27]. Bien qu’il ait assuré que ce complexe ne fabriquait que des « armes traditionnelles », de nombreux rapports affirment qu’il servait aussi de dépôt de missiles iraniens Shehab et qu’il était très plausible que des expert iraniens fournissent une assistance technique pour la fabrication d’autres type d’armes.

Israël n’a jamais reconnu cette attaque, mais des responsables israéliens ont accusé le Soudan d’être un point de transit névralgique pour l’envoi des armes iraniennes à destination des combattants du Hamas [28]. Des missiles iraniens, tels que les « Fadjr-5 » qui ont atteint Jérusalem durant le récent conflit israélo-gazaoui, ont certainement été acheminés de l’Iran vers Gaza, en passant initialement par le Soudan et, par la suite, introduits dans l’enclave palestinienne via les tunnels du Sinaï [29]. Ainsi, il est aisé de comprendre l’intérêt d’Israël d’impliquer l’Égypte dans la fermeture de ces passages clandestins.

Mais ce qui attire le plus l’attention dans cette affaire c’est le fait que les avions israéliens ont parcouru, dans cette mission, près de 3600 km (aller-retour) sans qu’ils ne soient détectés, ni par le Soudan, ni par les pays « amis » limitrophes comme l’Égypte, la Jordanie ou l’Arabie Saoudite.

Dans un article détaillé sur l’attaque du complexe soudanais publié par le Sunday Times, Uzi Mahmaini et Flora Bagenal expliquent que les avions israéliens avaient emprunté un trajet qui longe la mer Rouge en contournant le système de défense aérien de l’Égypte [30]. Certains journalistes égyptiens se sont même demandé si les avions n’avaient pas transité par l’espace aérien de leur pays. Dans sa chronique intitulée « Morsi a-t-il peur d’Israël ? », Mohamed Dassouki Rachdi écrit : « Je ne mets pas en doute les capacités égyptiennes et je n’ai pas à le faire, mais je revendique simplement le droit du peuple à savoir si son territoire ou son ciel ont été utilisés dans l’attaque d’un pays frère ou non ». Et d’ajouter : « Comment se fait-il qu’Israël a réussi à mettre en oeuvre l’opération de destruction du complexe soudanais avec toute cette précision et tout ce silence, sans que l’Égypte ne s’en rende compte ou sans qu’il y ait de réaction des autorités égyptiennes ? Comment se fait-il que des avions puissent voler pendant quatre heures pour détruire une partie d’un pays frère sans que le sommeil des responsables égyptiens ne soit perturbé ? » [31]. C’est la présidence de la République elle-même qui s’est chargée de répondre (ce qui révèle la gravité des soupçons), niant toute utilisation de l’espace aérien égyptien par les avions israéliens mais ne démentant pas l’information concernant l’itinéraire avancé par le Sunday Times [32].

Si l’hypothèse avancée par le journal britannique est vraie, il est légitime de se poser de sérieuses questions sur les capacités du système de défense aérien de l’Égypte, sauf si le pays des pharaons a volontairement fermé les yeux sur le bombardement du Soudan pour s’assurer que les armes stockées au Soudan soit détruites et que les nouveaux missiles iraniens ne transitent plus par les tunnels du Sinaï.

Une autre hypothèse concernant le trajet emprunté par les avions israéliens a été avancée par Ali Akbar Salehi, le ministre iranien des Affaires étrangères. Selon ses informations, l’escadrille aurait survolé la Jordanie, l’Arabie saoudite et l’Érythrée avant de bombarder la cible soudanaise, ce qui expliquerait le fait que des témoins soudanais aient noté que les avions ennemis venaient de l’est du pays [33].
Quelle que soit l’hypothèse retenue, de sérieux doutes planent sur l’implication de différents pays arabes dans l’agression du Soudan, un pays « frère » qui est, de surcroît, membre de la Ligue Arabe.

A moins qu’Israël n’ait utilisé directement une de ses bases situées sur l’archipel érythréen des Dahlak [34], mais cette éventualité n’a été avancée par aucun observateur.

