Cette opération est "un nouveau coup dur porté à ETA". L’auraient-ils répété jusqu’à s’en convaincre ? Non, cette fois il est apparu au grand jour que ce message dont les Gouvernements français et espagnol usent et abusent à chaque arrestation n’est qu’artifice. S’étant aventuré tel un novice dans la communication offensive contre l’ETA, le nouveau ministre de l’Intérieur français Bruno Le Roux a mis les deux pieds dans le plat. Il s’est avéré que par leur intervention à Louhossoa, les policiers ont entravé le désarmement de l’organisation armée qui elle a hâte de se défaire de cet adjectif inadapté à sa nouvelle stratégie. Plus largement, le Gouvernement français a tenté de nuire au processus de paix, ce processus de transformation du conflit engagé par la société basque en 2011.
Serait-ce parce que, parfaitement informé de ce qui se préparait, le Gouvernement craignait que ce dossier se présente à lui comme un problème franco-français ? Il pensait sans doute qu’il pourrait continuer à ignorer ce problème qui le poursuit depuis des décennies. Lui qui se soucie de la sécurité de ses concitoyens lorsque des militants pacifistes essaient de détruire un arsenal, laisse dispersées sur son sol des caches d’armes. Mais par leur action, les personnes interpellées vendredi dernier ont rappelé que le désarmement n’était qu’un élément dans la résolution intégrale du conflit. Les victimes, la mémoire, la vérité, les causes du conflit, les détenus, autant de noeuds qu’une simple perceuse à colonne ne pourra défaire mais pour lesquels l’Etat français pourrait avoir la clé.
Pour l’instant, il sera bien obligé d’endosser la responsabilité de ce qui est arrivé à Louhossoa. Malgré des invitations à l’engagement, le gouvernement de François Hollande n’a pas créé de conditions favorables à cette résolution. Et par l’intervention de Louhossoa, il décide d’empêcher la neutralisation des armes et enclenche la voie judiciaire. Pour l’Etat français, Louhossoa est un rendez-vous manqué avec le processus de paix.
Cette image restera dans la mémoire des Basques, et de tous ceux qui se sont sentis abusés par le mensonge d’Etat. Le mythe de cette organisation clandestine déterminée à exister à travers ses armes est tombé en quelques heures. Il a suffi que MEDIABASK publie les documents signés par Michel Berhocoirigoin, Jean Noël Etcheverry "Txetx", Michel Tubiana et le bureau directeur d’ETA, pour que ces malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste apparaissent comme des artisans de la paix.
"On aurait pu nous prendre pour des rigolos", déclarait une des personnes interpellées, mais cela fut loin d’être le cas. Manifestations, initiatives d’acteurs locaux, interpellations du gouvernement, pétitions pour libérer "les cinq", parmi lesquels se trouve notre éditorialiste Béatrice Molle-Haran, ce mouvement sans précédent en faveur de la résolution du conflit n’a pas laissé de place aux esprits mal intentionnés. La société du Pays Basque Nord est suffisamment mûre pour ne pas laisser détruire ce projet commun qu’est la paix.
Face à cette marée de militants de la résolution du conflit, ce réseau d’artisans de la paix, la balle est à présent dans le camp du Gouvernement. L’occasion lui est à nouveau donnée avec les événements de Louhossoa de s’engager enfin dans la construction de la paix. Un engagement indispensable à défaut duquel de nouveaux artisans de la paix prendront à nouveau leurs responsabilités de citoyens.
Goizeder TABERNA