Lettre d’Hugo Chavez à l’Afrique

« Formons un seul peuple, un seul continent, nous ne pouvons rien attendre sinon de nous-mêmes »

Venezuela infos et Hugo Chavez

Au moment où une part croissante de la gauche européenne se convertit au « droit d’ingérence » qu’elle critiquait il y a quelques années et où, complices de l’impunité, les médias occidentaux minimisent les milliers de victimes civiles de bombardements « humanitaires » ou « laïcs » (Afghanistan, Libye, Mali, etc…), les latino-américains ne sont pas dupes des habits neufs du colonialisme. Ils savent qu’au-delà du contrôle des matières premières, c’est l’unité politique du Sud qui est visée.

La volonté des gouvernements progressistes latino-américains de développer des relations Sud-Sud (suivant la ligne tracée du Congrès de Panama organisé par Bolivar en 1828 au sommet de Bandoeng en 1956…) n’a rien à voir, contrairement à ce que martèlent les médias occidentaux, avec un quelconque « appui aux dictateurs ».

Lorsque le président brésilien Lula da Silva signa avec la Turquie un Pacte appuyant le droit de l’Iran à développer l’énergie nucléaire civile et qu’il critiqua « l’ ingérence des occidentaux dans les élections et dans la vie politique de l’Iran », quand les présidents Evo Morales, Cristina Fernandez ou Rafael Correa notamment, signent d’importants traités et contrats avec les iraniens, ils ne font qu’appliquer ce qu’il y a plus de trente ans un certain Régis Debray conseillait au prince à propos des pays du « socialisme réel ». Plutôt que d’entrer dans le Disneyland de la Guerre Froide en les ostracisant, développer une stratégie plus subtile et plus ambitieuse, garder des relations politiques et diplomatiques avec eux, pour les influencer dans le bon sens et garder son mot à dire.

En Amérique Latine, la concrétisation par des gouvernements de gauche de la démocratie participative, des droits de la femme, de l’éco-socialisme, etc… ne peuvent qu’influencer dans le bon sens la construction d’un monde multipolaire des trois-quarts de l’humanité. On ne peut qu’être frappé en comparaison par le néant idéologique qui caractérise le discours de gouvernants européens devenus simples « commis de commerce » vis-à -vis des nations du Sud (voir le récent sommet UE-CELAC à Santiago du Chili).

Lorsque les occidentaux (y compris de gauche) raillèrent et rejetèrent la proposition de nombreux gouvernements latino-américains, soutenue par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), d’entamer des pourparlers diplomatiques en Libye afin d’éviter une guerre meurtrière, la présidente argentine sut exprimer le sentiment d’un continent : « Quand je vois les occidentaux régler leurs affaires à coups de bombes, je suis fière d’être latino-américaine ».

Venezuela infos
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Lettre du Président Hugo Chavez aux participants du IIIème Sommet Afrique-Amérique latine et Caraïbes (Guinée Équatoriale, février 2013)

Caracas, 22 février 2013.

Frères et soeurs,

Recevez mon plus fervent salut bolivarien, unitaire et solidaire, avec toute ma joie et de toute mon espérance dans le déroulement de ce III° Sommet si attendu des Chefs d’État et de Gouvernement d’Amérique du Sud et d’Afrique.

Je regrette vraiment, du plus profond de mon être de ne pouvoir être présent physiquement parmi vous pour vous réitérer, par une sincère accolade, mon irrévocable engagement en faveur de l’unité de nos Peuples. Je suis présent, cependant, dans la personne du Chancelier de la République Bolivarienne du Venezuela, le camarade Elias Jaua Milano, à qui j’ai demandé de vous transmettre la plus vive expression de mon amour pour ces continents qui sont plus que frères, unis par de solides liens historiques et destinés à avancer ensemble vers leur rédemption pleine et absolue.

Je le dis du plus profond de ma conscience : l’Amérique du Sud et l’Afrique sont un même peuple. On réussit seulement à comprendre la profondeur de la réalité sociale et politique de notre continent dans les entrailles de l’immense territoire africain où, j’en suis sûr, l’humanité a pris naissance. De lui proviennent les codes et les éléments qui composent le syncrétisme culturel, musical et religieux de notre Amérique, créant une unité non seulement raciale entre nos peuples mais aussi spirituelle.

De la même manière, les empires du passé, coupables de l’enfermement et de l’assassinat de millions de filles et de fils de l’Afrique mère dans le but d’alimenter un système d’exploitation esclavagiste dans leurs colonies semèrent dans Notre Amérique le sang africain guerrier et combatif qui brûlait du feu que produit le désir de liberté. Cette semence a germé et notre terre a enfanté des hommes aussi grands que Toussaint Louverture, Alexandre Pétion, José Léonardo Chirino, Pedro Camejo parmi beaucoup d’autres, avec pour résultat, il y a plus de 200 ans, le début d’un processus indépendantiste, unioniste, anti-impérialiste et reconstructeur en Amérique Latine et caribéenne.

