Destruction du dollar - Explications

De nombreux économistes et non des moindres se demandent à juste titre si les Etats-Unis vont traverser une période de déflation ou d’inflation. Certains parlent même de stagflation, c’est-à -dire l’association d’une forte inflation et d’une croissance nulle. Il existe aussi une dernière possibilité que personne n’ose aborder : l’hyperinflation (inflation qui échappe à tout contrôle). Or, depuis des mois, j’affirme que le dollar va disparaître et il convient ici d’en analyser les causes.

Face à la crise systémique actuelle, Georges Bush et Barack Obama (ainsi que le reste du monde) ont appliqué la même politique. Ils ont décidé d’éteindre l’incendie en inondant l’économie de dollars, ce qui peut être résumé par l’allégorie de Milton Friedman, « larguer du cash depuis des hélicoptères ».

Olivier De Ducla, expert financier, dans son éditorial du 13 décembre 2008, avait résumé la situation : « On a surnommé « helicopter Ben » l’actuel président de la FED. Au risque de voir renaître bientôt la terrible inflation de Weimar. On sait comment ça s’est terminé. »

En effet, le « deleveraging » en cours (le désendettement, ou débouclage, destiné à améliorer le rapport actif / fonds propres dans les bilans des banques) est financé par les fonds publics.

D’ailleurs, 1 000 à 1 500 milliards de dollars de dettes supplémentaires des Etats-Unis et des pays européens vont bientôt arriver sur le marché. Source : Jean-Louis Mourier, responsable de la recherche économique chez Aurel BGC, cité dans le Monde du 12.01.09.

Paul Krugman (prix Nobel d"économie) dans le New York Times, le 9 janvier 2009, nous confirme les problèmes à venir. Pour lui, le plan d’Obama ne pourra pas combler l’« output gap », c’est-à -dire l’écart entre le potentiel productif de l’économie et son niveau d’activité réel. Il chiffre d’ailleurs la baisse d"activité à 2100 milliards de dollars. Or, le plan d’Obama avoisine les 800 milliards. Il faudra donc faire un autre plan qui devra combler ce gouffre.

Pourtant, il faut s’interroger sur le chiffre de Paul Krugman (2100 milliards) qui reste, il faut le souligner dans la fourchette basse des évaluations. Je le chiffre quant à moi autour des 3500 milliards de dollars, ce qui veut tout simplement dire un effondrement de l’économie US.

Quoi qu’il en soit, tous les économistes sont unanimes sur l’insuffisance du plan de relance. Ainsi, Martin Wolf souligne que le Congressionnal Budget Office pour 2009 et 2010 a prévu un déficit d’activité de 7% (plus de 10% pour ma part) à comparer avec les 5% du plan de relance.

La crise financière ne fait donc que redémarrer et de gigantesques problèmes sont à venir (LBO, Alt A , CDS pour les spécialistes), certains parlent même de phase II qui, quoi qu’il en soit, sera autrement plus violente qu’en septembre 2008 car l’économie mondiale est à genou.

La faillite de l’industrie automobile en est la preuve et le chômage est en train d’exploser.

Face à cette catastrophe à venir, la Fed envisage d’ailleurs la création d’une structure de rachat des actifs douteux, dont le total pourrait atteindre 1200 milliards. Source : Bloomberg du vendredi 16 janvier.

L’immobilier commercial est lui aussi secoué, ainsi, sur 700 milliards de titres (adossés à l’immobilier commercial), le total des emprunts potentiellement en difficulté est de 57 milliards. Source : Co Star du vendredi 16 janvier 2009.

Face aux montagnes de dettes à venir garanties par l’état, la planche à billet devient l’unique recours. Michel Santi déclare ainsi que le marché obligataire américain s’est "clairement transformé en bulle spéculative ces derniers mois". Source Le Monde du 12.01.09.

François Leclerc résume ainsi le 13 janvier 2009 (voir le blog de Paul Jorion) : « j’ai découvert l’existence de « Collateralised Debt Obligations » (CDO) au carré, résultat de la titrisation d’actifs qui sont eux-mêmes des obligations émises dans le cadre d’une opération de titrisation. Et même de CDO au cube. Ceux qui prétendent « encadrer la titrisation », justifiant son caractère indispensable par sa nécessité financière, devront être très convaincants ».

Mais, pour moi, le principal problème concerne les retraites et la perte de sécurité sociale (pour des millions de travailleurs). En effet, le bureau du budget du Congrès (CBO) a, dans son rapport de janvier 2009, indiqué que « les fonds publics et privés de retraite aux Etats-Unis ont fondu de quelque 2.000 milliards de dollars ces 18 derniers mois ». En Europe, c’est la même chose, ainsi, les caisses de pension suisses ont perdu environ 18,8 milliards d’euros à cause de la crise financière. Source : AFP.