La Turquie et le néo-ottomanisme

La politique étrangère du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et de son ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu relève plus de l’opportunisme que de la realpolitik. Prônant à l’origine la doctrine de « zéro problème » avec les pays voisins, cette politique a progressivement évolué d’une non-ingérence à une ingérence active à mesure que le « printemps » arabe poursuivait sa progression, du Caire à Damas.

Ainsi, bien qu’il déclarât initialement « qu’il n’avait pas non plus l’intention de s’immiscer dans les affaires intérieures des pays arabes » [35], Erdogan s’engagea en faveur des rebelles du Conseil national de transition libyen (CNT), oubliant que seulement quelques mois auparavant, il recevait, à Tripoli, le prix Kadhafi 2010 des Droits de l’homme décerné par le colonel Kadhafi [36]. Mais le glas de la politique de « zéro problème », qui somme toute n’a été qu’éphémère, a sonné lorsque le conflit syrien a éclaté. Sous l’impulsion des États-Unis, Erdogan a lâché le président syrien, celui-là même qu’il considérait naguère comme un « ami », donnant à la Turquie un rôle de premier plan dans cette sanglante guerre civile.

Cette position belliqueuse envers un pays avec lequel la Turquie avait signé des accords de libre-échange en 2004 et avait aboli les visas en 2009 (et qu’Erdogan visita la dernière fois le 17 janvier 2011 à l’invitation de son « ami » Bachar el-Assad) n’a rien à voir avec des principes moraux dictés par l’instauration d’une éventuelle démocratie en Syrie. Le précédent libyen est très instructif à ce sujet. La Turquie veut plutôt surfer sur la vague de l’éclosion des gouvernements islamistes qui ont pris le pouvoir dans les pays arabes « printanisés » et qui désirent se donner comme modèle l’AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi ou Parti de la justice et du développement) d’Erdogan.

Le néo-ottomanisme, mis de l’avant par Erdogan et Davutoglu, se définit comme la volonté turque de réinvestir, aux niveaux diplomatique et économique, sa sphère d’influence ottomane [37]. Ainsi, la mise en oeuvre de cette politique de reconquête tire profit de l’accession au pouvoir de l’Islam politique sunnite dans bon nombre de républiques arabes tout en présentant la Turquie comme un modèle de réussite économique réalisée par un gouvernement islamiste.

Ajoutons à tout cela que la Turquie s’est constitué un remarquable capital de sympathie dans le monde arabe en optant pour des positions pro-palestiniennes médiatisées et très populistes. Le clash provoqué par Erdogan à Davos le 29 janvier 2009 en est un exemple très explicite [38] et sa présence à la réunion tripartite Égypte-Qatar-Turquie du 17 novembre 2012 au Caire rentre très certainement dans ce cadre.

Mais il faut souligner que pour la Turquie, être pro-palestinien ne veut en aucun cas dire être anti-israélien. Et même si les relations politiques entre la Turquie et Israël se sont fortement refroidies depuis l’opération « plomb durci » et l’affaire de la flottille de la liberté, dans le domaine militaire ou économique c’est « business as usual ».

Voici quelques exemples éloquents. Près d’un an après l’incident de Davos, Ehud Barak, le ministre de la défense israélien, a été reçu à Ankara avec toute sa délégation. A l’issue de la visite, le ministre turc de la défense a déclaré que : « Tant que nous avons les mêmes intérêts, nous travaillons ensemble, pour résoudre les problèmes communs. Aussi, nous sommes alliés, nous sommes des alliés stratégiques, tant que nos intérêts nous force à l’être ». De leur côté, des officiels israéliens ont commenté la visite en précisant que « malgré les tensions diplomatiques […], leur impression est que la visite a été un succès et que les Turcs sont intéressés à préserver de bonnes relations » [39].

En juin 2011, le journal israélien Haaretz rapporte des « discussions directes secrètes Israël-Turquie pour réduire la rupture diplomatique ». On y apprend que « des responsables israéliens et turcs ont tenu des pourparlers directs secrets pour tenter de résoudre la crise diplomatique entre les deux pays » et que « les négociations ont le soutien des Américains » [40].

Dans un article au titre révélateur « Israël répare et renvoie quatre drones à la Turquie en signe possible de réchauffement des relations », publié le 19 mai 2012 par le « Times of Israël », il est mentionné qu’Erdogan aurait déclaré qu’« il peut y avoir des problèmes entre les gens et des ressentiments, ils peuvent s’abstenir de se rencontrer. Tout cela est possible, mais quand il s’agit des accords internationaux, il y a une éthique du commerce international » [41].

