Analyse des élections générales espagnoles (2019)

RÉPUBLIQUE SOCIALE

Ce dimanche 28 avril le peuple espagnol a voté. Un troisième scrutin législatif, en presque autant d’années, pour tenter de sortir de l’impasse politique dans laquelle le pays se trouve. Une impasse qui avait notamment conduit à une motion de censure contre Manuel Rajoy, permettant à la gauche de former un gouvernement alors même que la droite avait remporté le scrutin. Or, de nouveau, ces élections générales n’ont pas permis de dégager une majorité absolue pour un seul parti. Des tractations, qui pourraient durer longtemps, vont donc s’imposer.

Car, si le Parti socialiste des ouvriers espagnols (PSOE) a, de fait, remporté les élections avec 28,68 % des suffrages exprimés, remportant au passage 39 députés supplémentaires que lors de la dernière législature (et 79 sénateurs), portant leur nombre à 123, il ne dispose pas de la majorité absolue qui est de 176 députés. Pedro Sanchez et le PSOE, qui viennent là de remporter leur premier scrutin général depuis 11 ans, vont donc devoir trouver des alliés. Deux options s’offrent à deux :

– La première serait celle privilégiée par la plupart des partis sociaux-démocrates européens. Elle consisterait à s’allier au parti centriste Ciudadanos qui, en obtenant 57 députés et 5 sénateurs, arrive troisième du scrutin avec 15,85 % des voix. Néanmoins ces ultralibéraux semblent avoir d’ores et déjà fait leur choix en refusant toute alliance avec le PSOE et en préférant siéger dans l’opposition avec le Parti populaire (qui enregistre son plus bas score, bien qu’arrivant second, en perdant 71 députés, 69 sénateurs et en obtenant que 16,70 % des suffrages) et l’extrême droite.

– La seconde, qui devrait naturellement s’imposer est celle d’une alliance avec la coalition Unidos-Podemos. Cette alliance, née en 2016, regroupe Podemos, Izquierda Unida (Gauche Unie dont est membre le Parti communiste espagnol) et le parti écosocialiste Equo. Bien qu’ayant, eux aussi, subit une baisse de leur résultat, Unidos-Podemos obtient tout de même 42 députés, soit 17 de moins que la dernière fois, et se classe quatrième force de ce scrutin en recueillant 14,81 % des voix. Unidos-Podemos s’est dit prêt, dès dimanche, à discuter d’une éventuelle coalition gouvernementale. Cette participation, ou tout du moins un soutien sans participation au gouvernement, pourrait servir de garde-fou et, comme au Portugal (voir : Le réveil de la gauche portugaise et Portugal : une autre voie pour l’Europe) assurer au peuple espagnol que le PSOE ne reniera pas ses promesses sociales. C’est ce qui était, de fait, un peu le cas depuis Juin 2018 où, durant cette courte période le gouvernement du PSOE, bien que très timoré sur la question sociale, avait tout de même augmenté le salaire minimum de 22%, au mois de décembre.

Toutefois, même en totalisant tous les députés du Parti socialiste et d’Unidos-Podemos, les deux formations n’arriveraient qu’à 165 sièges. Il faudrait donc trouver au minimum encore 11 députés pour atteindre la majorité absolue. Et ça tombe plutôt bien. Car, dans le même temps, la Gauche républicaine catalane est devenue la première force de Catalogne avec 15 députés. Elle pourrait donc venir appuyer une coalition de gauche. D’autres forces indépendantistes pourraient faire de même, comme la coalition Basque Euskal Herria Bildu (gauche) qui obtient 4 députés, la coalition Compromis (gauche) qui obtient 1 député, voir, pourquoi pas, le parti de Carles Puigdemont, Junts per Catalunya (centre-droite/ indépendantiste) qui obtient 7 sièges.

En fait, tout va dépendre de l’attitude du PSOE. Certains, à commencer par Pedro Sanchez, ne sont pas favorables à l’indépendance de la Catalogne et du Pays Basque. D’ailleurs depuis juin 2018, le PSOE n’a pas trouver de solution à cette question-ci. Mais il n’est pas certains que Pedro Sanchez est réellement le choix, dès lors qu’une alliance avec les centristes est impossible. Dès lors aussi qu’une grande partie de la base électorale du PSOE préfère une alliance avec d’autres forces de gauche qu’un accord avec des partis aux politiques responsables de la crise et des cures d’austérité.

Unidos-Podemos : des pistes pour expliquer le déclin

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce recul de la coalition de gauche. L’une d’entre elle étant sans doute due à la campagne menée par le PSOE consistant a affirmer la nécessité d’un vote utile pour faire barrage à l’extrême-droite au Parlement. Même s’il faut aussi être lucide et réaliste et reconnaître que la stratégie adoptée n’était pas forcément la bonne.

Car, si Izquierda Unida bénéficie d’une base militante ancienne et d’un certain ancrage local et régional, ce n’est peut-être pas encore tout à fait le cas de Podemos. Il y a fort à parier aussi que les événements européens, comme la trahison de Syriza en Grèce où l’émergence de partis d’extrême-droite, surfant sur les vagues de protestations, dans d’autres pays n’ont pas aidé non plus. Quoi qu’il en soit Unidos-Podemos limite la casse lors de ce scrutin. Reste à voir s’ils réussiront aussi bien que la dernière fois lors des élections municipales et régionales (et européennes) du 26 mai prochain.

