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Un coup porté à la campagne américaine contre WikiLeaks : les poursuites contre un employé de la CIA suspecté d’être un lanceur d’alerte se soldent par un non-lieu

La procédure fédérale contre Joshua Schulte, un ancien employé de l’Agence centrale de renseignement américaine (CIA) accusé par le gouvernement américain d’avoir fourni à WikiLeaks une foule de documents qui révèlent des opérations d’espionnage illégales, s’est terminée par un vice de procédure.

Après une semaine de délibérations, le jury est revenu lundi pour déclarer qu’il ne pouvait pas parvenir à un accord sur les accusations les plus graves qui pèsent sur Schulte. Cette opinion partagée portait sur huit chefs d’accusation en vertu de la loi sur l’espionnage, dont la collecte et la transmission illégale d’informations de la défense nationale. Le jury a seulement accepté de condamner Schulte pour les chefs d’accusation moins graves d’outrage à la cour et de fausses déclarations au Bureau fédéral d’investigation (FBI) des États-Unis. Schulte restera en prison et risque d’être rejugé.

Le fait que l’accusation n’ait pas réussi à faire condamner Schulte pour les accusations relatives à la publication de « Vault 7 » de WikiLeaks en 2017 est remarquable. « Vault 7 » est le nom collectif des documents qui ont fait l’objet d’une fuite au sein de la CIA. Cela pourrait marquer un obstacle dans la campagne du gouvernement américain contre WikiLeaks et son éditeur Julian Assange. Ce dernier risque l’extradition de Grande-Bretagne vers les États-Unis et d’être poursuivi en vertu de la loi sur l’espionnage pour des publications distinctes en 2010 et 2011.

Il est clair que s’il est extradé, Assange pourrait faire face à des accusations supplémentaires de la part des États-Unis, peut-être liées au « Vault 7 ». Trois jours après les plaidoiries finales du procès Schulte, les fonctionnaires du ministère australien des affaires étrangères et du commerce ont confirmé qu’il était possible qu’Assange fasse face à des chefs d’accusation supplémentaires pouvant encourir la peine de mort s’il était envoyé aux États-Unis. Le moment de leurs déclarations, qui contredisent les affirmations antérieures des alliés des États-Unis, pourrait indiquer qu’il y a beaucoup en jeu pour Assange dans la tentative de poursuite de Schulte par les États-Unis.

Le fait que le jury n’ait pas condamné, après un procès pour « sécurité nationale » dans lequel tous les avantages ont été accordés aux procureurs, souligne le caractère criminel du black-out médiatique de la procédure, qui a commencé fin janvier. Pendant plus d’un mois, les principaux médias bourgeois ont gardé le silence sur les audiences du tribunal qui ont révélé certains aspects de la chasse aux sorcières politiquement motivée contre WikiLeaks et contre ceux qui sont perçus comme ses sources.

La publication de « Vault 7 » au début de 2017 a été le déclencheur d’une escalade majeure dans la vendetta du gouvernement américain contre Assange. Cela a culminé avec son expulsion illégale de l’ambassade de l’Équateur à Londres l’année dernière, son arrestation par la police britannique et son emprisonnement dans une prison de haute sécurité. De plus, le procès de Schulte a coïncidé avec la première semaine de l’audience d’extradition britannique contre Assange. Cela a souligné les similitudes entre le traitement anarchique de l’éditeur de WikiLeaks et sa source supposée à la CIA.

Les procureurs ont décrit la fuite de « Vault 7 », dont ils accusent Schulte d’être responsable, comme la plus importante de toute l’histoire de la CIA. On a comparé la divulgation aux révélations du lanceur d’alerte de l’Agence de sécurité nationale (NSA), Edward Snowden, qui en 2013 a révélé la surveillance massive du gouvernement américain sur la population américaine et mondiale.

« Vault 7 » a révélé que la CIA menait des opérations d’espionnage illégales, notamment par le biais de téléphones et d’appareils ménagers tels que les télévisions intelligentes. Elle a révélé que le gouvernement américain était l’un des plus grands fournisseurs de virus informatiques malveillants au monde.

« Vault 7 » a documenté la capacité de la CIA à pirater des systèmes informatiques et à laisser des signes révélateurs attribuant les attaques aux adversaires de l’impérialisme américain, tels que la Russie et l’Iran. Il a révélé des programmes sinistres visant à permettre à la CIA de prendre le contrôle des systèmes informatiques qui font fonctionner de nombreuses voitures modernes, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’assassinats politiques.

