Dans les villes des pays industrialisés, comme des pays en développement, un nombre de plus en plus grand de citoyens, cherchent à retrouver une autonomie qui soit à la fois alimentaire, mais aussi économique et politique. Une des raisons est qu’au plan écologique, le commerce mondialisé et libéralisé, qu’il soit ou non équitable nuit majoritairement à la planète, accroît les distances de transports et donc les émissions de carbone et le réchauffement climatique. Pour éviter les écueils de ce système de production, les objecteurs de croissance privilégient une relocalisation de la production alimentaire notamment et cherchent à n’importer que ce qui ne peut être produite sur place, afin de développer l’autonomie économique, mais aussi politique.
La relocalisation économique s’inscrit dans une lutte contre la délocalisation et la perte d’autonomie du développement alimentaire et économique local. Elle consiste à produire localement afin de développer son autonomie économique, politique, culturelle et à diminuer son empreinte écologique et son empreinte carbone notamment. Serge Latouche défini la relocalisation comme le fait de « produire localement pour l’essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d’entreprises locales financées par l’épargne collectée localement ». Pour l’objection de croissance, les 8 « R » de Latouche, forment le cercle vertueux de la construction d’une société écologique soutenable, la réévaluation constitue logiquement la première action et la base du processus. « Toutefois, la relocalisation représente à la fois le moyen stratégique le plus important et l’un des principaux objectifs de ce dernier. Cela traduit en quelque sorte l’application du vieux principe de l’écologie politique : penser globalement, agir localement (...). Il y a d’abord ceux qui veulent « vivre et travailler au pays » (...). On a même forgé un vocable, « glocal », pour désigner cette nouvelle articulation entre le global et le local [1].
La mondialisation néolibérale s’oppose à la relocalisation agricole et alimentaire
La relocalisation économique s’inscrit dans une lutte contre la délocalisation et la perte d’autonomie du développement économique local. Elle consiste à produire localement afin de développer son autonomie économique, politique, culturelle et à diminuer son empreinte écologique et son empreinte carbone notamment. Serge Latouche défini la relocalisation comme le fait de « produire localement pour l’essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d’entreprises locales financées par l’épargne collectée localement ». Pour l’objection de croissance, les 8 « R » de Latouche, forment le cercle vertueux de la construction d’une société écologique soutenable, la réévaluation constitue logiquement la première action et la base du processus. « Toutefois, la relocalisation représente à la fois le moyen stratégique le plus important et l’un des principaux objectifs de ce dernier. Cela traduit en quelque sorte l’application du vieux principe de l’écologie politique : penser globalement, agir localement (...). Il y a d’abord ceux qui veulent « vivre et travailler au pays » (...). On a même forgé un vocable, « glocal », pour désigner cette nouvelle articulation entre le global et le local [2].
Les mouvements écologistes cherchent à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc autogéré.
COMMENT CONSOMMER EQUITABLE ET ECOLOGIQUE ?
Tandis que le secteur du commerce équitable se développe doucement, l’intérêt des consommateurs pour l’écologie, lui s’accélère rapidement. Au point que nombre d’entre eux, considèrent parfois, que l’écologie (favorisée par la consommation de proximité) et le commerce équitable s’opposent, notamment à cause du dégagement de CO2, lié au transport, un des facteurs importants du réchauffement climatique et de l’empreinte écologique. Or, il existe néanmoins des approches ou ces deux courants peuvent coexister, tels que le commerce équitable Sud-Sud ou la relocalisation sélective.
L’écologie est-elle compatible avec le commerce équitable Sud-Nord ?
Selon la Commission mondiale sur l’environnement et le développement (1988), l’amélioration des conditions de travail renforce les chances de préservation de l’environnement et donc de s’orienter vers une production soutenable. Car, plus un pays dispose de richesses financières, plus il dispose potentiellement de la capacité à assumer le coût de la protection de son environnement. Cependant, le commerce équitable s’avère limité par le principe écologique, qui suppose de diminuer les distances de transport qui accroissent les émissions de carbone. C’est-à -dire que ne doit être importé que ce qui ne peut être produit sur place, afin de limiter la pollution liée aux transports et l’autonomie alimentaire. Par exemple, en Suisse, le « label bio » Bourgeon interdit les transports par avion et les matières premières importées, ne doivent pas dépasser 90%, tandis que pour le « label Bio suisse » de Bourgeon, la limite autorisée descend à seulement 10%. En 2010, il existait environ 800 exploitations de production ou de commercialisation qui bénéficient de ce label. En effet, plus la production se rapproche du consommateur, moins cela engendre de pollution, c’est le processus inverse du commerce équitable.
