Un jour, j’ai écrit ceci à propos du Président du Chili, Salvador Allende :
« Washington ne connaît aucune hérésie dans le tiers-monde plus grande que celle d’une véritable indépendance. Dans le cas de Salvador Allende, l’indépendance est arrivée vêtue d’habits particulièrement provocants - un Marxiste élu constitutionnellement et qui continuait de respecter la constitution. Quelque chose d’intolérable. Qui sapait les fondations même sur lesquelles l’anticommunisme avait été bâti : la doctrine, soigneusement cultivée pendant des décennies, que les « communistes » ne pouvaient prendre le pouvoir que par la force et la ruse, qu’ils ne pouvaient se maintenir au pouvoir que par la terreur et le lavage des cerveaux. Il n’y avait rien de pire qu’un Marxiste - à part un Marxiste élu. »
Il n’y avait personne dans tout l’univers que les détenteurs et dirigeants des « Etats-Unis, SA » ne rêvaient de voir mort plus que Hugo Chavez. Il était pire qu’Allende. Pire que Fidel Castro. Pire que n’importe quel dirigeant au monde ne faisant pas partie du camp Américain parce qu’il parlait en termes très crus de l’impérialisme US et de sa cruauté. Sans cesse. Constamment. En disant des choses que les chefs d’état ne sont pas censés dire. Aux Nations-Unies, en s’en prenant de manière étonnement personnelle à George Bush. A travers toute l’Amérique latine, tout en organisant la région en blocs d’opposition à l’Empire US.
Ceux qui me connaissent savent que je n’ai rien d’un conspirationniste. Mais quand quelqu’un comme Chavez meurt encore jeune à l’age de 58 ans, je me pose des questions sur les circonstances. Un cancer acharné, des infections respiratoires incurables, une crise cardiaque, les uns après les autres... Il est bien connu qu’au cours de la Guerre Froide, la CIA a soigneusement développé des substances qui pouvaient tuer sans laisser de traces. J’aimerais que le gouvernement vénézuélien mène une autopsie complète.
En décembre 2011, Chavez, déjà soigné pour le cancer, se mit à penser à voix haute : « Serait-ce possible qu’ils aient inventé une technologie pour répandre le cancer et que nous n’en sachions rien avant 50 ans ? » Le président vénézuélien s’exprimait au lendemain de l’annonce de la présidente de gauche de l’Argentine, Cristina Fernández de Kirchner, qu’elle avait été diagnostiquée d’un cancer de la thyroïde. Ceci après d’autres cancers diagnostiqués chez d’autres dirigeants d’Amérique latine : la présidente du Brésil, Dilma Rousseff ; Fernando Lugo, du Paraguay ; ainsi que l’ancien dirigeant du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva.
« Evo, prends soin de toi. Correa, fais attention. On ne sait jamais, » avait dit Chavez, en s’adressant au président de la Bolivie, Evo Morales, et au président de l’Equateur, Rafael Correa, tous deux des progressistes.
Chaveza dit qu’il avait été averti par Fidel Castro, lui-même la cible de centaines de complots d’assassinat, souvent bizarres, de la CIA. « Fidel m’a toujours dit, ’Chavez, fais attention. Ces gens ont développé la technologie. Ils sont sans scrupules. Fais attention à ce que tu manges, à tes aliments... une petite aiguille et ils t’injectent Dieu sait quoi. » (1)
Lorsque le vice-président Nicolas Maduro suggéra la possible implication US dans la mort de Chavez, le Département d’Etat a qualifié l’accusation d’absurde. (2)
Plusieurs organisations progressistes des Etats-Unis ont fait jouer la clause du Freedom of Information Act (Droit d’accès à l’information - NdT) auprès de la CIA pour demander « toute information ou plan relatifs à l’empoisonnement ou assassinat du Président du Venezuela, Hugo Chavez, qui vient de décéder. »
Personnellement, je crois que Hugo Chavez a été assassiné par les Etats-Unis. Si sa maladie et sa mort n’ont PAS été provoquées, alors la CIA - qui a déjà tenté d’assassiner plus de 50 dirigeants étrangers, dont plusieurs avec succès (3) - alors elle ne faisait pas son travail.
