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Il faut "protéger les adolescents arabes de la justice israélienne"

Un juge dénonce le système judiciaire à deux vitesses d’Israël

Un juge israélien a rendu un jugement historique la semaine dernière quand il a décidé qu’un adolescent arabe devait bénéficier de la "protection" du système judiciaire et qu’il a ordonné qu’il ne soit pas condamné, bien qu’il ait été reconnu coupable d’avoir lancé des pierres sur un véhicule de police au cours d’une manifestation contre l’offensive d’Israël à Gaza l’hiver dernier.

Le ministère public réclamait la condamnation de l’adolescent âgé de 17 ans, résidant à Nazareth, ville située au nord d’Israël, pour avoir fait prendre des risques à un véhicule qui était sur la route, une accusation passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, ce qui permettrait de dissuader d’autres membres de la communauté arabe d’Israël de commettre à nouveau de tels actes.

Mais le juge Yuval Shadmi a déclaré que la discrimination dans le traitement des mineurs juifs et arabes dans le système pénal israélien, particulièrement dans les affaires qu’il a qualifiées de délits "motivés par l’idéologie", étaient de "notoriété publique".

Dans le verdict, il a écrit : "je dirai que l’Etat n’a pas le droit de caresser d’une main les délinquants "idéologues" juifs, et de fouetter de l’autre main les "délinquants idéologues" arabes".

Il s’appuyait plus particulièrement sur le traitement indulgent de la police et des tribunaux vis-à -vis de jeunes colons juifs qui avaient agressé des soldats en Cisjordanie et qui avaient manifesté violemment contre le retrait israélien de la Bande de Gaza en 2005, et des extrémistes religieux qui avaient passé de longs mois à combattre la police pour empêcher l’ouverture d’un parking à Jérusalem le jour du sabbat.

Abir Baker, avocate d’Adalah, une association légale qui défend les 1,3 millions d’Arabes israéliens, a déclaré que c’était la première fois qu’un juge d’un tribunal correctionnel reconnaissait que l’état d’Israël menait une politique discriminatoire systématique en exigeant des peines beaucoup plus sévères pour les citoyens arabes.

"Nous constatons cela depuis longtemps, mais c’était très difficile pour nous d’être crédibles devant un tribunal", a-t-elle déclaré. "Maintenant, il existe une jurisprudence que nous pourrons évoquer pour le même genre d’affaire".

L’adolescent avait été arrêté au cours d’une manifestation sur une route près de Nazareth quelques jours après le début de l’offensive contre Gaza en décembre dernier.
Des dizaines de manifestations avaient eu lieu en Israël au cours de cette offensive de quatre semaines, ce qui avait conduit à l’arrestation de 830 manifestants à la suite d’opérations souvent violentes, selon les groupes de défense des droits des êtres humains, menées par la police israélienne.

L’immense majorité de ceux qui avaient été arrêtés, selon les associations, étaient des citoyens arabes, même si des Juifs y avaient également participé. Adalah raconte qu’à la suite de cela, 250 manifestants avaient été inculpés, parmi lesquels presque tous étaient arabes et la moitié étaient mineurs.

Le juge Richard Goldstone, dans son rapport rédigé pour les Nations Unies sur l’agression contre Gaza publié en septembre dernier, écrit qu’il a été "frappé" par le fait que, bien qu’il y ait eu des contre-manifestations violentes de Juifs d’extrême droite, la police n’avait, semble-t-il, procédé à "aucune arrestation".

Il indique également que, d’après les rapports qu’il a consultés, la majorité des manifestants arabes se sont vu refuser la libération sous caution et ont été détenus pendant de longues périodes, même pour des affaires où ils n’encouraient que des peines légères.

A propos du système pénal, M. Goldstone conclut que "le traitement discriminatoire des citoyens juifs et palestiniens d’Israël par les autorités judiciaires, comme le reflètent les comptes-rendus qu’il a reçus, est très préoccupant".

La décision du juge par le tribunal des mineurs de Nazareth semble confirmer ces conclusions.

Mr Shadmi écrit dans son verdict que, depuis ces dernières années, les autorités israéliennes ont deux approches fondamentalement différentes concernant les crimes commis par des mineurs.