Ensuite, au XX° siècle, vinrent les luttes de l’Afrique pour la liberté, ses indépendances, contre ses nouvelles menaces néo-coloniales, Patrice Lumumba, Amilcar Cabral pour n’en citer que quelques-uns. Ceux qui, dans le passé nous ont conquis, aveuglés par leur soif de pouvoir, ne comprirent pas que le colonialisme barbare qu’ils nous imposaient deviendraient l’élément fondateur de nos premières indépendances. Ainsi, l’Amérique Latine et les Caraïbes partagent avec l’ Afrique un passé d’oppression et d’esclavage. Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes fils de nos libérateurs et de leurs hauts faits , nous pouvons dire, nous devons dire avec force et conviction, que nous unit aussi un présent de lutte indispensables pour la liberté et l’indépendance définitive de nos nations.

Je ne me lasserai pas de le redire, nous sommes un même peuple, nous avons l’obligation de nous rencontrer au-delà des discours formels dans une même volonté d’unité et ainsi unis, donner vie à l’équation qui devra s’appliquer dans la construction des conditions qui nous permettront de faire sortir nos peuples du labyrinthe dans lequel le colonialisme les a jetés et, par la suite, le capitalisme néo-libéral du XX° siècle.

Pour cela, je veux évoquer la mémoire de deux grands combattants pour la coopération sud-sud comme l’ont été les deux ex présidents du Brésil et de la Tanzanie, Luis Ignacio « Lula » da Silva et Julius Nyerere dont les apports et les efforts ont permis, en leur temps, la mise en place de magnifique forum pour une coopération solidaire et complémentaire comme l’est l’ASA (1).

Cependant, les temps que nous vivons nous obligent à consacrer nos plus profondes et urgentes réflexions à l’effort nécessaire pour transformer l’ASA en un véritable instrument générateur de souveraineté et de développement social, économique, politique et environnemental.

C’est sur nos continents que l’on trouve les ressources naturelles, politiques et historiques suffisantes, nécessaires, pour sauver la planète du chaos où elle a été conduite. Faisons que le sacrifice indépendantiste de nos ancêtres qui nous offre le jour d’aujourd’hui serve à unifier nos capacités pour transformer nos nations en un authentique pôle de pouvoir qui, pour le dire avec le père Libérateur Simon Bolivar, soit plus grand par sa liberté et sa gloire que par son extension et ses richesses.

Les paroles de cet immense général uruguayen José Gervasio Artigas résonnent toujours dans mon âme et dans ma conscience : « Nous ne pouvons rien attendre si ce n’est de nous-même ». Cette pensée si profonde renferme une grande vérité que nous devons assumer, j’en suis absolument convaincu.

Notre coopération sud-sud doit être un lien de travail authentique et permanent qui doit tourner toutes ses stratégies et ses plans de développement soutenable vers le sud, vers nos peuples.

Quoiqu’en aucune manière nous ne nions nos relations souveraines avec les puissances occidentales, nous devons nous rappeler que ce ne sont pas elles qui sont la source de la solution totale et définitive pour l’ensemble des problèmes de nos pays. Loin de l’être, quelques-unes d’entre elles appliquent une politique néo-coloniale qui menace la stabilité que nous avons commencé à renforcer sur nos continents.

Frères et soeurs, je voudrais rappeler pour ce III° Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’ASA, l’esprit de fraternité, d’unionisme et de volonté qui a dirigé le déroulement de ce II° merveilleux Sommet dans l’île de Margarita, au Venezuela, qui nous permit d’adopter unanimement les engagements de la Déclaration de Nueva Esparta. Je souhaite avec beaucoup de foi et d’espérance que nous puissions récupérer à Malabo l’impulsion et l’effort de ce moment extraordinaire pour notre processus d’unité, le Sommet de 2009, qui a montré autant par sa fréquentation massive que par la quantité et le contenu des accords atteints.

Depuis le Venezuela, renouvelons aujourd’hui notre plus ferme engagement dans le renforcement du Secrétariat Permanent de la Table Présidentielle Stratégique de l’ASA avec ses principales tâches et fonctions pour accélérer le rythme dans la consolidation de nos institutions et obtenir ainsi une plus grande efficacité dans notre travail conjoint.