L’objection de croissance socialiste autogestionnaire, implique notamment de cesser le productivisme effréné de la société de consommation, de développer l’économie de proximité en la relocalisant, de diminuer la pollution liée aux transports, de consommer des fruits locaux, donc de saison, d’éviter la concurrence avec les petits producteurs locaux au Nord… Certains écologistes considèrent donc qu’il faudrait supprimer le commerce éthique et équitable, car il nuit à une production véritablement « écologique et durable ». D’autres, moins radicaux, envisagent plutôt une « décroissance sélective », tels Nicolas Hulot, ou une « relocalisation sélective » de l’économie, tel Thomas Coutrot, le coprésident d’Attac. Cela consisterait à relocaliser la majorité de la production de chaque nation, tout en conservant une part mineure des importations en provenance de pays étrangers et lointains. Car, si vous résidez à Lille, importer des marchandises indispensables, issues de la Belgique, peut s’inscrire dans la démarche de relocalisation sélective, d’un point de vue écologique. Par contre au plan de l’autonomie économique, les critères deviennent alors encore un peu plus restrictifs. Dans le cas d’une décroissance et d’une relocalisation sélective, certains secteurs peuvent continuer à croître, comme la production alimentaire, tant que les besoins essentiels au Sud ne seront pas satisfaits, tandis que d’autres comme les transports, devraient décroître dès à présent, au Nord comme au Sud. Les échanges internationaux ne seraient pas non plus interrompus complètement, mais limités aux secteurs indispensables.
Ainsi, la solidarité internationale ne serait pas interrompue, mais mieux pensée, afin de permettre un développement favorisant l’autonomie économique et politique, avec la préservation des ressources non renouvelables et plus généralement l’écologie. On le voit chacun des choix d’actions de solidarité internationale, suppose une réflexion profonde qui doit prendre en compte chacun des éléments du « système monde » dans une perspective systémique.
Un développement agricole autonome suppose une relocalisation sélective et une baisse des transports.
Dans les années 70, les pays non alignés revendiquaient un développement autocentré, notamment par la voix de l’économiste Samir Amin (1972). Un projet de développement pérenne devrait s’appuyer sur la satisfaction des besoins essentiels, l’autonomie et le respect de l’identité culturelle observe Roy Preiswerk [3].
Comme l’ensemble des actions de développement, une action peut aboutir à l’effet inverse, lorsqu’elle entraîne une perte de l’identité culturelle, une perte de l’autonomie économique et politique, une diminution de l’agriculture vivrière (Galtung, 1975). Cette dernière signifie que l’agriculture doit permettre aux populations de se nourrir par elle-même et non orienter la production locale vers l’exportation de céréales, tels le thé, le café, qui ne relèvent pas d’une consommation locale essentielle... Or, le commerce équitable tend vers cela.
Ces principes et ceux de la « production soutenable écologiquement » entrent en conflit avec ceux de la mondialisation libérale. Mais le sont-ils aussi avec les principes du commerce équitable fondés notamment sur le développement de la solidarité mondiale et de partage des richesses ? En effet, un développement autonomie, suppose une relocalisation globale ou sélective (c’est à dire partiel), de même que le droit à un certain protectionnisme. L’autonomie économique s’avère d’ailleurs la condition préalable à l’ouverture économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales étrangères. Certaines ONG, tels les membres de MINGA (une fédération d’acteurs du commerce équitable cherchant à intégrer les principes de la décroissance) cherchent en plus, à ce que les produits du Sud, qu’elles vendent dans les pays industrialisés, ne concernent pas une part trop importante de la production de la coopérative, pour lui permettre de conserver suffisamment d’indépendance.
Tandis que la mondialisation libérale renforce, la dépendance vis-à -vis de l’extérieur, les transports et la pollution, à l’inverse, dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent pédestres, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l’environnement et leur vitesse était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout du monde. Concilier commerce équitable et décroissance, suppose donc de limiter la consommation de produits « indispensables » et d’user de modes de transport non polluant. De plus dans 40 à 80 ans les réserves de pétroles devraient être épuisées, il ne restera alors plus que la voile, telle que la marine marchande en a fait usage, pendant des siècles, ou la découverte d’énergies non polluantes et renouvelables. Mais actuellement ces dernières restent du domaine de la spéculation.
