Mardi 26 Janvier 2010
Auteur : odile faure
o.faure@sudouest.com
Leur « soeur » de Mayotte, étudiante aussi, a témoigné en larmes devant la préfecture. (ph j.-l. Duzert)
La communauté universitaire est sous le choc. Deux étudiantes comoriennes du département de géographie ont été arrêtées hier matin, vers 9 heures, alors qu’elles se rendaient de leur chambre universitaire à la faculté de lettres. Le coup de filet de la police de l’air et des frontières s’est déroulé dans le parc du quartier Saragosse.
Sitty et Liouize ont ensuite été placées en garde à vue dans les locaux de la PAF, à Billère, où leur avocate, Me Massou-dit-Labaquère, a pu les rencontrer. Dans l’après-midi, elles ont été transférées à Paris, sur l’île de la Cité, où se trouve un centre de rétention administrative.
« Pas arrêtées par hasard »
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Les étudiants du réseau Université sans frontières ont informé leurs collègues de l’université, salle de cours après salle de cours. Le réseau Éducation sans frontières, les associations de défense des droits de l’homme ont été très rapidement informés. A 18 heures, un rassemblement s’est improvisé devant la préfecture des Pyrénées-Atlantiques, regroupant des étudiants, des enseignants, des élus, des syndicalistes et de simples militants.
Premier visé, le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Philippe Rey. « Libérez les étudiantes ! Des papiers pour tous ! » ont scandé les manifestants.
Pour Me Massou-dit-Labaquère, cette arrestation est la volonté d’un seul homme. « Les étudiantes n’ont pas été interpellées lors d’un contrôle, elles n’ont pas été arrêtées par hasard. C’est un ordre direct du préfet ! Le jugement du tribunal administratif qui a confirmé l’obligation de quitter le territoire date de juillet. Pourquoi maintenant ! Parce que cela fait monter les chiffres » s’emporte l’avocate, qui a saisi la Cour européenne des droits de l’homme immédiatement.
Du côté de la préfecture, c’est le silence le plus total. L’administration s’est peut-être agacée d’une situation inachevée. Sitty et Liouize ont été admises en 2009 en 2e année de licence de géographie à l’université de Pau alors qu’elles étaient sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français. Elles ont obtenu des bourses et une chambre en cité U parce qu’elles y avaient droit au vu de leurs ressources. Une lettre de la préfecture avait pourtant été envoyée au président de l’université, Jean-Louis Gout.
L’année dernière, la communauté universitaire s’était déjà émue de la situation de ces deux jeunes filles, « assidues et sérieuses », dont « la seule faute est d’être nées aux Comores ». Elles n’y ont passé que quelques mois, envoyées ensuite à Mayotte, territoire et bientôt département français. « Elles ont fait toute leur école à Mayotte ; elles ont passé leur bac à Mayotte, qui dépend de l’académie de La Réunion ; elles ont des pères français », a imploré leur troisième « soeur », en situation régulière, venue témoigner hier soir à Pau.
« C’est révoltant » a déclaré la maire de Pau, Martine Lignières-Cassou, hier, lors d’un repas avec la presse. « Une provocation insupportable » pour Jean Ortiz, du syndicat enseignant Snesup. « La préfecture touche les bas-fonds dans une escalade indigne d’un état de droit », a affirmé Olivier Dartigolles, secrétaire départemental du Parti communiste français.
Un rassemblement est organisé ce soir, à 18 heures, à la faculté des lettres de l’université, amphi 3.
Auteur : odile faure
o.faure@sudouest.com