Echec de la tentative de coup d’Etat
par Thierry Deronne
Comme on le sait, dans les premières heures qui ont suivi l’annonce de la victoire du bolivarien Nicolas Maduro, des militants de l’ex-candidat de droite Capriles Radonski (1) ont obéi à sa consigne de "descendre dans la rue pour libérer leur rage".
Bilan : sept citoyen(e)s assassinés, dont deux bénéficiaires de la Grande Mission Logement résidant dans une municipalité de droite (Baruta) ; des permanences du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV), des centres de santé intégrale, des médias communautaires, des sièges régionaux du Conseil National Électoral, ainsi que des domiciles de fonctionnaires publics ont été attaqués ou incendiés.
Sur le plan national, une frange d’électeurs qui avait voté pour Capriles s’est démarquée de sa stratégie meurtrière, déjà utilisée par lui lors du coup d’État contre le président Chavez en avril 2002, et ont manifesté leur indignation face aux assassinats (1). En tout état de cause, la majorité de la population n’a pas suivi, poursuivant ses activités quotidiennes ou se mobilisant pacifiquement pour défendre le verdict des urnes.
Les conseillers en communication de Capriles s’étaient efforcés ces mois derniers de lui créer un new look social, démocratique, sur le principe du mimétisme avec la révolution chaviste, le rhabillant en « Lula vénézuélien » qui allait maintenir les missions sociales et avait même remercié les médecins cubains. Ce travail cosmétique est aujourd’hui réduit à néant et le candidat néo-libéral semble s’en rendre compte en décommandant de nouvelles manifestations. Des informations concordantes évoquent à présent l’intention de Radonski de monter un « auto-attentat » pour continuer à alimenter les médias internationaux.
Le président Lula a critiqué l’ingérence états-unienne dans les élections au Venezuela.
Sur le plan international, l’ensemble des gouvernements a pleinement reconnu Nicolas Maduro comme président constitutionnel du Venezuela, et les derniers alliés de la droite vénézuéliene (à l’OEA et en Espagne) ont été obligés de suivre, reconnaissant la victoire du candidat bolivarien. Le gouvernement des États-Unis se retrouve donc isolé dans son refus de reconnaître la décision des électeurs. Le scrutin a été validé par les observateurs internationaux dont ceux de l’UNASUR (12 pays latino-américains). L’ex-président Lula a déclaré : « quand on occupe des fonctions présidentielles il y a des choses qu’on ne peut pas dire, par diplomatie, mais aujourd’hui je peux les dire : de temps en temps les États-Unis s’ingèrent dans les élection organisées dans un autre pays. Ils devraient s’occuper de leurs affaires et nous laisser choisir notre destin« .
Durant l’inauguration ce mardi 16 avril du nouvel hôpital public « Cipriano Castro » dans l’état d’Aragua, le président Maduro a également accusé les États-Unis de financer la déstabilisation de la démocratie et déclaré : "j’ai dit au peuple : « patience », il ne peut y avoir d’affrontement du peuple contre le peuple. C’est ce que veut la droite pour justifier une intervention états-unienne au Venezuela."
Le nouvel hôpital, situé dans le quartier populaire San Vicente de la municipalité de Maracay, habité majoritairement par des familles ouvrières, est équipé d’une technologie de pointe dans les aires d’urgence, de pédiatrie, de chirurgie. Les soins sont totalement gratuits. Le même jour deux autres Centres de Diagnostic Intégral ont été inaugurés à La Vega (quartier populaire de Caracas) et dans la municipalité de La Victoria (État d’Aragua). Le CDI de La Vega est le trente-huitième de la capitale et sera ouvert 24 heures sur 24. Le second met à la disposition des habitants une salle d’hospitalisation, de thérapie intensive, de chirurgie, d’ophtalmologie, endoscopie, cardiologie, échographie, radiologie et traumatologie, l’ensemble des soins étant totalement gratuit. « C’est la santé dans le socialisme, telle que l’établit la constitution bolivarienne : un système de santé publique et gratuite tels que nous l’avions rédigé en tant que députés constituants en 1999" a déclaré Maduro avant d’annoncer pour lundi des « mesures radicales pour résoudre les problèmes du système électrique national« .
Le vendredi 19 avril, pour sa prise de fonctions officielle, le nouveau président du Venezuela sera accompagné par l’ensemble des chefs d’État de l’Amérique Latine et d’autres mandataires internationaux , ainsi que par une importante mobilisation des électeurs bolivariens.
Thierry Deronne, Caracas, 17 avril 2013.
avec Ciudad Caracas Info
Notes :
Comme lors des coups d’État au Paraguay ou au Honduras, il faut y ajouter des éléments financés de manière occulte par la droite radicale (réseaux de délinquants liés aux mafias de la drogue, mercenaires étrangers, paramilitaires colombiens liés à l’ex-président Uribe, etc..). Le journaliste Maurice Lemoine rapelle que « le 26 mars dernier, trois députés de droite, MM. Ricardo Sánchez (suppléant de Mme Maràa Corina Machado), Andres Avelino (suppléant de M. Edgar Zambrano) et Carlos Vargas (suppléant de M. Rodolfo Rodràguez), ont retiré leur appui à M. Capriles en dénonçant l’existence d’un plan élaboré par la MUD pour rejeter les résultats émis par le CNE lors de l’élection du 14 avril et orchestrer une période de violence dans le pays. » Lire « Venezuela : victoire du « chavisme sans Chavez« , http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-04-17-Venezuela
URL de cet article : http://venezuelainfos.wordpress.com/2013/04/17/defaite-de-la-tentative-de-coup-detat-lex-president-lula-critique-lingerence-des-etats-unis-dans-les-elections-venezueliennes/
Nuit de cristal au Venezuela
par Romain Migus.
