« Arabesque américaine » : Printemps Arabe ou révolutions colorées fomentées par les USA ?

Souvent évoqué, parfois décrié, mais rarement analysé, le rôle des États Unis dans les révoltes de la rue arabe fait enfin l’objet d’un travail sérieux, rigoureux et fort bien documenté. Arabesque américaine* est l’ouvrage d’Ahmed Bensâada, un chercheur algérien établi à Montréal.

Dès les premières lignes, l’auteur annonce la couleur « une chose est évidente : le mode opératoire de ces révoltes a toutes les caractéristiques des révolutions colorées qui ont secoué les pays de l’Est dans les années 2000. Comme il est de notoriété publique que ces révolutions ont été structurées, formées et financées par des organismes américains, il serait logique de conclure qu’il y a présence d’une main américaine derrière ces révoltes de la rue arabe ». Tous les faits et les arguments présentés sont vérifiables, selon l’auteur, par simple consultation des références mentionnées.

Divisé en six chapitres, l’ouvrage part des révolutions colorées en passant par les organismes américains qui exportent la Démocratie, le cas de l’Egypte et les autres pays arabes, avant de fournir par une liste exhaustive des O.N.G, des organismes, des personnes et des financements, par pays concernés par ce supposé « printemps arabe », euphémisme que les médias occidentaux de la « bien pensance » ont rapidement imposé comme évidence.

Mais force est de constater que tous les ingrédients d’un remake sont présents. En effet, « entre 2000 et 2005, les gouvernements alliés de la Russie en Serbie, en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizistan ont été renversés sans effusion de sang. Bien que les médias occidentaux en général prétendent que ces soulèvements sont spontanés et populaires, les révolutions dites colorées sont le résultat d’une vaste planification des Etats Unis par le truchement d’ONG et d’organismes américains tels la United States Agency for international development (USAID) La National Endowment for Democraty (NED) L’International Republican Institute(IRI) ou le National Democratic Institute For International Affairs (NDI) pour ne citer que ceux qui ont contribué, avec d’autres à financer à mettre en place et à encadrer les « révoltes colorées » sous les apparentes bannières de Otpor (résistance) en Serbie, Kmara (c’est assez !) En Géorgie Pora (c’est l’heure) en Ukraine et Kelkel (Renaissance) au Kirghizistan). On ne peut qu’être frappé par la similitude pour ne pas dire l’identité avec certaines organisations et slogans arabes. Comme le poing fermé, logo référentiel d’Otpor, qu’on retrouve aussi présent en Tunisie en Egypte ou en Lybie.

La seconde similitude et bien évidemment le recours aux nouvelles technologies de l’information et de la Communication (TIC) et notamment le rôle des réseaux sociaux, comme Facebook, Twitter ou Youtube dans le renversement des régimes en place. Ce qui donna d’ailleurs lieu à l’éclosion de néologismes tels que cyberdissidents ou cyberévolutions que Bensâada dissèque méthodiquement. Et ce n’est pas un hasard, ajoute-t-il, si une compagnie américaine basée au Massachussetts a développé le logiciel TOR qui permet la navigation anonyme sur Internet et l’a mis gratuitement, à la disposition des cyberdissidents iraniens pour « partager de l’information dans des pays totalitaires » selon la représentante de TOR citée par l’auteur.

C’est cette même compagnie qui a aidé les cyberdissidents tunisiens et égyptiens lors de leurs révoltes pour contourner les censures de leurs États respectifs avant que la Secrétaire d’Eta américaine ne déclare officiellement, en janvier 2010, la volonté des USA « d’aider financièrement à concurrence de 30 millions de dollars les entreprises et les ONG fabriquant des logiciels anti censure pour aider les opposants vivants sous des régimes autoritaires à contourner les blocages, crypter leurs messages et effacer leurs traces. Les bénéficiaires des fonds fédéraux devaient distribuer leurs logiciels gratuitement, les traduire en différentes langues et offrir des programmes de formation » (Extrait de Washington défend l’Internet libre mais sous surveillance. Le Monde du 21 février 2011).

Sur cet aspect Ahmed Bensâada donne une foultitude de détails sur le rôle des USA via les TIC en l’illustrant notamment par le cas égyptien et les acteurs qui y ont joué un rôle décisif. On sait comment, par la suite, ces technologies ont été utilisées en Libye, au Bahreïn, au Yémen, au Maroc et en Syrie pour « populariser » les mécontentements, les soulèvements et les révoltes.

