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Renoncer à la viande peut sauver la planète (Countercurrents)

Quand on parle de réchauffement climatique la plupart des gens pensent au tort causé à la planète par les raffineries de pétrole, les centrales électriques au charbon, les voitures et les usines qui crachent de la fumée. Mais selon l’Organisation pour la Nourriture et l’Agriculture des Nations Unies, le bétail est responsable de 18% des gaz à effet de serre, c’est à dire plus que les voitures, les avions et tous les moyens de transport réunis.

Devenir végétarien pourrait être le meilleur moyen de diminuer notre empreinte écologique, de réduire la pollution et d’économiser l’énergie et l’eau. En tous cas, c’est ce que croit le Docteur Rajendra Pachauri, président du Panel Intergouvernemental de l’ONU pour le Changement Climatique. Cet économiste indien dit que réduire sa consommation de viande ou carrément la supprimer est un des choix personnels les plus importants qu’on puisse faire face au changement climatique.

Etre végétarien a parfois été considéré comme une lubie ou un luxe dans certains pays, mais c’est pourtant en train de devenir une nécessité, selon le Dr Pachauri.

L’impact environnemental

La quantité de viande que les êtres humains consomment est énorme. En 1965, 10 milliards d’animaux ont été tués. Aujourd’hui ce chiffre est de 55 milliards. Il y a plus de poulets tués aux Etats-Unis chaque année que de personnes sur terre et il y a un milliard de têtes de bétail en vie, ce qui représente deux fois le poids de toute la population humaine.

Tout ce bétail a besoin de terre, ce qui se fait au détriment de la vie sauvage et des forêts. Le bétail est le plus grand utilisateur de terre au monde. Les pâturages occupent 26% de la surface non gelée de la terre et la culture de la nourriture du bétail monopolise environ un tiers des terres arables.

Cette production de viande nécessite des quantités énormes de terre, d’eau et d’énergie sans comparaison avec la production de nourriture végétale et ce n’est pas surprenant que dans son rapport de 2010, l’ONU explique que le mode d’alimentation occidental qui privilégie la viande deviendra insoutenable dans l’avenir étant donné l’accroissement prévu de la population mondiale. La demande de viande devrait doubler vers 2015. La consommation de viande est déjà en train d’augmenter régulièrement dans des pays comme la Chine qui autrefois avaient des habitudes alimentaires à base de végétaux plus supportables pour la planète.

Quelqu’un qui se nourrit principalement de protéines animales a besoin de 10 fois plus de terre pour subsister que quelqu’un qui se contente de protéines végétales. La production de viande nécessite infiniment plus d’énergie que celle des plantes parce que le bétail consomme 16 fois plus de grain qu’il ne produit de viande : il faut 16 kilos de grain pour faire un kilo de boeuf.

L’élevage des animaux absorbe environ 40% de la production mondiale de grain. Aux Etats-Unis,c’est presque 70% de la production de grain. Si l’humanité continue à manger de plus en plus de viande, cela accentuera la pression sur la terre et augmentera la consommation d’eau, et on fabriquera toujours plus d’engrais et de pesticides. Cela générera donc encore plus de pollution et de gaz à effet de serre.

Les fermes modernes (qu’elles se consacrent à la culture ou à l’élevage) sont obligées d’utiliser beaucoup de produits chimiques qui émettent les principaux gaz à effet de serre : le dioxyde de carbone qui provient du fuel utilisé par les machines et des produits chimiques, l’oxyde d’azote (300 fois plus puissant que le dioxyde de carbone) qui provient des engrais et du méthane (éructé par le bétail).

Le bétail est à l’origine d’environ 9% des émissions de dioxyde de carbone, 37% des émissions de méthane et 65% des émissions d’oxyde nitrique de toute l’humanité. Cela inclut les émissions de dioxyde de carbone dues à la déforestation en Amérique centrale et Amérique du sud dont l’élevage est responsable.

Si on pense que 5 litres d’essence sont nécessaires pour produire un demi kilo de boeuf nourri au grain, on s’aperçoit tout de suite que la production de viande est une industrie dévoreuse de pétrole et d’énergie.

Selon l’Organisation pour la Nourriture et l’Agriculture, "la déforestation causée par l’élevage est une des causes principales de la disparition d’espèces animales et végétales spécifiques aux forêts tropicales d’Amérique centrale et du sud ainsi que de l’émission de carbone dans l’atmosphère".

Selon le rapport de 2010 du Panel International du Management des Ressources Soutenables du Programme Environnemental des Nations-Unies : "Les impacts de l’agriculture sont susceptibles de s’aggraver fortement à cause de l’augmentation de la population et de la consommation de produits animaux... Il serait possible de réduire substantiellement ces impacts en changeant les habitudes de consommation et en cessant de consommer de la viande."

Selon la Fondation pour la Population des Etats-Unis, "Chaque citoyen étasunien consomme environ 180 kilos de viande par an, le taux le plus haut du monde. C’est environ une fois et demi de plus que la consommation moyenne des pays industrialisés, trois fois celle de l’Asie de l’est et 40 fois celle du Bengladesh".