Ainsi, il est clair que le néo-ottomanisme de la Turquie d’Erdogan et de Davutoglu ne se fait pas au détriment des relations israélo-turques, même si les apparences montrent un discours vindicatif contre l’état hébreu, discours destiné aux peuples arabes pour qui la cause palestinienne est un sujet très sensible.

Obama et les petits plaisirs asiatiques

L’agression israélienne contre Gaza a coïncidé avec une courte mais agréable tournée asiatique du président Obama. Ainsi entre quelques postures et regards coquins de la séduisante Première ministre thaïlandaise Yingluck Shinawatra et quelques bises « volées » à l’icône de l’opposition birmane Aung San Suu Kyi [42], le président américain savourait son séjour pendant que les bombes israéliennes détruisaient Gaza et les Gazaouis.

Il faut se rendre à l’évidence que les Prix Nobel de la Paix ne valent plus grand-chose par les temps qui courent. Sinon, comment expliquer l’absence de compassion de deux lauréats de cette prestigieuse distinction, en l’occurrence Obama (2009) et Aung San Suu Kyi (1991), pour les victimes de Gaza et qu’aucun appel à la Paix ne soit lancé, de concert, par ce couple nobélisé du haut du perron de la résidence de l’ex-dissidente birmane à Rangoun ? Bien au contraire, Obama n’a cessé de réaffirmer « le droit d’Israël à se défendre », c’est-à -dire de bombarder à l’arme lourde tout un peuple assiégé.

Force est d’admettre que le soutien inconditionnel du président américain à l’état hébreux est en complète contradiction avec son fameux discours du Caire où il prétendait que « depuis plus de soixante ans, il [le peuple palestinien] connaît la douleur de la dislocation. Beaucoup attendent dans des camps de réfugiés en Cisjordanie, à Gaza et dans des terres voisines de connaître une vie de paix et de sécurité à laquelle ils n’ont jamais eu le droit de goûter. Ils subissent au quotidien les humiliations […] la situation du peuple palestinien est intolérable. L’Amérique ne tournera pas le dos à l’aspiration légitime du peuple palestinien à la dignité, aux chances de réussir et à un État à lui ».

A propos de ce fameux « droit à l’auto-défense » d’Israël, la journaliste israélienne Amira Hass le qualifie de « formidable victoire de la propagande » en ajoutant qu’« en soutenant l’offensive israélienne sur Gaza, les dirigeants occidentaux ont donné carte blanche aux Israéliens pour faire ce qu’ils savent le mieux : se vautrer dans leur statut de victime et ignorer la souffrance des Palestiniens » [43].

Après une semaine de conflit, Hillary Clinton se rendit en Israël et en Égypte pour discuter avec les protagonistes du conflit. Le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël fut proclamé le jour même de son arrivée au Caire et tout le crédit fut octroyé au président Morsi. Étrange consécration pour le président égyptien qui avait, sans succès, annoncé la fin des hostilités pour la veille et qu’il n’avait même pas pu arrêter les bombardements sur Gaza (ne serait-ce que momentanément et malgré les promesses israéliennes) alors que son premier ministre Hicham Kandil se trouvait en visite dans l’enclave palestinienne [44].

Le lendemain de l’annonce du cessez-le-feu, le New York Times publiait un article sur les motivations réelles de l’opération « Pilier de défense ». Les auteurs, David E. Sanger et Thom Shanker, nous expliquent que « pour Israël, le conflit de Gaza est un test pour une confrontation avec l’Iran ». En effet, selon certains responsables américains et israéliens, cette opération militaire qui a duré une semaine est un entrainement pour une éventuelle future confrontation avec l’Iran [45]. Ces exercices ont permis aussi bien d’analyser l’efficacité des nouvelles roquettes de fabrication iranienne capables d’atteindre Jérusalem que de tester la fiabilité du système anti-missiles « Dôme de fer » mis en place par Israël. Élément hautement intéressant : l’article rapporte également que le bombardement israélien du complexe soudanais de Yarmouk n’était que le premier volet d’un plan plus général d’affaiblissement de l’Iran qui s’est poursuivi avec le conflit de Gaza.