Le parti d’extrême-droite Vox fait son entrée au Parlement espagnol

C’est l’autre fait marquant de ces élections générales. Pour la première fois depuis la transition démocratique et la fin de la dictature fasciste de Franco, un parti d’extrême-droite espagnol a des élus au Congrès des députés. Vox obtient ainsi 24 sièges, en totalisant 10,26 % des voix. Certes, les médias alarmistes nous prédisaient un retour en force avec des sondages donnant parfois plus de 50 députés à Vox. Qu’importe ces résultats interrogent et inquiètent.

Fondé le 17 décembre 2013, à la suite d’une scission du Parti populaire, et dirigé par Santiago Abascal, cette formation présente les mêmes rhétoriques que ses compères européens alliant des positions réactionnaires, xénophobes, ultranationalistes et un libéralisme économique assumé.

Pourtant, de sa création aux élections régionales d’Andalousie en décembre 2018, le parti reste très minoritaire en Espagne. En témoigne ses différents résultats :

- 0,23 % aux élections générales de 2015
- 0,20 % aux élections générales de 2016
- 0,45% aux élections régionales d’Andalousie en 2015
- 1,57% aux élections européennes de 2014

La donne change donc le 2 décembre 2018. En Andalousie, une région historiquement à gauche, Vox obtient 12 sièges en se positionnant cinquième des suffrages, sans doute appuyé par une frange de la population effrayée de la possible indépendance catalane. Le nombre peut sembler dérisoire (12 sur 109) mais il permet à la région de basculer à droite puisque ces douze députés viennent s’ajouter aux 26 députés du Parti populaire et aux 21 de Ciudadanos.

Ces 24 élus au niveau national montre une chose. Les pays ayant connu des dictatures fascistes lors du XXe siècle ne semblent plus effrayés à l’idée de revoter pour des partis aux idées plus ou moins similaires. Espagne, Italie, Allemagne, Portugal, Hongrie, les exemples sont malheureusement trop nombreux (Allemagne, Suède, revoilà l’extrême-droite) et démontrent que les politiques prônées par la commission européenne, par ceux-là même qui s’érigent en rempart contre l’extrême-droite, nous mènent directement à eux.

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COMMENTAIRES  

05/05/2019 21:13 par jaqadi

A la lecture de cet article qui aurait pu être intéressant (car j’ai un faible pour l’Espagne), j’éprouve la même tristesse que celle que j’éprouve sur la situation en France : toutes ces considérations d’appareils politico-politicailleux alors que de fait l’Espagne n’est plus souveraine du tout : tout comme la France ne l’est plus : enlevez les peaux de chorizo que vous avez sur los ojos (les yeux).
C’est l’UE qui gouverne d’une "main invisible". Point barre. Donc que ce soit trucmuche ou ciudapodemos qui ait la majorité avec euskatalyuna ou pas c’est du peepow (= flute en amériqain, langue impériale).
La seule approche qui importe, c’est de savoir où en sont les forces qui prônent la rupture avec l’UE et, s’il y en a, dans quel état de dispersion elles sont. C’est là la tristesse.

05/05/2019 23:50 par Assimbonanga

Et surtout l’UE est gouvernée par des forces patronales.

07/05/2019 00:32 par Georges SPORRI

@ jacadi / Ton commentaire m’amuse car il me fait immédiatement penser aux discours des nationalistes-séparatistes basques ou catalans qui doivent dire "sans rupture avec l’Espagne rien n’est possible ...etc.".

27/05/2019 05:28 par Raquel Pirca

Deux grosses fautes !

D’ailleurs depuis juin 2018, le PSOE n’a pas trouver de solution à cette question-ci.
Mais il n’est pas certains que Pedro Sanchez est réellement le choix, dès lors qu’une alliance avec les centristes est impossible. Dès lors aussi qu’une grande partie de la base

27/05/2019 17:37 par T 34

Aucun intérêt a aller voter a ces élections. Vox sert comme pour le FN en France, la campagne c’était : votez pour le PSOE pour éviter Vox. Que Vox soit présent n’est pas grave car il était déjà présent, il y avait un parti franquiste le PP qui s’est divisé en trois (PP, Vox, Ciudadanos). Ce n’est pas le retour du franquisme car il n’est jamais parti (il est encore là dans les conseils administration, dans les banques, dans les médias, dans les tribunaux, dans l’armée, dans la police).
Quand au PSOE ce n’est pas mieux, il vaux bien le PP en matière de répression et de politique économique (pour les riches contre les pauvres), il abrite le fasciste Leopoldo Lopez dans l’ambassade à Caracas.
Podemos a eu pleins de renoncement idéologique (il disait PP = PSOE), ce parti a été promus dans les médias pour sortir les gens de la rue en 2011 et aujourd’hui il veux s’allier au PSOE. Si Pablo Iglesias était dangereux pour le système il serait en prison et Podemos interdit.

En Espagne il n ’y a aucune raison d’aller voter, excepté quand ça met en danger le régime comme le referendum d’indépendance en Catalogne ou aux municipales de Marinaleda. La seule raison de voter serait qu’un parti propose l’amnistie des prisonniers politiques (pas un jour sans depuis 1939).

D’ailleurs à ce sujet le jour même de l’élection un chose s’est passé : le rappeur Pablo Hasél (qui appelait à l’abstention) a été arrêté et a passé la nuit au poste pour qu’on lui remette une assignation a comparaitre, son adresse étant connue c’est clairement un acte d’intimidation. Il a d’ailleurs été arrêté alors qu’il allait a une manifestation pour accueillir le prisonnier politique Paco Cela (membre du Parti Communiste Reconstitué, parti interdit) qui venait de faire 32 ans de prison.

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