RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Venezuela : Comprendre la guerre qui vient - (2/5) - Constitution d’une armée parallèle

L’alliance civico-militaire est un des piliers de la Révolution Bolivarienne. Elle puise ses sources dans l’histoire de l’indépendance du Venezuela, et amène les forces armées à jouer un rôle primordial dans la vie politique de la Nation. Les appels du pied de l’opposition aux militaires pour tenter de renverser Hugo Chávez, puis Nicolas Maduro, ont été récurrents depuis l’avènement de la Révolution bolivarienne en 1999. L’armée est l’objet de toutes les attentions et de toutes les convoitises.

Depuis 2002, de nombreux ex militaires, généralement corrompus, ont pu être captés par l’opposition ou se sont soustraits à la justice de leur pays en devenant des informateurs des Etats-Unis (1). Avec l’autoproclamation de Juan Guaido comme président, les soldats vénézuéliens sont devenus une cible prioritaire des Etats-Unis. A quel commandant en chef les forces armées vont-elle se rallier dès lors qu’il y a, en apparence, deux présidents de la République ?

Dès le 18 janvier 2019, l’opposition lance l’opération Amnistie. L’Assemblée nationale, en outrage judiciaire et dont les décisions sont nulles et non avenues, approuve une loi d’amnistie pour les militaires qui reconnaitraient Juan Guaido comme président. Les autres s’exposeraient à des représailles judiciaires, et aux sanctions de Washington. Les militants de l’opposition et les médias privés se rendent aux portes des garnisons pour harceler les soldats vénézuéliens. Peine perdue.

C’est le 23 février 2019 que va se jouer un tour de force contre les membres des forces armées. Cette date avait été retenue par les Etats-Unis et leurs alliés vénézuéliens pour faire passer en force un convoi « d’aide humanitaire ». Les 20 tonnes proposées étaient dérisoires si on les compare aux importations de nourriture et de médicaments réalisés par le gouvernement vénézuélien. Mais le but de l’opération était autre. Il s’agissait de tester la loyauté des forces armées.

L’armée est la garante de la défense de la souveraineté du territoire. La frontière ayant été fermée par le gouvernement bolivarien, l’entrée des « convois humanitaires » aurait signifié le refus des militaires d’obéir à leur commandant en chef, le président Nicolas Maduro. A la fin de la journée, les ennemis du Venezuela bolivarien ne pouvaient que constater que l’ensemble des militaires était resté fidèle à la Constitution et au gouvernement légitime. Ce qui ne manquera pas de provoquer l’ire de Mike Pence, le vice président des Etats-Unis contre Juan Guaido (2).

Pour appuyer cette offensive, l’opposition a fait circuler de nombreux appels à la désertion, promettant même 20.000 dollars à chaque soldat qui abandonnerait le gouvernement légitime. La récompense augmentant selon le grade. Cette opération avait un but précis : construire médiatiquement l’image d’une armée de vénézuéliens prête à en découdre avec le président Maduro. Une sorte « d’Armée Vénézuélienne Libre », construite sur le modèle déjà testé en Syrie.

Selon les chiffres les plus optimistes de l’opposition, à peine 0,2% des forces publiques de sécurité et de défense a déserté (3). Il n’y a eu aucune désertion collective, aucun commandant de troupes avec son bataillon n’a répondu positivement à l’appel de Juan Guaido. Ces désertions individuelles ont toutes été motivés par l’appât du gain et non par la volonté politique de renverser le gouvernement bolivarien ; encore moins par le désir de mettre son pays à feu et à sang. En effet, la plupart des militaires qui pourraient revenir se battre sur le sol de leur Patrie ne sont pas nombreux, et ont fuit le Venezuela depuis longtemps (4). Mais l’objectif recherché tient plus à la construction médiatique d’une armée vénézuélienne luttant pour la « liberté dans son pays » qu’à sa réelle constitution. Cette armée fantoche permettrait d’accréditer la thèse d’une « guerre civile », et rendrait légitimes de possibles ingérences militaires étrangères, à la demande de ces « militaires vénézuéliens ».

Les récents déserteurs ont pu expérimenter à leurs dépens cette stratégie. Alors qu’on leur avait promis monts et merveilles s’ils trahissaient leur Patrie, ceux-ci se retrouvèrent très vite abandonnés à leur sort dans la zone frontalière colombienne, allant même jusqu’à exiger le gite et le couvert à leur « président » Guaido. Pour les politiciens d’opposition, il ne s’agit ni d’un oubli ni d’une faute politique.