Tout en apportant un éclairage documenté sur le double rôle des USA et des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans les révoltes arabes, Ahmed Bensâada prend le soin de préciser que sa contribution ne verse ni dans un « anti américanisme paranoïaque hanté par des visions anticonspirationnistes » ni « dans l’admiration ou le soutien d’autocrates tyranniques qui n’ont que trop longtemps usurpé le pouvoir ». L’implication des USA et le rôle des TIC dans ces soulèvements sont des aspects réels et objectifs qui tempèrent la béatitude accompagnant habituellement la panacée printanière folklorisant le mal être et le mal vivre sociétal des pays arabes. En cela l’effort réflexif de l’auteur est, à la fois salutaire et à saluer. Et sa lecture vivement recommandée.

Rabeh SEBAA

http://www.algerie-focus.com/2012/02/25/debat-arabesque-americaine-dahmed-bensaada-printemps-arabe-ou-revolutions-colorees-fomentees-par-les-usa/

*Editions Michel BRULE, Montréal 2011. A paraitre chez SYNERGIE Edition, Alger, mars 2012

COMMENTAIRES  

15/06/2012 19:31 par et

et pour se suicider par le feu Mohamed Bouazizi en Tunisie fut donc payé par la CIA ?

27/11/2015 11:51 par Autrement

@et. Justement : la colère, l’indignation, le désespoir réels et justifiés d’un individu et d’un peuple, sont systématiquement récupérés et dévoyés de leur sens, au moyen d’intrigues, de propagande et de technologies diverses, via RG, CIA et Cie (voir l’énumération). Il s’agit toujours et avant tout de barrer la route à une prise de conscience des causes véritables de leur situation, et d’empêcher que la colère ne se retourne contre les exploiteurs capitalistes internes et externes, dissimulés derrière la parade des politiciens dominants. Même si le suicidé n’a pas besoin d’être payé, c’est toujours la logique du fric à l’oeuvre et en guerre contre la logique de l’humain.

21/02/2016 11:27 par ettayeb

l’analyse qui consiste à accorder systématiquement la paternité d’événements politiques aux services secrets des grandes puissances et en particulier des USA, confine quelquefois à une contribution gratuite au bénéfice de ces puissances dans le cadre de la guerre psychologique visant à inculquer dans l’inconscient des masses du tiers-monde l’idée d’une prétendue toute-puissance américaine ou occidentale, et par ricochet de l’impuissance et la soumission inéluctable de ces masses et de ces peuples, donc de l’inutilité et la vanité de toute prise en main de leurs destinées...La révolution tunisienne a surpris tout le monde, y compris la CIA, de même que la révolution bahreinie qui, elle, a germé dans l’arrière-cour de "l’empire" ! On ne doit pas confondre deux choses : d’un coté, l’aptitude de tous les services secrets, même ceux du tiers-monde, à des degrés variables, à noyauter des rassemblements et mouvements populaires qu’ils n’ont pas du tout crées, et les manipuler plus ou moins efficacement selon le degré d’organisation du noyauté et du noyauteur, et d’un autre coté la capacité de ces mêmes services à créer ou diriger au départ des mouvements du même type mais de nature et à buts différents ou opposés. La deuxième catégorie est de loin inférieure quantitativement et qualitativement, et la meilleure preuve est l’impuissance avérée de l’impérialisme, de ses alliés, et de leurs valets locaux, depuis près d’un siècle, à soumettre ou même à vaincre toutes les résistances que nous connaissons, et dont les noms illuminent heureusement l’histoire contemporaine : Cuba, Iran, Russie, Algérie, et bien d’autres qui finiront par vaincre par la grace de Dieu !

21/02/2016 11:49 par Maxime Vivas

vaincre par la grace de Dieu !

On aura tout lu ici, preuve de la miséricorde infinie du modérateur.

26/09/2017 21:20 par szwed

Mdr Le Grand Soir est grand

27/09/2017 08:46 par Assimbonanga

Puisque les commentaires permettent de donner son sentiment, je me permets de souligner que cette recrudescence de "grâce à dieu", "O my god", et "Si dieu le veut" gave. Mais gave grave. Et les télés et radios en raffolent, ne manquant pas une occasion de micro-trottoir où ce langage de bondieuserie s’étale. C’est tendance ! Pour moi, c’est un retour phénoménal en arrière. Nos anciens y avaient mis un stop, mais tout est à refaire. Vous me direz, c’est comme le ménage, jamais acquis, toujours la poussière revient.

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