Je regrette avec beaucoup de douleur et de peine que tout notre travail commencé formellement depuis 2006 ait été interrompu par les forces impérialistes qui prétendent encore dominer le monde. Ce n’est pas un hasard, je le dis et je l’assume pleinement, que depuis le Sommet de Margarita, le continent africain ait été victime des multiples interventions et des multiples attaques de la part des puissances occidentales.

Les nombreux bombardements et invasions impériaux empêchant toute possibilité de solution politique et pacifique aux conflits internes qui ont commencé dans diverses nations d’Afrique, ils ont eu comme objectif principaux de freiner le processus de consolidation de l’unité des peuples africains et, en conséquence, de miner les progrès de l’union de ces états avec les peuples latino-américains et caribéens.

La stratégie néo-coloniale a été, depuis le début du XIX°, de diviser les nations les plus vulnérables du monde pour les soumettre à des rapports de dépendance esclavagiste. C’est pour cela que le Venezuela s’est opposé, radicalement et depuis le début, à l’intervention militaire étrangère en Libye et c’est pour le même motif que le Venezuela réitère aujourd’hui son rejet le plus absolu de toute activité d’ingérence de l’OTAN.

Face à la menace extra-régionale pour empêcher l’avance et l’approfondissement de notre coopération sud-sud, je le dis avec Bolivar dans sa Lettre de Jamaïque de 1815 : « Union, union, union, cela doit être notre plus importante consigne. » Notre Gouvernement renouvelle, en ce III° Sommet de l’ ASA dans cette république soeur de Guinée Equatoriale, son absolue disposition à avancer dans le travail nécessaire pour consolider notre coopération dans les secteurs que j’ai personnellement proposées à notre dernier sommet, dans la belle île de Margarita. Energie, Education, Agriculture, Finances et Communication continuent d’être nos priorités et pour celles-ci, nous réitérons notre engagement pour avancer dans des initiatives concrètes comme Petrosur, l’Université des Peuples du Sud ou la Banque du Sud, pour ne citer que quelques exemples. Dans le secteur de la communication, nous proposons, depuis le Venezuela, que cet effort que nous avons réussi à mettre en place ensemble dans différents pays de l’Amérique du Sud, TeleSur, s’articule avec l’Afrique afin qu’il puisse accomplir depuis ces latitudes sa principale fonction : relier les peuples du monde entre eux et leur apporter la vérité et la réalité de nos pays.

Enfin, je veux renouveler à tous mon désir que les résultats projetés lors de ce III° Sommet ASA nous permette de transformer ce forum en un outil utile pour conquérir notre définitive indépendance en nous plaçant à la hauteur de l’exigence de l’époque et comme le dirait le Libérateur, le plus de bonheur possible pour nos peuples. Je suis un convaincu, simple et obstiné, nous réussirons à mener à bien cette cause que nos libérateurs et martyres nous ont transmise depuis des siècles. Nos millions de femmes et d’hommes présentés en sacrifice pour leur pleine et absolue liberté. Avec le père infini, notre Libérateur Simon Bolivar, je dis une fois de plus : « Nous devons attendre beaucoup du temps, son ventre immense contient plus d’espérance que de faits passés et les prodiges futurs doivent être supérieurs aux anciens ».

Marchons donc vers notre union et notre indépendance définitive. En paraphrasant Bolivar, je dis maintenant : « Formons une patrie,un continent, un seul peuple, à tout prix et tout le reste sera supportable. »

Vive l’union sud-américaine et africaine !
Vive l ’ASA !
Jusqu’à la victoire toujours !
Nous vivrons et nous vaincrons !

Hugo Chavez

Le troisième sommet Afrique-Amérique du Sud, qui a réuni une soixantaine de chefs d’État à Malabo (Guinée Équatoriale) du 20 au 23 février 2013 a permis la signature de 27 accords de coopération sud-sud dans tous les secteurs d’activité. La réunion se poursuivra à Caracas le 26 avril 2013.

http://venezuelainfos.wordpress.com/

COMMENTAIRES  

24/02/2013 12:42 par alfare

La présidente du Brésil veut tout changer
http://insurgente.org/index.php/2012-04-11-10-03-53/mundo/item/4036-dilma-rousseff-quiere-cambiarlo-todo

«  La présidente brésilienne, Dilma Rousseff, a réitéré aujourd’hui à Malabo le besoin urgent de réformes aux Nations unies au profit des pays de l’Afrique et l’Amérique du Sud.
Dans un discours prononcé au III sommet du Forum de Coopération l’Afrique-Sudamérica, elle a souligné que "rien ne justifie que l’Afrique et l’Amérique du Sud n’aient toujours pas de représentation permanente dans le Conseil de Sécurité".
Elle a demandé aussi une réforme dans la façon de gouverner la Banque Mondiale et le Fond Monétaire International en faveur des pays émergents, ainsi que de l’Organisation Mondiale de Commerce (OMC).
Rousseff a signalé que les intérêts commerciaux et "nos associations économiques" requièrent d’efforts articulés "pour l’expression de nos intérêts en l’OMC".