Il signale que dans des affaires de violence commises par des jeunes Juifs contre les forces de sécurité, les poursuites judiciaires sont généralement gelées, voire annulées, avant d’en arriver à l’inculpation. Il n’a jamais entendu dire, ajoute-t-il, qu’un mineur juif ait été incarcéré pour de tels délits, alors que la plupart des mineurs arabes sont condamnés à des peines de prison.

Le juge reconnaît qu’il a failli être amené, à la demande du ministère public, à condamner ce mineur (dont on ne peut citer le nom à cause de l’âge) à une lourde peine de prison. Mais, en dernier ressort, dit-il, il a été persuadé par l’argument de la défense que des affaires similaires de "violences idéologiques" impliquant des jeunes juifs - comme les agressions de colons envers des soldats - ne se soldaient que rarement, pour ne pas dire jamais, par des peines de prison.

"Si l’Etat estime que les méfaits commis par idéologie sont relativement exemptés de sanctions quand il s’agit de mineurs, alors, il faut que cela soit appliqué à tous les mineurs, quelle que soit leur nationalité ou leur religion".

Au début de l’année, le ministère de la Justice recommandait que 40 colons juifs accusés de s’être opposés au retrait israélien de Gaza soient graciés sous prétexte que leurs actions "étaient motivées par un événement historique inhabituel et que les auteurs n’étaient pas des criminels". Selon les articles publiés dans les médias israéliens, de nombreux colons arrêtés lors des manifestations contre le désengagement ne seront jamais poursuivis.

M. Shadmi a enjoint l’adolescent de Nazareth de ne pas commettre d’agression contre la police pendant deux ans contre une caution de 1300 dollars. A l’issue d’une procédure réservée aux délits commis par des mineurs, il a simplement condamné l’adolescent à 200 heures de travaux d’intérêt public.

Le verdict a été accueilli avec surprise par la famille de l’adolescent. Le père a déclaré aux médias israéliens : "Dieu merci, nous avions un juge comme lui, qui n’est pas motivé par le racisme. Ce verdict amènera peut-être l’Etat d’Israël à réaliser qu’il est temps de cesser de traiter la population arabe en ennemis".

Le ministère public a annoncé qu’il comptait faire appel de la décision.

Gideon Fishman, professeur de sociologie à l’Université d’Haïfa, qui a réalisé une enquête sur la politique de sanctions pénales en Israël, déclare qu’il n’était pas au courant que des recherches avaient été effectuées sur la politique discriminatoire menée par le ministère public contre les mineurs. Cependant, il dit être sûr qu’il y a un parti pris systématique.

"Le juge a raison de s’élever contre une politique qui est plus indulgente envers les délinquants juifs. C’est une politique menée par le ministère public délibérément et non pas accidentellement, et qui nuit à la confiance envers l’institution".

Le juge Shadmi n’a évoqué que la discrimination concernant les condamnations dans les tribunaux israéliens.

Les Palestiniens des Territoires Occupés sont jugés dans des tribunaux militaires en s’appuyant sur des lois et des procédures différentes qui ont été violemment critiquées par les associations de défense des droits de l’homme.

Jonathan Cook est écrivain et journaliste, et vit à Nazareth, Israël.

Ses deniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) and Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books).

Titre original de l’article :
"Arab Teens Need "Protecting from Israeli Justice"
Judge Warns of Israel’s Two-tier Legal System
Publié le 17 novembre 2009 dans Dissident Voice
http://dissidentvoice.org/2009/11/arab-teens-need-protecting-from-israeli-justice/

Site de Jonathan Cook http://www.jkcook.net/

Traduction et note : Des bassines et du zèle http://blog.emceebeulogue.fr/ pour le Grand Soir


Note annexe

Rappel :

Salah Hamouri, 24 ans, est incarcéré en Israël depuis 2005, où il purge une peine de sept ans de prison pour s’être déclaré contre la colonisation. Ce franco-palestinien n’a pas les faveurs de ce gouvernement, ni de celui qui est à la tête de l’Etat, qui l’ignorent et ignorent sa famille.

Voici le site qui lui est consacré : http://www.salah-hamouri.fr/

Voir la vidéo où François Cluzet parle de Salah face à un Copé qui prétend ne pas le connaître : http://soutiensalahhamouri.over-blog.com/article-en-direct-sur-france-...

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