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Contre la prison de Haren et toutes les prisons modernes (Dossier revue Kairos)

La réponse du Ministre-Président de la région de Bruxelles-Capitale à notre question sur la pertinence de construire une méga-prison à Haren, et plus largement de nouvelles prisons en Belgique, contient en substance le vide de pensée d’une certaine élite censée nous représenter, vide qui se propage dans la société par la propagande médiatique. Leur capacité d’imaginer un autre monde est morte... Après avoir entonné le refrain habituel sur les différences en terme de responsabilités régionales et fédérales, Rudi Vervoort (mais ça aurait pu être un autre) déploie deux arguments : l’un d’apparence altruiste, l’autre clairement intéressé. Le premier, le constat « indéniable » « de la vétusté, voire de l’insalubrité, des prisons de Saint-Gilles et de Forest », expliquant que « les conditions de détention des prisonniers ont maintes fois été critiquées par les instances internationales », sonne comme, comment dire ?... quelque chose de faux ! : cela fait des dizaines d’années que divers organismes dénoncent l’inhumanité des prisons belges. Curieux qu’on pense tout à coup au sort des prisonniers quand on escompte de construire une méga-prison en recourant à un partenariat public-privé !

Le second argument paraît plus révélateur de la pensée de pouvoir : « l’annonce de la désaffectation des prisons de Saint-Gilles et Forest constitue pour la Région bruxelloise une opportunité de développer un nouveau quartier résidentiel et d’y créer de nouveaux équipements au profit de ses habitants ».

Olivier Chastel, lui, perçoit la surpopulation carcérale uniquement « comme un obstacle majeur à une politique efficace et cohérente d’exécution des peines » (1). La surpopulation, ça arrange Denys, un des partenaires du consortium Cafasso choisi pour la construction de la prison de Haren, qui a déjà mis en œuvre la construction d’un centre de psychiatrie légale à Gand – outre des projets au Tchad, au Cameroun, en Irlande, en Algérie, etc – et s’enorgueillit d’être « le partenaire de choix pour la réalisation de travaux de construction hors du commun ». Sur son site, évoquant le projet de méga-prison à Haren, appelé « prison-village », il décrit un « marché » qui comprend non seulement « des services d’entretien (pendant 25 ans), mais également pendant 5 ans certaines prestations de services facilitaires (du catering (2), des services de blanchisserie et du traitement des déchets) ».

Dans ce qui répond à une seule et même façon de penser, on n’écoute pas les voix discordantes comme celle de la Cour des Comptes ou du Comité européen pour la Prévention de la Torture qui énonçait que le fait de construire de nouvelles prisons « n’est pas susceptible, en soi, de résoudre durablement le problème de la surpopulation »

Et si l’intention n’était pas celle-là ? Pour le Président du MR, la construction des 2 217 places prévues sera insuffisante et il faudra inévitablement construire de nouvelles prisons sous un Masterplan III, « si le contexte budgétaire le permet ou selon des modalités de financement à déterminer » (entendez « recours massif au privé »).

Un peu de philanthropie feinte chez les uns, beaucoup de pragmatisme réaliste chez les autres. Une fuite en avant chez tous, sans aucune autre perspective que le changement dans la continuité. Et pour que fonctionne l’illusion, dont médias et politiciens professionnels nous abreuvent, il faut sans discontinuer répéter qu’une petite minorité élue agit pour le bien de tous, afin de « nous » offrir un meilleur avenir, encore « meilleur » qu’aujourd’hui. Les discours médiatiques ambiants et les mesures politiques ne font pourtant que créer des dichotomies réductrices qui nous opposent les uns aux autres, nous faisant oublier notre commune humanité. Parmi celles-ci, celles séparant autochtones et étrangers ou travailleurs et chômeurs. Mais il en est une qui semble faire consensus et où peu se risquent à exprimer une position divergente : celle opposant prisonniers et hommes libres. La question carcérale, nourrie par le fantasme médiatique représentant le plus souvent le détenu comme un dangereux psychopathe, est difficilement débattue, tant elle conduit celui qui essaie de comprendre à l’ostracisme d’une communauté qui voit le rejet « hors-société » du prisonnier comme quelque chose de normal.

Paradoxe de la vie et de la lutte, c’est en s’opposant à des projets comme celui de la prison de Haren que le peuple pourra enfin débuter tout doucement un travail de réunification et se remettre à penser, pour enfin voir que derrière la langue de bois politicienne, la question carcérale nous concerne tous et appelle en nous une humanité qui avait été perdue (p.16). Mais la gestion actuelle de l’enfermement est une formidable machine à faire des voix, qui occulte le lien devenu dès lors évident entre lutte contre le terrorisme, suivisme belge par rapport à la pensée et à la politique des États-Unis, privatisation et misère organisées (p.14). Cette misère, fruit de nos sociétés modernes qui la créent tout en feignant qu’elles luttent contre et qui, ne sachant que faire des déchets humains, les réifient en « capital carcéral »... création et récupération, cycle connu de nos sociétés consuméristes qui érigent l’avoir en valeur suprême et génèrent les conditions de la frustration, se reposant sur des croyances erronées que jamais les médias ne prennent le temps de démonter(p.10).

Penser contre, c’est donc recréer du lien dans un monde où l’atomisation est plus utile à la production : être seul – la solitude moderne – ensemble – en comparaison compétitive perpétuelle – empêche de se penser et de penser l’Autre. Se retrouver uni contre l’absurde, déploie la capacité de pouvoir le nommer, pour découvrir que derrière les luttes paysannes, écologistes, sociales, une seule et même lutte nous unit : celle pour la vie.

Dossier réalisé par Alexandre Penasse

http://www.kairospresse.be/

(1) Nous avons posé aux quatre partis traditionnels ainsi qu’au PTB la question suivante : « Votre parti se positionne-t-il pour ou contre le projet de construction d’une méga-prison à Haren, et plus largement quelle est sa position sur les projets de construction de nouvelles prisons ? ». Nous publierons l’entièreté de leur réponse sur notre site. Au moment d’imprimer, seul le PTB ne nous a pas répondu.

(2) Entendez dans la novlangue anglicisée, la « fourniture des repas », en langue vulgaire « la cantine ».

»» http://www.kairospresse.be/content/dossier-%C3%A0-partager-et-diffuser...
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