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Ukraine et instrumentalisation musicale

Incapable de mobiliser sa population pour « reconquérir » le Donbass et la Crimée, le gouvernement ukrainien exploite les références nationales-socialistes pour recruter dans les pays occidentaux. Soutenu et financé par l’Europe, le gouvernement ukrainien subventionne un festival de musique NSBM (National Socialist Black Metal) à Kiev, sa capitale, alors que les groupes qui s’y produisent sont traqués dans le reste de l’Europe. Ce soutien public depuis bientôt sept ans ne semble pas inquiéter les gouvernements ni la Commission européenne, bien au contraire.

Pourtant vigilants, ni Bernard-Henri Lévy ni Raphaël Glücksmann ne sont intervenus ; rien à l’AFP ni dans les sourcilleux médias ouest européens sur ce festival international dont la billetterie est accessible en ligne. Même Haaretz l’a dénoncé, car on y retrouve les groupes les plus extrêmes du courant NSBM. S’il n’était pas à l’édition 2019, on peut citer Varg Vikernes (Burzum) adulé pour avoir incendié une église historique en Suède. Le Black Metal s’inscrit dans les techniques de subversion de la jeunesse utilisées par le rock. On connaissait déjà les dénonciations des groupes satanistes au Hellfest, le chanteur du groupe Down hurlant « white power » le bras tendu en 2016, la dissolution du Blood & Honor Hexagone à la demande du CRIF en 2019, mais Kiev passe la surmultipliée.

Il n’y a pas eu de festival en 2020 du fait de la pandémie. La date du festival de 2021 n’est pas annoncée sur le site de l’organisateur : http://militant.zone.

Si l’on clique sur l’icône de l’édition 2019, on est renvoyé sur des offres de prostituées. C’est toujours le même site. Le festival a toujours lieu à Kiev. Une boussole intellectuelle.

À l’origine en 2012, un festival musical est organisé en Russie par Alexey Levkin. Inculpé de double meurtre puis relâché, il se réfugie en Ukraine en 2015. Connu comme chanteur du groupe M8L8TH (les 8 remplacent les O de molot, marteau en russe, deux 8 signifiant Heil Hitler car le H est la 8ème lettre), Levkin est un des responsables de Wotanjugend et Militant Zone, des structures qui organisent des événements, gèrent un magasin et animent une propagande sur internet. Il est présenté comme jouant le rôle de « boussole intellectuelle » pour les « Ukronazis ». Le site ne se contente pas de commercialiser des produits en ligne, il propose des conférences et des entretiens sur la politique, l’histoire, les religions païennes, la musique, ... Dans l’imaginaire confus entretenu par ses théoriciens, l’origine de la race aryenne serait dans les steppes ukrainiennes, le territoire de l’empire des Khazars ?

Azov recrute

En décembre 2019, toute la scène musicale internationale la plus extrême était réunie au profit de l’Ukraine. « Le meilleur rassemblement mondial de nationalistes blancs » draine les plus excités des militants européens (à peine 1500) et permet de les enrôler dans le combat de l’Ukraine contre la Russie. En effet, le festival est organisé avec l’appui du mouvement Azov (Nazov ?), organisation politique qui a un régiment dans la Garde nationale ukrainienne. L’insécurité entretenue autour de ces événements dans toute l’Europe contraste avec le soutien officiel dont bénéficie le festival dans la capitale ukrainienne. Le régiment Azov utilise des symboles et cultive une esthétique qui fascinent des militants ouest-européens élevés aux jouets non genrés et qui n’ont vu d’armes qu’au cinéma, peu leur importe qu’il soit équipé de fusils d’assaut Tavor fabriqués en Ukraine sous licence israélienne. Alors qu’en Europe, les armes sont interdites, en Ukraine, leurs camarades peuvent aller se battre sur le front du Donbass contre d’autres nationalistes. « Cela nous aide bien sûr à développer et à renforcer notre base de fans internationale, notre base de soutien », explique Olena Semenyaka, secrétaire internationale de l’aile politique d’Azov.

La bourse de Soros

« First Lady » des nationalistes ukrainiens et porte-parole d’Azov, Olena Semenyaka était inscrite, en janvier 2021, sur la liste des lauréats recrutés pour six mois avec une bourse de l’IWM (The Institute for Human Sciences) de Vienne, sur la proposition d’une fondation privée. George Soros fait partie du comité de parrainage de l’Institut et son actuelle directrice est responsable des programmes universitaires de l’Open Society Foundations du financier hongrois. Des photos d’Olena le bras tendu devant un drapeau orné d’un svastika ont obligé l’Institut à révoquer sa bourse, semant la confusion parmi ses membres : « il est incompréhensible que la direction de l’IWM n’ait pas eu accès à ces portraits qui apparaissent dans les premiers résultats lorsqu’on s’intéresse à la lauréate ». L’Institut n’a donné aucune explication officielle sur cette bourse ni sur sa révocation.

