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U.E., France et immigration ou tourisme arabo-africain

L’impôt visa rapporte 1 milliard d’euros par an à l’U.E.

« Le demandeur de visa est appelé à comparaître en personne » : c’est ainsi que les sites visafrance.org citent à « comparaître » la personne étrangère demandeuse de visa, comme un suspect devant un tribunal consulaire. Le choix du terme n’est pas fortuit, il ne s’agit pas non plus d’un lapsus involontaire. On retrouve explicitement cette expression « comparution personnelle » dans tous les documents officiels traitant des problèmes de visa. [voir : https://dz.visasfrance.org/help.php#insurance_requirement]

La politique d’immigration de la France - « pays des Droits de l’Homme » - s’aligne sur celle de l’U.E.. Vous remarquerez d’ailleurs que la fin de l’adresse-internet du site de visasfrance est en anglais, langue officielle de l’U.E. : un maghrébin doit-il maîtriser l’anglais (« l’européen ») pour venir en France ? Historiquement et culturellement est-ce logique ?

En fait la réglementation européenne sur les visas utilise d’abord un langage judiciaire, policier et militaire à outrance. La France, comme l’Europe, est-elle alors une terre « d’asile » ou « de vacances » paisible ? Quand on lit le « Programme européen 2007-2013 de contrôle des frontières », on est sidéré : l’absurdité de la systématisation technologique du contrôle des voyageurs virent à la caricature.

On y trouve pêle-mêle technologie d’authentification biométrique, passeports sécurisés à lecture optique, titres de séjour et vignettes électroniques, capteurs d’empreintes mono et multi doigts, comparateur d’encre spécifique, détection de documents falsifiés, liaisons haut débit des réseaux consulaires, base de données alphanumériques VISABIO interfacée avec le VIS, détecteurs spécifiques de présence humaine, maillage de surveillance et d’identification, veille littorale permanente par la chaîne sémaphorique, patrouilleurs de haute mer, radars haute fréquence, drones aériens et de surface, surveillance satellite quotidienne,…

Tout citoyen du monde n’a-t-il pas le droit de circuler librement ? « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux… » et Art. 5 de la DDH française : « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement ». Peut-il, cet homme, éprouver le besoin de quitter momentanément son pays, bouger, changer d’air, faire du tourisme… ? Pourquoi ériger des obstacles à ce désir de voyage de certaines catégories de citoyens du monde et pas à d’autres ? Qui vise le visa ? Qui impose, empêtre et finalement empêche le visa ?

Remarquons ensemble et rappelons que l’Article 5 de la Déclaration des droits de l’homme de 1946, répétition de la Déclaration de 1789, et sur lesquelles s’appuie notre Constitution républicaine française actuelle, affirme : « Tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement. ». De plus la République Française s’engage à garantir ce droit (universel) à « tous les hommes et toutes les femmes vivant dans l’Union française (de l’époque) ». L’Union française de 1946 n’est-elle pas assimilable à l’Union francophone actuelle ? Un peu comme l’Angleterre gère ses rapports avec ses membres du Commonwealth - en particulier pour ses visas et immigrations avec des peuples hors U.E.- ? Les membres de l’U.E. (parlant l’anglais) cherchent-ils à être plus anglais que les anglais eux-mêmes… ?

Des millions d’européens visitent la plupart des pays arabo-africains sans visa, sans frais, sans tracasserie administrative, sans perte de temps et sans même dire « Salam Aleikoum ». Il serait peut-être temps que les gouvernements du Sud se dressent énergiquement contre ces dérives unilatérales, insultantes et inhumaines de confinement des citoyens afro-arabes par l’obstacle insurmontable du visa Schengen. Mais le peuvent-ils réellement et comment ? Jusqu’à quand les gouvernements du Nord, les gouvernement de l’U.E., bénéficieront-ils du soutien de leurs propres citoyens pour mener une politique si discriminante et contraire aux Droits de l’Homme ?

