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Syrie / Retour sur les « Casques blancs », usurpateurs d’identité.

Dans un article précédent concernant la « diplomatie humanitaire » de la France, nous avons écrit : « La France annonce qu’elle rend hommage à une organisation terroriste dont le monde a entendu parler pour la première fois, après qu’elle eut massacré les volontaires de la défense civile à Alep, comme l’a prouvé la chercheuse jordanienne, Mme Hayat al-Hweik, sur Al-Mayadeen TV le 23 juillet » [*] ; ce qui a suscité quelques interrogations. Nous nous sommes juste trompés de date, l’émission ayant été diffusée le 22 juillet.

Pour rappel, l’émission faisait suite à l’annonce par le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères qu’Israël avait évacué de Syrie, en pleine nuit, des membres de l’organisation prétendument humanitaire nommée « Casques blancs » à la demande de Trump, de Trudeau et de pays européens, comme l’a expliqué Netanyahou dans un Tweet ; la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Canada ayant annoncé être disposés à les accueillir. Les médias locaux avaient rapporté dans la journée qu’environ 800 personnes avaient été évacuées d’Israël vers la Jordanie, laquelle n’en avait accueillies que 422.

Trois invités participaient à l’émission. Nous avons regroupé les points essentiels de leurs interventions :

Mme Hayat al-Hweik : écrivaine et chercheuse jordanienne

Il est indéniable que le rôle de la Jordanie dans cette évacuation des Casques blancs n’est ni plus ni moins que celui d’un exécutant. Et je commencerai par deux remarques :

  • Le communiqué officiel de la Jordanie parle à maintes reprises de « citoyens syriens » et non de Casques blancs. La Science du discours suggère que cette insistance signifie que dans leur grande majorité, ils ne sont pas des citoyens syriens.
  • Le porte-parole du gouvernement et le ministre des Affaires étrangères ont déclaré que 422 évacués étaient arrivés en territoire jordanien sur un total annoncé de 800, tandis que des sources sûres ont parlé de 3000.

Partant de ce chiffre de 422 évacués rendus en Jordanie via Israël, où sont passés tous les autres ? Sont-ils des Israéliens ? Sont-ils des Européens ayant transité par Israël avant de rentrer dans leurs pays respectifs ? Sont-ils des Arabes rentrés chez eux en passant par Israël ou la Jordanie ?

L’Allemagne a annoncé ce soir qu’elle en en accueillerait une cinquantaine, le Canada n’a pas parlé d’un plus grand nombre. Or, en admettant que les quatre pays en question en accueillent 200 au total, où iront les autres ?

Considérant les dispositions prises pour leur accueil et leur nombre, nous pouvons conclure qu’ils ne sont pas tous des citoyens syriens, mais soit des arabes d’autres nationalités, soit des citoyens non arabes qui n’ont pas besoin d’un dispositif d’accueil spécial dans leurs pays : des officiers du renseignement, des cinéastes ou des spécialistes en communication comme le suggère les performances des productions cinématographiques postées sur leur site et les réseaux sociaux.

Nous avons aussi remarqué que le communiqué officiel de l’État jordanien ainsi que la déclaration du ministre des Affaires étrangères ont tenu à désigner les évacués par « éléments de la Défense civile », sans jamais parler de Casques blancs ; ce qui nous amène à rappeler des faits d’une très grande importance :

  • Lorsque l’organisation des Casques blancs a été instituée dans le Nord de la Syrie, elle a commencé par assassiner les jeunes gens de la Défense civile [et plus exactement à Alep, fin 2013 (?) ; NdT], une institution nationale syrienne. Elle les a assassinés et a volé leur équipement jusqu’à ce que son propre équipement et son financement arrivent de Turquie.
  • Concernant le financement des Casques blancs, il nous paraît tout aussi important de signaler un document indiquant qu’il est en rapport avec une autre organisation nommée « Syria Campaign », dirigée par Anna Nolan résidant aux États-Unis et qui n’a jamais mis les pieds en Syrie, laquelle organisation est financièrement liée à l’organisation « Blackwater ».

Il est donc très clair que qualifier les Casques blancs de « Défense civile » cherche à égarer les médias et l’opinion publique en les faisant passer pour une organisation humanitaire au service de la population.

Vous me demandez si l’ONU ignorait tout cela. Je vous répondrai que si nous, simples chercheurs, avons pu découvrir et révéler, depuis 2014, le rôle des Casques blancs dans l’élimination de la Défense nationale syrienne, le rôle d’Anna Nolan, de Syria Campaign et de sa relation avec Blackwater, comment se fait-il que l’ONU ignore tout cela et continue, depuis 2013, de se fonder sur leurs rapports pour convoquer des réunions du Conseil de sécurité, échafauder des résolutions suivies de frappes aériennes d’États Membres sur la Syrie, tandis que les médias se chargent de la désinformation ?

L’ONU est un « faux témoin » et pas seulement dans ce cas. Je n’ai pas l’opportunité d’en parler ici, mais j’ai suivi de très près, et en détails, comment fut fabriqué le rapport de la première Commission d’enquête envoyée en Syrie en 2011. Oui, je me permets de dire que l’ONU s’est compromise depuis le début avec des organisations suspectes qui lui fournissaient les rapports tels qu’elle les voulait sur les armes chimiques ou les massacres. Ce n’est pas par hasard que chacun de ces massacres a coïncidé avec une réunion du Conseil de sécurité ou une frappe sur la Syrie.

Aujourd’hui, nous assistons à une grande confusion, certains [États] disant que l’évacuation des Casques blancs a eu lieu avec la coopération de l’ONU, alors que l’ONU dit le contraire. Je crois que tous, y compris l’ONU, mentent et que tous connaissent la nature de cette organisation et chacun ses membres un par un ; ceci sans écarter l’idée que l’ONU ait pu coopérer à partir du moment où les États précités ont voulu cette évacuation.