Les EU et l’Intermarium

L’argumentaire du néo-bolchevisme a disparu, largement utilisé dans les premiers temps qui ont suivi le coup d’État de la révolution de Maïdan pour dénoncer les Ukrainiens pro-russes et leurs soutiens en Europe, il a été remplacé par un grand projet pan-européen. Organisateur de l’Asgardsrei, Alexeï Levkine est intervenu pour le Groupe d’assistance pour le développement de l’Intermarium, le projet pan-européen anglo-saxon regroupant les anciens pays de l’Est de la Baltique à la mer Noire. Essentiellement porté par les Polonais depuis l’entre-deux guerres (Piltzudski, Solidarnosc puis les frères Kaczynski), il a été repris en 2016 par Andriy Biletsky, député ukrainien, dirigeant du parti Corps national et fondateur du régiment Azov. Il rejoint l’Initiative des Trois mers (Baltique, Adriatique, mer Noire), politiquement plus avancée. Il coupe l’Europe en deux et veut constituer une alliance contre la Russie. Sa première réunion à Dubrovnic en août 2016 réunissait les représentants de 12 pays d’Europe centrale pour entendre le ministre des Affaires étrangères chinois et un ancien conseiller à la Sécurité nationale EU. En 2017, le président Trump participait au sommet pour dénoncer le projet du gazoduc Nord Stream 2, confirmé par Biden en 2021. En 2018, Juncker, président de la Commission européenne, venait apporter le soutien de l’Europe.

Appel aux islamistes

Ayant échoué en Syrie, les activistes djihadistes sont redéployés en Ukraine depuis décembre 2020, comme l’annonce le journal ukrainien Zoborana : « Avec des institutions publiques faibles, la corruption, des frontières poreuses et des escarmouches permanentes, l’Ukraine offre de grandes opportunités pour ceux qui veulent rester cachés ». Ce n’est pas la première fois que l’Ukraine fait appel aux islamistes, en 2014 environ 300 mercenaires revenus de Syrie sont envoyés combattre dans le Donbass. Le député de l’organisation terroriste Jaish al-Muhajireen wal-Ansar, Abdul Karim Kirimli, a appelé tous les Tatars de Crimée et tous les musulmans d’Ukraine à « entrer dans la voie du djihad ». Quand on observe les dégats générés par ces terroristes dans toute l’Europe, ce recours donne la mesure de l’inconscience du pouvoir à Kiev et de la perversité de ses commandaitaires.

Rock et svastika

Parmi les militants français qui s’affichent dans ce festival, certains se revendiquent du GUD, des Zouaves de Paris ou encore de Casapound. Ils font des milliers de kilomètres pour écouter ces groupes dans une démarche qui se veut politique, mais quel rapport entre le NSBM et la musique nationale-socialiste, si tant est qu’il existe ? Personne ne voudrait faire admettre que la musique Black Metal prend son inspiration dans les années 1930 ou 40. À l’époque, la jeunesse pratiquait le chant vivant, sans amplification, juste accompagné à la guitare, l’harmonica ou l’accordéon. Leurs jeunes émules sont-ils capables de chanter ?

L’étiquette NS vient des paroles. Tendre le bras ou arborer le svastika n’a jamais été le monopole du Troisième Reich. Ces groupes s’inscrivent plutôt dans la lignée de ceux qui ont fait usage de ce symbolisme dans le rock, les exemples abondent de Brian Jones à Iggy Pop, de David Bowie à Sid Vicious, pour ne citer que les plus connus. Où est le projet politique ? Il existe pourtant puisque ce festival est soutenu par le gouvernement ukrainien (gouvernement financé par l’Union européenne, encadré militairement par son allié EU et ses alliés anglais, polonais, canadien, lithuanien, ... et équipé d’armes conçues en Israël).

Nazisme et satanisme

En décembre 2016, la conférence du Pacte d’Acier revendiquait un « eurasisme luciférien ». On pouvait y entendre : « Le Black Metal est la musique de l’âge de fer. [...] C’est la musique qui loue la décadence, qui loue les légions sombres de l’être, la musique qui loue le mal au sens le plus large de ce mot. [...] Nous parlons de l’ouverture des portes du chaos ». En 2017, Peste Noire (KPN) présidait un échange sur le thème « Hitler : nazisme, folklore et traditions », son chanteur se revendique ouvertement du satanisme, marqueur ordinaire du courant Black Metal. En 2018, le thème de la conférence était « le paganisme nordique en tant que métaphysique ». Le festival peut prospérer, il permet de recruter dans toute l’Europe des effectifs que l’Ukraine peine à lever dans sa population, dont une partie a déjà fait sécession.

Ce travail de sape du gouvernement ukrainien obtient des résultats, avec la création d’une église autocéphale ukrainienne en 2018. Elle a été reconnue en 2019 par le Patriarcat œcuménique de Constantinople (Patriarche Bartholomée Ier), l’Église de Grèce (Archevêque Jérôme II d’Athènes) et le Patriarcat orthodoxe d’Alexandrie (Patriarche Théodore II). Alors qu’ils affaiblissent ainsi une des plus anciennes traditions spirituelles de l’Europe, cette nouvelle division dans l’orthodoxie ne peut que réjouir les activistes prônant le paganisme et le satanisme, tout en combattant aux côtés des islamistes.

Par son pouvoir de séduction, la musique sert ainsi à repérer et identifier des militants nationalistes pour les enrôler à soutenir, les armes à la main, des causes qu’ils combattent, désarmés, dans leurs pays d’origine. Souvent sous-estimé, l’outil musical montre ainsi son rôle politique.

envoyé par Vladimir Tchernine

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