Au terme de plusieurs mois de tractations entre le Président de la République, le gouvernement, les groupes parlementaires et les associations d’élus, au premier rang desquelles l’Association des Régions de France (ARF), le Président de la République a tranché.
Le nombre de régions passera de 22 à 14, les métropoles sont confirmées, l’intercommunalité, les métropoles, voire les régions, se substitueront progressivement aux Conseils généraux, les préfets de région voient leurs prérogatives élargies, les préfets de départements et les administrations d’Etat dans les départements sont maintenus mais leurs missions restent à déterminer.
La CGT conteste la forme et le fond de cette réforme structurelle qui va durablement impacter les conditions de vie et de travail des salariés, actifs, en recherche d’emploi ou retraités. Sur la forme, la CGT ne peut accepter l’opacité dans laquelle a été conduite cette réorganisation majeure des prérogatives respectives de l’Etat et des collectivités locales. Elle ne peut admettre qu’une nouvelle géographie affectant dans un premier temps les régions puis les départements soit dessinée sans que les organisations syndicales confédérales de salariés et plus largement la société civile soit consultée sur les objectifs poursuivis et leur traduction dans l’organisation des pouvoirs.
Jamais une telle refonte institutionnelle n’a été menée sans une longue phase préalable de consultations, voire de négociations, portant sur ses ambitions et ses finalités, sur ses conséquences économiques et sociales, sur les transitions à opérer. De manière précipitée, surréaliste et empirique, des présidents de Conseils régionaux, individuellement ou en groupes, ont saisi les CESER (Conseil économique, social et environnemental régional) à émettre des avis sur les redécoupages éventuels des régions. N’ont-ils pas cherché à instrumentaliser la société civile pour servir leurs desseins individuels ? Quelles suites vont-ils réserver à ces demandes maintenant que la carte est redessinée ?
Sur le fond, la CGT conteste les finalités de cette nouvelle architecture institutionnelle. Elles s’inscrivent dans la logique mortifère de l’austérité et de la compression des dépenses publiques qui affectent toutes les administrations publiques : Etat, collectivités locales et hôpitaux ... Et plus généralement tous les services publics. Elles répondent aux voeux de la Commission européenne qui reste vigilante sur la mise en oeuvre du programme de stabilité imposé à tous les Etats dont la France. L’accélération dans la mise en oeuvre de cette réforme et l’absence de démocratie sociale et citoyenne dans son élaboration puisent leurs racines dans la recherche de financement des 50 milliards d’euros du « Pacte de responsabilité », dont 11 milliards d’économies demandées aux collectivités locales. Cette compression de la dépense publique et les réorganisations de services auront des conséquences sociales et professionnelles sur les fonctionnaires et les agents publics touchés de plein fouet. Par ailleurs, quels sens et contenu donner à la création de « maisons de services au public » dans un contexte de réduction des moyens dévolus aux services publics ? Une nouvelle fois, ce sont les salariés et les populations qui vont subir la satisfaction des désidératas du patronat et des actionnaires.
La nomination d’un nouveau Secrétaire d’Etat chargé de la Réforme de l’Etat et de la Simplification, directement rattaché au Premier ministre, confirme la volonté du gouvernement de gérer la France comme une entreprise au service des grandes entreprises.
Cette réforme porte en germe des options stratégiques « régionalistes » s’inscrivant dans une mise en concurrence des territoires. De plus, alors que la pauvreté et l’exclusion sociale et professionnelle explosent du fait d’un chômage exponentiel, les services publics de proximité et le tissu associatif oeuvrant dans ce champ voient leurs moyens d’intervention réduits. Quel bilan et devenir du plan de lutte contre la pauvreté ? Enfin, la perspective de doter les futures régions de pouvoirs réglementaires étendus sans précision sur le contenu et le périmètre fait craindre un accroissement des mises en concurrences. D’ores et déjà, des voix s’élèvent pour revendiquer un « SMIC régional ».
La CGT s’exprime contre ce projet. Elle estime que toute réforme territoriale doit être précédée d’une large consultation publique associant les organisations syndicales confédérales de salariés et plus largement les principaux acteurs de la société civile.
Pour la CGT, les questions afférentes à l’organisation des compétences sur un espace territorial et à la redéfinition des prérogatives respectives entre l’Etat, ses services déconcentrés dans les territoires et les collectivités locales doivent avoir pour fil conducteur la réponse pérenne aux besoins sociaux, économiques et environnementaux d’aujourd’hui et de demain.
Ambitionner un aménagement solidaire des territoires suppose de prioriser la coopération et la mutualisation à l’opposé des mises en concurrences, des balkanisations entre des espaces urbains drainant les richesses et des espaces ruraux voués à la désertification. Cette vision appelle un Etat stratège, développeur et opérateur, garant de l’intérêt général, de l’effectivité des droits fondamentaux, de l’égalité et de la cohésion sociale et territoriale.
La CGT considère que l’Etat doit développer les filières industrielles et favoriser, sur tout le territoire, le déploiement de services publics de qualité en termes de transport, de logement, de formation initiale et professionnelle, d’enseignement supérieur, d’innovation, de santé, etc.
La CGT estime que la démocratie sociale doit pouvoir s’exercer à tous les niveaux territoriaux et se traduire par des dispositifs et des droits nouveaux.
La CGT partage, comme le Président de la République, l’idée que la réforme territoriale est un « sujet important pour l’avenir du pays ». Raison de plus pour que la concertation et la démocratie sociale et citoyenne soient privilégiées.
CGT
Montreuil, le 4 juin 2014