La Jornada, 31 août 2006.
Le XIVe sommet du Mouvement des Pays Non Alignés (MNA), qui se tiendra à La Havane du 11 au 16 septembre prochain [1] , souligne la division du monde apparue à la fin du XIXe siècle entre puissances impérialistes et pays dépendants.
Aujourd’hui, si les Etats-Unis jouent le rôle hégémonique tenu précédemment par la Grande Bretagne, la dichotomie subsiste entre impérialistes et dépendants : le développement des centres impérialistes conditionne le sous-développement de l’immense majorité des nations sujettes à leur exploitation.
C’est le cas des pays membres du MNA, qui ont initialement souffert du colonialisme et ultéreurement du néocolonialisme. A la suite de la défaite du nazi-fascisme, le colonialisme était devenu moralement et juridiquement insoutenable. Pour autant, celui-ci — dont il subsiste des vestiges, comme Porto Rico — s’est refusé à disparaître, d’où la lutte des mouvements de libération nationale qui mena à l’indépendance de pays comme l’Inde ou l’Indonésie. Dans un certain nombre de cas de grandes guerres de résistance ont été nécessaires, comme celles des peuples indochinois ou les colonies portugaises.
Mais l’obtention de l’indépendance n’a presque jamais été accompagnée de la rupture des liens de domination impérialiste. On est alors passé du colonialisme au néo-colonialisme.
Des mécanismes comme la dette extérieure, la dollarisation des relations économiques internationales, l’investissement étranger non régulé, l’assymétrie technologique et l’échange inégal se sont poursuivis, plongeant les peuples du Sud dans le retard économique, éducationnel, sanitaire et scientifique. Les bien mal nommés traités de libre-commerce synthétisent de nos jours la perpétuation per secula, à durée indéterminée, de ces instruments de domination.
Des termes comme pays "en voie de développement" sont des euphémismes dans la mesure où ils n’ont aucune possibilité d’atteindre le stade du développement sans rompre la sujétion à l’ordre capitaliste. De là découle aussi la nécessité de remettre en question le concept capitaliste de développement pour le réorienter vers une dimension rationnelle, de solidarité humaine, respectueuse de la nature et de l’interculturalité.
L’Amérique latine est un cas type car près de deux cents ans après avoir obtenu l’indépendance politique formelle, ses peuples, soumis encore au néocolonialisme, luttent pour leur seconde et définitive indépendance, comme le préconisait en son temps la Seconde Déclaration de la Havane. Le Venezuela et la Bolivie sont des exemples de nations qui aujourd’hui prennent ce chemin, poussées par des révolutions populaires.
Cuba est le premier pays de notre région qui est parvenu à se libérer des chaînes néocoloniales. Son empreinte a donné une grande impulsion aux luttes de libération nationale et sociale dans le dénommé Tiers-monde et avec la révolution algérienne, le processus de décolonisation en Afrique et la victoire du Vietnam sur l’agression yankee, a insufflé de nouveaux vents rebelles au MNA.
Le MNA cherchait à partir du rendez-vous fondamental de Bandung en 1955, à mettre à l’abri ses membres des pressions de l’affrontement entre les Etats-Unis et la défunte URSS, les deux superpuissances de l’époque. A cet effet il plaidait pour le respect de la Charte de l’ONU ainsi que pour les principes de souveraineté nationale, d’autodétermination des peuples, pour l’opposition aux blocs et aux bases militaires étrangères, pour la lutte pour la paix et au réglement pacifique des conflits, ainsi que pour un nouvel ordre économique international juste et équitable. Son influence était croissante jusqu’à l’absurde intervention soviétique en Afghanistan, une des raisons qui précipita l’effondrement de l’URSS. Celui-ci, à son tour, ouvrit les portes à l’unipolarité usaméricaine et au développement de l’offensive néolibérale.
L’application généralisée du dénommé Consensus de Washington fit perdre leur autonomie aux pays du MNA et avec l’unipolarité provoqua en son sein une énorme confusion idéologique, qui eut pour effet de le condamner à la paralysie.
Néanmoins, les terribles conséquences sociales du néolibéralisme et son orientation belliqueuse qui saute aux yeux en Afghanistan, en Irak, en Palestine et au Liban, ont créé les conditions propices au groupe pour retrouver un second souffle. C’est ainsi qu’au rendez-vous de la Havane les hôtes plaident pour le passage de la rhétorique à l’action. Cuba, qui va présider le MNA pour trois ans, en plus d’insister pour mettre en oeuvre les principes historiques du non-alignement par des mesures pratiques, propose de donner un tour nouveau à la coopération entre ses membresen développant d’importants programmes en matière d’éducation, de santé et d’économie d’énergie, à partir des précieuses expériences de l’île.
Angel Guerra Cabrera
aguerra_123@yahoo.com.mx...
– Source : La Jornada www.jornada.unam.mx
– Traduit de l’espagnol en français par Gérard Jugant.
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