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Enfin, l’écologie sociale comme programme politique !

Aurélien Bernier, Michel Marchand

Le rassemblement populaire du 18 mars 2012 à la Bastille n’a pas seulement révélé l’ampleur de la dynamique du Front de gauche. Il a également montré à quel point les dirigeants « historiques » d’Europe-Ecologie-Les Verts (EELV) se fourvoient. Que les principaux responsables de cette organisation se prêtent au jeu des commentaires désobligeants n’est pas surprenant. Mais la teneur des réactions, par contre, mérite qu’on s’y attarde.

Pour Cécile Duflot, « Jean-Luc Mélenchon fait de la politique avec un rétroviseur » en se référant aux symboles de la République. Éva Joly évoque « de belles paroles franco-françaises » émanant de « la gauche ancienne ». Pour Jean-Vincent Placé, les positions du Front de Gauche représentent « une forme de repli franco-français, de refus d’une Europe ouverte et plus démocratique » ; il accuse Jean-Luc Mélenchon de « démagogie » et lui reproche « un certain poujadisme sud-américain à la Chavez ou Morales ».

Vexés par le camouflet électoral qui les attend, les dirigeants nationaux d’EELV ne comprennent pas qu’ils expriment là les raisons de leur propre échec. En effet, si la campagne d’Éva Joly est désastreuse, le véritable problème n’est pas sa seule personnalité. Avec un programme déconnecté des réalités politiques, sociales et stratégiques, les penseurs d’EELV montrent qu’ils n’ont toujours pas compris la vraie nature de la mondialisation et des enjeux écologiques et sociaux qui l’accompagnent.

Dans les années 1970, l’écologie politique française s’est fondée sur une culture libérale-libertaire inspirée de la nouvelle gauche américaine née au cours de la décennie précédente. Elle s’est construite contre le nucléaire, sur la diabolisation d’EDF et de l’Etat. Rapidement, un raisonnement s’est imposé : puisque la pollution n’a pas de frontière, l’écologie ne doit pas en avoir non plus. Tout ceci s’est traduit par un rejet viscéral de l’Etat, des symboles de la République, de la Nation, assimilés au nationalisme. Pour contourner l’Etat par le local et par le supranational, les dirigeants écologistes engagés dans le combat électoral à partir de 1974 se sont forgé deux totems : le régionalisme et l’européisme.

Malheureusement, les principaux défenseurs de l’écologie n’ont pas compris qu’en même temps, et pour des raisons diamétralement opposées, les tenants de la mondialisation visaient eux aussi un affaiblissement et le déclassement conceptuel de l’Etat. Ronald Reagan, affirmant dès 1981 que « L’Etat n’est pas la solution, l’Etat est le problème », aurait du leur mettre la puce à l’oreille. Non seulement ce ne fut pas le cas, mais les déclarations récentes confirment que les dirigeants « verts » actuels s’enferment encore un peu plus dans leurs erreurs d’analyse.

Faute d’avoir clarifié la question de l’Etat, dont le renforcement est le seul moyen de rendre le pouvoir au peuple, et celle de la mondialisation, le mouvement écologiste n’a jamais percé durablement. Pour survivre, il lui faut s’allier avec les socio-démocrates ou « s’ouvrir » au centre-droit, ce qui amène inévitablement à dépolitiser la question écologique. Il ne leur reste alors qu’à exploiter les mirages européistes et régionalistes.

Après trente ans d’un euro-libéralisme forcené, après des mois de crise économique gravissime, malgré les vagues successives d’austérité qui s’abattent sur les peuples, les dirigeants d’EELV croient toujours dur comme fer en un fédéralisme européen appuyé sur de grandes Régions dont les compétences seraient renforcées. Un schéma qui conduit en fait à transférer le pouvoir à l’Union européenne pour qu’elle mène des politiques antisociales, et à confier aux collectivités locales la gestion des conséquences désastreuses de l’ultralibéralisme. Et l’insupportable Daniel Cohn-Bendit, artisan de l’ouverture d’EELV au centre-droit, va jusqu’à proposer aujourd’hui sa candidature à la présidence de la Commission européenne !

