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L’assassinat qui a plongé le monde dans l’horreur

Sarajevo, première guerre du XXe siècle. A quand la troisième ?

« L’attentat de Sarajevo a été la goutte d’eau qui mit le feu aux poudres. » Jean Charles, humoriste.

La première moitié du XXe siècle vit une tragédie telle que l’humanité n’en avait encore jamais vue : deux guerres mondiales vont faire des dizaines de millions de morts. L’Europe est à feu et à sang. Une grande partie de ce sang provient des colonies... Les enjeux sont complexes : derrière l’idéologie fasciste qu’il faut combattre se cache un problème d’identité des Etats européens, identité économique, identité politique que les deux conflits n’ont pas totalement résolu. Le 28 juin 1914 écrit Pierre Baron, l’archiduc François-Ferdinand, héritier de l’Empire austro-hongrois, et son épouse sont assassinés à Sarajevo. Cet attentat va plonger l’Europe, et le monde, dans quatre années d’une guerre suicidaire, causant la mort de 9,5 millions de soldats et des séquelles pour 21 millions d’autres. Un carnage effrayant qu’aucune chancellerie n’a su arrêter. Au-delà du bilan humain, les conséquences du conflit pèsent lourd : le Vieux Continent a perdu son hégémonie économique ; l’Allemagne, humiliée, rêve de revanche ; et le Moyen-Orient, à qui l’on a fait toutes les promesses reste ingérable. Sans oublier les premières utilisations massives d’armes chimiques et le dévoiement du progrès technique au service de l’optimisation des hécatombes »... A l’aune de la psychanalyse cette pulsion de mort provoque la chute des Empires russes, austro-hongrois allemand et ottoman La folie autodestructrice a aussi anéanti les valeurs de respect et de dignité humaine, avec d’incessantes vagues d’assauts criminelles pour gagner quelques mètres sur l’ennemi.

Les victimes indirectes du conflit

Deux bémols à la position de Pierre Baron : la pagaille actuelle au Moyen-Orient est due à deux promesses non tenues par les Britanniques d’abord, l’assurance qu’en se battant contre l’Empire ottoman, les Arabes auraient droit à un royaume - souvenons-nous des Laurence d’Arabie- la deuxième est la déclaration de Sa Majesté la Reine promettant une seconde fois après Dieu une Terre aux Juifs du monde Résultat des courses : un conflit qui dure depuis un siècle, le califat supprimé, les Arabes plus divisés que jamais à partir d’un dépeçage de l’Empire ottoman qui partagea sa dépouille entre les éternels acolytes dans le mal, La perfide Albion et le coq gaulois... De plus, du côté français, La force noire – bataillons de chairs à canon constitués par les colonisés de l’Afrique noire – que le général Nivelle utilise généreusement ainsi que les « bougnoules » sobriquet dérivant de « Aboul la gnole » (*) avec laquelle carburaient les Régiments de tirailleurs algériens et les tabors marocains a fait d’énormes saignées dans une guerre où les colonisés n’avaient rien à y faire. Il est vrai que la conscription obligatoire fut vue comme une autre réprimande par les colonisés.

Le déroulement du feuilleton macabre

Dans une contribution parue sur le site Agoravox, Sylvain Rakotoarison tente de décrire les dates nombreuses qui ont amené justement à la guerre « Depuis le 13 juillet 1878, la Bosnie, musulmane et intégrée à l’Empire ottoman, était sous domination de l’Empire austro-hongrois, très catholique, qui l’a finalement annexée en 1908. Le Congrès de Berlin supervisé par Bismarck réduisait la victoire militaire de la Russie sur les Turcs en maintenant une série de petits États dans les Balkans comme l’avaient voulu l’Autriche-Hongrie et le Royaume-Uni pour éviter la slavisation de l’Europe du Sud et surtout, éviter aux Russes l’accès à la Méditerranée. Bismarck était satisfait car il avait réussi à préserver la paix au sein de l’Europe tout en conservant l’hégémonie du Reich. Mais en 1903, un coup d’État porta à la tête de la Serbie un leader de l’expansionnisme serbe soutenu par la Russie alors qu’auparavant, le pays était allié à l’Autriche. » (2)