Force est de constater que, pour Israël, les deux attaques ont des objectifs stratégiques similaires : i) la destruction de stocks d’armes ennemis et ii) l’entrainement des troupes israéliennes pour un éventuel conflit armé direct avec l’Iran. En effet, la précision et la maîtrise avec laquelle l’opération contre le site soudanais a été menée (distance parcourue, ravitaillement en vol, brouillage des communications ennemies, frappes chirurgicales) prouvent que l’état hébreu possèdent les moyens techniques pour opérer une frappe aérienne sur les sites nucléaires iraniens qui, eux, sont située à des distances égales ou inférieures à celle séparant Israël de Yarmouk. D’autre part, l’anéantissement des réserves d’armement destiné ou utilisé (respectivement au Soudan et à Gaza) par la résistance palestinienne permet de minimiser les risques d’ouverture de fronts de combat supplémentaires si la décision d’attaquer l’Iran venait à être prise. Si on ajoute à cela la participation active de l’Égypte dans la fermeture des tunnels du Sinaï et l’implication du Qatar pour persuader le Hamas d’accepter un changement de paradigme révolutionnaire, les conditions d’une attaque israélienne contre des cibles iraniennes deviennent de plus en plus favorables pour Israël et, évidemment, pour les États-Unis, leur allié indéfectible dans cette « croisade ».

Effectivement, commentant l’article de David E. Sanger et Thom Shanker, Lucio Manisco écrit que « l’enquête du New-York Times éclaire l’étroite collaboration entre Washington et Jérusalem dans les préparatifs de l’offensive contre Gaza, et dans celle à plus ample portée prévue dans de prochains mois contre l’Iran » [46].

Il existe, d’autre part, de fortes présomptions de collaboration entre ces deux pays dans l’attaque sur le complexe de Yarmouk. Ainsi, le quotidien arabe Al-Hayat a cité des responsables soudanais qui ont affirmé que les États-Unis étaient au courant de la frappe puisqu’ils ont rapidement fermé leur ambassade à Khartoum par crainte de représailles [47].

Si on tient compte de tout cela, on comprend aisément la nonchalance et le flegme du président Obama lors de son voyage asiatique : il attendait patiemment que l’entraînement planifié par les forces israélo-américaines prenne fin pour envoyer sa secrétaire d’État afin de ficeler un cessez-le-feu entre les belligérants.

On comprend aussi pourquoi Israël, contrairement à ses habitudes, n’a ni exercé de représailles à la suite de l’attentat du 21 novembre 2012 visant un autobus de Tel-Aviv, ni reporté la date de la fin des hostilités.

Sunnisme-Chiisme : un schisme politique

La reconfiguration géopolitique de la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) à la suite du « printemps » arabe a provoqué un schisme politique sunnite-chiite. Ce schisme, qui est devenu prépondérant dans le conflit syrien à cause de la diversité cultuelle de ce pays, a une incidence directe sur la cause palestinienne. Deux axes ont vu le jour dans la région : l’axe sunnite représenté, entre autres, par l’Égypte, le Qatar et la Turquie et l’axe chiite constitué par l’Iran, la Syrie et le Hezbollah.
Le premier axe possède de très bonnes relations avec les pays occidentaux alors que le second groupe représente actuellement « l’axe du mal » pour ces mêmes pays.

On voit bien que la réunion du 17 novembre au Caire regroupait exclusivement des pays sunnites et que la présence de Khaled Mechaal avait certainement pour but de soutirer le Hamas du giron chiite (en particulier l’Iran) qui lui fournit ses armes. Il est clair que les Américains et les Européens jouent sur cette division pour mieux isoler, et donc affaiblir, l’axe chiite.

Le schisme politique a son pendant religieux, moins sournois mais tout aussi virulent. Ainsi, le téléprédicateur vedette de la télévision qatarie Al-Jazira, Cheikh Al-Qardaoui, a attaqué les Iraniens sur leur rôle en Syrie, déclarant qu’ils « ont manqué à leur mission et ils tuent désormais les musulmans ï ›i.e. les Syriens sunnitesï qui ne sont pas du même courant religieux qu’eux ». Il appela ensuite tous les pèlerins musulmans à implorer Dieu pour punir l’Iran [48].