A côté des errances d’EELV, le programme défendu par Jean-Luc Mélenchon donne la marche à suivre pour aborder de front les questions écologiques et sociales. En proposant de désobéir à l’Union européenne, de réguler le commerce international, de taxer les richesses, tout en se plaçant dans une logique internationaliste, le Front de gauche s’attaque aux vrais problèmes et donne enfin une perspective et une cohérence politique majeure : la rupture avec le capitalisme pour construire un socialisme du XXIè siècle. Bien-sûr, le programme « L’humain d’abord » a ses limites. Il lui manque une dose d’antiproductivisme, un peu plus d’audace sur le protectionnisme écologique et social, ou encore la sortie de l’euro pour reprendre en main tous les leviers de la souveraineté populaire. Mais l’essentiel s’y trouve, c’est à dire la volonté de gouverner réellement à gauche et d’intégrer pour de bon la question environnementale.

Jusqu’à présent, à chaque élection, les citoyens de gauche devaient choisir : soit ils votaient pour l’écologie, sans perspective de rupture avec l’ordre capitaliste ; soit ils votaient contre le capitalisme, en renonçant au message de l’écologie. En 2012, pour la première fois depuis l’émergence de la crise écologique, le Front de gauche permet de ne pas avoir à choisir. Il permet, enfin, de voter pour une écologie sociale et solidaire, sans concession.

Aurélien Bernier et Michel Marchand

membres du Mouvement politique d’éducation populaire (M’PEP) et auteurs de « Ne soyons pas des écologistes benêts », éd. Mille et une nuits, 2010.

COMMENTAIRES  

07/04/2012 14:09 par Zap Pow

Un complément intéressant à cet article, l’interview de JLM par Reporterre.net, qui éclaircit bien des points.

07/04/2012 15:13 par Fald

Intéressant article à un détail près qui, pour moi, n’en est pas un : je ne crois pas que ce soient des erreurs, que commettent les membres d’EELV.

Certes, leur discours semble mal passer cette année, mais leur fonction a toujours été d’utiliser les soucis écologiques pour de la politicaillerie de bas étage. Il ont toujours été à l’écologie ce que les socio-démocrates sont au social.

Leur seul souci, c’est le maintien à tout crin du capitalisme.

Deux exemples, deux seulement car je n’ai pas le temps...

En 1981, débat sur le nucléaire, encore en voie de construction.

Les communistes en proposent 25% à l’horizon 1990, avec autant de renouvelable. Les écolos auraient pu dire non, 25%, c’est encore trop.

Mais non ! Ils ont marché avec les mitterrandiens pour promettre 0% et accuser les communistes d’être pour le "tout-nucléaire", accusation qui est entrée dans le langage courant, tant il est vrai que la connerie gagnera toujours. Et évidemment, ils savaient parfaitement que Mitterrand nous ferait monter à 75%.

En 2005, la question fondamentale était de sacraliser ou non la concurrence sauvage en tête d’une constitution. Pour moi, il est clair qu’un développement raisonné, durable, écologique, est incompatible avec la guerre économique.

Par pour le écolos politiques ! Ils ont répondu oui, et insulté aussi gravement qu’ils le pouvaient ceux qui, à gauche, disaient non.

Deux exemples, mais examinez tous leurs discours et toutes leurs actions depuis Dumont, et vous y trouverez toujours le même raisonnement : "Triplez le prix de l’énergie, de toute façon, je pourrai encore me la payer".

Il formulent très rarement la deuxième partie de cette phrase, mais le coeur y est !

07/04/2012 18:20 par Fred

Ce constat lamentable sur EELV me paraît bien juste
Ce qui l’est beaucoup moins, c’est la définition de son inscription dans l’histoire récente
Car dans les faits, EE à fait main basse sur LV
Les Verts français n’ont jamais décollés dans le paysage politique
Toujours sectarisés par chapelles jamais unifiables
Ils se sont livrés en mariage avec EE moyennant le bénéfice médiatique
Que leur apporteraient les faux amours de Dany le rouge-le vert-le caméléon libertarien
Et autres accolytes fourvoyés dans les médias autorisées
La différence, c’est que chez les Verts, ils reste beaucoup de gens
Qui ont fondée l’écologie politique et sociale avec un sens que je partage foncièrement
Malheureusement, ce mariage de raison à réduit à néant
L’écologie politique de gauche dans votre verte France
Et pourtant, Dieu sait si c’est la seule posture rationnelle actuellement tenable

08/04/2012 08:02 par Yannik

Les Verts seraient agonisants ? A la bonne heure ! Voilà deux décennies que sont apparus des mouvements comme eux, les prétendus "altermondialistes" ou plus récemment les "indignés" dont la seule fonction est de miner le mouvement revendicatif ouvrier.