Le détonateur des guerres balkaniques de 1912 et 1913

« 28 juin 1914 poursuit l’ auteur, soit un an après les deux guerres balkaniques de 1912 et 1913 qu’il serait un peu difficile de résumer en quelques mots, et qui avaient été la conséquence de l’émergence des nationalismes suscités par le Traité de Berlin. Le 7 mars 1912, un accord d’alliance contre l’Autriche-Hongrie et l’Empire ottoman a été signé entre la Serbie et la Bulgarie, encouragé par la Russie. Le 29 mai 1912, un autre accord fut signé entre la Bulgarie et la Grèce contre l’Empire ottoman pour s’emparer de la Macédoine et de la Thrace. En juin 1912, ce fut un accord d’alliance entre la Grèce et la Serbie. Les trois pays (Serbie, Bulgarie, Grèce) formèrent la Ligue balkanique qu’a rejointe le Monténégro. Cette Ligue était soutenue par la Russie et avait pour but d’affranchir les populations chrétiennes de l’Empire ottoman du joug autrichien. Le 8 octobre 1912, le Monténégro déclara la guerre à l’Empire ottoman. Ses trois alliés de la Ligue l’imitèrent le 17 octobre 1912. Ce fut une victoire totale sur les Ottomans déjà très affaiblis depuis une trentaine d’années, et qui terminaient, le 15 octobre 1912, une guerre contre l’Italie et la Libye. À l’issue de cette Première Guerre balkanique, les Ottomans perdirent leurs derniers territoires européens sauf Istanbul et les bords de la mer de Marmara. L’armistice demandé par la Turquie fut signé le 19 avril 1913 après une première tentative en début décembre 1912 Ce fut la première guerre aérienne avec le survol le 6 février 1913 d’un avion grec dans les Dardanelles qui balança des bombes sur des navires ottomans. » (2)

La Serbie fut cependant la plus grande bénéficiaire de ces deux guerres balkaniques en doublant la superficie de son territoire et en augmentant de moitié sa population. La Serbie devenait le relais russe pour déstabiliser l’Empire austro-hongrois. L’Allemagne, qui avait compris que l’Empire ottoman allait s’effondrer en Europe imaginait un nouvel axe des puissances centrales avec la Bulgarie pour faire face aux Russes Le démantèlement de l’Empire ottoman a rendu instable la partie sud de l’Europe centrale. » (2)

Le choix de faire un déplacement officiel à Sarajevo le 28 juin 1914 n’était pas anodin. cette date avait une valeur symbolique : fête religieuse chez les Serbes orthodoxes (Vidovdan) et anniversaire de la bataille de Kosovo Polje du 28 juin 1389 qui fut, contre les Serbes menés par le Prince Lazare, une victoire stratégique des Turcs qui annexèrent durablement le royaume de Serbie à l’Empire ottoman. C’est à la fin de ces manoeuvres que l’archiduc a regagné Sarajevo où l’attendaient des festivités en son honneur, et c’était pour cette raison qu’il se fit accompagner de sa femme vivant retirée à Vienne. Il y eut d’abord vers dix heures et quart du matin un premier attentat lors du trajet du couple princier vers l’hôtel de ville, qui fit plusieurs blessés. L’archiduc avait réussi à éloigner une bombe lancée par un terroriste maladroit. François-Ferdinand visita pendant une demi-heure l’hôtel de ville puis voulut se rendre à l’hôpital pour visiter les blessés. Le chauffeur n’ayant pas été informé de cette volonté d’aller visiter les blessés, n’a pas pris le bon itinéraire. Il s’arrêta pour faire marche arrière. La voiture était alors à l’arrêt au milieu de la foule et Gavrilo Princip, s’est retrouvé proche de la voiture et a saisi l’occasion. Gavrilo Princip tira deux balles sur le couple. L’arme aurait été fournie par le gouvernement serbe et Princip faisait partie d’un groupe de terroristes chargés d’assassiner l’archiduc à Sarajevo. » (2)