On est loin du temps où le Cheikh fustigeait Israël, priant Dieu de lui donner l’opportunité, au crépuscule de sa vie, de « de tirer une balle sur les ennemis d’Allah, les juifs » [49]. Le « printemps » arabe étant passé par là , son allégeance à l’émir du Qatar ne lui permet d’émettre des condamnations à mort qu’envers les Arabes ou les musulmans : un alignement exemplaire du politique et du religieux.

C’est pour cette raison sans doute qu’on ne l’a guère entendu condamner la sauvage agression israélienne contre le peuple de Gaza.

En conclusion, on peut affirmer que la cause palestinienne est indéniablement influencée par le « printemps » arabe. Le bloc sunnite représenté par l’Égypte, le Qatar et la Turquie (pays ayant tous trois d’excellentes relations avec les États-Unis) cherche à soustraire le Hamas de la zone d’influence chiite iranienne qui lui fournit les armes nécessaires à sa résistance contre l’occupation israélienne. La rupture de Khaled Mechaal avec Bachar al-Assad, son allégeance envers l’émir du Qatar et le déménagement du principal siège du Hamas de Damas vers le Caire sont tous des signes avant-coureurs qui ne trompent pas. La seule inconnue dans cette affaire est la position de la résistance palestinienne qui oeuvre à l’intérieur de Gaza et qui a un besoin vital d’armes pour asseoir sa légitimité conformément à l’idéologie de son mouvement. A moins que le Qatar ne réussisse le tour de force de les convaincre d’abandonner les armes et d’opter pour une vision plus pacifiste, ce qui pourrait les amener à s’affranchir de leur étiquette d’ « organisation terroriste » qui leur a été attribuée par de nombreux pays occidentaux et rejoindre la table de négociations. Cependant, considérant la faiblesse des résultats obtenus par l’Autorité palestinienne en adoptant une telle approche, on peut s’attendre à ce que le Hamas n’ait pas plus de succès. Quoi de plus clair que la déclaration de Leïla Shahid, la déléguée générale de l’Autorité palestinienne auprès de l’Union européenne : « Notre stratégie non-violente face à Israël est un échec […] on a arrêté la lutte armée […] et Israël nous a donné une claque » [50].

Par ailleurs, et contrairement aux apparences : i) le gouvernement islamiste de Morsi semble entretenir des relations privilégiées avec l’état hébreu (correspondance affectueuse, destruction des tunnels du Sinaï, aucune réaction à l’attaque du complexe soudanais) ; ii) la politique néo-ottomaniste de la Turquie ne se fait pas au détriment des relations turco-israéliennes qui demeurent stratégiques ; iii) les relations israélo-américaines sont au beau fixe et, sur les dossiers palestinien et iranien, la collaboration est exemplaire.

Quant à la Ligue arabe, qui faisait jadis de la question palestinienne le coeur de ses préoccupations, elle est actuellement complètement inféodée aux intérêts américains. Ce qui fait dire à certains que cette institution ne peut réellement décider que des actions qui nuisent au Monde arabe !

Finalement, il est intéressant d’observer le mouvement de balancier qui s’opère en Palestine : à Gaza, tout est fait pour que le Hamas devienne fréquentable au grand plaisir d’Israël et des États-Unis ; en Cisjordanie, l’autorité palestinienne provoque l’ire de Tel-Aviv et de Washington en obtenant, malgré les pressions et les intimidations, son statut d’État observateur à l’ONU.

Ce qui nous ramène à la question existentielle : avant de discuter du rôle de pays tiers, peut-il y avoir une quelconque solution au problème de la Palestine sans la réunification politique des deux territoires palestiniens ?

