La question des armes chimiques rappelle celle des ADM

Syrie : vers un remake du scénario irakien ?

Moumene Belghoul

Le mensonge des armes de destructions massives a certes permis la chute de Saddam Hussein mais surtout la destruction de l’Irak devenu un Etat failli. Aujourd’hui voilà que l’on ressort un nouveau prétexte nommé « armes chimiques » pour justifier une intervention dans le bourbier syrien. Mais les conséquences absolument paroxystiques qui pourraient découler d’une telle option semblent refréner les ambitions des va-en-guerre.

La France affirme qu’elle n’a « pas de certitude » sur l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, les Américains et Britanniques ayant seulement des « indices ». La guerre qui ravage le pays depuis deux ans a créé une situation de tension extrême dans une région inflammable sans qu’un scenario ne se dessine de façon certaine. Le débat sur une probable utilisation par Damas des armes chimiques contre ses opposants continue d’agiter les chancelleries occidentales. L’hésitation et l’embarras sont pour l’heure les caractéristiques les plus partagés par les capitales occidentales qui se posent comme des adversaires de Damas. Les suites d’une intervention militaire occidentale en Syrie pourraient être incontrôlables pour les Occidentaux. C’est justement l’inconnue qui fait encore hésiter les Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France à rééditer le scenario libyen qui n’a pas eu que des résultats vertueux. Le rôle joué de plus en plus par plusieurs responsables militaires et politiques israéliens dans cette campagne pour la thèse de l’usage des armes chimiques par l’armée syrienne est de plus en plus trouble. Israël redouble de pression pour que les Etats-Unis réagissent au supposé franchissement de la fameuse « ligne rouge » par Damas. L’hypothèse que les armes chimiques tombent entre les mains de la nébuleuse islamiste qui pourrait ensuite les utiliser contre les intérêts occidentaux de la région est également une hantise, accentuée par la récente allégeance du Front al-Nosra à al-Qaïda. La compréhension de l’équation syrienne ne pourrait faire l’économie de connaitre la position des Russes notamment sur cette question. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, met en garde contre l’utilisation de l’argument de recherche d’armes chimiques en Syrie comme un prétexte pour intervenir militairement dans ce pays. L’insinuation est également destinée au secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui vient d’appeler le gouvernement syrien à autoriser une équipe de l’ONU à enquêter sur une éventuelle utilisation d’armes chimiques en décembre. « Cette demande du secrétaire général en référence à un événement, depuis oublié, nous rappelle des tentatives visant à répéter en Syrie une pratique analogue à celle de l’Irak, lorsque des recherches d’armes de destructions massives avaient été entreprises », souligne Lavrov. Pour Moscou il n’y a pas de doute, certains pays et acteurs extérieurs agitent la menace des armes chimiques pour consolider l’option du pire. Un prétexte pour insister sur la nécessité d’une invasion étrangère en Syrie aux conséquences géopolitiques incalculables. La Russie met en garde contre un remake du scénario irakien en Syrie, consistant à utiliser l’argument de recherche d’armes de destructions massives dans le pays comme un prétexte pour renverser le président Bachar al-Assad et contrôler les ressources énergétiques du pays. Le régime syrien qui tient décidément le coup malgré une pression dantesque a rejeté les accusations américaines et britanniques sur un usage des armes chimiques après la multiplication d’accusations en ce sens formulées conjointement par l’opposition syrienne et Israël. La question de la présence d’armes de destructions massives en Irak avait servi à justifier l’invasion de ce pays en mars 2003 et fait entrer le pays dans un tourbillon politique dont il a du mal à sortir jusqu’à aujourd’hui.

Cet argument s’était ensuite révélé un gros mensonge d’Etat. Un mensonge qui a occasionné des millions de morts parmi les Irakiens dont les principaux auteurs (George W Bush et Tony Blair) qui ne sont plus au pouvoir aujourd’hui, n’ont jamais été inquiétés par la justice internationale. Aujourd’hui la Syrie vit une destruction systématique et méthodique. Les solutions politiques s’éloignent davantage faisant la part belle aux scenarios les plus détestables. Et la plus grande victime de cette tragédie c’est le peuple syrien.

Moumene Belghoul

http://www.latribune-online.com/suplements/international/81897.html

COMMENTAIRES  

02/05/2013 10:16 par Sierra

Effectivement, il s’agit exactement d’un "remake" des mensonges à propos de l’irak. Comme les forces subversives divers et variées tardent de mettre à jenoux la Syrie, on voit bien le plan "B" se mettre en oeuvre.

Sur le fond, que va gagner israel d’être encerclé de groupes mafieux et extrémistes tout autour de ses frontières ?

A voir pour l’Irak, l’excellent film Fair Game avec Sean Penn, qui déroule parfaitement l’affaire Valerie Plame.