En les abandonnant à une misère certaine, avec l’impossibilité de retourner dans leur pays, l’opposition les précipite dans les rangs des nombreux groupes paramilitaires présents le long de la frontière, et auxquels les déserteurs commencent déjà à monnayer leur connaissance (5). La désobéissance dans ces structures d’extrême droite étant punie par la mort, ils n’auront d’autre choix que d’être la face vénézuélienne de ces bataillons criminelles (6).

Le fiasco du coup d’Etat du 30 avril 2019 a finalement participé à cette même stratégie. De nombreuses fake news originaire du Pentagone ont laissé croire que des hauts gradés bolivariens étaient en négociation avec l’opposition. En réalité, il est apparu que Washington et ses sbires vénézuéliens ont été dupés. Mais qu’importe, par le truchement du système médiatique international, cette défaite patente a finalement servi pour laisser croire que l’armée vénézuélienne compterait de nombreux déserteurs potentiels dans ses rangs.

Le nombre de désertions augmentera certainement au fur et à mesure que les menaces ou les hostilités des Etats-Unis grandiront. Sans pour autant fracturer l’armée bolivarienne. L’étape suivante sera alors de grossir artificiellement, via le réseau d’ONGs de l’opposition (7), le nombre de ces désertions afin de légitimer dans l’opinion publique internationale l’existence d’une armée vénézuélienne aux ordres de Juan Guaido, et de transformer une guerre d’agression étrangère contre le Venezuela en un conflit interne. Cette construction d’une armée parallèle entre dans une stratégie de conflit institutionnel, et de substitution des pouvoirs politiques légitimes.

Dès juillet 2017, en toute illégalité, l’opposition a créé un Tribunal Suprême de Justice « en exil » basé au Panama, ainsi qu’un poste de Procureur Général de la Nation « en exil » à Bogota. Depuis le 23 janvier, l’opposition a même constitué une présidence parallèle, avec à sa tête Juan Guaido. Ces instances fantoches essaient depuis de se substituer aux pouvoirs légitimes vénézuéliens. La lutte institutionnelle rejoint désormais le terrain militaire. Jusqu’à maintenant l’armée vénézuélienne ne s’est pas fissurée car une des ses préoccupations principales est d’éviter une confrontation interne et une guerre civile. Ce qui nous amène à nous demander qui donc formera le gros des troupes de « l’armée de Guaido » ?

Romain MIGUS

Prochaine partie : Les combattants vénézuéliens (déserteurs, civils, et pègre locale)

EN COMPLEMENT : Interview d’Orlando Maniglia Ferreira, ancien ministre de la Défense du Venezuela

»» https://www.romainmigus.info/2019/05/comprendre-la-guerre-qui-vient-2e.html

(1) Citons quelques uns des militaires vénézuéliens qui ont trahi leur Patrie depuis l’accession au pouvoir d’Hugo Chávez. Cette liste de généraux ou de hauts gradés est très loin d’être exhaustive : Nestor Gonzalez, Manuel Rosendo, Hector Ramirez, Giussepe Piliery, Raphael Isea, Raul Baduel, Hugo Carvajal, Cliver Alcala, Miguel Rodriguez Torres, Oswaldo Perdomo, Leasmy Salazar, etc.

(2) “Mike Pence recrimina a Guaidó por su fracaso en Venezuela”, Telesur, 28/02/2019, https://www.telesurtv.net/news/mike-pence-reclamo-juan-guaido-fallo-intervencion-militar-venezuela-20190228-0023.html

(3) Le calcul est fait à partir des 1000 déserteurs revendiqués par l’opposition en fonction des 235.000 militaires et 190.000 policiers actifs. Ce chiffre baisse considérablement si l’on incorpore dans les calculs les 2.000.000 de miliciens bolivariens.

(4) Nous pensons ici aux militaires qui se sont opposés d’entrée au projet politique d’Hugo Chávez, ainsi que des éléments qui n’ont pas hésité à commettre des attentats terroristes sur le sol vénézuélien. Néanmoins, ces militaires contrerévolutionnaires radicaux ont quitté l’armée et le pays il y a plusieurs années.