Lorsque Fidel Castro est tombé malade il y a plusieurs années, les grands médias US n’ont eu cesse de spéculer sur la survie du système socialiste cubain après sa disparition. Les mêmes spéculations entourent aujourd’hui le Venezuela. Le cerveau yankee n’arrive pas à imaginer que de nombreuses personnes puissent se détourner du capitalisme lorsqu’on leur montre une alternative acceptable. Cela ne pouvait être que le résultat d’une manipulation du peuple par un dictateur ; le tout dépendant d’un seul homme dont la mort marquerait la fin de tout le processus.
C’est la fin du monde, encore une fois.
L’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC - équivalent de notre cher et tendre CRIF - NdT) a récemment tenu une convention à Washington où ont été entendues les habituelles annonces de la fin du monde au sujet des prétendues armes nucléaires en Iran et les appels à bombarder ce pays avant qu’il n’atomise Israël et/ou les Etats-Unis. Alors, une fois encore, je me dois de rappeler à tout le monde que ces gens-là - les officiels Israéliens et US - ne sont pas vraiment préoccupés par une attaque iranienne. Voici quelques unes de leurs déclarations :
En 2007, dans une conversation à huis-clos, la Ministre des Affaires étrangères israélienne a dit que selon elle : « les armes nucléaires iraniennes ne constituent aucune menace à l’existence d’Israël. » Elle a « critiqué aussi le recours exagéré par le Premier Ministre (Israélien) Ehud Olmert de la menace nucléaire iranienne, affirmant qu’il tentait de rallier l’opinion publique en jouant sur les frayeurs les plus primaires. » (4)
En 2009 : « un haut-officiel à Washington, » indiquait le Washington Post (le 5 mars), a affirmé que « il est très peu probable que l’Iran utilise ses missiles pour une attaque (contre Israël) à cause de la certitude d’un riposte. »
En 2010 le Sunday Times de Londres (10 janvier) écrivait que le Brigadier-général Uzi Eilam, héros de la guerre, pilier de l’appareil de défense israélienne, et ancien directeur-général de la Commission à l’Energie Atomique israélienne, « pense qu’il faudrait encore sept ans à l’Iran pour fabriquer des armes nucléaires. »
Janvier 2012 : le secrétaire à la défense US, Leon Panetta, déclarait aux téléspectateurs : « Tentent-ils (les Iraniens) de développer l’arme nucléaire ? Non, mais nous savons qu’ils tentent de développer une capacité nucléaire. » (5)
Plus tard dans le mois, on pouvait lire dans le New York Times (15 janvier) que « trois éminents spécialistes israéliens en matière de sécurité - le chef du Mossad, Tamir Pardo, un ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, un ancien chef d’état-major de l’armée, Dans Halutz - ont tous récemment déclaré qu’un Iran nucléarisé ne constituerait aucune menace à l’existence d’Israël. »
Quelques jours plus tard, le ministre de la Défense Ehud Barak, dans une interview à la radio de l’armée israélienne (18 janvier) a eu cet échange :
Question : Est-ce qu’Israël pense que l’Iran n’a pas encore décidé de détourner ses capacités nucléaires vers la fabrication d’armes nucléaires ?
Barak : les gens demandent si l’Iran est déterminé à sortir du contrôle et du régime d’inspection dés maintenant... pour tenter de fabriquer des armes nucléaires ou un site fonctionnel le plus rapidement possible. Ce n’est apparemment pas le cas.
Le 20 avril 2012, dans une interview accordée à CNN, Barak a répété ce sentiment : « Il est vrai que (le dirigeant iranien) Khamenei n’a probablement pas donné les ordres pour la fabrications d’une arme (nucléaire). » (6)
A plusieurs reprises, Barak a déclaré : « l’Iran ne constitue pas une menace à l’existence d’Israël ». (7)
Et enfin, voici le directeur du Renseignement National US, James Clapper, dans un rapport de janvier 2012 au Congrès : « Cependant, nous ne savons pas si l’Iran prendra un jour la décision de fabriquer des armes nucléaires. » … Il y a « certaines choses qu’ils (les Iraniens) n’ont pas encore faites » et qui seraient nécessaires à la fabrication d’une arme. (8)
Alors pourquoi les dirigeants Israéliens et Américains passent-ils le reste de leur temps à brandir la fin du monde ? En partie pour permettre à l’APAIC de continuer à encaisser de généreux dons. Pour permettre à Israël de recevoir des aides massives des Etats-Unis. Pour permettre aux dirigeants israéliens de gagner des élections. Pour protéger le statut de privilégié d’Israël comme seule et unique puissance nucléaire au Moyen orient.
