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Syrie : le projet de créer un « État de jungle » a plutôt donné naissance à un puissant mouvement de résistance

Remodelage du Moyen-Orient : Pourquoi l’ingérence occidentale devrait cesser (deuxième partie)

L’ingérence étrangère a poussé bien des populations du Moyen-Orient dans la pauvreté, tout en les rendant plus déterminées à affronter et à rejeter la domination mondiale que veulent exercer les USA. Le nombre de pays du Moyen-Orient et d’acteurs non étatiques qui s’opposent à la coalition des USA est relativement petit et faible comparativement au camp adverse, mais ils ont quand même réussi à ébranler la superpuissance la plus riche et la plus forte, tout comme ses alliés du Moyen-Orient riches en pétrole qui ont été les bailleurs de fonds et les instigateurs des guerres récentes. Ces opposants se sont fondus en un mouvement de résistance qui gagne en popularité partout dans le monde, malgré une guerre de propagande sans précédent dans les médias de masse. Le pouvoir de convaincre de la coalition des USA s’est effondré sur le plan intérieur et à l’étranger, sous le poids de la supercherie flagrante intrinsèque au projet de soutenir des gangs djihado-takfiris qui terrorisaient, violaient et tuaient des chrétiens, des sunnites, des laïques et d’autres populations civiles, en prétendant mener une guerre mondiale contre le terrorisme islamique.

Les petits pays ciblés par la coalition américaine sont théoriquement et stratégiquement importants en raison de leur proximité à Israël. Malgré leurs faibles ressources et leur nombre relativement limité d’alliances par rapport à l’autre camp, ils rejettent toute forme de réconciliation selon les conditions imposées par Israël.

De son côté, Israël se réconcilie et tisse des liens de plus en plus ouverts avec les pays arabes riches en pétrole. Nous voyons aujourd’hui le premier ministre Benjamin Netanyahu musarder à Varsovie, en train de discuter et d’échanger des poignées de main avec des dirigeants arabes. Ce n’est évidemment pas la première rencontre du genre, car on a constaté ces dernières années une ouverture et un réchauffement progressif des relations entre Israël et de nombreux dirigeants arabes.

Mais il faut dire que ces pays du Moyen-Orient ont longtemps soutenu l’agression d’Israël contre le Liban et ses habitants. Dans la dernière décennie, cet appui s’est étendu pour inclure un complot contre les Palestiniens et la Syrie.

Les USA font d’énormes pressions sur la Syrie depuis 2003, après l’invasion de l’Irak. Lors de la visite du secrétaire d’État Colin Powell à Damas en mars 2003, il a offert une gouvernance de longue durée au président Bachar al-Assad s’il se soumettait à la condition suivante : abandonner le Hamas et le Hezbollah et ainsi se rallier à la feuille de route menant à la création du « nouveau Moyen-Orient ».

Après l’échec de la tentative d’intimidation de Powell, l’Arabie saoudite et le Qatar, les deux principaux alliés de l’administration américaine qui lui servent aussi de bailleurs de fonds pour remplir ses objectifs (et ceux d’Israël), ont promis de faire pleuvoir or et richesse à la Syrie.

Mais Assad ne voulait pas subir l’influence et la pression américaines et saoudiennes. L’influence, c’était l’affaire des USA, l’Arabie saoudite et le Qatar restaient derrière, prêts à puiser dans leurs goussets. Une guerre contre l’État syrien devenait alors inévitable, dont les objectifs et les avantages potentiels étaient immenses.

Sept ans de guerre en Syrie expliqués en quelques paragraphes

La prolifération de Daech a repoussé la cause palestinienne vers la périphérie. Ce groupe a terrorisé le Moyen-Orient et contribué à la destruction de l’infrastructure de la région, en tuant ses habitants par milliers et en drainant ses richesses. Daech a également lancé de nombreuses attaques partout dans le monde, du Moyen-Orient à l’Europe. Daech n’a jamais attaqué Israël, même s’il était basé à sa frontière sous le nom « d’armée Khalid ibn al-Walid ». Al-Qaeda n’a pas attaqué Israël non plus, avec qui il a partagé une frontière commune pendant des années, en bénéficiant du soutien des services de renseignement israélien et même de soins médicaux !

Tout cela s’est fait dans le but de détruire la Syrie en la divisant en zones d’influence : la Turquie en prenait un gros morceau (Alep, Afrin, Idlib) ; les Kurdes réalisaient leur rêve en accaparant des terres arabes et assyriennes au nord-est pour créer le territoire du Rojava lié au Kurdistan irakien ; Israël prenait possession des hauteurs du Golan en permanence tout en créant une zone tampon en grugeant encore plus de territoire à Quneitra ; un État en déliquescence était créé où les djihadistes et les groupes de mercenaires pouvaient s’entretuer à qui mieux mieux pour assurer leur domination ; et tous les djihadistes parvenaient à leur destination favorite et la plus sacrée (Bilad al-Sham – le Levant), pour en faire des « Émirats islamiques ».

Il s’agissait aussi, sur le plan stratégique, de stopper l’envoi d’armes de l’Iran au Liban, qui passait par Damas ; d’affaiblir « l’Axe de la résistance » irano-syro-irako-libanais en coupant l’élément syrien ; de préparer une autre guerre contre le Liban une fois la Syrie rayée de la carte ; d’accaparer les ressources pétrolières et gazières de la Syrie sur terre et en Méditerranée ; de construire un pipeline du Qatar à l’Europe pour paralyser l’économie russe ; et enfin de faire sortir la Russie du Levant en abandonnant sa base navale sur la côte.