Ces braves gens, sociaux-traîtres, révisionnistes ou quel que soit le nom qu’on leur donne sont des sous-marins des tenants du Capital et de la bourgeoisie qui les sert, il n’est pas nécessaire d’avoir étudié beaucoup l’histoire, la sociologie, la philosophie ni les prétendues sciences politiques pour voir clair dans leur jeux, ils ne cherchent qu’à briser le mouvement revendicatif de la classe ouvrière et rien d’autre, l’écologie pas plus que les voeux pieux stratosphériques altermondialistes ou les états d’âme d’indignation ne constituent des idéologies, la seule idéologie pertinente aujourd’hui est et reste l’idéologie marxiste pour la classe populaire.

Depuis le Moyen-âge rien n’a changé, les possédants oppriment la classe populaire et accaparent les richesses au prix du vol de son travail, les idéologues marxistes n’ont fait qu’un constat incontestable, ils ont expliqué le fonctionnement du moteur de l’histoire, un truisme que les forces du Capital sont les premières à reconnaitre et n’ont cessé de mettre en pratique, tout le reste n’est que littérature.

Il n’y a pas d’autre issue que la lutte des classes, toutes les autres soi-disant alternatives ne sont que des escroqueries pour des simples d’esprit !

08/04/2012 09:27 par gérard

@ Zap Pow
Merci pour ce lien, http://www.reporterre.net/spip.php?article2779
à écouter impérativement !
...C’est peut-être bien la première fois qu’avec un "homme politique" comme Mélenchon, philosophie, écologie et politique fusionnent à ce point...et à un tel niveau !

@ Grand Soir
Il serait peut-être bien de faire apparaitre cet interview en tant qu’article à part entière, non ?

08/04/2012 09:31 par Malthus

Article en demi-teinte car effectivement, il décrit parfaitement ce qui fait l’échec de EELV qui ne comprennent ni la Liberté des Peuples à disposer d’eux mêmes en qualifiant cette Liberté (la Souveraineté) de "replis sur sois", ni le fait que toute planification écologique et réduction de notre dépendance au Pétrole ne peut passer que par un Etat qui reprend le contrôle de ses manettes institutionnelles.

Cependant, bien que je salue le programme écologique du Front de Gauche, je ne salue pas pour autant cette volonté de désobéir aux traités, ce qui est une violation de l’article 5 de notre Constitution.

Puisque les Traités Européens saignent les peuples, nous n’avons pas à désobéir ou pire encore, imposer nos vues culturelles et économiques au reste des Etats Membres de l’Union Européenne. C’est exactement ce que fait l’Allemagne aujourd’hui, et imposer notre modèle social, notre conception de la gestion de la Banque Centrale et de la régulation des échanges est tout simplement une honte pour un homme qui prétend accéder à la fonction suprême.

L’union européenne est une institution supra-nationale dont on peut sortir aisément via l’article 50 du T.U.E. Nous n’avons pas le droit de faire tourner la planche à billets pour monétiser une partie de notre dette en monnaie euro. Car cela n’implique pas que la France, mais aussi les autres états membres de la zone euro que de générer cette inflation. Ainsi, le peuple Allemand serait par exemple extrêmement pénalisé par de telles méthodes et cela ne pourrait que générer des conflits inutiles.

La seule solution valable est encore la sortie. Il serait temps que nos responsables politiques cessent de vendre du rêve mêlé à des violations constitutionnelles.