En France, selon Bernard Devy, membre (FO) du conseil de surveillance du Fonds de réserve des retraites, l’Organisme aurait perdu "environ 25%" de sa valeur depuis le début de l’année.

De plus, les USA ont terminé l’année 2008 avec un taux de chômage qui a grimpé à 7,2% et donc autant de personnes n’ayant plus de sécurité sociale, chiffre qui doublera avec la crise. Se soigner deviendra un luxe, une catastrophe !

Certains se demandaient qui allaient payer les pots cassés de la crise, vous avez la réponse sous vos yeux.

Autre problème à venir et non des moindres qui va obliger l’Etat fédéral à s’endetter encore plus concerne les faillites des collectivités locales et des états aux USA (ce que j’ai annoncé en septembre).

Vendredi 16 janvier, Arnold Schwarzenegger gouverneur de la Californie a déclaré : « la Californie est à quelques semaines de la cessation de paiement ». Source : Calculated Risk.

Les USA, tel le « Titanic » sont en train de sombrer et mettent en place ce qui sera l’acte final de la destruction du dollar. L’agence Bloomberg a fait le bilan du coût de la crise aux USA : 7 400 milliards de dollars, auxquels il faut ajouter 1800 milliards de dépenses supplémentaires ces derniers jours soit plus de 60% du PIB américain dépensé en 3 mois ! Pour rappel, le montant de la dette publique des Etats-Unis a franchi le cap des 10.000 milliards de dollars, selon le "rapport mensuel sur la dette" visible sur le site du Trésor américain de novembre 2008.

Le 16 décembre 2008, Ben Bernanke (le président de la Réserve fédérale) a ainsi annoncé que « la Fed pourrait acquérir des bons du Trésor ».

Cela sera de la pure création monétaire « ex nihilo », du jamais vu, et conduira inéluctablement à l’effondrement du taux des emprunts d’Etat américains et donc du dollar qui devra être remplacé par une nouvelle monnaie (lire « Barack Obama, dernier président des USA).

Le temps était venu d’expliquer de façon précise et technique les raisons de l’effondrement du dollar. Nous oublions trop souvent que les graves crises économiques se résolvent dans la guerre. Gaza est désormais l’acte I de catastrophes à venir. Les élections législatives anticipées du 1O février 2009 en Israël se feront dans un contexte de guerre et de crise économique qui propulsera au pouvoir ceux qui rêvent de détruire l’Iran. Le pire est à venir, nous sommes au bord du gouffre. Il ne reste qu’une seule solution, la création de ce que Paul Jorion nomme « une nouvelle constitution pour l’économie » qui préserve notre planète, nos libertés et surtout l’espèce humaine.
Pour rappel, Jacques Cossart, Jean-Marie Harribey et Dominique Plihon ont déclaré dans Le Monde, le 16 septembre 2008 :

« Décidément, le capitalisme est indécrottable. Plus il se rapproche de sa "pureté" théorique analysée par Marx (le surplus de valeur pour l’actionnaire et rien que pour lui), plus il accroît le risque de délitement des sociétés et éloigne la perspective de régulation de la planète. Jamais nous n’avons été aussi proches du franchissement de limites, au-delà desquelles le saut dans l’inconnu pourrait être catastrophique. Contenir la crise financière, non, c’est trop tard. Faire reculer l’emprise de la finance qui en est la source, il est plus que temps. »

Jean Ziegler déclare ainsi : « Les 500 plus puissantes entreprises transcontinentales privées ont contrôlé l’an passé 52 % du produit mondial brut, c’est-à -dire de toutes les richesses produites sur la planète. Nous allons vers une reféodalisation du monde ». (l’Empire de la Honte. Editions Fayard). Pour conclure, je reprends un passage de l’excellent article de François Leclerc :

« Quand le soleil se lèvera finalement sur Austerlitz, le système bancaire aura, lui, été en toute certitude restructuré et sera concentré. De nouveaux mastodontes sont en train d’émerger, aidés par les pouvoirs publics ».

Gilles Bonafi

COMMENTAIRES  

22/01/2009 17:23 par sousmarinvert,

Spectaculaire ! La crise pourrait tuer le dollar et mettre enfin, en selle, la monaie unique mondiale dont les élites rêvent depuis si longtemps.... -)

22/01/2009 17:30 par Bastet

Les USA ne se remettront jamais de leur politique financière débridée. Leur économie n’est plus que l’ombre d’elle-même (sauf pour les marchands d’armes).Faire tourner la planche à billets ne sert à rien. Ils seront obligé de "créer" un nouveau Dollar et celui-ci ne sera plus la monnaie des échanges commerciaux (moralement quel sale coup pour eux) ;peut-être l’Euro ?