Pendant toute la durée de la guerre syrienne, aucun leader ne s’est proposé pour diriger le pays et remplacer Bachar al-Assad. Le plan était d’établir l’anarchie, de façon à ce que la Syrie devienne un « État de jungle » au Moyen-Orient.

C’était un plan dont l’envergure dépassait Assad et s’étendait bien au-delà des Syriens. Des pays du Moyen-Orient (l’Arabie saoudite et le Qatar) ont investi des centaines de milliards de dollars pour tuer des Syriens, détruire leur pays et accomplir les objectifs susmentionnés. C’était un crime contre une population entière avec la complicité attentive du monde moderne et « démocratique ».

De nombreux prétextes ont été servis pour expliquer la guerre en Syrie. Ce n’était pas seulement un changement de régime qui était souhaité, mais aussi la création d’un État de jungle. Les cercles de réflexion, les journalistes, les universitaires, les ambassadeurs, tous se sont joints à la fiesta en s’associant au massacre de Syriens. Des larmes de crocodile ont été versées à propos de « catastrophes humanitaires » en Syrie alors qu’au Yémen, le pays le plus pauvre du Moyen-Orient, le massacre se poursuivait et se poursuit encore, pendant que les mêmes médias institutionnels détournent le regard et dissimulent la nature du conflit au public en général.

Quiconque comprenait le jeu, ou même une partie du jeu, était qualifié « d’assadiste », une désignation qui se voulait méprisante. L’ironie cruelle, c’est que l’épithète « assadiste » a été employée à profusion par des intellos américains qui n’ont évidemment jamais comptabilisé et reconnu publiquement les millions de morts que les dirigeants politiques des USA ont causés au cours des siècles.

Qu’a apporté cette intervention mondiale ?

La Russie est retournée au Levant après une longue hibernation. Son rôle essentiel est de s’opposer à l’hégémonie des USA dans le monde sans provoquer, ou même tenter de provoquer une guerre contre Washington. Moscou a fait étalage de ses nouvelles armes, a ouvert des marchés pour son industrie militaire et a fait valoir ses compétences sur le plan militaire sans tomber dans les nombreux pièges posés au Levant durant sa présence active. Elle a conclu l’accord d’Astana pour contrecarrer les tentatives de manipulation des négociations par l’ONU. Elle a réussi à compartimenter la guerre en plusieurs régions de façon à pouvoir régler chaque composante séparément. Poutine a démontré toute la finesse de son esprit militaire en tirant son épingle du jeu de la « mère de toutes les guerres » en Syrie. Il s’est aventuré habilement dans le camp des USA pour contrer leurs objectifs hégémoniques, en plus de créer des alliances stratégiques solides et durables avec la Turquie (un membre de l’OTAN) et l’Iran.

L’Iran a trouvé un terrain fertile en Syrie pour consolider « l’Axe de la résistance » lorsque les habitants du pays (chrétiens, sunnites, Druzes, laïques et autres minorités) ont réalisé que la survie de leurs familles et de leur contrée était en jeu. Il a réussi à reconstituer l’arsenal de la Syrie et à livrer au Hezbollah les armes perfectionnées nécessaires à une guérilla classique pour empêcher Israël d’attaquer le Liban. Assad est reconnaissant de la fidélité de ces partenaires qui ont été du côté de la Syrie alors que le monde conspirait pour la détruire.

L’Iran a adopté une nouvelle idéologie. Elle est ni islamique, ni chrétienne, et a pris naissance pendant les sept dernières années de guerre. Il s’agit d’une « idéologie de la résistance », qui va au-delà de la religion. Cette nouvelle idéologie s’est même imposée sur l’Iran clérical et le Hezbollah, qui ont renoncé à leur objectif d’exporter une République islamique, en choisissant plutôt de soutenir toutes les populations prêtes à s’opposer à l’hégémonie destructive que les USA imposent sur le monde.

Dans le cas de l’Iran, il n’est plus question d’étendre le chiisme ou de convertir des laïques, des sunnites ou des chrétiens. Le but recherché est que tous identifient le véritable ennemi et se dressent contre lui. Voilà ce que l’intervention de l’Occident au Moyen-Orient est en train de créer. L’Occident a effectivement réussi à appauvrir la région, mais il a aussi engendré un ressac provenant d’un front puissant. Ce nouveau front semble plus fort et plus efficace que les forces déchaînées par les centaines de milliards de dollars dépensés par la coalition opposée dans le but de semer la destruction pour assurer la domination des USA.

Elijah J. Magnier

Traduction : Daniel G.

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Eric Hazan. Changement de propriétaire. La guerre civile continue. Le Seuil, 2007
Bernard GENSANE
Très incisif et très complet livre du directeur des éditions La Fabrique (qui publie Rancière, Depardon, Benjamin etc.), ce texte n’est pas près de perdre de son actualité. Tout y est sur les conséquences extrêmement néfastes de l’élection de Sarkozy. Je me contenterai d’en citer le sombrement lucide incipit, et l’excipit qui force l’espoir. « Dimanche 6 mai 2007. Au bureau de vote, la cabine dont on tire les rideaux derrière soi pour mettre son bulletin dans l’enveloppe s’appelle un (…)
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