Ahmed Bensaada

Références

1- May Al-Maghrabi et Noha Ayman, « Morsi joue la realpolitik », Al Ahram Hebdo, 24 octobre 2012, http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/0/1/130/532/Morsi-joue-la--realpolitik.aspx

2- Jonathan-Simon Sellem, « Égypte : " la lettre amicale de Morsi à Peres est une fausse " », JSSNews, 1er août 2012, http://jssnews.com/2012/08/01/egypte-la-lettre-amicale-de-morsi-a-peres-est-une-fausse/

3- Al-Masry Al-Youm, « Morsy’s letter to Peres not friendly, just protocol, say diplomats », Egypt Independent, 18 octobre 2012, http://www.egyptindependent.com/news/morsy-s-letter-peres-not-friendly-just-protocol-say-diplomats

4- L’Orient le jour, « Peres salue les "efforts " de Morsi pour une trêve », 19 novembre 2012, http://www.lorientlejour.com/category/Moyen+Orient+et+Monde/article/788325/Peres_salue_les_%3C%3C+efforts+%3E%3E_de_Morsi_pour_une_treve.html

5- Il s’agit d’un programme de télévision égyptien intitulé « El Hokm baad El Moudawala ». Il est possible de visionner des extraits d’émissions ayant obtenu un grand succès à l’adresse URL suivante : http://www.youtube.com/watch?v=KmUBWkDdXx4

6- Salma Abdelaziz, « Egyptian prank show exposes anti-Israeli sentiment », CNN, 11 août 2012, http://edition.cnn.com/2012/08/10/world/africa/egyptian-prank-show/index.html?hpt=hp_t3

7- Hélène Jaffiol, « Gaza : la fin des tunnels », Slate.fr, 29 septembre 2012, http://www.slate.fr/story/61031/gaza-fin-tunnels

8- AFP, « Égypte : selon les Frères musulmans, l’attaque du Sinaï peut être attribuée au Mossad », Radio-Canada, 6 août 2012, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2012/08/06/003-egypte-deuil-attaque-sinai.shtml

9- Une excellente carte interactive du Sinaï peut être consultée sur le site de la FMO (Force Multinationale d’Observateurs au Sinaï) à l’adresse URL : http://mfo.org/sinai

10- Ian Black, « Mohammed Morsi : Brotherhood’s backroom operator in the limelight », The Guardian, 25 mai 2012, http://www.guardian.co.uk/world/2012/may/25/mohammed-morsi-muslim-brotherhood

11- Majdi Abou Eleil et Ahmed Tahar, « Le Hamas transfèrera au Caire son principal siège », El Watan News, 12 septembre 2012, http://www.elwatannews.com/news/details/48396

12- Ramzy Baroud, « Hamas and the Brotherhood : Reanimating History », Palestine Chronicle, 2 janvier 2012, http://www.onislam.net/english/politics/middle-east/455243-hamas-and-the-brotherhood-reanimating-history-.html

13- AFP, « La nouvelle Coalition syrienne basée en Égypte », 24 Heures, 19 novembre 2012, http://www.24heures.ch/monde/nouvelle-coalition-syrienne-basee-egypte/story/16399120

14- Dedefensa.org, « Les dessous coquins de l’accord de Doha », 14 novembre 2011, http://www.dedefensa.org/article-les_dessous_coquins_de_l_accord_de_doha_14_11_2012.html

15- Amin Hamadé, « Comment Al-Jazira et sa rivale Al-Arabiya couvrent-elles la guerre à Gaza ? », Courrier International, 22 novembre 2012, http://www.courrierinternational.com/article/2012/11/22/comment-al-jazira-et-sa-rivale-al-arabiya-couvrent-elles-la-guerre-a-gaza

16- Ria Novosti, « Égypte : aucune révision des accords de Camp David (officiel) », 26 septembre 2012, http://fr.rian.ru/world/20120926/196154839.html

17- Chimaa El Karanchaoui, « Le tribunal administratif se déclare non compétent dans l’annulation ou la modification de "Camp David" », El Masry El Youm, 30 novembre 2012, http://www.almasryalyoum.com/node/1208641

18- AFP, « Visite "historique" de l’émir du Qatar à Gaza », Le Monde.fr, le 23 octobre 2012, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2012/10/23/visite-historique-de-l-emir-du-qatar-a-gaza_1779825_3218.html

19- Jean-Pierre Bejot, « Qatar est-il le nouveau nom de "l’impérialisme", de "la mondialisation", de "l’Internationale islamique"… ? (3/4) », La Dépêche diplomatique, 31 octobre 2012, http://www.lefaso.net/spip.php?article50905