Les conséquences

Les conséquences de ce double assassinat furent catastrophiques pour le monde entier car ce drame a amorcé des réactions en chaîne. Jeu de dominos qui fut la conséquence d’un double système d’alliances : la Triple-Entente avec la France, le Royaume-Uni et la Russie, et le Triplice avec l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, et des empires coloniaux, le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Inde, l’Afrique du Sud et les colonies françaises et belges suivirent les positions du Royaume-Uni et de la France. Le 5 juillet 1914 à Potsdam, l’Allemagne a rapidement affiché son soutien inconditionnel à l’Autriche-Hongrie en lui recommandant la fermeté. Le 28 juillet 1914, l’Autriche-Hongrie déclara la guerre à la Serbie. Le 1er août 1914, mobilisation générale en Allemagne, et l’Allemagne déclara la guerre à la Russie. Le 2 août 1914, mobilisation générale en France, Le 3 août 1914, l’Allemagne déclara la guerre à la France et à la Belgique. Le 2 novembre 1914, la Serbie déclara la guerre à l’Empire ottoman. Le 3 novembre 1914, la France et le Royaume-Uni déclarèrent la guerre à l’Empire ottoman. Le bilan de la guerre est monstrueux : dix millions de morts, vingt et un millions de blessés, huit millions de disparus. L’Europe a été complètement remodelée avec la chute des Empires allemand, austro-hongrois, ottoman et russe. Les Traités de paix de Versailles (28 juin 1919), de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919), de Neuilly (27 novembre 1919), du Trianon (4 juin 1920) et de Sèvres (10 août 1920) n’ont toutefois pas empêché la montée du nazisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, autrement plus atroce encore... » (2)

Qui est responsable du déclenchementde la guerre ?

Rappelons d’abord, que Nicolas II, tsar de Russie, Guillaume 2, empereur d’Allemagne et George V, roi d’Angleterre étaient cousins tous petits enfants de la Reine Victoria (Nicolas II, tsar de Russie et George V, roi d’Angleterre se ressemblaient comme deux jumeaux), ils passaient toutes leurs fêtes familiales ensemble et dans la tradition aristocratique. Ce qui a fait le lit de la guerre de 14-18 c’est aussi le traité de Berlin cité plus haut. Gérard Luçon nous indique les partages qui en creux dessinent les ressentiments ayant amené à la guerre : « Qui se souvient de la période 1850-1880 qui pourtant a été une étape capitale dans la lutte contre la montée du syndicalisme et du marxisme et pour la déréglementation, déjà ? (...) En 1878 Bismarck est à l’apogée de sa splendeur, il fait organiser à Berlin, du 13 Juin au 13 Juillet, un congrès dans le but de légiférer certains problèmes notamment : en finir avec le Traité de San Stefano, signé en mars de la même année et contesté par les Anglais et l’Autriche-Hongrie ; redistribuer les cartes dans les Balkans ; (...) Ce redécoupage tiendra jusqu’en 1914, soit plus de 30 ans, secoué durant cette période par deux autres points, la déréglementation et les usuriers. Il est impossible de ne pas faire un parallèle entre cette époque et celle de l’après-Seconde Guerre mondiale avec l’explosion programmée de l’ex-Yougoslavie en s’appuyant sur une partie du monde musulman. Encore une fois, il fallait diminuer la puissance du « monde » slave ! C’est également ce qui se passe en ce moment en Ukraine, une petite partie du pays est tournée vers l’Europe, l’autre restant slave et fière de l’être ; il faut encore une fois diminuer la puissance potentielle du monde slave alors l’UE pousse les gens dans la rue ! » (3)

Le livre très fouillé de Christophe Clark : Les somnanbules, remet sur le tapis le problème de l’interprétation, qui est loin d’être close. Il insiste notamment sur l’aide militaire importante fournie par Poincaré à la Serbie et la responsabilité particulière du tsar et de ses généraux dans le déclenchement des événements. Rappelons que l’Allemagne ayant été rendue ´´responsable´´ de la guerre par l’article 231 du traité de Versailles, en 1919. Ce livre prend le contrepied des thèses conventionnelles sur les origines du conflit. Ainsi disculpe-t-il très largement l’Allemagne et l’empereur Guillaume II, fantasque, immature mais sans réelle autorité sur ses ministres. Il souligne aussi que rien ne laissait prévoir l’effondrement de l’Autriche-Hongrie, une confédération qui fonctionnait cahin-caha mais assurait à ses peuples une prospérité appréciable. Il met en évidence par contre l’écrasante responsabilité des Serbes et du tsar Nicolas II ainsi que l’irresponsabilité des dirigeants français, qui n’ont pas su modérer les Russes, et la légèreté des Britanniques, engagés dans une alliance où ils n’avaient pas leur place ». (4)

