La semaine dernière, le Russe Sergueï Lavrov et l’Étasunien John Kerry ont donné pour envisageable la tenue courant du mois de novembre de la conférence de Genève II sur la Syrie si souvent reportée depuis que Moscou et Washington ont convenu de son principe. Après eux, un haut responsable du régime syrien et la Ligue arabe ont été plus précis question date puisque les deux sources ont donné pour probables celles des 23 et 24 novembre.
Pour autant, il faut se garder de verser dans l’optimisme en cette affaire, car des obstacles subsistent qui entravent encore la convocation sans équivoque de la conférence pour les journées annoncées. Le plus compliqué à surmonter est celui que dresse l’opposition syrienne dont les divisions en son sein sur la question de sa participation rendent aléatoire sa présence à la table de négociation. Cette perspective Sergueï Lavrov l’avait en esprit quand il a suggéré à son homologue étasunien d’exercer au nom de son pays des pressions sur cette opposition qui bénéficie de son soutien pour qu’elle accepte sans ambiguïté d’aller à Genève. John Kerry le fera-t-il ? On le saura très certainement à l’issue de la réunion demain à Londres des « Amis de la Syrie » regroupant les représentants de cette opposition et ceux des pays qui la soutiennent à laquelle il participera.
Si Washington a réellement opté pour une solution politique à la crise syrienne et par conséquent à la tenue d’une conférence dédiée à des négociations qui la rendraient possible, son secrétaire d’État dispose des arguments susceptibles de forcer la main à l’opposition anti-Bachar El-Assad. Mais il doit au préalable dissuader d’autres participants à la réunion de Londres de continuer à encourager cette opposition dans le refus de tout dialogue ou négociation avec le régime de Damas. Parmi lesquels l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie et la France bien qu’elle ait quelque peu infléchi sa position sur le sujet.
Les États-unis et John Kerry jouent leur crédibilité internationale au cours de cette réunion de Londres dont les décisions détermineront ce qu’il adviendra du projet de conférence de Genève II. Les opposants à l’initiative conjointe russo-étasunienne sont en effet les « protégés » et des alliés de Washington. Leur dépendance multiforme à l’égard des États-Unis rendrait incompréhensible qu’ils ne suivent pas ce pays dans sa démarche. S’ils optent pour le sabordage de l’initiative russo-étasunienne, l’opinion internationale en déduira inévitablement que Washington a été de mauvaise foi dans ses tractations avec Moscou sur une sortie de la crise syrienne par la voie de la négociation.
Pour aussi radicaux qu’ils sont à vouloir la chute du régime syrien par le biais de la confrontation militaire pour laquelle ils équipent sans compter l’opposition en armement, l’Arabie Saoudite, le Qatar et même la Turquie ne peuvent se démarquer des États-Unis en allant à l’encontre de l’accord convenu entre eux et la Russie. A moins d’avoir été préalablement rassurés qu’ils pourront le faire et s’y maintenir sans retour de manivelle préjudiciable pour leur alliance avec les États-Unis. Un scénario qui ne relève pas totalement de la politique fiction au vu de l’intensification sur le terrain de la confrontation entre les deux camps belligérants.
L’on voit mal des opposants disposés au dialogue politique lancer de sanglantes offensives à une petite encablure d’une conférence à laquelle ils auraient décidé d’y aller. Leur stratégie sent au contraire la détermination qui est leur et de ceux qui les inspirent à faire échouer les efforts qui se sont conjugués internationalement pour baliser la route du retour à Genève en vue de la recherche d’une solution politique au conflit syrien. Lavrov n’avait pas tort la semaine dernière de faire comprendre que la balle est dans le camp étasunien pour ce qui est de l’issue de l’initiative russo-américaine.
Kharroubi Habib