20- Rachid Barnat, « A quoi joue l’émir du Qatar ? », Kapitalis, 8 novembre 2012, http://www.kapitalis.com/63-fokus/12733-a-quoi-joue-l-emir-du-qatar.html

21- Al Manar, « Hamad bin Khalifa à Haniyeh : rompez votre alliance avec l’Iran et… », 17 novembre 2012, http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=85451&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=20&s1=1

22- Georges Malbrunot, « L’émir du Qatar affiche son parti pris pro-Hamas à Gaza », Le Figaro.fr, 23 octobre 2012, http://www.lefigaro.fr/international/2012/10/23/01003-20121023ARTFIG00323-l-emir-du-qatar-affiche-son-parti-pris-pro-hamas-a-gaza.php

23- AFP, « Hamas : L’Iran devrait reconsidérer sa position à l’égard du régime syrien », Al-Masry Al-Youm, 26 novembre 2012, http://www.almasryalyoum.com/node/1270486

24- Déclaration de Ziad Nakhal à Nile News, le 27 novembre 2012.

25- Qatar Ministry of Foreign Affairs, « The joint press conference by H.E. Sheikh Hamad Bin Jassim Bin Jabr Al Thani, the Prime Minister and Minister of Foreign Affairs and Italian Prime Minister Mario Monti regarding the situation in Gaza », 19 novembre 2012, http://english.mofa.gov.qa/minister.cfm?m_cat=2&id=163

26- Alain Rodier, « Israël-Soudan-Gaza : Frappe aérienne et riposte du Hamas », Note d’actualité n°291, Centre Français de Recherche sur le Renseignement, Novembre 2012.

27- AFP, « Le Soudan accuse Israël de l’avoir bombardé », Le Monde.fr, 24 octobre 2012, http://www.lemonde.fr/afrique/article/2012/10/24/le-soudan-accuse-israel-de-l-avoir-bombarde_1780414_3212.html

28- AFP, « Le Soudan nie tout rôle de l’Iran dans son usine d’armes de Yarmouk », Courrier International, 29 octobre 2012, http://www.courrierinternational.com/depeche/newsmlmmd.d6c0a760d0f4e9b5a7145c93a75c54a6.501.xml

29- Global Security.org, « Hamas Rockets », Novembre 2012, http://www.globalsecurity.org/military/world/para/hamas-qassam.htm

30- Uzi Mahmaini and Flora Bagenal, « Israeli Jets Bomb Sudan Missile Site in Dry Run for Iran Attack », The Sunday Times, 28 octobre 2012, http://www.thesundaytimes.co.uk/sto/news/world_news/Middle_East/article1156457.ece

31- Mohamed Dassouki Rachdi, « Morsi a-t-il peur d’Israël ? », El Youm Essabaa, 31 octobre 2012, http://www1.youm7.com/News.asp?NewsID=831787

32- Almesryoon, « La présidence nie que l’aviation israélienne ait pénétré dans l’espace aérien égyptien », 31 octobre 2012, http://www.almesryoon.com/permalink/43705.html

33- Gérard Fredj, « Bombardement israélien au Soudan - Des pays arabes auraient ouvert leur espace aérien aux avions israéliens », Israël Infos, 6 novembre 2012, http://www.israel-infos.net/Bombardement-israelien-au-Soudan--Des-pays-arabes-auraient-ouvert-leur-espace-aerien-aux-avions-israeliens-9284.html

34- Muhammed Salahuddin, « Israel’s second largest base is on Eritrea’s Dahlak Islands », Arab News, 31 août 2006, http://www.ethiomedia.com/carepress/israel_on_dahlak.html

35- Jean Marcoux, « L’expérience turque de transition politique, un modèle pour l’Égypte post-Moubarak ? », LeJMed.fr, 12 février http://www.lejmed.fr/spip.php?page=imprimir_articulo&id_article=895

36- Ahmed Bensaada, « Le double jeu de Recep Tayyip Erdogan », Mondialisation.ca, 7 décembre 2011, http://www.mondialisation.ca/le-double-jeu-de-recep-tayyip-erdogan/28097

