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Salah Hamouri victime, Israël coupable, la France complice.

Dans son opinion N°34/2017 rendue le 25 avril 2018, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU a jugé illégales tant l’arrestation que la « détention administrative » de Salah Hamouri par l’Etat d’Israël, auquel il est fait injonction de le libérer immédiatement. Faisant fi de cette décision, l’Etat d’Israël a décidé de prolonger de trois mois la détention arbitraire de Salah. Le droit international, Israël n’en a cure, ce d’autant que la France s’assoit dessus de son côté aussi…

C’est officiel. Salah Hamouri passera tout l’été dans sa geôle israélienne, mais toujours sans savoir pourquoi, la moindre charge ne lui ayant toujours pas été notifiée, après désormais 10 mois de « détention administrative ».

Ce qui est non moins officiel, c’est que le droit vient d’être dit relativement à la « détention administrative » infligée à Salah Hamouri, en regard de la légalité internationale. Dans son opinion N°34/2017 en date du 25 avril 2018, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat aux droits de l’hommes de l’ONU, a en effet jugé illégales l’arrestation et la détention arbitraire de Salah Hamouri par Israël.

On peut y lire que ce sont des forces illégitimes, les « forces d’occupation israélienne » intervenant à Jérusalem-est, territoire illégalement annexé et occupé par ces dernières, qui ont procédé à son arrestation, ce qui l’entache d’emblée d’illégalité.

On peut y lire que Salah Hamouri est enfermé sans aucune base légale, sur le fondement d’un prétendu « dossier secret » et qu’il n’a jamais été inculpé du moindre chef d’incrimination ce jour.

On peut y lire encore que Salah Hamouri a été interrogé dans des « conditions inhumaines », qu’il a été maintenu à l’isolement dans des conditions ne permettant pas de satisfaire aux « besoins minimum de vie humaine », transféré à plusieurs reprises à la prison de Ramleh qui présente des « conditions de détention inhumaines ».

Il y est enfin exposé que dans ces conditions d’arbitraire et de non droit, sa « détention administrative » équivaut à une « torture psychologique ».

Les mots sont forts, et pourtant ils sont choisis.

Aucune de ces allégations n’a été ni démentie, ni contestée par Israël, qui a préféré garder le silence dans le cadre de la procédure contradictoire instruite par le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat aux droits de l’hommes.

L’organisme onusien a par ailleurs constaté que rien ne permet de considérer que
M. Hamouri ait pu constituer une menace actuelle, directe et impérative pour l’Etat d’Israël à l’époque de son arrestation, ni moins encore depuis lors et désormais, après plus de 300 jours d’enfermement.

Le verdict est clair et net. La détention de M. Salah Hamouri est arbitraire, à raison de la violation des articles 9 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques - dont Israël est signataire - ainsi que les articles 3, 8 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de la part de l’Etat d’Israël.
Rien moins. Et davantage même, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme assortit sa sentence d’une double injonction à l’encontre d’Israël : libérer immédiatement Salah Hamouri et lui accorder une juste indemnisation pour les préjudices résultants de sa détention arbitraire.

On aurait ainsi pu penser, non pas qu’Israël puisse revenir au droit international, elle s’assoit dessus depuis si longtemps, mais au moins que la France manœuvre habilement, sur le fondement de cette opinio juris, pour obtenir la remise en liberté de son compatriote, notre concitoyen Salah Hamouri. Ce sera pour une autre fois...

Le 5 juin dernier à Paris, le Président Emmanuel Macron a préféré faire honneur à son hôte d’un jour en visite en Europe, M. Benjamin Netanyahou. Il a tenu à lui rappeler combien ils partagent la même conception du « respect de l’autre ». Le propos ne laisse pas de surprendre ou, plutôt, d’effrayer. M. Macron partagerait-il ainsi la même la conception que son homologue israélien en matière de respect des droits de l’homme en général, et de détention arbitraire en particulier ? Il faut croire, jusqu’à preuve du contraire, que la question appelle, et c’est désolant, une réponse affirmative.

Qu’on en juge puisqu’aussi bien l’Elysée a qualifié de « violences », les massacres perpétrés par l’armée israélienne réprimant la Marche du Retour, pacifique et désarmée, de la population gazaouie. Alors qu’il s’agit de « crimes de guerre », qui plus est des plus ignobles lorsque l’on se figure ses images de manifestants froidement abattus à bonne distance par des snipers israéliens. Aussi bien l’Elysée ne s’insurge pas davantage contre la « détention administrative » de notre compatriote Salah Hamouri, jeune avocat que l’on veut broyer pour sa défense des droits humains en Palestine.

