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Ah ! quel bonheur de relire la presse et les politologues avec quelques jours de retard..

Couverture médiatique du référendum en Grèce : le meilleur du pire

La couverture médiatique du référendum grec s’est transformée, comme on pouvait s’y attendre, en véritable curée anti-Syriza. Dans la presse écrite, sur Twitter, à la télévision, c’est à un déferlement de mépris, voire de haine, que l’on a assisté, avec une virulence qui rappelle inévitablement les grandes heures du référendum français de 2005

Lors de nos premières observations, nous avons parfois mis de côté quelques épisodes journalistiques particulièrement délicieux, mais qui à eux seuls ne pouvaient donner lieu à un article. Voici donc une compilation de ces grands moments : le meilleur du pire de l’information sur le référendum grec [1].

Boule de cristal
Il y a d’abord eu LE tweet visionnaire, le 27 juin, de ce très grand connaisseur de la Grèce qu’est Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles :

Aucun doute : les « sources » de Jean Quatremer sont fiables.
Presque autant que les sources d’Arnaud Leparmentier, du Monde, qui a eu lui aussi des illuminations [2] :

On vous le dit : visionnaires.

Précipitation
À noter également la précipitation qui a conduit le site France TV infos à publier une « fausse » photo de Grecs faisant la queue devant un distributeur de billets :

Des « Grecs » qui étaient en réalité, pour la plupart,des… journalistes étrangers : « La femme photographiée de façon si peu flatteuse n’est autre que... l’envoyée spéciale de Libération en Grèce. Et (…) trois des hommes qui l’entourent (celui en chemise à carreaux et les deux autres en chemise et T-shirt rose-rouge) sont également des journalistes... En réalité, il n’y a donc que trois ou quatre "vrais" Grecs devant ce distributeur » [3].

Précipitation teintée de mauvaise foi lorsqu’un « sondage » donnant pour la première fois le « oui » vainqueur est relayé, le jeudi 2 juillet, dans nombre de « grands » médias.

Etc.
Le problème est que l’institut grec GPO, auquel a été attribué ce sondage, a rapidement fait savoir que les résultats diffusés n’étaient pas fiables : « C’est à l’insu de GPO, et sans le concours de l’entreprise, que certains résultats, fragmentaires, concernant les intentions de vote au référendum du 5 juillet, de son département de recherches ont été rendus publics dans les médias ». En d’autres termes : un vrai-faux sondage, dont les « résultats » sont démentis par l’institut qui est censé l’avoir conduit, sans que cela gêne les médias qui le diffusent et le commentent. Sauf erreur de notre part, aucune correction n’a en effet été apportée aux articles consacrés à ce « sondage ».

Expertise
Nous avons également eu droit aux analyses pertinentes de nombre de pertinents analystes, parmi lesquels les inévitables Jacques Attali et Alain Minc.
Ainsi, Jacques Attali, interviewé dimanche 5 juillet sur i>Télé, nous a révélé des informations de « dernière minute » :

Il est vrai qu’avant le référendum, la situation des Grecs était plutôt enviable.
De son côté, Alain Minc, interviewé sur BFMTV le 2 juillet par une Ruth Elkrief étonnamment (?) moins combattive qu’avec Jacques Sapir, nous a offert ses lumières :
Si les Grecs votent non et sortent de l’Euro, et donc inventent une monnaie hyper-dévaluée, l’État grec, enfin ce qui tient lieu d’État parce que c’est déjà un État un peu faiblard, va s’effondrer. Alors on va avoir une espèce de Libye de religion chrétienne orthodoxe, à un endroit qui est un endroit stratégique.
Vous n’avez pas compris ? Nous non plus.

Amalgames
À noter également, les amalgames et les mensonges répétés, notamment dans le registre des « amis imaginaires de Syriza ».
Avec, comme il se doit, l’immense Bernard-Henri Lévy, qui invente une « alliance » entre Syriza et le parti néo-nazi Aube Dorée [4] :

Tandis que Laurence Parisot, ancienne patronne du Medef et désormais chroniqueuse sur Europe 1, nous informe :

Un amalgame chez Laurence Parisot et chez BHL, dont nous avons déjà plus longuement commenté la « chronique », qui devient un mensonge éhonté chez Dominique Seux, chroniqueur économique sur France Inter qui, le vendredi 3 juillet, explique avec le plus grand sérieux du monde qu’Alexis Tsipras refuse de baisser les dépenses militaires de la Grèce « parce que le ministre de la Défense est un ministre d’Aube Dorée, d’extrême-droite, certains diraient proche d’un parti nazi ».