37-Samia Medawar, « Les limites du « néo-ottomanisme » face aux ambitions de la diplomatie turque », L’Orient le jour, 11 juin 2012, http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/763241/Les_limites_du_%3C%3C+neo-ottomanisme+%3E%3E_face_aux_ambitions_de_la_diplomatie_turque.html

38- Ahmed Bensaada, « La valse à quatre temps de Amr Moussa ou l’évanescence de l’arabité politique », Le Quotidien d’Oran, 12 février 2009, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=53:la-valse-a-quatre-temps-de-amr-moussa-ou-levanescence-de-larabite-politique-&catid=37:societe&Itemid=75

39- Amos Harel, « Barak lauds Turkey visit as successful, despite degraded ties », Haaretz , 18 janvier 2010, http://www.haaretz.com/print-edition/news/barak-lauds-turkey-visit-as-successful-despite-degraded-ties-1.261597

40- Barak Ravid, « Israel and Turkey holding secret direct talks to mend diplomatic rift », Haaretz, 21 juin 2011, http://www.haaretz.com/print-edition/news/israel-and-turkey-holding-secret-direct-talks-to-mend-diplomatic-rift-1.368792

41- Yifa Yaakov, « Israel fixes, returns four aerial drones to Turkey in possible sign of warming ties », The Times of Israel, 19 mai 2012, http://www.timesofisrael.com/israel-reportedly-sends-fixed-herons-back-to-turkey/

42- AP and Daily Mail Reporter, « The charmer-in-chief : Obama gets flirty as he schmoozes with Thai prime minister on first stop of historic Asia visit », Daily Mail, 18-19 novembre 2012, http://www.dailymail.co.uk/news/article-2234978/President-Barack-Obama-schmoozes-Thai-PM-Yingluck-Shinawatra-stop-historic-Asia-visit.html

43- Amira Hass, « Israel’s ’right to self-defense’ - a tremendous propaganda victory », Haaretz, 19 novembre 2012, http://www.haaretz.com/news/features/israel-s-right-to-self-defense-a-tremendous-propaganda-victory.premium-1.478913?localLinks=&block=true

44- AFP, « Israël viole la trêve et bombarde Gaza lors de la visite de Kandil », El Youm Essabaa, 16 novembre 2012, http://www1.youm7.com/News.asp?NewsID=847648

45- David E. Sanger et Thom Shanker, « For Israel, Gaza Conflict Is Test for an Iran Confrontation », The New York Times, 22 novembre 2012, http://www.nytimes.com/2012/11/23/world/middleeast/for-israel-gaza-conflict-a-practice-run-for-a-possible-iran-confrontation.html

46- Lucio Manisco, « Bombardements aéronavals sur Gaza pour essayer les nouvelles armes israéliennes en vue de l’imminente guerre contre l’Iran », Global Research, 24 novembre 2012, http://www.mondialisation.ca/bombardements-aeronavals-sur-gaza-pour-essayer-les-nouvelles-armes-israeliennes-en-vue-de-limminente-guerre-contre-liran/5312835?print=1

47- Jonathan Schanzer, « Israël et les États-Unis viennent-ils juste de coopérer pour un Galop d’essai, en vue d’une Intervention en Iran ? », Israël Magazine, 2 novembre 2012, http://israelmagazine.co.il/israel-et-les-etats-unis-viennent-ils-juste-de-cooperer-pour-un-galop-dessai-en-vue-dune-intervention-en-iran/

48- Al-Quds Al-Arabi, « Al-Qardaoui : l’Iran, la Russie et la Chine sont les ennemis de la Nation et les pèlerins doivent implorer Dieu pour les punir », 13 octobre 2012, http://www.alquds.co.uk/index.asp?fname=online%5Cdata%5C2012-10-13-10-07-51.htm

49- Youtube, « Al-Qaradawi praising Hitler’s antisemitism », Vidéo mise en ligne le 10 février 2009, http://www.youtube.com/watch?v=HStliOnVl6Q&feature=player_embedded

50- Leïla Shahid, « Notre stratégie non-violente face à Israël est un échec », RTBF, 18 novembre 2012, http://www.rtbf.be/info/monde/detail_violences-a-gaza-entretien-exclusif-avec-leila-shahid?id=7876355


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Nicolás Gómez Dávila
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