Racisme institutionnel et islamophobie de l’Union Européenne

Deux chercheurs européens ont disséqué dans une excellente étude, la politique discriminatoire de l’U.E. sur les visas. « Le visa n’est pas un instrument technique, ni une stratégie de gestion des frontières. Il est d’ordre politique. C’est à travers le visa qu’on tient à distance les étrangers indésirables. C’est à travers lui qu’on définit pour l’espace Schengen une liste de pays ennemis dont on tient à se protéger. » [Elspeth Guild et Didier Bigo, « Le visa : instrument de mise à distance des indésirables », Cultures & Conflits]

Tout citoyen soumis à l’obligation du visa est considéré comme un suspect d’immigration clandestine, voire comme un terroriste ! Son désir de voyager est interprété comme un désir d’émigrer ou de commettre un crime… Il est perçu comme un risque surtout s’il est jeune, étudiant, chômeur, pauvre ou démuni de ressources stables et prouvées.

Pour définir sa cartographie du visa, l’U.E. prend en considération trois catégories de critères :

- immigration illégale : maîtrise des flux migratoires, séjours irréguliers, refus d’entrée sur le territoire, mesures d’éloignement, blocage des filières d’immigration clandestine et de travail clandestin, sécurité des documents de voyage, accords de réadmission…

- ordre public : coopération policière, typologie de criminalité, menaces à l’ordre public, sécurité intérieure, lutte contre le terrorisme…

- relations internationales : choix du régime de visas, qualité des relations de l’U.E. avec des groupes particulier de pays, cohérence régionale, position particulière d’un Etat membre, solidarité des Etats membres, critère de réciprocité…

Et finalement on ne sait plus si le visa est un instrument de relations internationales ou s’il sanctionne l’individu en particulier ? L’octroi du visa pour un voyageur dépend-il de l’appréciation de son pays comme une menace ? Ou bien un pays devient-il menaçant parce que ces ressortissants veulent le fuir ? On entre là , semble-t-il, dans une dialectique complexe entre le risque idéologique d’un pays et le risque migratoire de ses concitoyens.

C’est notamment le cas très paradoxal du citoyen honnête et paisible d’un pays « à risque » qui se retrouve soumis à un visa draconien quelles que soient ses qualités personnelles (palestinien, libanais, algérien, afghan, irakien,…) Le fait de vivre dans un pays où existent des minorités dangereuses est considéré comme un délit potentiel ! Il en va de même des pays à fort taux migratoire. On empêche des individus de faire du tourisme ou de rendre visite naturellement à leurs familles ou à leurs amis, parce qu’ils sont tous soupçonnés d’être volontaires potentiels à l’immigration clandestine.

Le visa Schengen

La cartographie du visa Schengen fixe une limite entre les amis et les ennemis -comme on le ferait entre les bons et les méchants !- Les critères effectifs de choix des pays ennemis relèvent purement de « racisme institutionnel et d’islamophobie ». La carte des 44 « pays amis » de l’U.E., exemptés de visas, est celle du « peuplement blanc », et réputé chrétien. En revanche, la carte des 133 pays dont les ressortissants sont soumis à un visa recouvre clairement l’Afrique, le Moyen-Orient, excepté Israël (!) et une large partie de l’Asie.

Il est donc clair que les critères de danger migratoire concernent les peuplements arabes, noirs ou asiatiques, surtout s’ils ne sont pas réputés chrétiens mais musulmans… Les critères consulaires qui mêlent immigration, criminalité, terrorisme, idéologie ou religions ne sont pas cohérents. Ils relèvent de la peur de déstabilisation des « identités nationales » européennes blanches, et réputées chrétiennes… par un « islam conquérant », une « négritude envahissante » ou un « péril économique asiatique ».

Doit-on ici rappeler l’Article 13 de la Déclaration des droits de l’homme sur laquelle s’appuie la Constitution de notre République Française : « Nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique. » Cet article poursuit en garantissant « neutralité » et « laïcité » de l’Etat… Les Consulats français ne sont-ils pas sensés servir notre République Française ?