Les chercheurs de l’Université Cornell ont souligné que les Etats-Unis pourraient nourrir 800 millions de gens avec le grain que mange le bétail.

Une viande qui nécessite énormément d’eau

La production de viande exige énormément d’eau, une ressource qui pourrait se faire rare dans les années à venir. John Anthony Allan, professeur à l’Ecole des Etudes orientales et africaines de l’université de Londres, prétend que le consommateur de viande étasunien consomme environ 5 mètres cubes d’eau, le double d’un végétarien. Mais toutes les viandes n’ont pas besoin d’autant d’eau.

Il dit que le boeuf nécessite 15 500 litres d’eau par kilo et le poulet 3 900 litres. Par conséquent les consommateurs pourraient au moins réduire leur consommation de boeuf étant donné que c’est la viande qui nécessite la quantité d’eau la plus insoutenable.

Dans son livre, Stolen Harvests, (récoltes volées) l’environnementaliste Vandana Shiva dit que pour chaque livre de viande rouge, volaille, oeufs et lait produits, la culture perd environ 5 livres de bonne terre de surface. Elle dit aussi qu’il faut environ 950 litres d’eau par jour pour élever un animal, soit 10 fois la quantité d’eau dont dispose une famille indienne normale par jour pour celles qui ont de l’eau.

Le grand aquifère Ogallala est la nappe d’eau potable la plus grande au monde. Son eau vient de la fonte des glaciers de l’époque glacière. Il ne reçoit pas d’eau de pluie. L’écrivain John Robbins note que chaque année 65 000 milliards de litres d’eau sont prélevés sur l’aquifère. On utilise plus d’eau de l’aquifère pour la production de boeuf chaque année qu’on en utilise pour cultiver les fruits et légumes de tous les Etats-Unis. Robbins dit que ce n’est qu’une question de temps avant que la plupart des puits du Kansas, Nebraska, Oklahoma, Colorado et New Mexico ne s’assèchent et que des pans entiers de ces états ne deviennent inhabitables.

C’est un rappel salutaire de ce qui attend d’autres pays si leur consommation de viande explose.

Le bien être des animaux

Il existait bien sûr des arguments contre la consommation de viande et de produits animaux, bien avant que le changement climatique ou le réchauffement climatique n’arrivent sur le devant de la scène. Différentes religions et traditions philosophiques ont enseigné aux hommes à ne pas tuer, estropier, torturer ni exploiter des créatures vivantes pour se nourrir ou pour d’autres raisons.

Mais nous tuons, estropions, torturons et exploitons quand même. Il y en a beaucoup d’exemples, mais prenons les poulets. Pendant les 50 dernières années il y a eu deux sortes de poulets - les poulet à viande et les pondeuses. Ils ont des corps différents, mis au point pour des ’fonctions’ différentes. Les pondeuses font des oeufs et les poulets à viande de la viande. Au cours des 50 dernières années, ils ont été formatés pour grandir plus de deux fois plus en moins de la moitié du temps. Autrefois les poulets pouvaient vivre de 15 à 20 ans, mais on tue le poulet à viande moderne à environ 6 semaines. Ils grandissent chaque jour environ 400 fois plus vite qu’avant.

Tous les poulet pondeurs mâles qui naissent aux Etats-Unis, c’est à dire plus de 250 millions de poulets par an, sont détruits en les aspirant pour la plupart à travers une série de tuyaux vers une plateforme électrifiée. On en jette une partie dans de grands containers en plastique. Les plus faibles sont piétinés par les autres et suffoquent lentement au fond et les plus forts suffoquent lentement au dessus. D’autres sont envoyés vivants dans les broyeurs.

Par conséquent, si le réchauffement global ne suffit pas à nous faire réfléchir et à nous inciter à devenir végétarien ou à réduire nôtre consommation de viande, penser aux traitements cruels infligés aux autres espèces peut peut-être nous décider.

A beaucoup d’égards et grâce à ses différentes traditions, l’Inde a une longueur d’avance en ce qui concerne la non consommation de viande. C’est aussi bien si l’on considère que 17% de la population mondiale y vit sur seulement 2 ou 3% de la terre de la planète et que le pays doit déjà faire face au manque d’eau et au manque d’espace pour la vie sauvage.

Selon une Etude sur l’Etat de la Nation de 2006, 31% des Indiens sont végétariens et 9% consomment des oeufs. L’Inde a un système de marquage des produits de consommation constitués uniquement d’ingrédients végétariens (non animaux) : c’est un point vert dans un carré vert.

L’agriculture chimico-industrielle en général

Mais ne nous laissons pas obnubiler par la production de viande. La profonde dépendance à l’énergie fossile montre que le système de nourriture moderne, qu’il soit à base de viande ou de plantes, est généralement nocif pour l’environnement.