Malgré cela, la grande majorité de la population américaine et mondiale a été maintenue dans l’ignorance de ces procédures. L’État a utilisé la notification « D » (pour défense c.a.d. sécurité nationale) qui interdit aux médias de diffuser de telles informations dans toute la gamme des publications bourgeoises, allant du New York Times au Washington Post.

L’audience s’est déroulée dans des conditions draconiennes. L’année dernière, l’avocate de Schulte, Sabrina Shroff, a révélé que la correspondance juridique de Schulte était surveillée par les autorités fédérales. Elle a déclaré que les avocats de la défense avaient effectivement été menacés par la CIA de poursuites éventuelles s’ils recevaient des documents confidentiels.

La « sécurité nationale » a été utilisée pour entraver la conduite de l’affaire par la défense. Les procureurs ont réussi à interdire à la défense de faire des recherches sur les témoins de la CIA. Voire même d’effectuer des recherches sur Google avec des expressions qui pourraient les identifier comme espions, comme « CIA », « WikiLeaks » ou « Vault 7 ».

Le personnel de la CIA a témoigné sous de faux noms, les médias ne pouvant même pas décrire leur apparence. Les journalistes des publications indépendantes qui couvrent le procès se sont plaints que l’accusation cherchait à retarder leur accès aux transcriptions et aux pièces à conviction du tribunal.

Le caractère orwellien de l’audience a été résumé par le premier témoin expert de l’accusation. Un fonctionnaire du gouvernement, le temoin a révélé lors du contre-interrogatoire qu’il n’avait regardé aucune des pièces principales de « Vault 7 ». Bien qu’elles soient publiques, c’était parce qu’il n’avait pas l’habilitation de sécurité appropriée.

La procédure a largement évité tout examen du caractère et de la légalité des activités de la CIA exposées par WikiLeaks. À une rare exception près, un employé actuel de la CIA a reconnu que le piratage auquel il a participé était dirigé contre des États étrangers et des « acteurs non étatiques ». En d’autres termes, des opérations extrajudiciaires visant des civils et des opposants politiques du gouvernement américain.

Un autre témoin a déclaré qu’il était rare que la division de piratage de la CIA prenne pour cible des « nations amies », ce qui confirme effectivement que la CIA cible, au moins occasionnellement, des gouvernements officiellement alliés aux États-Unis.

Le tribunal a protégé le gouvernement. Le mois dernier, elle a bloqué les citations à comparaître de la défense demandant le témoignage de l’actuel secrétaire d’État Mike Pompeo. En tant que directeur de la CIA à l’époque, Pompeo a directement supervisé la réponse de l’agence à « Vault 7 » au début de 2017.

Comme la défense l’a noté dans un dossier du 17 février, Pompeo « a immédiatement été débriefé sur les révélations de WikiLeaks et il a été spécifiquement informé que M. Schulte était un des premiers suspects. » Pompeo a ensuite « approuvé le contenu de la première demande de mandat de perquisition » visant Schulte, « autorisant le FBI à y faire diverses déclarations, dont certaines se sont avérées fausses par la suite. »

Publiquement, Pompeo a réagi à « Vault 7 » en qualifiant WikiLeaks de « service de renseignement hostile non étatique » et son éditeur Julian Assange de « démon ». En coulisses, il a travaillé pour assurer l’arrestation d’Assange par la police britannique et l’ouverture d’une procédure d’extradition américaine contre lui.

Comme Shroff l’a expliqué dans sa plaidoirie finale, le dossier juridique de l’accusation était en réalité une « mission » de la CIA et du gouvernement pour attribuer la responsabilité de la fuite la plus dommageable de l’histoire de l’agence. Malgré des semaines de témoignages, l’accusation n’a pas été en mesure d’établir définitivement que Schulte était responsable de la fuite. Il n’y avait aucune preuve scientifique qu’il avait pris possession des documents de « Vault 7 » ou qu’il les avait fournis à WikiLeaks.

De plus, DEVLAN, le serveur de la CIA sur lequel les documents étaient stockés, avait été décrit par des témoins du gouvernement comme un « réseau sale » et le « Far West ». Ils ont reconnu à plusieurs reprises le laxisme des procédures de sécurité, notamment les mots de passe partagés et faciles à cracker, et l’absence de tout contrôle des activités du personnel.

L’accusation a passé un temps fou à établir que Schulte, qui a quitté la CIA en novembre 2016, était impliqué dans des disputes rancunières avec nombre de ses collègues et supérieures. Ils ont également souligné des cas antérieurs dans lesquels Schulte aurait réagi à la révocation de son accès administratif à des projets distincts en créant des portes dérobées pour entrer dans les systèmes sans autorisation.