L’idéologie du visa Schengen (idéologie supranationale servant une union principalement économique dans un cadre capitaliste-libéral) est une idéologie de guerre. Elle constitue un nouveau syndrome des fléaux et crimes contre l’humanité, dont historiquement est coutumière l’Europe comme l’inquisition ou autres guerres de religions, l’esclavagisme transatlantique, le colonialisme, l’impérialisme, les guerres mondiales, les pogroms, les déportations…

La politique ségrégationniste européenne provoque des milliers de victimes afro-arabes qui se noient en mer en voulant atteindre les rivages (mirages…) européens, ou sont « parqués comme des bêtes » dans des Centres de rétention avant leur déportation/expulsion vers leurs pays d’origine. Espérons que cet article rende hommage à ces victimes, et contribue à en éviter de nouvelles…

La scandaleuse traçabilité des demandeurs de visa

L’Union Européenne a créé en 2004 un Système d’Information sur les Visas (V.I.S., sigle en anglais) permettant l’échange et l’accès des données entre les gouvernements des Etats membres et leurs autorités de sécurité intérieure. La mise en oeuvre du V.I.S. a débuté pour les « zones à risques migratoire et sécuritaire » en Afrique du Nord et du Proche-Orient. [Voir le rapport d’information de l’Assemblée nationale française sur la politique européenne des visas (n°3764 du 21/02/2007)].

Le VIS repose sur une architecture centralisée et comprend le « système central d’information sur visas » (CS-VIS, sigles en anglais) en réseau avec une interface nationale (NI-VIS, sigles en anglais) dans chaque Etat membre. Selon les estimations, le VIS peut traiter les données de 20 millions de demandes de visa par an, y compris les empreintes digitales, et les stocker pour une période théorique de 5 ans. Il est prévu à terme le stockage de tous les éléments d’identification biométriques et alphanumériques dans les vignettes de visa et les titres de séjour sur une puce électronique, directement lisible par un terminal informatique policier.

Le VIS avait pour objectif initial et affiché de lutter contre la fraude documentaire et le « visa shopping » (dépôt de demandes multiples auprès de plusieurs Etats membres). Mais son but véritable est maintenant de renforcer la sécurité intérieure en fichant les demandeurs de visa, ainsi que les personnes et organismes qui les invitent. Les renseignements enregistrés dans le VIS sont les données alphanumériques du demandeur, les visas demandés, délivrés, refusés, annulés, retirés ou prorogés ; ainsi que ses photographies et empreintes digitales ; les renseignements des personnes ou organismes adressant l’invitation ou prenant en charge les frais de subsistance durant le séjour.

Ainsi le VIS est devenu un outil international de « renseignements Généraux » permettant aux Etats membres de l’U.E., grâce aux visas demandés, qu’ils soient accordés ou non, (permettant) de constituer toutes sortes de fichiers politique, économique, patronal, syndical, associatif, scientifique, culturel, sportif, médiatique, etc… Sans avoir besoin d’être « resserré » (!), par définition le VIS renforce la traçabilité des déplacements des porteurs de visas biométriques, qui peuvent pour différentes raisons attirer l’attention de services intéressés.

Passeport, VISABIO et VIS

Face aux réticences parlementaires à exempter les enfants de moins de 6 ans - candidats potentiels à l’immigration - de la prise d’empreintes digitales, le Gouvernement français a souligné la nécessité de prendre les empreintes des enfants le plus tôt possible, en prétextant la lutte contre les trafics d’enfants. Même les titulaires de passeports diplomatiques, ou de services spéciaux sont concernés par le fichage VIS. Les exemption doivent rester exceptionnelles et ne concerner que les chefs d’Etat ou de Gouvernement… sur lesquels les fichiers de renseignements sont déjà bien fournis…

Quand on sait quelles sont les types de personnes les plus aptes à se procurer facilement les visas, on en conclut vite que toutes les élites des « nomenklaturas », ceux économiquement privilégiés, l’ « intelligentsia », leurs progénitures, leurs protégés, leurs contacts, leurs relations, mais aussi leurs déplacements seront fichés et repérés, voire au besoin encore plus facilités.

De plus grâce à l’efficacité qu’offre le VIS, l’U.E. pense maintenant à la création de Consulats européens communs, sous forme de « centres communs de traitement des demandes de visa ». Ne voyant pas d’intérêt à juxtaposer de façon coûteuse des Consulats multiples pour délivrer un document identique dans des conditions similaires, les autorités européennes préparent des réformes juridiques, en particulier concernant la Convention de Vienne, qui ne prévoit pas (pour le moment ?) le cas de représentation diplomatique commune à plusieurs Etats membres.