La mandataire a signifié que l’Afrique et l’Amérique du Su ont l’occasion historique de réduire la distance économique et sociale "qui nous sépare encore" et a affirmé que "nous serons des protagonistes décisifs de ce nouveau moment historique".
Dans son discours elle a proposé une alliance spéciale dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage entre son pays et les états africains, basé sur "une même racine sociale et culturelle", Le Brésil est en effet une nation à la formation de laquelle, l’afrique a beaucoup contribué.
Elle a proposé d’implémenter cette collaboration au travers de programmes d’enseignement de techniques agricoles et la fourniture de technologies de pointe développées par l’État sud-américain et requises par les pays africains. »

Evo Morales a également marqué le sommet de sa présence.

24/02/2013 13:58 par Anonyme

"Dans son discours elle a proposé une alliance spéciale dans les secteurs de l’agriculture et de l’élevage entre son pays et les états africains, basé sur "une même racine sociale et culturelle", Le Brésil est en effet une nation à la formation de laquelle, l’afrique a beaucoup contribué.
Elle a proposé d’implémenter cette collaboration au travers de programmes d’enseignement de techniques agricoles et la fourniture de technologies de pointe développées par l’État sud-américain et requises par les pays africains."

Et pourtant s’il y a bien un domaine dans lequel l’Afrique ferait mieux de se passer de l’exemple Brésilien, c’est celui là . Développer l’économie d’un pays aux détriment de l’autonomie des paysans, de l’agriculture vivrière, et de la biodiversité locale, est une solution qui n’a rien de participatif et qui affaiblit les peuples, d’autant plus si ce développement se fait sur la scène du commerce agro-alimentaire internationnale, plus fragile que jamais. La souveraineté des Etats ne peut pas se faire aux dépends de la souveraineté (notamment alimentaire) des peuples qui les composent.

Je suis d’accord globalement avec l’idée de "garder des relations politiques et diplomatiques avec eux, pour les influencer dans le bon sens et garder son mot à dire", mais si c’est leur offrir des outils qu’ils pourront utiliser (et ils le voudront car leur pouvoir s’affirme ainsi) pour mieux dominer leur paysannerie et l’écraser sous le rouleau compresseur de l’agro-alimentaire mondial (même déclinée à la mode nationaliste), je ne crois pas que cela les oriente vers un avenir très radieux.

25/02/2013 01:21 par Jacques Richaud

Avéré mais sûrement ’théorie du complot’ selon certains (nes)... N’est ce pas soeur Caroline ?

Wikileaks démontre les efforts et l’organisation de déstabilisation et de renversement du président Vénézuélien… Les documents concernent la période 2004-2011. Ils compromettent aussi plusieurs compagnies étrangères en relation avec l’opposition au président Chavez. Le rôle du CIA semble évident…

WikiLeaks revela complots imperialistas de EE.UU. contra Hugo Chávez
Publicado : 24 feb 2013

http://actualidad.rt.com/actualidad/view/87373-nuevas-filtraciones-wikileaks-revelan-complots-eeuu-hugo-chavez

22/03/2013 01:39 par anonyme
22/03/2013 15:36 par Emilio

La remarque d anonyme sur le Bresil est juste . Je ne suis pas specialiste de ce pays , mais a ce que j ai pu lire , il y a 2 Bresil, un Bresil urbain , progressiste et qui a su reduire la misere et un Bresil rural de pur style capitaliste , destructeur , sans aucune participation des campesinos et Indios .. c est le Bresil financier qui joue en bourse les matieres premieres et la vie du peuple .. celui la qui se prend une claque dans le casino mondial et en consequence ces peuples des campagnes qui paient pour ces folies capitalistes… Si ce Bresil la s exporte , pas de quoi attendre un salut pour l Afrique effectivement.. a moins de faire comme Cuba , qui a aussi des multinationales bresiliennes mais sous un controle vigilant.. mais laissez un monstre agir seul , monoculture ogm etc… ne ferait que remplacer un colonialisme par un autre , meme s il est plus ou moins de la meme couleur de peau et culturellement plus proche
Roussef ferait bien de continuer la marche vers le socialisme au Bresil , et pour tous , parce que la maniere bresilienne de mepriser ses peuples indigenes n est vraiment pas socialiste
Pas de division ni de rejet , mais ne pas dire le contraire de ce qui est fait , la coherence.

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