Ecoutons Danielle Pletka, vice présidente des études sur la politique étrangère et les politiques de défense du groupe de réflexion néo-con le plus important des Etats-Unis, American Enterprise Institute :
« Le plus gros problème des Etats-Unis n’est pas que l’Iran fabrique l’arme nucléaire et effectue des essais, mais que l’Iran possède l’arme nucléaire et ne l’utilise pas. Parce qu’à l’instant même où ils ne feront rien de mal avec, tous les critiques vont s’agiter et dire « vous voyez, nous vous avions bien dit que l’Iran était une puissance responsable. Nous vous avions bien dit que l’Iran n’allait pas fabriquer des armes nucléaires pour s’en servir dans la foulée. » et finiront par dire que ce n’est pas un problème que l’Iran possède l’arme nucléaire. (9)
Oussama Ben Laden, Bradley Manning & William Blum
Bradley Manning a été accusé d’avoir « aidé l’ennemi ». Ce qui pourrait aboutir à une condamnation à la prison à vie. Pour ce que l’on peut en déduire, le gouvernement croit que les documents et vidéos que Manning a transmis à Wikileaks, que ce dernier a largement diffusé auprès des médias internationaux, ont aidé l’ennemi parce qu’ils ont révélé un côté très obscur de la politique étrangère des Etats-Unis.
Les avocats de Manning ont demandé à l’accusation et à plusieurs reprises des exemples de comment « l’ennemi » (quelque soit la définition de ce terme étant donné que le monde est rempli de gens en colère contre les agissements du gouvernement des Etats-Unis) aurait été « aidé » par les révélations de Wikileaks. Comment précisément l’ennemi a-t-il fait usage du matériel diffusé pour porter atteinte aux Etats-Unis ? Le gouvernement n’a fournit aucun exemple, probablement parce que ce qui dérange réellement les officiels de Washington est le gêne qu’ils ont ressenti devant le monde entier à la suite de la publication des ces documents et vidéos ; qui sont très certainement très embarrassants même pour d’authentiques criminels de guerre ; remplis de violations du droit international, d’atrocités, de mensonges à répétition à tout le monde, de révélations d’hypocrisies flagrantes, et bien plus.
Ainsi, nos magnifiques officiels envisagent de mettre Bradley Manning derrière les barreaux pour le reste de sa vie simplement parce qu’ils sont gênés. On ne voit pas trop quelle est la faute commise.
Mais à présent les procureurs ont annoncé qu’un Navy Seal (commando de la marine - NdT) impliqué dans l’assassinat de Ben Laden va témoigner devant la cour martiale que Ben Laden possédait des documents de Wikileaks transmis par Manning. Eh bien, il doit y avoir des millions d’autres personnes à travers le monde qui ont les mêmes documents sur leurs ordinateurs. La question demeure : quel usage l’ennemi en a-t-il fait ?
Le gouvernement irakien, lui, a utilisé ces documents, et s’est appuyé dessus pour refuser l’immunité aux troupes US pour les crimes commis en Irak, comme par exemple la vidéo révélée par Wikileaks sur des meurtres de sang-froid ; ce qui a provoqué en retour l’annonce par les Etats-Unis de la fin de leur engagement militaire en Irak. Cependant, Manning fut inculé en mai 2010, bien avant la décision de l’Irak de mettre fin à l’immunité.
En janvier 2006, Ben Laden, dans un message audio, a déclaré : « Si Bush décide de persister dans ses mensonges et son oppression, alors il serait utile pour vous de lire le livre « l’Etat Voyou » (de William Blum) qui déclare dans son introduction... » Il a ensuite cité le paragraphe d’introduction que j’avais écrit (qui n’est paru en fait que dans la préface de l’édition britannique, qui fut traduite ensuite en arabe), et qui est le suivant :
« Si j’étais président, j’arrêterais en quelques jours les attaques terroristes contre les États-Unis. Définitivement.
D’abord, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux personnes torturées, à celles tombées dans la misère, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain.
Ensuite, j’annoncerais aux quatre coins du monde que les interventions américaines dans le monde sont définitivement terminées, et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51e État des États-Unis mais dorénavant - chose curieuse à dire - un pays étranger.
Et puis, je réduirais le budget militaire d’au moins 90 %, utilisant le surplus à payer des réparations aux victimes. Ce serait plus que suffisant. Le budget militaire d’une année, soit 330 milliards de dollars, équivaut à plus de 18 000 dollars de l’heure depuis la naissance de Jésus-Christ.