Madame Vanessa Beeley : écrivaine, photographe, journaliste et militante pour la paix.

Je ne suis pas étonnée du grand nombre d’évacués portant des nationalités de pays du Golfe, vu ce que j’ai appris sur place, notamment par les habitants de la Ghouta avant et après sa libération.

Ce que je crains est que les États membres de l’OTAN qui se sont acharnés à renverser le gouvernement syrien et qui ont armé, financé et protégé cette organisation, ne se résignent pas à abandonner leur projet.

Ils sont en train de les ramener vers l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni, ces deux derniers pays ayant participé avec les États-Unis aux frappes du 14 avril dernier sur la Syrie, après la mise en scène de Casques blancs soignant la population suite à une attaque chimique prétendument menée par le gouvernement syrien à Douma ; mise en scène ayant servi de prétexte pour légitimer les frappes.

Et puis, vu le nombre important de Casques blancs rendus dans les pays précités, jusqu’où iront-ils dans l’exploitation de leurs témoignages maintenant que l’Armée syrienne se dirige vers la libération d’Idleb ? Idleb où se sont rassemblés des éléments soutenus par les États-Unis et la Turquie et où des Casques blancs sont toujours présents, toujours susceptibles de simuler une nouvelle attaque chimique, comme cela s’est passé en 2017 à Khan Cheikhoun ? Ce qui, ajouté aux témoignages de ceux rendus en Europe, criminalisera une fois de plus le gouvernement syrien et déclenchera la colère de l’opinion publique.

Cette démarche des pays membres de l’OTAN devrait donc modérer notre optimisme et nous inviter à ne pas trop croire aux annonces de leur retrait de Syrie.

M. Turki Al-Hassan : Général de brigade syrien à la retraite et expert militaire

Vous me demandez s’il s’agit là d’une opération de sauvetage ou de cessation d’activité. À mon avis, le rôle de cette organisation est terminé vu qu’elle a perdu sur le terrain et qu’elle ne peut plus remplir les mêmes fonctions que par le passé. Je pense que la question a été discutée au Sommet de l’OTAN [11-12 juillet 2018] et qu’un accord a été conclu pour redistribuer ses membres.

Le fait que l’OTAN ne se soit intéressée qu’à cette organisation, à l’exclusion de toutes les autres, indique qu’elle travaille aux ordres des services du renseignement des États souteneurs tout en étant en relation avec les ministères des Affaires étrangères des États-Unis et du Royaume-Uni. D’ailleurs, les circonstances de son apparition sur la scène syrienne et les sommes faramineuses qui lui ont été allouées, en notant au passage que les États-Unis ont déclaré suspendre leurs dotations en Avril 2018 pour les reprendre cinq semaines plus tard, indiquent clairement la nature de la fonction dont elle s’est acquittée.

Et le fait que l’évacuation se soit faite via Israël témoigne du rôle direct de ce dernier dans l’agression contre la Syrie, en plus d’indiquer que les commanditaires ont préféré éviter Idleb afin de ne pas dévoiler les identités de leurs agents et d’autres secrets qu’ils préfèrent ne pas éventer.

Quant à nous, nous ne sommes troublés ni par leur Oscar, ni même par leur candidature au Prix Nobel ou à tout autre prétendu honneur, car notre Télévision nationale a diffusé suffisamment de documents prouvant que les Casques blancs ne sont que des outils, qu’ils sont armés, qu’ils se sont battus aux côtés du Front al-Nosra, de Ahrar al-Cham et de diverses factions terroristes à l’Est d’Alep, à Idleb et dans la Ghouta. Nous possédons des dossiers documentés et complets sur cette organisation.

Concernant les chiffres, je pense qu’ils sont exacts, mais je crois que les Syriens n’ont pas été évacués. Ils se dirigeront vraisemblablement, comme les autres, vers le Nord du pays ou tenteront de régler leur situation avec les autorités. Néanmoins, je rappelle qu’il y a quelques jours, la Télévision syrienne a rapporté que des services du renseignement israélien tentaient de reproduire dans le Sud syrien, c’est-à-dire à Daraa et Al-Quneitra, le scénario joué au Liban : celui de Saad Haddad et de l’armée de Lahd qu’ils ont fini par abandonner à leur triste sort...

Oui, nous devons rester vigilants.

Mouna Alno-Nakhal

26/07/2018

Source : Al-Massaiya d’Al-Mayadeen

https://www.youtube.com/watch?v=ptnRABQ2Bsc

[*] [France / Syrie : la diplomatie humanitaire au secours d’une guerre perdue ?]

URL de cet article 33658
   
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Lorsque l’on tente, comme ce fut le cas récemment en France, d’obliger une femme à quitter la Burqa plutôt que de créer les conditions où elle aurait le choix, ce n’est pas une question de libération mais de déshabillage. Cela devient un acte d’humiliation et d’impérialisme culturel. Ce n’est pas une question de Burqa. C’est une question de coercition. Contraindre une femme à quitter une Burqa est autant un acte de coercition que l’obliger à la porter. Considérer le genre sous cet angle, débarrassé de tout contexte social, politique ou économique, c’est le transformer en une question d’identité, une bataille d’accessoires et de costumes. C’est ce qui a permis au gouvernement des Etats-Unis de faire appel à des groupes féministes pour servir de caution morale à l’invasion de l’Afghanistan en 2001. Sous les Talibans, les femmes afghanes étaient (et sont) dans une situation très difficile. Mais larguer des "faucheuses de marguerites" (bombes particulièrement meurtrières) n’allait pas résoudre leurs problèmes.

Arundhati Roy - Capitalism : A Ghost Story (2014), p. 37

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