Le secteur du commerce équitable alimentaire : Nord-Sud, Sud"‘Sud ou Nord"‘Nord ?
Traditionnellement, on considère que commerce équitable concerne les relations Nord-Sud, cependant Minga estime que les relations Sud-Sud et même Nord-Nord doivent aussi être développée. Par exemple, le siège d’Oxfam aux Philippines vend de manière croissante des produits à des magasins Oxfam de Bangkok. Minga, de même que la Confédération paysanne, pensent que le concept de commerce équitable doit aussi recouvrir les relations de solidarité commerciale Nord/Nord. L’économie de proximité (Amap), l’économie solidaire, par exemple pourrait s’inscrire dans ce cadre.
Cependant, l’association Max Havelaar, considère que la situation sociale des pays en développement est telle, qu’on doit les distinguer par en créant plutôt un label « commerce solidaire » pour le commerce Nord/Nord et un « label commerce équitable » pour le Sud/Nord. En effet, les niveaux de salaires et de revenus des plus pauvres sont misérables (de 30 à 60 $/mois), il existe du travail des enfants, du travail forcé, des durées de travail de 15h/jour, etc. Alors qu’en France, salaire minimum légal, s’élève à 1055 euros nets et les plus pauvres ne meurent pas de faim.
Les ONG qui entendent concilier commerce équitable, écologie et autonomie économique cherchent à importer des produits du Sud, se limitant par exemple à l’artisanat local (objets d’art, vêtements…), afin de ne pas diminuer leurs cultures vivrières, ou de ne pas concurrencer les petits producteurs au Nord, qui vendent du miel près de chez eux par exemple. Elles n’importent que des aliments, comme le chocolat, ou le café, ne pouvant être cultivés dans les pays industrialisés. Cependant, même ce type d’aliment peut limiter l’agriculture vivrière, dans la mesure où les populations locales ne peuvent pas se nourrir principalement de café par exemple. Dans certaines régions d’Amérique du Sud, comme en Bolivie, le développement du quinoa équitable, se développe tellement, qu’il déséquilibre et désorganise, la production des autres céréales et donc perturbe l’autonomie alimentaire locale. D’autres produits ne peuvent pas être produits aux Nord, par exemple les tapis indiens labellisés par Step-Suisse, et plus généralement l’artisanat s’inscrivant dans une culture spécifique.
Quel que soit le choix qui sera fait, on observe d’ores et déjà , une concurrence entre certains produits labellisés bios et commerce équitable et les produits bio français, par exemple des producteurs de miel local, se trouve parfois en concurrence avec un producteur de miel équitable provenant du Sud.
Cependant, étant donné que le commerce équitable ne représente qu’une part infime du commerce mondial (0,02%), ce type de dérive, n’a quasiment aucune incidence au plan macroéconomique, et l’impact négatif lorsqu’il survient se limite actuellement à des secteurs commerciaux très circonscrits. Néanmoins, il faut le prendre en compte dans la réflexion pour un modèle de production alternatif et du point de vue de l’éducation populaire, de la prise de conscience citoyenne, qui est actuellement un des intérêts principaux du commerce équitable.
Ainsi, à long terme, on peut imaginer que la majorité du commerce équitable serait Sud-Sud et Nord-Nord (commerce solidaire), tandis qu’une faible part des flux commerciaux classiques et équitables porteraient sur les relations entre le Sud et le Nord.
Écologie et solidarité internationale en matière alimentaire sont indissociables.
En effet, la priorité des populations les plus pauvres consiste à satisfaire leurs besoins essentiels et ensuite seulement à s’intéresser aux questions écologiques. Car, on meure plus rapidement du manque de nourriture, lorsque l’on ne vit qu’à avec 1$/jour, que de la pollution. Concilier écologie et développement autonome, suppose donc de permettre économiquement et culturellement, aux plus démunis, de prendre en compte, dès le départ, les besoins essentiels et l’écologie. Sinon, cette dernière restera lettre morte. Or, le nombre des populations pauvres dans le monde reste majoritaire, par rapport à celui des populations riches, vivant notamment dans les pays industrialisés.
En tout cas, pour ceux qui refusent d’appliquer une politique écologique malthusienne, consistant à laisser mourir de faim, les populations les plus pauvres. Car ce type de politique malthusienne néolibérale, s’oppose à une redistribuant des richesses mondiales, mais s’autorise à exploiter les ressources des pays en développement.
