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Lettre ouverte à Monsieur Boris Boillon, Ambassadeur de France en Tunisie

Monsieur l’Ambassadeur,

Tout d’abord, Monsieur l’Ambassadeur, permettez-moi de vous dire que, comme bon nombre de mes compatriotes avisés, j’ai été choqué par la manière dont vous avez été nommé Ambassadeur dans notre pays. En effet, contrairement à la procédure adoptée par tous les pays du Monde pour de telles nominations, procédure qui constitue l’abc des Protocoles Diplomatiques, votre Gouvernement a préféré suivre, pour votre nomination, un chemin bien singulier, pour le genre, qui s’apparente, plutôt, à la désignation des Hauts Fonctionnaires opérant à l’intérieur des frontières, tels que, par exemples, les Préfets ou des Dirigeants des Grandes Institutions Etatiques : vous avez été nommé comme Ambassadeur de France en Tunisie par décision du Conseil des Ministres du 26 janvier 2011, dans la précipitation et sans aucune consultation préliminaire des Autorités tunisiennes ; étant donné qu’à cette date, il y avait vacance de Gouvernement en Tunisie et les tractations étaient à leur comble pour constituer un Cabinet consensuel. Alors que la déontologie en la matière exige qu’un Ambassadeur ne soit jamais désigné sans avoir, au préalable, consulté le Ministère des Affaires étrangères du Pays d’accueil ; et l’on attend l’agrément du dit Pays, avant de proposer au Conseil des Ministres ladite désignation ; qui plus est, dans l’Histoire de la Diplomatie, il existe bien des cas où le Pays d’accueil a émis des réserves sur le nom proposé.

Ensuite, Monsieur l’Ambassadeur, depuis votre arrivée à Tunis, le mercredi 16 courant, vous avez multiplié, tous azimuts les apparitions médiatiques (France 24, Nessma Tv, radios …), jonglant entre le français et un arabe parfait, en tant que diplômé de l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, et se montrant, bienveillant, coopératif et très ouvert ; à tel point que nous avons oublié votre réputation de « néoconservateur à la française » et vos prises de position légitimant la Stratégie de G.W.Bush dans son intervention en Irak, et ce jusqu’à affirmer : «  L’Irak est le vrai laboratoire de la Démocratie dans le monde arabe, c’est là que se joue l’avenir de la Démocratie dans la région. Potentiellement, l’Irak peut devenir un modèle politique pour ses voisins et qu’on le veuille ou non, tout cela a été obtenu grâce à l’intervention américaine de 2003 » et juger « que le bilan de la guerre en Irak est globalement positif ».

Cette réussite de vos premiers pas en Tunisie a été renforcée par les visites que vous avez rendues, dans la foulée, à la Ligue Tunisienne des Droits de l’Homme et à l’Association Tunisienne des Femmes Démocrates.

Puis vint le fameux déjeuner que vous avez offert à un groupe de journalistes à votre Résidence de la Marsa. Juste après ce déjeuner, une vidéo a circulé sur Face book retraçant quelques échanges que vous avez eus avec vos invités, principalement avec deux dames-journalistes tunisiennes.

Monsieur l’Ambassadeur, je tiens à vous informer que, comme bon nombre de mes compatriotes, l’examen de cette vidéo nous a bouleversés et, au vu de vos déclarations et de votre gestuelle qui y sont contenues, il faut être prévenu pour arriver à croire qu’il s’agit d’une vidéo tournée lors d’un premier contact d’un Ambassadeur, fraîchement nommé, avec un groupe de Journalistes du Pays d’accueil. Monsieur l’Ambassadeur, permettez-moi de vous dire que vous avez perdu, complètement, votre self-control quand, d’abord, au milieu du repas, l’une de ces dames-journalistes vous a posé une question sur « l’Affaire Michèle Alliot-Marie ». Et ce fut alors de votre part un cocktail de répliques, certainement, inédit dans les Annales Diplomatiques : « N’essayez pas de me faire tomber sur des sujets débiles. Je ne suis pas prêt à me mettre dans des situations comme ça », « Franchement, franchement… Vous croyez que je suis de ce niveau là ? Vous croyez que je suis dans la petite phrase ? », « Moi je suis là pour exposer une philosophie »(sic), « Je ne suis pas là pour me mettre dans des citations : il a dit ça, il a dit ça »,…Ensuite, vous l’avez re-perdu ( votre self-control), juste à la fin du repas, quand l’autre dame-journaliste, probablement abasourdie par ce premier cocktail, vous a posé une question sur votre âge (41 ans) « qui pourrait inspirer quelque inquiétude aux Tunisiens » a-t-elle-dit ( Ah ! ces tunisiennes, qu’est ce quelles sont perspicaces !). Et ce fut alors le bouquet. Votre réponse fut : « Laissez-moi débuter ma mission. Je suis un Ambassadeur. Respectez-moi. Stop, c’est fini… C’est lamentable ! », avant que vous poussiez, agressivement, de votre main le micro que vous tendait, gentiment, ladite dame et que vous partiez, furieux et excité, sans un mot d’au revoir pour vos hôtes. Puis-je me permettre, Monsieur l’Ambassadeur, de vous rappeler que l’un des mots d’ordre de notre « Révolution de Jasmin » est « Dignité » et que, par votre comportement, vous n’avez pas respecté celle des dites dames-journalistes.

Avec le sacrifice de la composante Droits de l’Homme, dans les relations qu’a entretenues votre Ministre de tutelle avec le Régime Ben Ali et ses suppôts, et ce jusqu’à son agonie, et avec vos impairs rapportés ci-dessus, permettez-moi , Monsieur l’Ambassadeur, sans vouloir vous faire de la peine, de vous avouer, sincèrement, que je ressens une profonde nostalgie du temps où l’occupant de la Résidence de la Marsa s’appelait Eric Rouleau ou Jacques Lanxade, et du temps ou le responsable du Quai d’Orsay s’appelait Dominique de Villepin (et pourtant je suis de sensibilité de gauche !).

Je vous prie de croire, Monsieur l’Ambassadeur à l’expression de mon profond respect.

HORCHANI Salah

Professeur à la Faculté des Sciences De Tunis

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« Nous préférons croire au mythe selon lequel la société humaine, après des milliers d’années d’évolution, a finalement créé un système économique idéal, plutôt que de reconnaître qu’il s’agit simplement d’une idée fausse érigée en parole d’évangile. »

« Les Confessions d’un assassin financier », John Perkins, éd. Editions Alterre, 2005, p. 247

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