Il faut sortir de l’Union Européenne purement et simplement, et non pas imposer à 27 peuples différents notre façon de concevoir ce que devrait être la construction européenne. Où est le respect des peuples ? Pourquoi Monsieur Mélenchon est persuadé à ce point que la culture économique et sociale Française serait enviée et partagée par le reste des pays européens ? Il connait pourtant très bien toutes ces questions et c’est d’autant plus grave de sa part de proposer à la France qu’elle se place dans une position aussi délicate diplomatiquement. S’il devait être élu et violer la Constitution, je n’hésiterais pas à lui intenter une procédure via le Conseil Constitutionnel.

Marre de ces zozos qui se foutent des Français en les croyant trop cons pour savoir lire des traités.

09/04/2012 09:49 par Fred

A Yannik
Ben voilà une réthorique que je n’ai plus entendue depuis longtemps
Si elle sert encore à faire peur, c’est réussi.
Mais comme posture, c’est plus réactionnaire de gauche
Que démonstratif d’une réalité.
Lire LGS ça peut favoriser une interprétation plus élargie de l’histoire
Mais faut pas rester verrouiller sur un socle stalinien

09/04/2012 09:57 par Alain

Mais si, ils ont compris, les EELV...Mais ils n’en ont rien à cirer de tes analyses, de la mondialisation, de la souffrance, d’un pays leader qui représente le plus grand danger en prétendant diriger le monde. Ils savent tout ça.
Ils se sont vendu au PS pour un plat de lentilles et trois écharpes d’élus avec le salaire qui va avec.
Cohn-Bendit, je me souviens l’avoir vu dans un débat avec je ne sais-qui, un leader dans son genre, faux-cul vivant sur une image qu’il a depuis longtemps déchirée. C’était il y a dix ans, et déjà les deux postulaient pour la présidence de l’UE. Il est intime avec comme décideurs en UE et leurs sponsors bancaires et autres, depuis qu’il fait le tour des cantines pour booster sa candidatures. Y a qu’à voir comment il descend dédaigneusement la campagne d’Eva Joly. Joly torpillée dès le départ par Duflot, la jolie carnassière qui dans quelques années, virera PS. Joly boudé par Hulot, un type dans le genre de Cohn-Bendit, en moins roué politiquement.
Moi, je tire mon chapeau à Eva Joly qui poursuit sa campagne sans faire dans le pipole, la petite phrase. Elle a une intégrité, un parcours et un courage évidents. C’est par ingénuité, sans doute, qu’elle a choisi cette clique d’écolos bidons, en quête de maîtres et de bonnes places. Dommage.

09/04/2012 11:34 par hardi

A mon avis les attaques des verts contre le Front de Gauche sont faites pour satisfaire les socialistes qui n’osent le faire au risque de perdre des électeurs. Les verts sont devenus les chiens de garde du PS version Terra Nova ; ceci probablement suite aux accords pour les législatives.

09/04/2012 12:24 par Yannick

09/04/2012 à 09:49, par Fred

A Yannik
Ben voilà une réthorique que je n’ai plus entendue depuis longtemps

Il ne faut pas hésiter à sortir de beaux quartiers et à éteindre ça télé, ça aide à entendre une autre chanson.

09/04/2012 23:21 par Fred

Jamais je n’aimerai polémiquer
Mais je répondrai quand même que ça fait 25 ans que j’ai abandonné la télé
Pour des médias plus sérieuses
Et mes beaux quartiers sont perdus dans la campagne
Alors basta les clichés et le stéréotypes faciles

10/04/2012 17:13 par oldfart

@ Fald
primo
je pense qu’en 1981 on était déjà à 70 , voire 75% d’électricité consommée dans les foyers en provenance du nucléaire (n’oubliez pas qu’à cette époque on consommais 2 voire 3 fois moins de "jus" ; 1 télé par foyer , 3 ampoules et la radio ! et que le parc nucléaire etait déjà trés trés productif ) donc ton premier exemple tombe à l’eau
deuxio
Heureusement que la concurence existe sinon on serai tjrs au stade unicellulaire ........et je ne pourrai point te répondre
ton deuxième exemple entraine ton premier dans les abysses...........
ps : choisis les mieux ! parce que la conclusion elle , n’est pas mauvaise

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