Quand bien même Dominique Seux a reconnu son erreur (comment aurait-il pu en être autrement ?), l’épisode illustre l’ignorance impudente de ceux qui infligent aux Grecs, à longueur de journée, des leçons de maintien. Signalons ainsi, pour donner une idée du fossé qui sépare Syriza d’Aube Dorée, que lors des élections de janvier dernier, le secrétaire général du parti néo-nazi, Nikolaos Michaloliakos, expliquait que son organisation ne s’allierait « ni avec les serviteurs de l’austérité ni avec les bolcheviks ».

Signalons au passage que l’usage du doux nom de « bolchevik » pour qualifier Syriza n’est pas l’apanage des seuls néo-nazis grecs, puisqu’il a été repris par certains éditorialistes très droitiers comme Stephanos Kassimatis, dans une tribune que Jean Quatremer s’est empressé de diffuser sur Twitter :

Autre ami imaginaire de Syriza, le… Front national. Ainsi, le très subtil Jean-Pierre Elkabbach a réussi à glisser une petite perfidie lors de son interview de Xavier Bertrand, candidat aux élections régionales dans la même circonscription que Marine Le Pen, lors du « Grand rendez-vous » du dimanche 5 juillet :
Partie après vous, Marine le Pen vous devance aujourd’hui de quelques points [dans les sondages], et son score va dépendre aussi de ses amis Syriza de Grèce.

De son côté, le non moins subtil Alain Duhamel, dans une chronique commise dans Libération le 1er juillet, titrée « La voie grecque de Marine Le Pen » (sic), nous a proposé une analyse d’une profondeur abyssale :
Lorsque Aléxis Tsípras avait remporté les élections législatives en janvier, Marine Le Pen avait trompeté sa joie et avait tambouriné son allégresse. (…) Le Front national disposait, enfin, d’un exemple concret de la voie qu’il veut suivre en France.La Grèce allait être la maquette de l’extrême droite française.
Est-il venu à l’esprit d’Alain Duhamel que les programmes de Syriza et du Front national n’ont rien à voir, non seulement sur les questions sociales, les questions d’immigration, les questions de politique étrangère, mais aussi sur la question de l’Europe et de l’euro [5] ? Jean-Pierre Elkabbach croit-il sérieusement que le Front national et Syriza pourraient être des « amis » alors que le parti d’Alexis Tsipras a explicitement condamné les tentatives de récupération de Marine Le Pen [6] ?
Mais qu’importe la vérité ! Les éditorialistes éditorialisent, c’est même à ça qu’on les reconnaît.

Inclassables
Et enfin, les « inclassables », ces Objets Journalistiques Non Identifiés, qui mêlent morgue, mépris, indécence et esprit de caste, sans que l’on sache si leurs auteurs sont bien conscients de l’énormité de leurs propos.
Ainsi de Léa Salamé qui, le jeudi 2 juillet, a reçu sur France Inter le cinéaste franco-grec Costa-Gavras, l’accueillant avec une question des plus… élégantes : Bonjour Costa-Gavras. Dites nous ce matin, Alexis Tsipras, il est visionnaire ou il est complètement fou ?
Avant de nous faire part de ses inquiétudes :
La petite musique nationaliste, patriotique, certains diront même populiste, d’Alexis Tsipras, qui dit aux Grecs « on va relever la tête, ça suffit les humiliations… », est-ce que ce n’est pas dangereux aussi ?
Ou comment reconnaître, ouvertement, que l’on considère qu’il est « dangereux » que les peuples « relèvent la tête » et refusent « les humiliations »…

Ainsi également de Jean-Michel Aphatie, qui a multiplié les tweets présentant des « arguments » pour le « oui » au référendum, quitte à tomber... très bas :

Françoise Fressoz, du Monde, nous a quant à elle donné à lire un article qui fera date, ne serait-ce que par son titre :

Et grâce à quelques moments de bravoure journalistique :
Alexis Tsipras n’inspire pas confiance. En moins d’une semaine, le premier ministre grec est devenu l’affreux jojo du cénacle européen, (…) dont la droite européenne veut se débarrasser parce que son comportement est une offense aux principes de la construction européenne.

Le Grec est une grenade dégoupillée au milieu d’une assemblée de notables rompus aux règles de la négociation. Il choque par ses idées subversives et inquiète par son comportement erratique, jouant un jour la rupture, le lendemain la négociation et se servant du peuple grec comme d’une arme, non pour faire valider quelque choix problématique, mais pour se réarmer en vue d’un nouveau bras de fer.