Liepietz souligne aussi, qu’il « y a toujours une articulation de deux stratégies, en ce sens que même dans un développement très autocentré, il faut une source de financement qui permet l’achat de produits de la ’’grande économie’’ mondialisée (des ordinateurs, des téléviseurs...). Cette source, c’est la redistribution nationale (administration, dépenses sociales) ou les exportations locales. Un projet de développement de pays intègrera par exemple le tourisme à la ferme, ou la production bio et fermière de qualité » [4].
La préservation des biens communs agricoles suppose une régulation publique internationale démocratique fondée sur la subsidiarité.
Pour parvenir à démocratiser la société, il s’agit selon les écosocialistes d’appliquer une régulation fondée sur le principe de subsidiarité (une décision ne doit être prise au niveau supérieur, que si elle ne peut pas être décidée au niveau inférieur). Cela signifie que les acteurs économiques et sociaux disposeront de la libre initiative, à l’exception des obligations décidées par les autorités publiques démocratiques (pouvoirs publics et parties prenantes).
Au niveau national, la subsidiarité signifie que chaque Etat, étant souverain, dispose du droit de gérer lui-même ses ressources (renouvelables ou non). Le fait de choisir de manière légitime une régulation au niveau nationale s’appuie sur le principe de la nécessité de l’autonomie, de l’efficacité (plus les acteurs sont proches du sujet, plus ils connaissent les besoins), et sur le développement d’une culture spécifique. Nous développerons ces éléments ensuite.
Néanmoins il est difficile d’éviter une certaine tension dans les négociations entre les instances situées à la base et le sommet, entre le local et le national, voir l’international. En effet, si la l’autonomie locale est un fondement des politiques économiques libertaires ou décroissante, certains secteurs ne peuvent néanmoins pas être complètement délégué au niveau local. En effet, la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres », c’est à dire lorsqu’une action locale nuit à l’existence des autres, par exemple une centrale nucléaire qui fuirait ou une production de carbone par habitant, ou empreinte écologique non équilibrée. Cependant, si un pays applique à la fois les principes de relocalisation et d’empreinte écologique, mais que cette dernière s’avère supérieure à la limite égale par individu (1,8ha/hab en 2009), alors les habitants disposeraient du droit de choisir librement de compromettre leur production future, en puisant exagérément dans les ressources non renouvelables. En effet, l’empreinte écologique puise dans les seules ressources locales, si et seulement si, elle est limitée à au frontière nationale, or quasiment aucun pays ne fonctionne ainsi actuellement.
{{}} |
Culture Moderne(du capitalisme occidental techno-industriel) |
Culture traditionnelle (des peuples premiers) |
Culture postmoderne(de la décroissance autogestionnaire) |
Localisation de la production |
SpécialisationDomination du centre sur la périphérieInégalité des termes de l’échangeOuverture des marchés |
Production localeEchanges limités essentiellement aux nomades |
Autonomie locale et nationale, avant d’échanger Relocalisation sélective de la production |
La relocalisation de la production suppose néanmoins une planification démocratique globale.
En ce qui concerne la relocalisation de la production, se pose alors la question de la coordination au niveau régional, national voir international, lorsque c’est nécessaire, par exemple sur les taux d’émissions de CO2, ou l’empreinte écologique. Dans ce cas l’objection de croissance socialiste autogestionnaire envisage une planification démocratique, c’est à dire que chaque fédération de travailleurs décide au niveau local, régional, national et international ce qui ne peut être produit localement et qui doit être produit au niveau supérieur. Nous préciserons plus loin, les différents systèmes possibles de la planification démocratique. Au niveau national la production de train semble un niveau de décision adapté par exemple, car il serait peut rentable que chaque région crée sa propre coopérative de production de train à l’échelle française.
Les besoins essentiels, le développement autonome et l’identité culturelle sont les trois principes d’un projet d’autonomie alimentaire.
De plus, ils sont interdépendants et synergiques. Rappelons au préalable, que d’une part, le développement économique et social est souvent une nécessité vitale, pour les populations n’ayant pas atteint le niveau de l’empreinte écologique moyenne et soutenable pour l’humanité. D’autre part le développement n’est pas qu’économique, mais il peut aussi être social ou culturel. Il s’agit de différencier la notion de croissance, qui relève du quantitatif, du développement qui s’inscrit surtout dans le qualitatif. Il est donc possible de décroître quantitativement, tout en développant qualitativement, l’éducation, la culture, les services, la santé...