D’autres part, l’U.E. envisage le recours à des prestataires extérieurs, sous forme d’externalisation pour la réception du public et l’enregistrement des demandes, comme cela se pratique déjà pour certains pays (Russie, Chine…). Le coût de cette externalisation sera à la charge du demandeur de visa, biensûr, et viendra s’ajouter à l’impôt visa de 60 euros, une somme déjà très importante pour une personne « non-privilégiée » arabo-africaine.

Cela fait déjà plusieurs années que les Etats-Unis (E.U.) et l’Union Européenne (U.E.) se concertent dans la stratégie discriminante de stigmatisation, confinement, flicage des citoyens du Sud, pour des objectifs non avoués. Ne laisser passer que ceux, « sans risque », qui amènent de l’argent et souvent beaucoup d’argent. Ils ne se gênent même plus à monter des mises en scène de « tentatives d’attentats » pour justifier, sous l’émotion, « l’application immédiate » de mesures drastiques déjà élaborées.

Ce fut le cas au Royaume-Uni, en 2006, pour aboutir à l’interdiction de toutes sortes de liquides dans les salles d’embarquement et à bord des avions. Beaucoup savent par expérience, la stupidité de la petite bouteille d’eau qui ne peut pas franchir le contrôle de douane précédent la salle d’embarquement !

Depuis décembre 2009, le transport aérien est placé sous le coup d’une nouvelle « psychose », suite à une supposée tentative d’attentat par un nigérian sur un vol reliant Amsterdam (UE) à Detroit (EU). Au point qu’un autre africain, constipé, a provoqué une alerte générale du FBI et de l’US Air Force, parce qu’il avait trop tardé dans les toilettes de l’avion… Et ne parlons pas des excès des plans « vigi-pirates » de la France…

La France veut exiger immédiatement, comme les USA (ou EU), la fourniture par une liste de « pays à risques », dont l’Algérie, de nouvelles informations personnelles sur les voyageurs dès leur réservation de billet d’avion (identité, moyen de paiement, adresse, téléphone, e-mail, agence de voyage…).

Très sérieusement, si on suit la logique de ces trains de mesure, les citoyens de pays « à risque » ne tarderont pas à tous devoir voyager en caleçons et menottés à leurs sièges.

L’exagération et l’absurdité de cette tension permanente, en ce qui concerne les voyages et les migrations, est mise en évidence par un directeur de recherche du CNRS : « A chaque fois qu’il y a un accident de la route ou une fraude fiscale, personne n’en conclut qu’il faut modifier complètement le code de la route ou la législation fiscale. C’est pourtant ce qui se produit en matière de politique d’immigration. » [voir le Rapport de la Commission Sénatoriale d’enquête sur l’immigration clandestine n°300 du 06/04/2006]

Le Pacte Européen sur l’Immigration et l’Asile prévoit la généralisation du système des visas biométriques à compter du 1er janvier 2012. Le VIS constitue une véritable humiliation de l’U.E. contre les Etats listés en les considérant incapables de contrôler et d’assurer la sécurité de leurs propres citoyens. C’est aussi une humiliation et une discrimination pour les citoyens de ces Etats. Pourtant la délivrance d’un passeport est déjà en soi un acte de procédure policière dont sont exclus les criminels. La sortie du territoire national est également soumise à une vérification systématique sur le terminal policier de la PAF (Police Aux Frontières). Pour les Etats du Sud comme pour les autres ; on a tendance à l’oublier en U.E. ; comme on a trop souvent tendance à dangereusement oublier les Droits de l’homme, en France-même…

La constitution de fichiers de police et la prise d’empreintes digitales sont du ressort du pouvoir régalien et judiciaire d’un Etat (national par définition). Laisser d’autres Etats procéder à ces pratiques policières sur son propre sol relève d’un abandon de souveraineté nationale, donc d’une atteinte à la démocratie et à la dignité nationale, ainsi que pour un Etat quel qu’il soit d’une atteinte aussi, à la protection de la vie privée de ses ressortissants. Combien de pays du Sud et de citoyens de ces pays sont-ils ainsi humiliés par l’U.E. ? Sans être « nationaliste-chauvin », les Etats membres -et leurs citoyens- ne sont-ils pas eux aussi humiliés par cette U.E. ?