C’est à croire que la Présidence de la République partage la conception israélienne assez singulière de l’habeas corpus, puisque alors que son arrestation a pris la forme d’un enlèvement pur et simple, et que sa détention arbitraire se poursuivra pour atteindre une année complète fin août 2018, le sort réservé à Salah Hamouri n’a toujours pas donné lieu à la moindre protestation, en bonne et due forme, de la part du représentant de la Nation.

Officieusement, ainsi qu’il a pu l’écrire à son épouse Elsa Lefort, M. Emmanuel Macron aurait rappelé à M. Netanyahou « la position de la France qui condamne le recours à la détention administrative lorsque celle-ci est abusive, systématique et viole le droit à un procès équitable » avant de lui « demander la libération de Salah Hamouri ».

Officiellement cependant, à ce jour, la France s’est contentée d’émettre un simple « souhait » de le voir libérer. Ainsi le pays qui se revendique (donc abusivement) d’être la patrie des Droits de l’Homme, se satisfait d’un vœu du bout des lèvres, qui n’engage même pas son auteur, et laisse sans contrainte son destinataire. On reste ainsi avec une vague espérance passive, attentiste, subie : une injonction à se résigner en somme. Comme si la nouvelle place de la France était celle de la servitude.

A ce jour, notre compatriote Salah Hamouri attend toujours que son pays affirme une position claire, audible, ferme, préalable à l’action et potentiellement à la sanction.

On se souvient que pour Florence Cassez, inculpée puis condamnée par la justice mexicaine, Le Président Nicolas Sarkozy avait à l’époque unilatéralement décidé de dédier « l’année du Mexique » à cette dernière, ce qui avait conduit à l’annulation cette opération culturelle programmée entre les deux pays.

Visiblement M. Emmanuel Macron n’assurera pas, de la sorte, son soutien à notre concitoyen, otage d’Israël. Pas de dédicace ni d’exigence sine qua non, conditionnant la tenue de la « Saison croisée France-Israël », qui battra son plein à Paris sans que l’on ne s’émeuve...
Si sur les plans politique et diplomatique, cette position, ou plutôt cette non-position du chef de l’Etat est intenable, inacceptable et fait honte, sur le plan du droit, elle signe la complicité de la France à l’égard d’Israël, pour la privation de liberté arbitraire, injuste et cruelle, infligée à Salah Hamouri.

Non seulement par son silence et son immobilisme, la France conforte Israël quant au sort qu’il réserve à notre concitoyen, mais désormais que l’ONU, par l’entremise de son Haut-Commissariat aux droits de l’homme, a rendu une opinio juris qui condamne péremptoirement l’Etat d’Israël, ne pas s’en prévaloir caractérise une connivence délibérée.

Le dernier attendu (55.) de la décision du Groupe de travail onusien rappelle en effet, solennellement, à tous les Etats composant la Communauté internationale, qu’ils se doivent de prendre toutes mesures appropriées aux fins de faire cesser toute privation de liberté arbitraire. C’est là que le bât blesse particulièrement pour la France puisque sur le fondement de cette décision, elle est désormais fondée à se subroger dans les droits de son ressortissant, pour faire respecter, à son égard, le droit international. On appelle cela la protection diplomatique, qui ne se confond pas avec la protection consulaire, laquelle ne conduit qu’à des gesticulations diplomatiques ou des coups d’épées dans l’eau.

La protection diplomatique investit en revanche la France de la possibilité de déplacer le litige de la sphère diplomatique vers le terrain de l’action judiciaire internationale. La France est recevable et se doit de sommer l’Etat d’Israël de libérer immédiatement Salah Hamouri sur le fondement de l’opinion du Haut-Commissariat onusien. A défaut, la saisine de la Cour Internationale de Justice (quand bien même Israël n’est – évidemment - pas signataire de ses statuts, la Cour pouvant rendre un avis consultatif, voire une décision en cas de forum prorogatum (1) ) dans le cadre de l’exercice du régime de la protection diplomatique reconnu par le droit des gens (2).

C’est là la prérogative de la France offerte par le droit international. C’est là son honneur en tant qu’Etat souverain. C’est encore son devoir à l’égard de notre concitoyen.

Las, on ne peut tout à la fois, dérouler le tapis à rouge à M. Netanyahou d’une main, et lui signifier de l’autre une citation devant la justice internationale...

Bérenger Tourné

1) http://www.icj-cij.org/fr/fondements-de-la-competence#1 : « Si un Etat n’a pas reconnu la compétence de la Cour au moment du dépôt, contre lui, d’une requête introductive d’instance », ce qui est le cas d’Israël, néanmoins « il a toujours la possibilité d’accepter cette compétence ultérieurement, pour permettre à la Cour de connaître de l’affaire : en pareil cas, la Cour est compétente au titre de la règle dite du forum prorogatum ».

2) Sur la notion de protection diplomatique : http://legal.un.org/ilc/documentation/french/a_cn4_484.pdf

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