La stratégie des besoins essentielles est un des fondements de la décroissance, dans la mesure ou cette dernière cherche à créer une société ou les besoins essentiels seront satisfaits, mais que les individus sauraient autolimiter leurs besoins (Castoriadis 1996, IV : 137), afin de développer une « sobriété heureuse » (Rabbi) dans à un monde ou les ressources matérielles et agricoles sont limitées.
En matière agricole, la culture technologique du capitalisme industriel, pousse vers une utopie prométhéenne de la technique, comme solution à tous les problèmes. Elle prend une orientation relativement contraire à l’optique de la technologie appropriée, car dans « sa vision du monde » (Weltanschauung en allemand),, tous doivent adopter les technologies de pointes de l’occident, représentant le fleuron du progrès pour l’humanité. Certains espèrent par exemple, que les ressources non renouvelables (pétrole, uranium, métaux…) pourront être recrées notamment grâce aux nanotechnologies, en reconfigurant les atomes un à un pour recréer par exemple les métaux qui auront été épuisés. Or, le pouvoir de la technique (du technicien et du technocrate) crée à la fois une dépendance de la population et un ascendant vis à vis du peuple, qui ne peut en maîtriser et en mesurer tous les impacts négatifs. D’ailleurs comme le souligne Jacques Ellul (1997) [5] la technique domine elle-même ceux qui cherchent à l’utiliser comme solution unique pour résoudre les problèmes de l’humanité. L’approche techniciste tend à mettre en avant les valeurs utilitaristes d’efficacité et de progrès technique, au détriment des besoins de l’homme, de la culture et de sa relation à la nature. Bruno Latour souligne à ce propose que « les techniques appartiennent au règne des moyens et la morale au règne des fins, même si, comme Jacques Ellul en a témoigné il y a bien longtemps, certaines techniques finissent par envahir tout l’horizon des fins en se donnant à elles-mêmes leurs propres lois, en devenant ’auto-nomes’ et non plus seulement automatiques » (Latour, 2000 : 19) [6].
En répondant aux besoins des populations, en stimulant par exemple la production des cultures vivrières, en permettant l’éducation de base, en répondant aux besoins locaux avant de suivre la demande internationale, le pays devient ainsi plus autonome et peut assurer sa croissance à long terme.
La participation communautaire est une des applications de ce modèle de ’développement tripartite.’ Mais, pousser trop loin ces trois principes du développement poussent vers certains excès. Trop de « self reliance » conduit à l’autarcie sclérosante, l’exacerbation de l’identité culturelle pousse vers un nationalisme destructeur et la satisfaction des besoins essentiels devient à nouveau un moyen de conserver les privilèges des plus riches, avec un système à deux vitesses. La vigilance et le discernement restent donc nécessaires, lorsque l’on s’appuie sur ces trois piliers du développement.
Le capitalisme libéral mondialisé est fondé en particulier sur l’avantage comparatif et la division internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en voie de développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés (Ricardo) [7]. Il s’appuie aussi sur la domination du centre sur la périphérie, l’inégalité des termes de l’échange (Emmanuel, 1969) [8] renforcé par une ouverture « forcée » des marchés nationaux au nom du néolibéralisme, en particulier par l’OMC, appuyé par les institutions de Bretton-Woods. A l’inverse la décroissance autogestionnaire, cherche à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc autogéré.
La technologie appropriée en agriculture est un moyen de conjuguer l’autonomie et l’identité culturelle.
C’est aussi l’opportunité de découvrir des techniques spécifiques à un pays ou d’adapter des technologies extérieures aux besoins du pays. Il s’agit par exemple de l’utilisation de la traction animale pour labourer son champ, plutôt que de l’utilisation d’un tracteur à la fois cher et qui ne peut être réparé par manque de pièces disponibles sur place et des connaissances nécessaires.
La production extensive et naturelle permet une forte productivité et l’accès à l’autonomie
C’est ce que nous montre le film documentaire, « Herbe » sorti en 2008, réalisé par Matthieu Levain et Olivier Porte. Il se déroule dans la Bretagne paysanne. Alors que des fermes se sont engagées depuis plusieurs années dans une agriculture autonome, durable et performante, la majorité de la profession refusent cette approche. Ce film illustre très bien, deux orientations opposées de la production agricole. D’un côté la production extensive et naturelle et de l’autre, la production agro-industrielle qui est intensive, productiviste, chimique, modifié génétiquement et fortement irriguée. Cette dernière approche est le résultat de l’industrie agro-alimentaire et du complexe pétro-chimique de transnationales, telle Monsanto. Elle a pour objectif de vendre plus d’engrais et de pesticides qui proviennent en large partie de la production de pétrole. Cette orientation qui s’est fortement accélérée durant ce que l’on a appelé la révolution verte au cours de la période 1944-1970. Mais cette dernière devrait plutôt être qualifiée de révolution industrielle de l’agriculture, dans la mesure ou il se s’agit que de la couleur verte des plantes et non pas du vert de l’écologique. Cette approche est encore renforcée par le fait que les faits que les ingénieurs agronomes sont formés dans cette optique. D’ailleurs les lobbies de l’industrie font pressions de diverses manières afin que les ingénieurs, soient formés ainsi.