Contingentement des visas

Le visa constitue en fait et pour le moment, une exception pour entrer sur le territoire de l’U.E., contrairement à ce que l’on pourrait penser. Selon les statistiques de l’Organisation Mondiale du Tourisme, 480 millions de touristes visitent l’U.E. chaque année, dont seulement 10 millions (mais précisément quels 10 millions d’être humains sont-ils ainsi visés ?) sont soumis à l’obligation du visa, soit 2% !

La France, première destination touristique mondiale avec 80 millions de visiteurs par an, ne délivre en réalité que 2 millions de visas chaque année, soit seulement 2,5% des touristes qu’elle reçoit. L’Allemagne, elle, « modèle » en quelque sorte de l’U.E., délivre un peu moins de 2 millions de visas pour une réception de 25 millions de touristes, soit en fait 8% des visiteurs. Depuis quelques années, les pays de l’U.E. limite la délivrance des visas à une politique de quotas annuels, comme les Etats-Unis d’ailleurs… L’UE veut-elle d’ailleurs ressembler aux EU ? La diminution des quotas de visas pour certains pays, comme l’Algérie, est sensée compenser l’augmentation pour d’autres pays, comme la Russie, la Chine, la Turquie… S’agit-il de « l’immigration choisie » ? De plus quels sont réellement les critères de choix, pas seulement la provenance, mais l’ « utilité économico- professionnelle » ?

Ce durcissement migratoire européen, outre la politique monétaire de l’euro fort, a dégoûté beaucoup de commerçants maghrébins et africains, les poussant finalement à aller jusqu’au Moyen-Orient ou en Asie pour faire leurs achats. Les cadres qui veulent s’expatrier se détourne de l’Europe, et optent surtout pour l’Amérique du Nord. Cela a influé aussi sur une recrudescence de demandes d’asile venant de pays pourtant stables (ou stabilisés depuis plusieurs années) comme la Russie, la Chine, le Pakistan…

On assiste aussi et surtout à une explosion des mariages mixtes pour très souvent contourner l’obstacle consulaire, et obtenir plus facilement un visa en qualité de conjoint d’européen, ou carrément obtenir la double nationalité. Rien qu’en France, les mariages mixtes ont doublé depuis 1996. La hausse est particulièrement visible concernant le Maghreb : +487%, ou la Turquie : +656%

Ankara, capitale turque, candidate à l’adhésion à l’U.E., ne cesse de réclamer la suppression de l’exigences du visa européen pour elle-même et ses ressortissants. La dernière levée des restrictions à la libre circulation aux citoyens et aux marchandises dans la zone Schengen, accordée le 19 décembre dernier aux Serbes, aux Macédoniens et aux Monténégrins, a profondément irrité la Turquie : « Il est inacceptable que certains pays des Balkans qui en sont à l’étape initiale du processus d’adhésion et n’ont pas entamé leurs négociations, se voient accorder le privilège Schengen et pas la Turquie », a réagi le ministre turc des affaires étrangères. Les acteurs économiques turcs déplorent la ségrégation européenne dont ils sont victimes et qui permet de laisser circuler librement leurs marchandises, alors que, eux, doivent passer par la demande (et le paiement) de visa pour leurs voyages d’affaires, même si ce visa est rarement refusé dans ce cas.

L’injustice du visa est encore plus criante pour les maghrébins (anciennement « français » et toujours francophones), voisins immédiats de l’Europe, et confrontés aux pires tracasseries alors que la « dette coloniale » est loin d’être soldée. Le sénateur socialiste français, Louis Mermaz, rappelle que la France a des « devoirs historiques particuliers », vis-à -vis du monde de la francophonie. Il raconte cette anecdote du président Boumédiene qui recevant, en voyage officiel en 1974, le président français Valéry Giscard d’Estaing, lui avait tenu ce propos : « Vous avez voulu faire la France de Dunkerque à Tamanrasset, dont comprenez que mes compatriotes veuillent circuler librement. » [voir Rapport de la Commission sénatoriale d’enquête sur l’immigration clandestine n°300 du 06/04/2006]. En fait, historiquement la France est allé beaucoup plus au Sud que Tamanrasset, et l’étendue du monde francophone actuel donne l’idée de l’étendue réelle de l’ « Union française » décrite par le Déclaration des droits de l’homme et du citoyen sur laquelle s’appuie la République française.