Au cours des 100 dernières années, le système mondial de nourriture a subi un changement radical. On est passé d’une production de nourriture locale soutenable à un système industriel dépendant du pétrole. De fait l’agriculture a davantage changé en deux générations qu’au cours des 12 000 années précédentes et l’industrie agricole moderne génère des gaz de serre dans presque tous les domaines.

James E McWilliams pense que beaucoup de gens s’en sont rendu compte et se sont tourné vers de la viande, des oeufs et des produits laitiers non industriels. Depuis 10 ans, on constate l’accroissement du nombre des animaux élevés en plein air et nourris à l’herbe. C’est le fait de petites fermes organiques qui utilisent des méthodes de production plus humaines et qui semblent, en tous cas, être plus en harmonie avec la nature.

Vandana Shiva souligne l’impact catastrophique de la production moderne de viande sur l’environnement et elle va même jusqu’à affirmer que c’est le mode d’agriculture moderne lui-même qu’il faut changer. Pour elle, il ne s’agit pas seulement de remplacer la viande par le repas végétarien suggéré par McDonalds ou trouvé au rayon fastfood surgelé du supermarché local pour faire du bien à la planète et à nous-mêmes.

En Inde, les gens doivent savoir que leur prochain repas de riz et de légumes est susceptible de contenir 40 fois plus de pesticides que le même repas pris par un Américain. C’est parce que l’Inde est un des plus gros utilisateurs de pesticides. Les gombos, les choux, les tomates et les choux-fleurs notamment peuvent en contenir des taux dangereusement élevés et les fruits et les légumes sont aspergés et manipulés pour accélérer leur maturation et leur donner de plus belles couleurs. Selon des chercheurs de l’Ecole de Sciences Naturelles et d’ Engineering de l’Institut National d’Etudes Avancées de Bangalore, en 2008, de nombreuses récoltes destinées à l’exportation ont été rejetées internationalement à cause du taux élevé de résidus de pesticides.

Shiva affirme que ce type d’agriculture intensive industrielle et chimique qui nécessite énormément d’eau, d’engrais, de pesticides, etc, détruit la biodiversité et contribue au changement climatique non seulement en Inde mais dans le monde entier. Cette agriculture a peut-être amélioré la production sur le court terme mais au prix d’une dégradation épouvantable de l’environnement et de toutes façons elle est insoutenable sur le long terme.

Les fermes industrielles modernes dépendent de l’énergie fossile depuis les machines agricoles aux produits chimiques utilisés pour donner une fertilité artificielle au sol, protéger les récoltes contre toutes les nuisances et détruire les mauvaises herbes. C’est l’usage du pétrole dans les fermes et la fabrication des engrais et autres produits chimiques agricoles qui détruit l’environnement. Pour Shiva, la solution est de revenir au modèle basique en encourageant des méthodes biodiverses, organiques et locales de production de la nourriture.

Elle affirme que dans les petites fermes organiques et biodiverses, surtout dans les pays moins développés, il n’y a pas la moindre trace de pétrole. L’énergie nécessaire aux travaux de la ferme est fournie par les animaux et non par des machines ou des engrais fabriqués dans des usines locales polluantes, et le sol est fertilisé par le recyclage des matières organiques.

Toutefois renoncer aux méthodes modernes de production de la nourriture peut se révéler plus facile à dire qu’à faire. L’industrie agroalimentaire, connue pour son manque de scrupules et ses appuis politiques très puissants, a beaucoup investi dans la fabrication des engrais, pesticides et semences (sans oublier le secteur des graines génétiquement modifiées) et elle fera tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir le très lucratif système actuel. Il ne faut pas oublier que l’industrie de l’huile de moutarde locale a été délibérément détruite en Inde à la fin des années 1990 par la main ’invisible’ de l’industrie agroalimentaire mondiale. Il ne faut pas oublier non plus que l’arrivée de Monsanto en Inde a détruit la vie de millions de personnes du secteur agricole.

Mais revenons à à notre sujet de départ : la viande. L’auteur James E McWilliams soulève une question éthique de première importance quand il dit que ce qui importe n’est pas tant la manière dont nous produisons les produits animaux, ce qui importe en fin de compte c’est de savoir s’il faut en produire du tout.

Pour résoudre ce dilemme il faut s’interroger en profondeur sur ce que cela nous fait, à nous personnellement, d’exploiter et de massacrer massivement les créatures vivantes avec lesquelles nous partageons cette planète. Même si cela ne nous fait ni chaud ni froid, tout porte à croire que, sur le long terme, l’équilibre écologique de la planète, lui, n’y résistera pas.

Colin Todhunter

Colin Todhunter est né dans le nord ouest de l’Angleterre et a vécu en Inde de nombreuses années. Il a beaucoup écrit pour le Deccan Herald (basé à Bangalore), le New Indian Express et le Morning Star (britannique). Pour consulter son site web : http://colintodhunter.blogspot.com

Pour consulter l’original : http://www.countercurrents.org/todhunter140812.htm

Traduction : Dominique Muselet

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