Caracas, le 17/04/13
Il avait pourtant clairement annoncé la couleur. Le 9 avril, cinq jours avant l’élection présidentielle, Henrique Capriles déclarait : « je ne suis pas le même que le 7 octobre, je défendrai les votes »[1]. Dès le lendemain, le président de l’Assemblée Nationale, Diosdado Cabello, présentait sur la chaine publique des preuves confirmant les intentions de la droite de contester les résultats électoraux afin de tenter un coup d’Etat coloré au Venezuela[2].
Au soir des élections, malgré une différence de 272.865 votes[3] en faveur du candidat socialiste Nicolas Maduro, le candidat de la droite refuse d’admettre sa défaite. Pourtant, tous les observateurs internationaux insisteront sur la transparence des élections vénézuéliennes. Vicente Diaz, un des recteurs du Centre National Electoral (CNE), ouvertement lié aux partis d’opposition affirmera n’avoir « aucun doute sur le résultat de l’élection »[4] donnant comme vainqueur l’héritier d’Hugo Chávez.
Voilà bien la seule promesse que le candidat de la droite aura tenue.
Oubliée la rhétorique d’union, de paix et de sécurité qu’il vociférait encore une semaine auparavant. Il appelle ses partisans à se mobiliser afin d’obtenir un audit total des résultats. Curieuse manière démocratique de l’obtenir que d’envoyer les ultras de la droite prendre les rues du pays. La loi électorale vénézuélienne est pourtant très claire. Elle oblige les candidats à remettre au CNE des preuves de fraude, et dans le cas où celui-ci les rejette, un appel est possible par le Tribunal Suprême de Justice. Aucune démarche administrative n’a été engagée. Il est vrai que ces accusations ne résistent pas au fait que les membres de l’opposition désignés pour superviser les bureaux de vote ont tous donné leur aval aux résultats dans leur centre électoral respectif[5].
Qu’importe, le but recherché n’est pas de renforcer la démocratie électorale mais bien de lancer un coup d’Etat soft dans le meilleur style des précédents en Serbie, Géorgie, Ukraine, Iran, etc. Les jeunes néofascistes qui, aujourd’hui, mettent le pays à feu et à sang ont pour la plupart été formés en Serbie par le groupe Otpor, et se revendiquent des techniques de l’Albert Einstein Institution, matrice idéologique des Révolutions colorées[6].
Dès l’annonce de Capriles, des groupuscules néofascistes déferlent dans les rues du pays. Des symboles du chavisme sont détruits, des militants attaqués et assassinés, des petits commerces sont saccagés et brulés. On dénombrera 7 morts et 61 blessés, par balles pour la plupart. Cinq sièges régionaux du Parti Socialiste Uni du Venezuela (Psuv) sont dévastés par les flammes, tout comme douze cliniques populaires où officient des médecins cubains.
Dans l’Etat du Lara, où le gouverneur Henri Falcon est aussi le chef de campagne de Capriles, la police régionale à ses ordres ne fait rien pour empêcher la déferlante de haine. Dans la nuit, une grand-mère m’appelle de Barquisimeto, la capitale régionale : « je suis barricadée dans la buanderie avec ma soeur, des personnes sont en train d’essayer de défoncer la porte ». Par la petite lucarne qui la relie au monde extérieur, elle verra ses propres voisins, torches en main, aller brûler la clinique publique du quartier située en face de la maison. D’autres camarades nous témoigneront de scènes semblables qu’ils ont vécu, eux et leurs familles. Ils ne feront pas la une des journaux, et pourtant ils sont très nombreux à avoir été agressés de la sorte par les hordes fascistes.
Le président de la République Bolivarienne du Venezuela, Nicolas Maduro, appellera ses partisans outragés au calme, à ne pas faire le jeu de la violence et à laisser la police et la garde nationale rétablir l’ordre. A Capriles, il lui lance : « si tu ne me reconnais pas comme président, je ne te reconnais pas comme gouverneur de Miranda ». Ultimatum logique puisque les règles de l’élection de Capriles, en décembre dernier, furent exactement les mêmes que celles qui ont permis á Maduro d’être élu président.
Le bras de fer est engagé, et ne semble pas tourné en faveur de l’ancien candidat de la droite. La plupart des dirigeants mondiaux ont reconnu Maduro comme le nouveau président du Venezuela : les pays latino-américains dont les gouvernements de droite de Colombie, du Chili et du Mexique ; les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), plusieurs pays d’Afrique, ainsi que certains pays européens comme l’Espagne. Les Etats-Unis refusent toujours de reconnaitre la légitimité du processus démocratique vénézuélien.
L’armée vénézuélienne a reconnu Nicolas Maduro comme son nouveau « chef des armées », tâche qui incombe au président de la République, et a réitéré son engagement à préserver la paix et la sécurité. Par la voix de Wilmer Barrientos, chef du Commandement Stratégique Opérationnel, elle a invité les vénézuéliens à respecter les lois et les règles de la démocratie[7].
Même si la droite compte maintenir sa stratégie de tension en envoyant les mêmes groupes vêtus du rouge chaviste pour faire porter la responsabilité des violences au gouvernement, le spectre d’un coup d’Etat soft parait être écarté. Nicolas Maduro sortira renforcé de cette épreuve de force. En revanche, les messages de paix et d’union de Capriles ont volé en éclat. Des personnes ont été assassinées, blessées ou maltraitées pour avoir commis l’outrage de ne pas se reconnaitre dans le discours du responsable des violences actuelles au Venezuela. Les masques tombent et le fascisme a désormais un visage.
Romain Migus, depuis Caracas.