Une image du gouvernement montrant Schulte utilisant prétendument un téléphone de contrebande dans le centre correctionnel métropolitainegedly using a contraband phone in the Metropolitan Correctional Center

Le dossier de l’accusation s’est également concentré sur les activités présumées de Schulte au Metropolitan Correctional Center (MCC) de New York. C’était là où a été détenu à la suite de l’enquête du FBI sur « Vault 7 ». Schulte avait mené une campagne pour attirer l’attention sur son sort, notamment par l’utilisation de téléphones de contrebande, de pages de médias sociaux sous pseudonymes et en contactant les médias. Ces violations des règles de la prison, qui sont au centre de certaines des accusations portées contre Schulte, ont été utilisées par l’accusation pour tenter d’établir sa culpabilité au sens large.

Shroff a fait valoir que les actions de Schulte étaient celles d’un homme désespéré, mais innocent. Il avait contacté les médias pour faire connaître ce qu’il considérait comme le fondement illégal et faux des raids répétés du FBI dans son appartement. Schulte avait également documenté les conditions choquantes auxquelles il était soumis, notamment le fait d’être enchaîné au sol pendant les interrogatoires, de devoir faire face à l’inondation du MCC avec une aide limitée de la prison et d’être privé de nourriture dans l’établissement.

Plusieurs incidents survenus au cours des dernières phases de l’audience ont indiqué que le dossier de l’accusation était sur le point de s’effondrer.

Le 28 février, lors d’une session d’urgence du tribunal, l’accusation a abandonné le deuxième chef d’accusation, qui alléguait que Schulte avait illégalement transmis du matériel de la CIA auquel il avait légalement accès. Cela semblait être une tentative pour écarter toute suggestion selon laquelle Schulte aurait eu un accès légal à tout ou partie du matériel de « Vault 7 ».

Et le 5 mars, quelques jours après les plaidoiries, un juré a été démise de ses fonctions après qu’il soit révélé qu’elle avait contacté par Internet l’un des avocats impliqués dans l’affaire. Elle s’est rapidement rendue dans la presse à sensation et a déclaré que, bien que Schulte ait été un « vilain garçon », elle ne croyait pas aux accusations les plus graves portées contre lui.

Plus grave encore, il a été révélé à la fin du mois dernier que l’accusation avait retenue des preuves potentiellement à sa décharge. Après qu’il ait déjà témoigné, il est apparu que « Michael », un témoin du gouvernement, avait été mis en congé administratif après avoir refusé de coopérer à l’enquête du FBI sur la fuite « Vault 7 ».

« Michael », un proche collègue de Schulte, a affirmé avoir vu la transmission irrégulière du matériel de « Vault 7 » sur son écran d’ordinateur en temps réel. Il avait même pris une capture d’écran du vol apparent. Mais lorsque le FBI l’a interrogé, il a refusé de répondre à un certain nombre de questions et on l’a mis en congé pour une durée indéterminée après qu’on a décidé qu’on ne pouvait pas lui faire confiance pour travailler sur des projets confidentiels.

La défense a demandé sans succès l’annulation du procès en réponse à cette révélation.

Le cas étrange de « Michael », cependant, a indiqué que la défense avait raison lorsqu’elle a déclaré que le gouvernement et la CIA ne savent toujours pas qui est responsable de la fuite de « Vault 7 ». Les circonstances qui entourent la déposition de « Michael » indiquent que dans les coulisses, la CIA poursuit une enquête frénétique visant à identifier le responsable de la fuite, alors même qu’elle cherche à poursuivre Schulte.

Ceci soutient l’affirmation de la défense selon laquelle Schulte est un bouc émissaire, ciblé en raison de ses conflits répétés avec ses collègues et des circonstances de son départ de la CIA. L’ancien employé de la CIA fait également face à des accusations distinctes de pornographie infantile, après que le FBI ait prétendu avoir trouvé des preuves à charge lors de ses perquisitions dans son appartement liées à « Vault 7 ». Pour ceux qui connaissent le dossier sordide des agences de renseignement américaines, cela ne fait qu’augmenter la probabilité que Schulte soit victime d’un coup monté de l’État.

Il convient de noter, en outre, que celui qui a divulgué le matériel de « Vault 7 » a rendu service à la population américaine et mondiale. Cette personne a révélé les activités gouvernementales illégales qui pourraient avoir des conséquences sur des millions de personnes.

Oscar Grenfell

(Article paru d’abord en anglais 10 mars 2020)

»» https://www.wsws.org/fr/articles/2020/03/11/schu-m11.html
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Publié sur le site de Heritage Foundation,
janvier 2010
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