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Réussir l’égalité : la pauvreté n’a pas de couleur

Il y a vingt ans, à la naissance de la Région de Bruxelles-Capitale, Charles Picqué lançait le livre « Réussir Bruxelles ». Vingt ans plus tard, nous lançons un autre défi : « Réussir l’égalité ».

Si vous habitez Saint-Josse-Ten Node, prenez soin de vous. Votre risque de mourir avant d’atteindre l’âge de la pension est 2.4 fois plus grand que si vous habitiez Woluwé-Saint-Lambert [1].

Saint-Josse-Ten Node est la commune la plus pauvre de Belgique. « La plus riche commune de Belgique en 2006 (revenus 2005) est Lathem-St-Martin, située en province de Flandre occidentale, avec un revenu moyen par habitant de 19.820 euros. A l’autre bout du classement, la commune bruxelloise de St-Josse-ten-Node demeure la plus pauvre du royaume avec un revenu moyen de 7.079 euros »[2]. Les deux autres communes les plus pauvres du royaume sont elles aussi bruxelloises : Molenbeek et Saint-Gilles. Après un détour à Farciennes, on retrouve en cinquième position une autre commune bruxelloise : Schaerbeek. Triste palmarès.

Un quart des Bruxellois vit sous le seuil de « risque de pauvreté ». D’après les experts, il y a « risque de pauvreté » quand une personne isolée doit vivre avec 860 euros par mois[3]. De nos jours, les experts sont devenus très prudents, on ne parle plus de « seuil de pauvreté », mais de « seuil de risque de pauvreté ». Proposons à un expert de vivre, disons trois mois, avec 860 euros de revenu mensuel dans notre belle capitale, histoire de prendre bien la mesure du risque…

32% de nos jeunes de moins de 25 ans sur le marché de l’emploi sont au chômage. Et il s’agit d’une moyenne sur l’ensemble des dix-neuf communes ! Que deviennent ces pourcentages dans les quartiers les plus pauvres de Saint-Josse, Molenbeek ou Saint-Gilles ?

Garde-t-on ces statistiques bien au chaud pour pouvoir expliquer, dans un futur de plus en plus proche, les « causes » des révoltes des jeunes, tout en s’empressant de les condamner ?

Les écarts de richesse entre communes bruxelloises, et entre quartiers prospères et quartiers sinistrés, ne font que se consolider, année après année. Ces fossés sont à l’image de ceux qui existent, partout dans le monde, entre régions riches et régions pauvres. Et, au sein de chaque partie du monde, entre riches et pauvres.

La Région bruxelloise n’est qu’un petit bout de terre où se concentrent ces injustices flagrantes. On peut voir, sentir, toucher ces inégalités d’une station de métro à l’autre, à peine un kilomètre de voyage. Il ne faut même pas prendre l’avion. Et pourtant, dans notre société si démocratique, des jeunes n’ont pas assez d’argent pour sortir de leur quartier.

Saint-Josse-Ten Node est aussi la commune comptant le plus de nationalités (plus de cent cinquante) et de langues (une soixantaine). Cette particularité, qu’on retrouve dans tous les quartiers pauvres de Bruxelles, fait oublier à certains que le problème fondamental est celui des classes sociales et de la répartition des richesses et non le problème de l’origine nationale, de la religion, de la langue ou de la culture.

Quand calculera-t-on enfin le « seuil maximum de risque de richesse indécente » ? Quand remettra-t-on enfin au coeur du débat la question essentielle de la justice sociale, de la répartition correcte des richesses produites, et ceci indépendamment de toute autre considération ?

C’est ça, le défi de l’égalité. C’est le mien, c’est le nôtre.

Nadine Rosa-Rosso

Notes

[1] Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté 2008, page 52

[2] Lathem-Saint-Martin, commune la plus riche. Saint-Josse la plus pauvre, 21/03/2008, Trends.be

[3] idem

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