(5) Voir L’interview de Efren Fernandez, porte parole des déserteurs vénézuéliens en Colombie réalisé par Audrey Carrillo pour W Radio, 16/04/2019, https://twitter.com/AudreyCarrillo/status/1118174563865636870

(6) Jorge Chavez Morales, “Offensive paramilitaire au Venezuela”, Ultimas Noticias, 12/07/06, pp. 34-35. Disponible en français sur http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=32272,%20%7BBellaciao.org%7D

(7) Dans la myriade d’ONGs liés aux différents clans de l’opposition (et en grande majorité financé par les Etats-Unis), ce rôle reviendra certainement à l’ONG Control Ciudadano, qui s’est spécialisé dans le “contrôle citoyen des forces armées”. En réalité, cette ONG est chargée de propager des rumeurs, ou de révéler des documents confidentiels. Elle est l’unique source pour la plupart des ONGs et des médias internationaux qui relaient sans aucune vérification les fake news de Control Ciudadano.


URL de cet article 34992
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

Même Thème
Chávez. L’homme qui défia l’histoire
Modesto E. Guerrero
Cette biographie complète du commandant Hugo Chávez, écrite par un intellectuel vénézuélien reconnu, révèle les traits essentiels d’un personnage qui n’appartient pas seulement à la légende mais aussi à l’histoire de son temps. Le lecteur est entraîné dans ce parcours exceptionnel, de la province de Barinas jusqu’aux plus hautes charges de la plus grande révolution d’après la guerre froide. Le portrait intime et politique rejoint ici l’épopée de la libération d’un peuple et de tout un continent. 514 pages (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

"L’un des grands arguments de la guerre israélienne de l’information consiste à demander pourquoi le monde entier s’émeut davantage du sort des Palestiniens que de celui des Tchétchènes ou des Algériens - insinuant par-là que la raison en serait un fonds incurable d’antisémitisme. Au-delà de ce qu’il y a d’odieux dans cette manière de nous ordonner de regarder ailleurs, on peut assez facilement répondre à cette question. On s’en émeut davantage (et ce n’est qu’un supplément d’indignation très relatif, d’ailleurs) parce que, avant que les Etats-Unis n’envahissent l’Irak, c’était le dernier conflit colonial de la planète - même si ce colonisateur-là a pour caractéristique particulière d’avoir sa métropole à un jet de pierre des territoires occupés -, et qu’il y a quelque chose d’insupportable dans le fait de voir des êtres humains subir encore l’arrogance coloniale. Parce que la Palestine est le front principal de cette guerre que l’Occident désoeuvré a choisi de déclarer au monde musulman pour ne pas s’ennuyer quand les Rouges n’ont plus voulu jouer. Parce que l’impunité dont jouit depuis des décennies l’occupant israélien, l’instrumentalisation du génocide pour oblitérer inexorablement les spoliations et les injustices subies par les Palestiniens, l’impression persistante qu’ils en sont victimes en tant qu’Arabes, nourrit un sentiment minant d’injustice."

Mona Chollet

Médias et Information : il est temps de tourner la page.
« La réalité est ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est ce que nous croyons. Ce que nous croyons est fondé sur nos perceptions. Ce que nous percevons dépend de ce que nous recherchons. Ce que nous recherchons dépend de ce que nous pensons. Ce que nous pensons dépend de ce que nous percevons. Ce que nous percevons détermine ce que nous croyons. Ce que nous croyons détermine ce que nous prenons pour être vrai. Ce que nous prenons pour être vrai est notre réalité. » (...)
55 
La crise européenne et l’Empire du Capital : leçons à partir de l’expérience latinoaméricaine
Je vous transmets le bonjour très affectueux de plus de 15 millions d’Équatoriennes et d’Équatoriens et une accolade aussi chaleureuse que la lumière du soleil équinoxial dont les rayons nous inondent là où nous vivons, à la Moitié du monde. Nos liens avec la France sont historiques et étroits : depuis les grandes idées libertaires qui se sont propagées à travers le monde portant en elles des fruits décisifs, jusqu’aux accords signés aujourd’hui par le Gouvernement de la Révolution Citoyenne d’Équateur (...)
Reporters Sans Frontières, la liberté de la presse et mon hamster à moi.
Sur le site du magazine états-unien The Nation on trouve l’information suivante : Le 27 juillet 2004, lors de la convention du Parti Démocrate qui se tenait à Boston, les trois principales chaînes de télévision hertziennes des Etats-Unis - ABC, NBC et CBS - n’ont diffusé AUCUNE information sur le déroulement de la convention ce jour-là . Pas une image, pas un seul commentaire sur un événement politique majeur à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis. Pour la première fois de (...)
23 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.