Voilà ce que je ferais les trois premiers jours.
Le quatrième jour, je serais assassiné. »
William Blum
Ainsi, Ben Laden faisait très clairement usage de mes écrits, et le monde entier l’a entendu. J’étais donc clairement en train « d’aider l’ennemi ». Mais je n’ai pas été inculpé.
Les Etats-Unis aimeraient prouver un usage direct et bénéfique à « l’ennemi » des documents diffusés par Wikileaks ; mais jusqu’à présent il semblerait que la seule chose qui puisse être prouvée est que l’ennemi possédait de tels documents. Dans mon cas, l’utilisation à des fins de propagande est flagrante. Le fait que j’ai moi-même écrit le texte, par opposition à quelqu’un qui l’aurait « volé », n’a aucune importance quant à l’aide apportée à l’ennemi. Je savais, ou j’aurais du le savoir, que mes critiques envers la politique des Etats-Unis pourraient être utilisées par des adversaires de cette politique. En fait, c’est même pour ça que je les ai écrites. Pour fournir des armes aux opposants à la guerre et aux autres militants.
Le Département de Justice et du Socialisme.
Depuis de nombreuses années, chaque fois que l’on me demande d’expliquer ce que j’entends par « socialisme », généralement je réponds simplement : « placer les gens avant les profits ». Il y a d’innombrables détails qu’il conviendrait d’examiner pour transformer une société capitaliste en une société socialiste. En tout état de cause, dans ce futur glorieux, l’état du monde aura évolué d’une manière qu’on ne pouvait pas totalement prévoir. La structure pourrait donc prendre une forme ou une autre, mais son essence devra être la même pour pouvoir être qualifiée de socialiste.
Imaginez donc ma surprise et mon amusement à lire un article de presse sur le procès en cours à la Nouvelle-Orléans qui tente de déterminer, entre autres, le degré de culpabilité de différentes compagnies, particulièrement BP, impliquées dans l’accident historique de 2010 qui a coûté la vie à 11 travailleurs et déversé environ 650 millions de litres de pétrole brut dans le Golfe du Mexique. Le procureur du Département de la Justice a déclaré dans son intervention préliminaire : « Il sera prouvé que BP a placé les profits avec les gens, les profits avant la sécurité et les profits avant l’environnement. » (10)
Eh ben dites-donc... Le Département de Justice a clairement compris l’essence du comportement des multinationales. Le procureur a choisi ces mots-là parce qu’il savait que les sentiments exprimés toucheraient une corde sensible chez les membres du jury. Les membres du jury comprendraient que la BP avait ouvertement ignoré et violé certains idéaux comme le peuple, la sécurité et l’environnement. Inculper la multinationale leur paraîtrait juste et équitable.
Et pourtant, lorsque quelqu’un comme moi exprime ces mêmes sentiments - et il m’est arrivé de prononcer exactement les mêmes mots - je cours le risque d’être taxé d’« extrémisme », ou de « radicalisme », ou toute chose qui agira comme un repoussoir. Il n’y a pas si longtemps, cela aurait été « communisme ».
L’ironie va encore plus loin : si une compagnie ignore ouvertement de placer ses profits avant toute autre chose, les actionnaires peuvent poursuivre ses dirigeants en justice.
Dernière minute ! La véritable raison de la démission du Pape !
Il perd la boule.
En janvier, le Secrétaire à la Défense US Leon Panetta a rencontré le Pape Benoît XVI pour recevoir sa bénédiction. Après, Panetta a dit que le souverain pontife lui a dit « Merci pour tout ce que vous faites pour la paix dans le monde. » (11)
L’art précieux de l’assassinat légal
Les accros à l’ « Hopium » d’Obama peuvent s’attendre à être appelés à soutenir l’usage croissant par le président de drones pour mener des assassinats, parce que les drones sont bons pour l’environnement. Mon informateur à la Maison Blanche me dit qu’Obama va annoncer que tous les drones américains seront bientôt composés à 85% de matériaux recyclables et voleront à l’énergie solaire. Et chaque missile tiré aura une inscription peinte sur son flanc : « C’était un méchant. Croyez-nous sur parole ! ».
William Blum
http://williamblum.org/aer/read/114
Traduction « Ben Laden avait de meilleures lectures que Bush, apparemment » par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement les fautes et coquilles habituelles.