Or, ce mode de production fondé sur le pétrole et la mécanisation va devenir de plus en plus coûteux du fait de la raréfaction du pétrole. Il a déjà un coût très important en terme même simplement financier, car les agriculteurs de ce type doivent emprunter aux banques privées. Ces prêts vont leur permettre d’acheter de gros tracteurs, de grands systèmes de traites automatisées, de fabriquer de très grosses exploitations agricoles, capables d’accueillir un gros troupeau de vaches laitières et de les nourrir, mais aussi de stocker du mais et du soja qu’ils produisent eux-mêmes. Ce modèle de production industrialisé, permet de produire beaucoup, avec très peu de personnel. Cependant cela à plusieurs inconvénients. Le premier c’est qu’il a un coût financier très important, ce qui oblige les agriculteurs à travailler de très longues journées à un faible salaire, afin de rembourser leurs emprunts aux banques. C’est par contre un mode de production très rentable pour le capitalisme bancaire et pétrochimique.
A l’inverse les paysans qui ont choisis de nourrir leur troupeau avec de l’herbe en laissant paître leur troupeau dans les prairies, n’ont pas eu besoin de faire de prêts si importants. Le mode de production naturel et extensif peut-être qualifiée de post-moderne, dans la mesure ou elle cherche à conjuguer certains avantages de l’agriculture moderne (un petit tracteur) et de l’agriculture traditionnelle (laisser les vaches brouter l’herbe qui pousse grâce aux seules force de la nature : la terre, la pluie et le soleil). Ainsi, dans ce film on constate, que les salaires mensuels de ce type de paysans sont relativement proche de ceux de l’agriculture industrialisés, mais par contre leur salaire horaire est considérablement plus élevés, car ils ne travaillent environ 30 à 50% de temps en moins !
Conclusion
Une politique de relocalisation permet de retrouver une autonomie alimentaire, développer de diminuer l’empreinte carbone, et l’empreinte écologique et les pollutions diverses.
La relocalisation, favorise aussi l’autonomie économique et politique, d’une localité, d’une région ou d’un pays. Un développement économique local social et écologique, doit prendre en compte l’identité culturelle, l’autonomie et les besoins essentiels selon Preiswerk. Un développement (qualitatif) et une croissance (quantitative) sont nécessaire dans les pays et auprès des populations, pour lesquelles la satisfaction des besoins essentiels n’a pas été atteinte et dont l’empreinte écologique par habitant se situe sous le seuil maximal l’empreinte écologique par habitant (1,8ha/hab en 2005).
Cependant, l’autonomie économique, ne signifie pas pour autant égoïsme nationaliste. Une part des richesses, de la production et des services peut continuer à être échanger, entre pays, dans un but de solidarité (sans ingérence) et produire les biens essentiels qui ne peuvent être créer sur place. La redistribution des richesses au niveau local, régional, national et international va de paire avec la relocalisation et un certain protectionnisme. En revanche, ce dernier et la redistribution ne doivent pas être détournés et les prêts ne doivent pas devenir des dettes permettant d’assurer une domination politico-économique comme c’est le cas du FMI envers les pays les plus pauvres et maintenant certains nations européennes.
Sans l’autonomie économique, l’autonomie politique est quasiment impossible. Cette dernière permet à la population et à ses représentants élus de décider par eux mêmes de leurs orientations sociétales, sans être dépend du pouvoir d’autres acteurs économiques (les banques et leurs créances) ou publiques (les organisations internationales, tel l’OMC, le FMI, ou des Etats puissants comme ceux du G8). L’autonomie politique est fondée sur la subsidiarité, le fait de ne décider à un niveau supérieur que ce qui ne peut être décidé au niveau inférieur.
Thierry Brugvin
Sociologue
Auteur du livre, Les mouvements sociaux face au commerce éthique, Hermès, 2007