Pour les États-Unis d’Amérique, c’est en effet l’enjeu actuel : entraîner avec eux tout le camp occidental pour pouvoir continuer à dominer et à commercer avec suffisamment de pays. On assiste ainsi à une formidable opération de retournement d’opinions et de leaders en Europe afin d’assurer des gouvernants dociles et compréhensifs vis-à-vis du patron usaméricain, soutenue par une blitzkrieg pour les lier définitivement avec le TTIP et pour les couper de ce qui pourrait être leur planche de salut, à savoir les BRICS, leurs immenses marchés, leurs dynamiques d’avenir, leur lien avec les pays en voie de développement, etc.
Nous analysons tous ces aspects dans ce numéro du GEAB, ainsi que l’utilisation subtile de la crainte d’une déflation pour convaincre les Européens d’adopter les méthodes US.
À la lumière de la dangerosité extrême des méthodes employées par les États-Unis d’Amerique, il va sans dire que quitter le navire US ne serait pas un acte de trahison de la part de l’Europe, mais bien une avancée majeure pour le monde comme nous l’avons déjà longuement analysé dans de précédents numéros du GEAB [Et comme la Chine, en particulier, lui enjoint de faire via ses accords de swap par exemple.].
Malheureusement les dirigeants européens les plus raisonnables sont complètement paralysés et la meilleure stratégie qu’ils soient encore capables de mettre en œuvre actuellement, dans le meilleur des cas, semble être une simple temporisation [En attendant les élections européennes, notamment.], certes utile et bienvenue mais guère suffisante...
Plan de l’article complet :
1. BAS LES MASQUES
2. VITE UN TTIP
3. UNE ABERRATION ÉCONOMIQUE
4. INSTILLER LA PEUR DE LA DÉFLATION EN EUROPE, LA SECONDE ARME US
5. DÉBITEURS CONTRE CRÉDITEURS, LE MONDE COUPÉ EN DEUX
Nous présentons dans ce communiqué public des extraits des parties 1 et 2.
BAS LES MASQUES
À l’heure d’internet et des affaires de type « -leaks », garder un secret est devenu difficile pour les agents secrets et pour les pays aux mains sales. Outre les révélations de Snowden ou de Wikileaks, on a encore appris récemment que les États-Unis étaient derrière un réseau social à Cuba visant à déstabiliser le pouvoir en place [1]. Ou on a pu visionner cette vidéo fuitée opportunément sur Youtube [2] montrant les Américains à la manœuvre derrière le coup d’État en Ukraine. Ou encore, il semblerait qu’ils ne soient pas innocents dans la déstabilisation actuelle d’Erdoğan en Turquie [3], pays dont nous détaillerons la situation dans le prochain GEAB [4]... Les masques tombent... sur des évidences certes, mais que plus personne ne peut ignorer.
Mais les États-Unis ne se contentent plus des pays en développement ou des républiques bananières... En Europe, ils parviennent également à retourner les dirigeants les uns après les autres, afin qu’ils suivent les intérêts américains docilement. Ce n’est plus « Ce qui est bon pour General Motors est bon pour l’Amérique » comme le déclarait Charles Wilson (ex-PDG de GM) en 1953, mais « Ce qui est bon pour les États-Unis est bon pour l’Europe ». Ils avaient déjà le soutien de Cameron, Rajoy, Barroso, Ashton... Ils ont réussi à obtenir celui de la Pologne de Donald Tusk alors que celui-ci était fortement réfractaire en début de mandat [5], celui de l’Italie grâce au coup d’État opportun de Renzi [6], et de la France de Hollande/Valls grâce en particulier au remaniement ministériel et un premier ministre peu suspect d’antiaméricanisme. Contrairement au début de son mandat où il jouait la carte de l’indépendance, sur le Mali ou sur d’autres fronts, François Hollande semble maintenant complètement soumis aux États-Unis. Quelles pressions a-t-il subies ? L’Allemagne, quant à elle, résiste encore un peu mais pour combien de temps [7] ? Nous approfondissons cette réflexion à la partie Télescope.