Doit-on rappeler que nombre de maghrébins et d’africains ont participé aux deux guerres mondiales avec l’Armée Coloniale d’Afrique pour libérer la France occupée ? Doit-on rappeler qu’ils ont ensuite massivement contribué à la reconstruction par une immigration de travail, célibataire et masculine, qui se retrouvait seule dans des foyers, et renvoyait l’essentiel de sa rémunération « au pays » pour la subsistance de leurs familles, ne gardant pratiquement rien pour vivre ni pour des loisirs ? Combien de morts et de souffrances pour la France ? Cette émigration aurait pu permettre peut-être une réussite économique (relative), comme pour les émigrés portugais qui ont contribué à la modernisation du Portugal. Ou comme les émigrés espagnols, qui grâce à leur mouvements financiers, ont participé au décollage économique (tout relatif) de l’Espagne. Mais n’oublions pas que pour la France, l’immigration portugaise ou espagnole est une immigration blanche, réputée chrétienne - alors qu’Espagne et Portugal sont maintenant membres de l’U.E. Ensuite l’Europe, et en particulier la France, en persistant à soutenir des dictatures africaines et arabes, a contribué à entraver en partie toutes les amorces de développement économique de ces pays d’émigration.

En fait ce qui a intéressé la France et son patronat depuis plus d’un demi-siècle : c’est une main d’oeuvre bon marché et corvéable à merci. Celle-ci a été fournie - pour la France et son patronat - jusqu’aux années 80-début 90 par une immigration arabo-africaine. Aujourd’hui une immigration blanche, réputée souvent chrétienne, venant d’ex-Europe de l’Est, et souvent maintenant intérieure à l’U.E., fournit une main d’oeuvre meilleur marché et donc « économiquement » plus intéressante ; surtout qu’elle permet aussi -malgré elle- la remise en cause d’acquis sociaux et salariaux en faveur des travailleurs nationaux et immigrés par la France, mais aussi par les gouvernements d’Etats membres dans le cadre de la construction d’une U.E. capitaliste.

De plus, l’Europe vieillissante peine à assurer le renouvellement de ses générations. Le problème de ses pensions de retraite se pose. Ses pays perdront, dans les vingt à trente ans à venir, des millions d’habitants et donc, des millions de bras. Selon le World Population Forum, l’Europe devrait accueillir en moyenne 800 000 immigrés légaux par an au moins jusqu’en 2050.

En vertu de quoi, les maghrébins et les africains seraient-ils écartés - les migrations internes à l’U.E., venant des ex-pays de l’Est, sera biensûr insuffisante -, de ces gros besoins d’immigration en Europe, au profit de pays lointains par une politique restrictive de visas ?… Parce qu’ils sont musulmans ou noirs ? Le refus de régulariser des travailleurs « sans papiers » arabo-africains, pourtant reconnus et déclarés par leurs employeurs, est en soi une réponse cinglante du cynisme européen. Et « choisit »-on en fait une immigration en fonction de sa qualification ou « utilité économico-professionnelle » ?

Un consul général de France en Afrique a parfaitement résumé le sentiment du continent noir : « dans le contexte africain, le visa pour la France est encore perçu comme un droit moral dont chacun disposerait en raison de l’histoire… les refus sont souvent ressentis comme la violation d’un droit historique ». [voir le Rapport de la Commission sénatoriale d’enquête sur l’immigration clandestine n°300 du 06/04/2006]

Le coût exorbitant de l’impôt visa Schengen

Au 1er janvier 2007, les seuls frais de dossiers pour instruction des visas Schengen sont passés de 35 à 60 euros. Pour le Royaume-Uni ils sont de 63 livres (93 euros), et pour les Etats-Unis (USA) ils sont de 100 dollars (73 euros). A ces frais de dossier, s’ajoutent des « frais de service » de 20 euros.

