« Si Cuba pense que cet exercice va aider à faire avancer les choses dans le sens que les deux gouvernement souhaitent, elle se trompe ». C’est ce qu’a déclaré le représentant des États-Unis, Ronald Godard, devant l’Assemblée générale de l’ONU.
Pour la vingt-quatrième fois, cette dernière qui compte 193 états, se prononçait sur l’embargo infligé à l’île des Caraïbes par le voisin du nord. Le blocus le plus long, le plus rigoureux, le plus injuste de l’histoire dure depuis cinquante six ans mais ce n’est qu’à partir de 1992 que Cuba a présenté un rapport qui expose devant la communauté internationale les violations aux accords, traités ou règles qui régissent les relations entre pays dans tous les domaines (diplomatie, commerce, etc), en détaille les infractions, en comptabilise les dommages. Sa condamnation qui ne recueillait que 59 votes en 1992 était passée l’an dernier à 188 (deux contre les États-Unis et Israël et trois abstentions). Hier, sur proposition cubaine, 191 pays ont exigé la levée du blocus. Aucune abstention. Deux voix contre : celles des États-Unis et d’Israël qui bloque Gaza.
Isolé et humilié comme jamais, l’empire ne renonce pas à sa morgue : « Si Cuba croit.... » Proféré devant l’assemblée des Nation-Unies qui venait de lui infliger une condamnation contondante. Mais à qui ces gens-là croient-ils parler ? Cuba n’est pas leur basse-cour et le monde non plus.
Plusieurs heures après le vote, on cherchait péniblement les premières dépêches. On trouvait l’information sur le site du Figaro sous ce titre curieux : « Cuba vers la fin de l’embargo. » Ah oui, vraiment et de par la volonté de qui ? Gageons que le vote de l’ONU n’occupera pas les Unes. Et on comprend pourquoi.
Les États-Unis tentent d’utiliser la réouverture des ambassades pour enfumer les opinions publiques et faire croire que les relations sont quasiment normales entre les deux pays. Malgré l’opposition du Congrès,le président Obama a les moyens de vider l’embargo de son contenu mais il s’y refuse. Peut-être faut-il y voir la mise en pratique de ce qu’il déclarait fin décembre 2014 lors de la traditionnelle conférence de presse sur l’état de l’Union : « Ce qui est certain, c’est que nous allons nous trouver dans de meilleures conditions pour exercer notre influence et pouvoir utiliser aussi bien la carotte que le bâton ». www.whitehouse.gov/the-press-office/2014/12/19/remarks-president-year-end-press-conference
En début de semaine, un haut fonctionnaire étasunien, anonyme bien sûr, livrait à l’agence presse AP quelques informations aimablement reproduites par The Guardian. Le rapport présenté par Cuba devant l’ONU avait soi-disant le tort de « ne pas refléter l’état des relations entre les deux pays » . On aurait manifestement souhaité à Washington un texte célébrant l’ouverture des ambassades, les mesures d’assouplissement de l’embargo. Un texte qui aurait passé sous silence l’essentiel : l’embargo dure durement, il affecte la vie de 11 millions de Cubains et compromet le développement de l’île du crocodile vert. Depuis le début de l’administration Obama, il s’est durci et donne lieu à une véritable traque financière pour empêcher les relations commerciales de Cuba avec l’étranger. Début octobre, le Crédit Agricole a encore été condamné par la justice nord-américaine à une amende de 693 millions d’euros pour avoir enfreint l’« embargo » contre Cuba (entre autres pays).
Les États-Unis espèrent sans doute que le gouvernement cubain fasse le beau en attendant le prochain sucre ou la nouvelle carotte. Ils n’ont pas compris à qui ils parlent. Et même s’il leur arrive de reconnaître, c’est le cas du président Obama, que « l’embargo a échoué »..que « loin d’isoler Cuba c’est nous qu’il a isolé. », ils n’en mesurent pas les implications et conséquences, ni le ridicule de leur situation à l’ONU où ce soir le roi est nu.
Au grand dam du Congrès, avec ou sans l’assentiment de l’Administration, quel que soit le délai nécessaire aux États-Unis pour s’y résigner vraiment, l’embargo a fait son temps. Parce qu’il est inefficace à renverser le gouvernement cubain, parce qu’il ne parvient pas à isoler ou étouffer cette révolution, parce que l’Amérique latine le condamne, que le monde le condamne et que l’opinion publique étasunienne le condamne.
Maïté Pinero