22/01/2009 21:00 par rouge de honte

Il y a pire que la disparition du dollar, il y a la possibilité d’un dollar intérieur et d’un dollar extérieur. Cela donnerait aux us la possibilité d’exporter leurs problèmes.

22/01/2009 23:10 par eric faget

Nous sommes en face d’un état qui possède le monde. il lui importe peu que sa balance commerciale son économie ou ses dettes soient positives car quand une créance est trop grande c’est que le créancier y trouve aussi son compte l’armée américaine pas seulement les soldats mais la puissance nucléaire entretenue et maintenue depuis des années et l’art « subtil » de la terreur qui les accompagne alors nouvelle monnaie mondiale ou nouveau dollar a mon avis les principaux intéressés ils s’en branlent comme de leur premier bouton d’acné tant qu’ils gardent le pouvoir... on est dans une cours d’école où les adultes se sont absentés : le plus fort mange le gouter des autres… je viens de lire plein de chiffres avec plein de zéros que je ne comprend pas. Je vis avec 375 euros par mois et je suis presque heureux. Alors qu’un trader se jette du 25° étage après avoir perdu 5 milliard de dollar de transactions frauduleuses, j’ai du mal à comprendre. Enfin si, je comprends que le ressac risque de nous faire souffrir ma famille, mes voisins et tous ceux que j’aime. Ceux que je n’aime pas se jettent du 25° étage des buildings
Bonne bourre à tous et faites pas trop d’économie, demain l’argent ne vaudra plus rien…

Eric Faget, clown fauché et fier de l’être

23/01/2009 17:30 par Gilois

Alors la solution se trouvera peut-être dans l’abolition de l’argent et l’instauration d’une société d’assistance mutuelle comme l’envisage le mouvement Utopia. Voir le site.

25/01/2009 12:40 par christophe

Cette analyse me semble fausse bien que les sommes prêtées aux banques soient énormes ; pour une raison tres simple c’est que cet argent est de la base monetaire M0 c’est la monnaie des banques ( elles se payent entre elles avec cette monnaie, ce n’est pas à proprement parlé la monnaie de l’économie réelle qui elle est de la monnaie scripturale privée M1 dont la quantité est un équilibre entre sa création (le crédit) et sa disparition (le remboursement).
La seule monnaie qui puisse créer de l’inflation c’est la monnaie de l’économie. Celle qu’injectera l’Etat en se substituant aux agents économiques par le biais des plans de relance est bien de la monnaie centrale si celle ci est emprunté à la FED (planche à billet)mais finira sur les cpt dêpot de la population jouant donc le même rôle que la monnaie M1 (800 milliards) mais ne créera d’inflation que si le PIB reste constant ou diminue. De plus le crédit crunch entraine une disparition de la monnaie scripturale M1 qui ammortira largement l’excés monetaire des plans de relance. Non, aucune hyperinflation en vu mais bien la déflation à la japonnaise.

02/02/2009 15:51 par Thierry Bertrand

Votre article s’achève en montrant le risque de reféodalisation des sociétés. C’est justement, à mon sens, en raison de l’achèvement d’une courte période "clano-féodale" que nous devons la crise actuelle. Si nous considérons le fondement du féodalisme comme étant de substance psycho-sociologique et que nous opposions l’égotisme et la violente indifférence des royaumes et fiefs ploutocratiques présent et ceux seigneurials et guerriers du temps jadis, nous ne pouvons que remarquer une concordance psychologique majeur : une prédominance de la liberté d’action, cette relation de la domination du faible par le fort, sur la liberté de penser, naturellement corrélé à la liberté d’expression et à l’humanisme, fondements fondamental de la démocratie et de la légalité de l’égalité. Mais il est vrai que comparaison ne peut être raison et qu’en de bien nombreux pays et régions du monde, la liberté d’expression n’a jamais eu, jusqu’à présent, grande presse. Ce que je redoute au temps présent et dans le proche futur c’est que cette crise économique ne se combine à toute un ensemble d’autre convulsions(crises géopolitiques, crises écologiques, crises des matières premières, crises religieuses[je suis athée]...) en engendrant, par synergie, une situation de l’ordre de la catastrophe. Nous serions donc plus proche, avec toutes nuances et prudences possibles, de la renaissance occidental, de ses soubresauts désastreux et de son inventivité débridée qu’à l’entrée d’une ère féodale même si les états-unis et la chine ne pourront peut-être pas faire l’économie d’une sécession, pacifique ou non avec tout ce que cela peut créer d’effets pervers. Il me semble que nous allons vivre une periode des plus dangereuse comme des plus passionnantes !

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