Le calcul est vite fait. L’espace Schengen accorde 10 millions de visa par an, auxquels il faut ajouter 15 à 20 % de visas refusés, mais pour lesquels les frais ne sont pas remboursés. Cela fait 11,5 à 12 millions de demandes de visa par an, qui coûtent 80 euros chacune. Le montant total de l’impôt visa s’élève donc à presque 1 milliard d’euros par an depuis 2007. Cet impôt, payé par des particuliers des pays demandeurs est versé directement au budget des Etats européens. Une partie seulement de cette manne financière est reversée au fonctionnement des Consulats.

A titre d’exemple, en France, « le budget du ministère des affaires étrangères ne bénéficie que de 50% du produit de la recette des frais de dossiers de demandes de visas, ce qui constitue un progrès par rapport à une période récente où les services des visas ne bénéficiaient pas d’un droit de retour automatique sur les frais de visas. » [voir le Rapport d’information de l’Assemblée nationale française sur la politique européenne des visas n°3764 du 21/02/2007]

Ce montant fiduciaire n’est pourtant que la partie visible du coût exorbitant de la procédure supporté par les ressortissants des pays demandeurs d’un visa Schengen. Sans même faire un calcul économique, s’il est vrai que le temps c’est de l’argent, on imagine l’énorme gâchis de temps perdu -et son coût- à réunir tous les documents exigés, mais aussi la gymnastique financière pour se procurer des devises très souvent au marché noir, pour prouver ses moyens de subsistance, les frais de déplacement pour « comparaître personnellement » auprès des Consulats, la mobilisation solidaire -et parfois payante- autour du demandeur de visa, l’absentéisme sur les lieux de travail, etc…

L’injustice est d’autant plus grande que les touristes européens qui se rendent par millions dans la plupart des pays arabo-africains ne sont pas soumis à cette obligation du visa. Le voyageur européen peut réserver son billet et son séjour depuis chez lui, par téléphone ou Internet, et se rendre directement à l’aéroport, sans perdre une seule seconde à « demander une autorisation de voyager ». C’est le cas pour voyager vers des pays réceptifs comme la Turquie 25 millions de touristes par an, l’Egypte 10 millions, le Maroc 7 millions, la Tunisie 7 millions, et qui n’imposent pas de visa aux européens.

Ces pays, fortement dépendants de l’activité touristique, n’ont apparemment jamais pensé à « récupérer » d’une façon ou d’une autre (obligation d’un visa par exemple, ou des taxes de rentrée sur le territoire…) auprès de ces voyageurs, l’impôt-visa Schengen payé par leurs propres citoyens. La moindre des décences devrait inciter l’Europe à exempter des frais de visa les ressortissants de ces pays paisibles, hospitaliers et coopératifs. L’U.E. devrait aussi penser à restituer cet impôt-visa aux Etats pauvres -en premier lieu pour des raisons historiques vers ceux qui sont francophones…

Ces millions de touristes européens confirme bien l’effet « cocotte-minute » existant dans tous les pays du monde, et le besoin irrésistible de transhumance de tout être humain, pour sortir de sa routine quotidienne, aller respirer ailleurs, se ressourcer, prendre du recul pour un nouveau départ.

Tous les malheurs de l’émigration clandestine vers l’U.E. -et la France en particulier-, les décès par noyades en Méditerranée, des drames personnels et familiaux, les humiliations devant les Consulats n’existeraient pas si les individus pouvaient circuler sans visa, en toute légalité, contrôlés par le passeport, tout simplement, aller, revenir, repartir de leurs pays librement et sans contrainte, à condition qu’ils respectent la loi.

La France aurait intérêt de justice à mener une politique d’immigration, qui nationalement lui serait propre, éloignée de celle de l’U.E. (un peu comme l’Angleterre et le Commonwealth) et plus conforme à ses Droits de l’homme et à sa généreuse laïcité. Elle devrait semble-t-il redéfinir l’ « Union française » mentionnée dans le préambule de sa Constitution, sans racisme exclusif, et adopter un traitement différent pour les ressortissants des pays du monde francophone : la France -sans « repentance » inutile, ce qui est très différent du « devoir de mémoire » nécessaire- commencerait enfin à assumer sa lourde responsabilité historique postcoloniale.

D’après un texte originel de Saad LOUNES (Algérien francophone)
http://www.saadlounes.com

Rapporté du Maroc, et adapté par Esteban MIGUEL (Français depuis 3 générations).

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