Tsipras mène un combat éminemment politique qui rejoint celui de tous les populistes européens : dynamiter la construction européenne en jouant le peuple contre les « sans-cœur ». Il prend pour cela le risque de couper la Grèce en deux blocs irréductibles par appel au référendum, consultation binaire par excellence. (…)
Le pire pour le premier ministre grec est que chaque jour qui passe vient banaliser le scénario sus-décrit : depuis le défaut de paiement de la Grèce constaté mardi 30 juin, la zone euro résiste, les marchés restent calmes, les Bourses ne dévissent pas. Seul le peuple grec souffre. Bravo Tsipras !

Et bravo à Françoise Fressoz.

Que dire, enfin, de ce tweet publié le jeudi 2 juillet par les compères eurobéats Arnaud Leparmentier et Jean Quatremer, alors qu’une manifestation de solidarité avec le peuple grec était organisée à Bastille ?

Le mépris de classe en moins de 140 signes.

Julien Salingue (grâce à une observation collective).
Notes
[1] Cet article a été rédigé avant l’officialisation de l’écrasante victoire du « non ». Nous ne manquerons pas de revenir, dans les jours qui viennent, sur les réactions outragées des éditocrates eurobéats face à ce résultat.
[2] Notons que le modeste Arnaud Leparmentier a préféré supprimer son tweet visionnaire. Il est donc introuvable aujourd’hui, mais internet a de la mémoire, et Acrimed aussi.
[3] L’erreur a depuis été corrigée sur le site de France TV infos.
[4] Les internautes facétieux auront remarqué que nous publions le tweet de BHL... retweeté par Arnaud Leparmentier. Le monde est tout petit.
[5] Contrairement à Marine Le Pen, et même si le débat existe au sein de Syriza, Alexis Tsipras ne défend pas la rupture avec l’UE, ni avec la zone euro.
[6] « La montée de SYRIZA et des forces progressistes en Europe est un bastion contre la montée de l’extrême droite que représente Marine Le Pen, mais aussi un message pour la défense de la démocratie contre ses ennemis. Nos partenaires et nos soutiens français sont divers et ils s’élargissent. Ils sont de gauche, comme l’a prouvé le meeting du 19 janvier [2015] à Paris » (Communiqué publié sur l’Humanité.fr).

Note du GS  : Ne pas manquer de lire (ou relire) le désopilant billet de Théophraste R., prévoyant la victoire du oui deux jours après la victoire du non (il avait lu les médias et...). http://www.legrandsoir.info/referendum-en-grece-le-non-a-t-il-encore-une-chance-de-l-emporter.html

»» http://www.acrimed.org/article4715.html
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Leur Grande Trouille - journal intime de mes "pulsions protectionnistes"
François RUFFIN
GoodYear, Continental, Whirlpool, Parisot-Sièges... Depuis dix ans, à travers la Picardie d’abord, la France ensuite, j’ai visité des usines de robinets, de pistons, de cacao, de lave-linge, de canapés, de chips ; de yaourts, avec toujours, au bout, la défaite. Ca m’a lassé de pleurnicher. Mieux valait préparer la contre-offensive. C’est quoi, leur grande trouille, en face ? Leur peur bleue ? Il suffit de parcourir le site du MEDEF. Ou de lire leurs journaux, Le Monde, La Tibune, Les (…)
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« Si le Président se présente devant le Peuple drapé dans la bannière étoilée, il gagnera... surtout si l’opposition donne l’impression de brandir le drapeau blanc de la défaite. Le peuple américain ne savait même pas où se trouvait l’île de la Grenade - ce n’avait aucune importance. La raison que nous avons avancée pour l’invasion - protéger les citoyens américains se trouvant sur l’île - était complètement bidon. Mais la réaction du peuple Américain a été comme prévue. Ils n’avaient pas la moindre idée de ce qui se passait, mais ils ont suivi aveuglement le Président et le Drapeau. Ils le font toujours ! ».

Irving Kristol, conseiller présidentiel, en 1986 devant l’American Enterprise Institute

Le 25 octobre 1983, alors que les États-Unis sont encore sous le choc de l’attentat de Beyrouth, Ronald Reagan ordonne l’invasion de la Grenade dans les Caraïbes où le gouvernement de Maurice Bishop a noué des liens avec Cuba. Les États-Unis, qui sont parvenus à faire croire à la communauté internationale que l’île est devenue une base soviétique abritant plus de 200 avions de combat, débarquent sans rencontrer de résistance militaire et installent un protectorat. La manoeuvre permet de redorer le blason de la Maison-Blanche.

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