L’Europe est ainsi entraînée vers l’intérêt US qui n’est pas le sien, ni en termes de politique, ni de géopolitique, ni de commerce comme nous le verrons. Alors que les BRICS ont choisi une voie opposée et cherchent à se dégager à tout prix de l’influence désormais profondément néfaste des États-Unis, l’Europe est pour l’instant le dindon de la farce. En témoigne par exemple l’achat par la Belgique de 130 milliards de dollars de bons du Trésor américain en trois mois d’octobre 2013 à janvier 2014 (dernière donnée disponible [8]), soit un rythme annuel supérieur à son PIB [9]... Ce n’est certainement pas la Belgique elle-même qui est responsable de cette aberration, mais bien sûr Bruxelles, c’est-à-dire l’UE en tant que petit soldat US.
Politiquement l’Europe est donc étouffée par les États-Unis qui peuvent s’en donner à cœur joie en l’absence de tout leadership. Et le moyen de sceller définitivement cette mainmise américaine sur l’Europe s’appelle TTIP...
VITE UN TTIP
Nous l’avons déjà amplement documenté : contrairement aux discours triomphants de la « reprise » reposant sur les prix immobiliers qui remontent et la bourse qui est au plus haut, l’économie réelle US est aux abois. Le taux de privation alimentaire est plus élevé qu’en Grèce.
Les magasins, même bon marché, mettent la clé sous la porte faute de clients [10]. Les demandes d’emprunt immobilier sont au plus bas, ce qui augure mal de la suite et présage un retournement imminent comme nous l’avons anticipé au GEAB n°81.
[...]
Mais, comme nous l’avons déjà dit, là n’est pas l’essentiel. L’enjeu majeur du TTIP, c’est la préservation du dollar dans les échanges commerciaux et le maintien de l’Europe dans le giron US afin d’éviter que ne se constitue un bloc Euro-BRICS capable de faire contrepoids aux États-Unis.
Ainsi la crise ukrainienne, sous le prétexte de l’agressivité russe et de l’approvisionnement gazier, est un bon moyen, dans la panique, d’imposer l’agenda des États-Unis d’Amérique et des lobbies face à des dirigeants européens trop faibles pour agir. Ce qui n’était pas prévu, c’est que l’intérêt de ces lobbies ne va pas forcément dans le sens qu’on croit...
[...]
Titre original : L’Europe entraînée dans une division du monde entre débiteurs et créditeurs : les solutions désespérées des États-Unis pour ne pas sombrer seuls.
GEAB N°84, 15 avril 2014.
Notes
[1] Source : The Guardian, 03/04/2014.
[2] Source : Reuters, 06/02/2014.
[3] Suite à l’utilisation par les États-Unis des réseaux sociaux à Cuba comme mentionné précédemment, pas étonnant qu’Erdoğan ait décidé de couper Twitter en Turquie. Par ailleurs, le Turc Fethullah Gülen, instigateur du mouvement Gülen s’opposant au gouvernement Erdoğan, réside... aux États-Unis. Sources : Aljazeera (13/03/2014), Wikipédia.
[4] Petite parenthèse : notre équipe ne peut s’empêcher de penser que si De Gaulle, si admiré en France, gouvernait aujourd’hui, il serait lui aussi considéré comme un autocrate à renverser, à l’instar d’Erdoğan ou Poutine... Diriger efficacement dans l’intérêt de son pays semble maintenant considéré comme incompatible avec la démocratie sous sa forme actuelle, qui se doit d’être faible...
[5] Source : Wikipédia. Donald Tusk est maintenant un fervent supporteur du gaz de schiste en Pologne et s’élève contre la Russie. Sources : Wall Street Journal (11/03/2014), DnaIndia (05/04/2014).
[6] Lire aussi RT, 01/04/2014.
[7] Source : EUObserver, 10/04/2014.
[8] Source : US Treasury.
[9] Son excédent commercial d’environ 1% du PIB aura du mal à expliquer cette capacité d’achat à lui tout seul...
[10] Voir par exemple ABCNews, 10/04/2014.
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