02/05/2013 11:58 par Hassinus

Bonjour Sierra,
"Sur le fond, que va gagner israel d’être encerclé de groupes mafieux et extrémistes tout autour de ses frontières ?"
Ce qui intéresse Israël c’est l’annexion définitive du Golan, un des premiers but de guerre du conflit syrien. Les bandes anarchistes, terroristes, islamistes, c’est un jeu d’enfant pour lui de les maîtriser, les manipuler ou les acheter quand il le faudra. Et comme ce sont des bandes justement non organisées, c’est un jeu d’enfant pour l’État hébreux de les anéantir si nécessaire en criant aux "terroristes " L’essentiel pour sa "supposé sécurité’ est qu’autour de lui n’existe plus aucun État arabe organisé fort et développé, c’est cela à long terme le danger pour Lui, l’État divin...

02/05/2013 12:25 par Sierra

@Hassinus

Je serais tenté d’adhérer à votre analyse, s’il n’y avait un facteur aléatoire plutôt important.
On a vu la déculotté prise par l’armée israelienne la dernière fois qu’ils ont voulu rentrer au Liban, il s’agirait donc d’un coup de poker, tablant sur la désorganisation des groupes. Mais si ces derniers se féderaient....ils seraient en face d’un problème autrement plus dangereux que le Hezbollah aux frontières libanaises. Il ne faut pas surrestimer les capacités d’israel mis devant le fait accompli d’un encerclement qu’ils auraient provoqué. On a déja vu ce genre de situation leur échapper (Liban).

02/05/2013 14:11 par Nnn

La maladie dégénérative du monde arabe n’est ni les USA ni Israël mais son idéologie basé sur l’aliénation et la passivité devant l’histoire. C’est l’essence même du sunnisme qui a été imposé au moyen âge par les ottomans auprès des arabes pour mieux les dominer.

La culture arabe qui a apporté du progrès à l’humanité fut sous influence chiite à l’époque des abbassides et des fatimides. Ce n’est pas un hasard si l’Irak et l’Iran, épicentres des sciences et des progrès arabes au moyen-âge, sont à majorité chiites.

Malheureusement, les attaques au moyen âge des croisades et des mongoles ont précipité le déclin des chiites et ainsi favorisé l’expansion du sunnisme turque qui, mis à part un ou deux palais exotiques, a été d’une stérilité affligeante. Il a eu pour conséquence de renvoyer les arabes à l’âge de pierre.

Les mouvements laïques des années soixante-dix dans les pays arabes ont insufflé un regain de dignité et de progrès chez les arabes sunnite. Ils ont été vite contrés par la monté en puissance du wahhabisme sunnite.

Comment expliquer cette adhésion de masse passive et/ou active des arabes sunnites à des idéologies de régression au stade animale si ce n’est par la conception même du sunnisme qui prône l’acceptation de l’histoire, la soumission au régnant, peu importe son comportement du moment où il est musulman et du moment où ce dernier vous permet la prière, puisque, paraît-il, la vie d’un sunnite commence après sa mort.

Comment expliquer que des tunisiens aillent se battre en Syrie si ce n’est que par la régression mentale que provoque leur retournement vers la religion ? Pourquoi ne demandent-ils pas des comptes sur l’argent que les roitelets du golf utilisent pour détruire la Syrie au lieu de le repartir sur des projets de sociétés ?

Pour se maintenir au pouvoir, un dirigeant sunnite promet plus de religion, combattre les chiites etc…

A contrario, un dirigeant iranien chiite par exemple, même s’il est religieux, se voit obliger de promettre un programme spatial où des progrès scientifiques pour gagner une popularité auprès de ses sujets.

C’est l’intérêt des roitelets du golf, abroutir les arabes par plus de sunnisme wahhabite pour les maintenir dans leur ignorance et leur passivité. C’est pourquoi, leur seul objectif est de combattre les mouvements laïques et progressistes afin de ne laisser de place qu’à l’islam sunnite dans ce qu’il a de plus docile.

02/05/2013 17:28 par Hassinus

Le Hezbollah qui a damé le pion à Israël au Liban est une force super organisée, disciplinée et conseillée par des Iraniens. Israël ne veut mettre la vie de ses soldats en l’affrontant. La stratégie est donc de le faire passer pour une organisation terroriste et faire pression avec l’aide des grandes puissances occidentales sur les gouvernements libanais pour les désarmer et leur faire la guerre. Si la Syrie tombe ça sera d’autant plus facile d’en venir à bout le gouvernement Assad étant un grand soutien du Hezbollah. C’est dire combien le problème que vous soulevez donne toute la mesure des enjeux de ce qui se passe en Syrie : Golan, anéantissement du Hezbollah libanais, encerclement de l’Iran et il y en encore... A bientôt

04/05/2013 12:39 par Sol Invictus

Ces dix dernières années consistant à briser plusieurs pays du Moyen-Orient semblent être en rapport avec le plan Yinon évoqué par Israël dans les années 80

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