De ce fait, l’ancienne thèse était d’une politique extérieure allemande ayant hâté la guerre parce qu’en quête de puissance mondiale, est remise en cause. Christopher Clark replace l’attentat de Sarajevo et le contexte balkanique, au centre de la scène. (...) Il invite surtout à bien peser le rôle bellige d’une Serbie marquée par le fanatisme nationaliste et la culture de l’assassinat politique. Par extension, cela conduit à redonner un rôle de premier plan à la Russie et à la France, - un raisonnement qui minimise, souvent à l’excès, la responsabilité de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie dans la généralisation de la crise, après Sarajevo (5).

La dette allemande : le carburant de la Seconde Guerre mondiale

Nous devons savoir que l’Allemagne a payé deux fois des lourdes sommes du fait qu’elle a perdu les deux guerres. « L’Allemagne paiera » tel étant le slogan français ; « Au-delà de la réunification, l’Allemagne fête sa dernière contribution aux dommages de la Première Guerre mondiale. Ce qu’on sait moins, c’est que ce 3 octobre 2010, c’est aussi une date économique et historique importante pour l’Allemagne non pas en raison des suites de la Seconde Guerre mondiale, mais des suites de la... Première Guerre mondiale. L’Allemagne termine, ce 3 octobre 2010, le paiement de sa dette due aux dommages de la Première Guerre mondiale. Presque quatre-vingt-douze ans après la fin de la guerre. Le Traité de Versailles (signé le 28 juin 1919) avait été très ferme contre l’Allemagne. Les dommages de guerre avaient été estimés à deux cent vingt-six milliards de marks-or (équivalents à quatre-vingt-seize mille tonnes d’or) réduits à cent trente-deux en 1929 (dont la moitié destinée à la France). L’effort était tel que l’Allemagne a sombré dans la crise économique après le crash de 1929. En 1931, les remboursements avaient donc été interrompus. En 1933, Hitler refusa bien sûr de les reprendre. Jusqu’en 1952, l’Allemagne fédérale avait payé près d’un milliard et demi de marks aux Alliés. En 1953 (par l’Accord de Londres les Alliés avaient accepté d’attendre une improbable réunification avant de faire payer les intérêts qui avaient couru de 1945 à 1952 (soit cent vingt-cinq millions d’euros). Le remboursement devait se faire sur vingt ans. À partir du 3 octobre 1990, date de la Réunification, l’Allemagne a donc remboursé ces intérêts (environ cinquante-six millions d’euros pour 2010, deux cents millions en tout entre 1990 et 2010). Jusqu’à ce 3 octobre 2010. (6)

On comprend dans ces conditions que le peuple allemand avec sa fierté légendaire ait refusé de payer. Mieux encore il n’est pas étonnant que pour effacer l’humiliation de l’armistice du 11 novembre 1918 entre la France, ses alliés et la République de Weimar, qu’Hitler fasse signer dans le même fourgon à Rethondes l’armistice du 22 juin 1940 entre la France et le Troisième Reich. Si on n’y prend pas garde, le conflit ukrainien qui vise à deslaviser la partie occidentale de la Russie, risque lui aussi de déboucher sur une troisième guerre mondiale. Les petits calculs de l’Europe risquent de précipiter sa perte...

Chems Eddine CHITOUR

(*) Selon Alain Rey, bougnoul vient du wolof "gnoul" qui signifie noir et "bu" qui signifie chose. Le mot date de 1890 (LGS).

Original de l’article

»» http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour

1. Pierre Baron Edifiant Hors Série n°807 Historia mars 2014
2. Sylvain Rakotoarison http://www.rakotoarison.eu/ http://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/sarajevo-1914-une-question-de-153817 28 juin 2014
3. Gérard Luçon : http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-traite-de-berlin-en-1878-lutte-146954
4. André Larané http://www.herodote.net/Les_somnambules-bibliographie-519.php
5. A.Loez http://www.lemonde.fr/livres/article/2013/09/26/14-avant-14_3485283_3260.html
6.http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-57998349.html


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